Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.
La Charte contient plusieurs articles sur la consultation entre le pouvoir central et les autorités infranationales. Comme il est mentionné ci-dessus (voir para 166), l’article 4, paragraphe 6, énonce le droit général des collectivités locales d’être consultées, en tant que principe fondamental de l’autonomie locale. Deux autres dispositions – l’article 5 sur les limites territoriales des collectivités locales et l’article 9, paragraphe 6, sur les questions financières – portent sur des domaines de consultation spécifiques.
Le Congrès a aussi adopté des recommandations sur la consultation des collectivités locales. Dans sa Recommandation 171 (2005), le Congrès souligne que le droit des collectivités locales d’être consultées est un principe fondamental de la pratique juridique et démocratique européenne, dont le but est de contribuer à la bonne gouvernance. En vue de promouvoir celle-ci, la consultation des collectivités locales devrait être un élément indispensable de la prise de décision, afin que les attentes des collectivités locales puissent être connues en temps utile et prises en compte de façon appropriée dans les décisions des autorités centrales. Des mécanismes de consultation devraient être solidement établis dans les relations démocratiques et politiques entre l’Etat et les collectivités territoriales. Les processus de consultation semblent connaître une évolution générale vers un système de négociation entre le gouvernement et les collectivités territoriales. Bien que le concept de consultation appropriée (article 4, paragraphe 6, de la Charte) n’ait encore donné lieu à aucune jurisprudence spécifique, il existe déjà dans plusieurs pays une « jurisprudence » abondante sur les effets juridiques d’un défaut de consultation des collectivités territoriales. Concernant l’organisation territoriale, le Congrès a souligné que la règle générale devrait être la consultation préalable des collectivités territoriales concernées.
Dans la Résolution 347 (2012), le Congrès a amorcé l’élaboration pour 2013 d’une stratégie visant à renforcer les processus de consultation entre les différents niveaux de gouvernement afin d’améliorer la qualité de la législation et, partant, les politiques locales et régionales, ainsi que l’efficacité de tels processus de consultation dans les Etats membres.
Dans la Recommandation 328 (2012), le Congrès affirmait que le droit des collectivités territoriales d’être consultées, tel qu’énoncé dans les articles 4.6, 5 et 9.6 de la Charte, constitue l’un des principes fondamentaux de la démocratie locale. Les autorités locales devraient par conséquent être consultées et jouer un rôle actif dans l’adoption des décisions sur toutes les questions qui les concernent, et ce d’une manière et dans des délais tels que les autorités locales aient une possibilité effective de formuler et de détailler leurs opinions propres et leurs propositions, afin d’exercer une influence sur le processus de décision qui les concerne.
Les procédures de consultation doivent être clairement définies et transparentes et constituer un élément incontournable du processus politique et législatif, permettant aux collectivités locales d’exprimer leurs intérêts et leurs positions en temps utile pour que ceux-ci soient pris en compte dans la formulation des politiques et de la législation. Les autorités centrales et régionales doivent fournir des informations claires et détaillées, par écrit, au sujet des politiques proposées, bien avant la date des consultations, afin que les personnes consultées soient convenablement informées des motifs et des objectifs de toute décision ou toute politique envisagée. Les décisions d’une grande importance stratégique doivent reposer sur une analyse approfondie des implications pour l’autonomie ainsi que des conséquences économiques pour les niveaux local et régional. L’expertise des collectivités locales et régionales doit être mise à profit à un stade précoce du processus politique et législatif, par exemple par la participation aux groupes de travail chargés de préparer les nouveaux textes de loi. Les collectivités locales et régionales doivent disposer d’un droit de recours clairement défini si elles considèrent que les consultations nécessaires n’ont pas été conduites convenablement et d’un droit à réparation s’il est établi que les procédures n’ont pas été dûment respectées.
Le texte de la Charte ne définit pas le concept de consultation. Toutefois, sachant que la Charte a pour fonction fondamentale d’établir et de promouvoir les droits des collectivités territoriales, la consultation entre les autorités centrales et territoriales peut être définie comme un processus par lequel les parties cherchent à obtenir mutuellement des informations, des conseils et des avis sur des sujets particuliers et à en débattre. Du point de vue des autorités territoriales, les principales fonctions de la consultation sont les suivantes : - obtenir des informations pertinentes sur les processus décisionnels des autorités centrales touchant à leurs intérêts ; - donner aux collectivités locales la possibilité d’exprimer leur point de vue et leur opinion sur les textes législatifs et réglementaires, à tous les stades du processus décisionnel ; - formuler des propositions, et soumettre des réclamations ou des plaintes au pouvoir central, avec obligation pour celui-ci d’y répondre.
Comme il est mentionné ci-dessus (paragraphe 171), l’article 5 de la Charte porte sur un domaine spécifique de la consultation (les modifications des limites territoriales), tandis que l’article 6 établit le droit général à la consultation, mentionnant aussi quelques principes directeurs. Par définition, les dispositions générales de l’article 4.6 s’appliquent aussi au domaine spécifique de la modification des limites territoriales. Le critère causé par l’article 4.6 relatif à la « façon appropriée » doit être interprété comme un principe de consultation « rationnel », qui requiert évidemment que la consultation se déroule de telle manière que les collectivités territoriales aient véritablement la possibilité de formuler et d’expliquer leur point de vue et leurs propositions. Certes, rien ne garantit que les autorités centrales, que la loi autorise à légiférer et à prendre des décisions, accepteront les avis des collectivités infranationales, mais une condition spécifique exige qu’ils soient pris en compte avant toute décision définitive.
Le critère « en temps utile », prévu par la Charte, vise à garantir que les modalités et le calendrier des consultations doivent être tels que les collectivités locales aient une possibilité effective d’exercer une influence sur les décisions qui les concernent. Comme le rapport explicatif de la Charte le précise, certaines conditions exceptionnelles, particulièrement en cas d’urgence, peuvent prendre le pas sur le droit de consultation des collectivités locales, mais cela ne doit être autorisé qu’exceptionnellement. La Charte ne précise pas de manière normative et générale ce qu’il faut entendre par « en temps utile », car cette durée dépend de beaucoup de facteurs propres aux Etats membres. Toutefois, plus la question concernée est spécifique, plus cette durée est facile à déterminer, en tenant compte également des usages et des attentes des collectivités territoriales. Le critère du « temps utile » pourrait être assimilé à un « délai raisonnable ».
Plus spécifiquement, l’article 5 de la Charte contient une garantie procédurale des droits des collectivités territoriales : il requiert une consultation des collectivités territoriales concernées sur tout projet de modification de leurs limites territoriales, avant qu’une quelconque action soit engagée. Ce principe pose l’obligation fondamentale de notifier les collectivités concernées de toute proposition visant à modifier leurs limites territoriales, à la fois lorsqu’il s’agit d’une collectivité donnée et lorsque l’ensemble de la structure territoriale est modifié. L’instance décisionnelle, avant toute action définitive, doit recueillir l’avis des collectivités territoriales concernées. En d’autres termes, une modification des limites territoriales ne peut intervenir qu’après sollicitation de l’avis des autorités – communes et/ou régions – concernées. L’esprit de la Charte – qui requiert un partenariat entre le pouvoir central et les collectivités locales basé sur la confiance réciproque et la coopération – est alors respecté.
Lorsque la modification des limites territoriales ou du statut administratif d’une collectivité se fait contre la volonté d’une majorité écrasante de la population locale, non seulement la collectivité concernée mais aussi sa population peuvent aisément perdre leur confiance vis-à-vis des institutions et processus démocratiques. Les pouvoirs nationaux doivent donc présenter et expliquer un concept cohérent pour justifier la modification des limites territoriales, basé sur des raisons d’intérêt public plausibles. Enfin, les résultats de la consultation ne sont pas contraignants pour les instances décisionnelles, mais il est important de garantir la transparence et la légitimité procédurale (dite « de traitement ») des décisions sur les choix territoriaux, surtout lorsqu’une part importante de la population locale/régionale désapprouve la modification des limites territoriales.
Compte tenu de l’importance attachée à une consultation appropriée et effective, propre à garantir la confiance et la légitimité, et menée en temps utile (c’est-à-dire avant la réforme territoriale), la pratique selon laquelle le pouvoir central consulte uniquement les associations nationales de pouvoirs locaux/régionaux lors d’une restructuration de l’ensemble du système d’administration locale, ou lors d’une fusion de plusieurs collectivités locales/régionales en entités plus vastes, n’est pas conforme aux exigences de la Charte. Les dispositions de celle-ci requièrent une consultation avec toutes les collectivités locales/régionales concernées, surtout lorsque leur nombre est relativement faible et que la consultation de chacune d’elles est aisément réalisable (comme c’est le cas pour les régions françaises).
La question de la consultation préalable en cas de modification des limites territoriales de collectivités locales est fondamentale et essentielle pour les collectivités territoriales de tous les pays. En France, la question de la modification des limites territoriales des régions est particulièrement controversée depuis la présentation au Sénat, le 18 juin 2014, du projet de loi relatif « à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral » (ciaprès la « loi sur les régions »). Le choix du gouvernement d’une « procédure accélérée » (également controversée) pour l’examen de la loi par les deux chambres montre qu’il s’attendait à ce que ce thème – en particulier les limites territoriales des régions – suscite un vaste débat, ce qui a en effet été le cas. Le projet de loi visait principalement à réduire le nombre des régions métropolitaines de 22 à 14 (initialement), certaines d’entre elles étant fusionnées et d’autres restant inchangées. Après de nombreux débats et amendements, le Sénat a finalement adopté le projet de loi en première lecture mais voté la suppression de l’amendement destiné à réduire le nombre des régions. L’Assemblée nationale a rétabli une nouvelle carte de 13 régions, que le Sénat a étendue à 15 en deuxième lecture, l’adoptant à une étroite majorité composée d’un seul parti. Les 13 régions ont de nouveau été rétablies par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Faute d’un accord entre les deux chambres, une commission mixte a été créée mais aucun terrain d’entente n’a pu être trouvé et, le 17 décembre 2015, l’Assemblée nationale a adopté le texte définitif instaurant 13 régions. Enfin, le 19 décembre, un groupe de 60 députés et 60 sénateurs a contesté la loi comme étant inconstitutionnelle, portant un recours devant le Conseil constitutionnel (présenté plus en détail ci-après). Suite à la décision du 15 janvier 2015 du Conseil, dans laquelle il rejette ce recours, la loi a finalement été promulguée le 16 janvier 2015, avec une date d’entrée en vigueur des nouvelles limites territoriales fixée au 1er janvier 2016.
L’intensité des convictions qui se sont exprimées à l’Assemblée nationale et au Sénat sur la question de la modification des limites territoriales des régions s’est également reflétée au niveau des citoyens et de leurs associations et elle a inspiré les questions des rapporteurs lors de la visite de monitoring. La question a continué de susciter des débats animés dans l’ensemble du pays du fait des élections régionales de décembre 2015 et de l’entrée en vigueur des nouvelles régions fusionnées à compter du 1er janvier 2016. Lors de certaines rencontres des rapporteurs avec des responsables politiques régionaux et locaux français, de vives critiques ont été exprimées concernant l’absence de consultation préalable, tandis que lors de la visite dans la région de Champagne-Ardenne, il est apparu clairement que le projet de fusion avec l’Alsace suscitait la colère des responsables politiques locaux et régionaux champenois. Cela étant, la loi sur les régions, adoptée par le Parlement le 16 janvier 2015, suit son cours, et aucun référendum ne sera organisé sur cette question, comme certains opposants l’ont proposé.
Le Conseil constitutionnel a rendu le 15 janvier 2015 la première des deux décisions importantes de 2015 concernant les aspects juridiques de la fusion et de la consultation préalable au sens de l’article 5 de la Charte. Le deuxième recours contestant également la loi sur les régions a été porté devant le Conseil d’Etat, consistant cette fois en une demande d’annulation du décret n° 2015-939 publié le 30 juillet 2015, relatif à l’élection des conseillers régionaux suivant le nouveau découpage des régions. Ces deux recours sont décrits plus en détail ci-dessous.
Concernant la décision du Conseil constitutionnel, les 120 députés et sénateurs auteurs du recours ont affirmé que la loi sur la fusion et la délimitation des régions (loi sur les régions) constituait une violation de l’article 5 de la Charte européenne de l’autonomie locale et que l’absence de consultation préalable avec les collectivités territoriales concernées contrevenait également au principe de supériorité des traités internationaux sur les textes législatifs, inscrit à l’article 55 de la Constitution française. Selon ce raisonnement, toute violation d’un traité international constitue également une violation de la Constitution. Toutefois, rejetant cet argument, le Conseil constitutionnel a confirmé une jurisprudence constante selon laquelle il ne lui appartient pas d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord international. Depuis sa décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, le Conseil n’a cessé d’affirmer que « si les dispositions de l’article 55 de la Constitution confèrent aux traités, dans les conditions qu’elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n’impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité à la Constitution ».
Les 120 parlementaires avaient affirmé que l’absence de consultation préalable des régions et des départements constituait une violation du principe de libre administration des collectivités territoriales, lequel est un principe fondamental reconnu par la Constitution et les lois de la République. Dans son article 72, la Constitution dispose que les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus, dans les conditions prévues par la loi.
Le Conseil constitutionnel a néanmoins rejeté le recours alléguant une violation du principe de libre administration des collectivités territoriales, affirmant que la Constitution ne prescrit pas la consultation des collectivités infranationales sur les modifications de leurs limites territoriales. De plus, a-t-il statué, l’article 72-1 dispose que de telles modifications peuvent donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi.
Les 120 parlementaires avaient également fondé leur recours sur les lois qui ont précédé la Constitution de 1946. Ces lois prévoient l’obligation de prendre en considération l’avis des collectivités avant d’adopter une décision administrative concernant leurs limites territoriales. Ces arguments ont aussi été rejetés par le Conseil constitutionnel, qui a déclaré ce qui suit : dans l’affaire examinée, les modifications des limites territoriales des régions ont été opérées au moyen d’un acte législatif du Parlement et non par un acte normatif de l’administration. En outre, le Conseil a considéré que l’article 72-1 porte sur la consultation des électeurs locaux et que cela exclut au contraire l’existence d’un principe de consultation des collectivités elles-mêmes. Par conséquent, le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître l’existence d’un principe fondamental imposant une consultation préalable des collectivités territoriales.
La question de l’obligation d’une consultation préalable des différentes régions a fait l’objet d’un autre recours fondé à nouveau sur une violation de l’article 5. Celui-ci a donné lieu à une décision du Conseil d’Etat en 2015. Ce recours a été déposé par trois associations et cinq personnes physiques, qui ont demandé l’annulation du décret présidentiel n° 2015-939 du 30 juillet 2015 portant convocation des collèges électoraux pour procéder à l’élection des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’Assemblée de Guyane et des conseillers à l’Assemblée de Martinique (ci-après le décret sur l’élection des conseillers régionaux). Les requérants ont fondé ce recours sur la compétence du Conseil d’Etat pour se prononcer sur la compatibilité d’une loi avec les traités internationaux, même lorsque cette loi est postérieure au traité. De fait, les tribunaux administratifs français ont déjà, en plusieurs occasions, tenu compte dans leurs jurisprudences des principes et normes de la Charte dans leurs jugements sur des dispositions du droit français.
Les faits étaient les suivants : le Gouvernement français, par un décret du 30 juillet 2015, avait convoqué pour décembre 2015 la première élection régionale basée sur le nouveau découpage des régions. Trois associations et cinq personnes ont déposé un recours, demandant au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2015-939 du 30 juillet 2015 portant convocation des collèges électoraux pour procéder à l’élection des conseillers régionaux. Ils demandaient en outre que le Conseil d’Etat ordonne au Premier ministre de convoquer le collège électoral pour élire les conseillers régionaux dans les zones définies conformément à l’article L. 4111-1 du Code général des collectivités locales, dans sa version antérieure à son amendement par l’article 1 de la loi du 16 janvier 2015 sur les régions. A cette occasion, les requérants contestaient la loi du 16 janvier 2015 relative à la fusion et aux limites territoriales des régions françaises, en tant que fondement juridique du décret susmentionné. Ils affirmaient que cette loi constituait une violation de la Charte européenne de l’autonomie locale, qui requiert des Etats signataires qu’ils appliquent des règles garantissant l’autonomie politique, administrative et financières des collectivités locales.
Dans sa décision du 27 octobre 2015, le Conseil d’Etat a rejeté tous ces recours. Il a considéré que l’article 4 de la Charte européenne de l’autonomie locale (qui dispose, dans son paragraphe 3 relatif à la portée de l’autonomie locale, que « l’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens ») s’applique uniquement aux relations entre les Etats signataires et ne peut donc pas être invoqué par des personnes physiques devant une juridiction. Toutefois, le raisonnement des conseillers comporte de nombreuses subtilités, car les juges du Conseil d’Etat ont accepté uniquement d’examiner les dispositions de la loi à la lumière des engagements de la France et non d’examiner la procédure d’adoption de la loi à la lumière de ces mêmes engagements.
Par conséquent, sur l’allégation de violation de l’article 5 de la Charte, les conseillers ont considéré que les requérants ne pouvaient pas se fonder sur un traité international pour contester la procédure d’adoption de la loi du 16 janvier 2015. Ils ont considéré en outre que le Conseil d’Etat ne pouvait donc statuer, à la lumière des engagements internationaux de la France, que sur le contenu de la loi et non sur la procédure d’adoption de cette loi.
Enfin, le Conseil d’Etat a aussi rejeté l’argument selon lequel la fusion des régions n’était pas conforme aux dispositions de l’article L. 4122-1 du Code général des collectivités locales, qui dispose que les limites territoriales des régions ne peuvent être modifiées qu’après consultation – et un vote favorable – des conseils régionaux et des conseils généraux intéressés. Les conseillers ont considéré que le Parlement, en tant que législateur, pouvait lever cette obligation de consultation préalable au cas par cas, avant l’adoption de la loi du 16 janvier 2015 sur la réforme territoriale.
La délégation du Congrès ne peut que regretter que la Charte européenne de l’autonomie locale, ratifiée par la France, n’aient pas été pris en considération par le Conseil d’Etat.
Pour ce qui est maintenant des exigences posées par l’article 5, le fait qu’un texte législatif spécifique ait été adopté et que la loi sur la fusion des régions ait fait l’objet d’un débat et d’un vote au Sénat ne semble pas répondre aux principes posés par la Charte. Le Sénat fait partie intégrante du pouvoir législatif. La Constitution (article 24) prévoit un mode spécifique d’élection pour les sénateurs, qui sont élus par les représentants des collectivités territoriales bien qu’ils ne soient pas habilités à représenter des collectivités territoriales spécifiques (par exemple les régions). Ils n’ont aucun mandat juridique pour représenter les intérêts d’une collectivité territoriale donnée. Les sénateurs défendent les intérêts généraux des collectivités territoriales en tant que telles et ils remplissent cette tâche dans le cadre de leur activité parlementaire (examiner et voter les lois, contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques). Les avis des sénateurs ne peuvent pas être assimilés à une « consultation » au sens de la Charte. De plus, la participation des sénateurs aux travaux parlementaires ne peut pas être considérée comme une véritable consultation préalable menée « en temps utile et de façon appropriée » pour le compte des collectivités directement concernées, comme le prévoient l’article 4.6 (disposition générale) lu conjointement avec l’article 5 (disposition particulière), qui garantissent le droit des collectivités territoriales d’être consultées.
De plus, le droit de « consultation préalable » est inscrit dans la Charte pour les « collectivités locales concernées », c’est-à-dire pour chacune d’elles, surtout si ces « collectivités concernées » sont peu nombreuses (comme c’est le cas des régions françaises) de sorte qu’une consultation est aisément réalisable. Par conséquent, la délégation conclut qu’en application de l’article 5 de la Charte les représentants officiels de chaque région doivent être consultés préalablement aux modifications des limites territoriales et fusions régionales. Le véritable représentant de la collectivité régionale n’est autre que l’assemblée régionale, institution représentative et délibérante où un débat local ouvert sur les raisons, les buts, les moyens et les conséquences possibles de telles fusions peut avoir lieu. La disposition de la Charte relative à une consultation préalable des « collectivités concernées » (et non des collectivités en général ni même de leurs représentants au niveau national, etc.) est une garantie procédurale importante de la dimension spatiale de l’autonomie locale et de l’identité distincte de chaque collectivité territoriale. Cette garantie ne peut être contournée au moyen d’une consultation à distance et générale au niveau national.
Les rapporteurs concluent par conséquent que les procédures d’adoption de la loi du 16 janvier 2015 relative « à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral » n’ont pas respecté les dispositions de la Charte susmentionnées et qu’il y a donc eu violation de l’article 5.