Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences.
Tout d’abord, il est à noter que le système letton de financement des collectivités locales est homogène à l’échelle du pays. Il n’y a aucune spécificité ou différence entre les communes ordinaires et les « villes ». Outre la loi sur les collectivités locales, les principaux textes législatifs dans ce domaine sont la loi de 1994 sur les budgets et la gestion financière, la loi de 1995 sur les budgets des collectivités locales, telle qu’amendée, la loi de 2015 sur la péréquation financière des collectivités locales et la loi de 1995 sur les taxes et redevances, telle qu’amendée.
Les principales sources de revenus locaux se composent des recettes fiscales, des recettes non fiscales et des transferts. D’un point de vue technique, il n’existe pas de « véritables » impôts locaux en Lettonie, mais uniquement des parts sur la collecte de certains impôts nationaux. La structure des recettes des collectivités locales (2017) est la suivante : (a) recettes fiscales : 63,5 % ; (b) transferts, 29,4 % ; (c) recettes autonomes : 5,2 %; (d) recettes non fiscales : 1,8 % ; (e) donations : 0,1 % ; assistance financière étrangère : 0,1 %. D’après le ministère des Finances, ces ressources sont suffisamment diversifiées. Lors de la procédure de consultation, l’Association lettone des pouvoirs locaux et régionaux a souligné que sur ces 63,5 %, seulement 40 % vont directement aux collectivités locales, dont les résidents produisent ces impôts (les recettes fiscales propres représentent 25,4 % de l’ensemble des recettes). Une autre part est redistribuée au moyen du système de péréquation. L’Association considère donc que l’autonomie financière n’est pas satisfaisante.
Les différentes sources de financement des collectivités locales de Lettonie peuvent être décrites comme suit :
i. Recettes fiscales
Elles constituent la principale source de revenus des collectivités locales. En termes quantitatifs, le montant total des recettes fiscales des collectivités locales était de 1 174,4 M € en 2012 ; 1 256,2 M € en 2013 ; 1 316,4 M € en 2014 ; 1 362,8 M € en 2015 ; 1 469 M € en 2016 et 1 548 M € en 2017 (projection). Comme on l’a vu, il n’y a pas d’impôts locaux au sens technique du terme. Les collectivités locales reçoivent un pourcentage (une part) de certains impôts nationaux, cette part étant de 100 % dans le cas de la taxe foncière. En d’autres termes, chaque collectivité locale reçoit un certain pourcentage des impôts collectés sur son territoire. Les impôts partagés sont les suivants :
L’impôt sur le revenu des ménages : il s’agit d’un impôt national, réglementé et collecté au niveau de l’État. Depuis 2015, le Service national des impôts est chargé de le collecter. Le montant total de cet impôt collecté dans une collectivité locale donnée lui est ensuite partiellement redistribué, sur la base de critères de résidence (nombre d’habitants de jure). En 2017, chaque collectivité locale recevra 80 % de cet impôt collecté sur son territoire (projection)[2]. En conséquence, une collectivité locale ayant des résidents aisés recevra plus qu’une collectivité similaire ayant des habitants aussi nombreux mais moins aisés. On peut donc se demander si ce type de revenu est en réalité une véritable « recette fiscale » au sens technique du terme ou s’il s’agit plutôt d’un « transfert » de l’État. Quoi qu’il en soit, d’un point de vue quantitatif, l’impôt sur le revenu des ménages est la plus importante source de « recettes fiscales » pour les collectivités locales. Il représente 84,8 % de l’ensemble des recettes fiscales du budget des collectivités locales.
La taxe foncière : cette taxe nationale frappe la totalité des terrains et des bâtiments, qu’ils soient utilisés à des fins commerciales ou d’habitation (depuis 2010). Son taux est encadré par les lois et réglementations de l’État sur la base de la valeur cadastrale du terrain ou de la construction. Les communes collectent la taxe foncière et jouissent d’une latitude limitée pour déterminer son taux. Par exemple, elles peuvent décider de réduire le taux général jusqu’à un certain montant, une possibilité que certaines collectivités locales utilisent pour revitaliser l’activité économique ou pour attirer de nouveaux résidents. Les collectivités locales reçoivent 100 % de la taxe foncière collectée, laquelle est donc probablement celle qui s’approche le plus de la notion d’impôt local. En 2017, elle représente environ 13,8 % de l’ensemble des recettes fiscales du budget des collectivités locales.
Les taxes sur les jeux de hasard et les paris : les collectivités locales reçoivent une part de 25 % de cette taxe. En 2017, elle représente 0,5 % de l’ensemble des recettes fiscales du budget des collectivités locales.
La taxe sur les ressources naturelles : les collectivités locales reçoivent une part de différentes taxes, parmi lesquelles la taxe sur la pollution (60 %), la taxe sur les déchets radioactifs (30 %) et 100 % de la taxe sur l’incinération des déchets dangereux. En 2017, cette source représente 0,9 % de l’ensemble des recettes fiscales du budget des collectivités locales.
Outre les véritables « recettes fiscales », les communes et les villes (en vertu de la loi sur les taxes et redevances) peuvent collecter des recettes à caractère fiscal provenant de divers droits et redevances dont elles peuvent déterminer les taux. Ces droits et redevances peuvent frapper diverses activités : certains services assurés par l’administration locale ; la délivrance de documents et certificats officiels ; l’exercice d’activités commerciales dans des lieux publics ; la propriété d’animaux ; l’affichage de messages publicitaires ; la délivrance de permis de construire ou d’autres autorisations, etc.
ii. Transferts
Transferts et subventions sur le budget de l’État
En Lettonie, la plupart des dotations de l’État aux collectivités locales sont des dotations réservées, c’est-à-dire accordées à des fins spécifiques. En règle générale, ces fins « spécifiques » correspondent à des fonctions que les collectivités locales sont tenues d’assurer en vertu d’obligations légales. Ces transferts incluent notamment les dotations pour la rémunération des enseignants, le ramassage scolaire, l’entretien et la construction des routes et les projets de cofinancement au moyen des fonds de l’UE. La seule dotation non réservée est la contribution de l’État au Fonds de péréquation financière des collectivités locales, présenté ci-après.
Depuis plusieurs années, la part des transferts dans la structure totale des finances locales est supérieure à 20 % (29,4 % en 2017, projection). En 2014, les transferts du budget de l’État vers les budgets des collectivités locales (y compris le financement pour les projets politiques de l’UE et les autres projets d’assistance financière externe) ont été de 605 millions €. Cela représente 2,6 % du PIB. En 2015, ce chiffre était de 603 millions €, soit 2,5 % du PIB.
Fonds de l’Union européenne
Les collectivités locales peuvent bénéficier de plusieurs fonds de l’UE prévus dans les domaines du développement urbain, du développement rural et d’autres domaines liés à la vie municipale. Cependant, ces recettes ne sont ni stables ni périodiques et dépendent de nombreux facteurs sur lesquels les communes n’ont le plus souvent aucune prise. De plus, certains élus locaux ont indiqué à la délégation que dans la plupart des cas ils ne demandaient pas des fonds de l’Union européenne pour financer des projets, au motif qu’ils étaient tenus de cofinancer une partie du projet, ce que leurs moyens financiers ne leur permettaient pas.
iii. Recettes non fiscales
Les collectivités locales de Lettonie peuvent obtenir et collecter des revenus n’ayant aucun caractère fiscal. Ces sources de revenus (qui sont par définition variables) sont notamment les suivantes :
Les revenus d’activités commerciales d’entreprises locales et les revenus découlant de la propriété de biens (vente de biens meubles ou immeubles).
Les revenus provenant de biens (loyers).
Les dons reçus.
La collecte d’amendes concernant la circulation routière et d’autres infractions administratives découlant de violations de réglementations locales contraignantes. Par exemple, dans le cas de Riga, ces recettes représentent environ 5 M € (chiffres de 2016).
Les opérations financières : les collectivités locales peuvent demander des prêts auprès du secteur bancaire public (voir ci-après).
Après avoir détaillé les différentes sources de revenus, il convient d’examiner si les principes de suffisance et de proportionnalité des finances locales sont reconnus dans la législation nationale. Ces deux principes ne sont proclamés expressément ni dans la Constitution ni dans la législation ordinaire. Cependant, la loi sur les collectivités locales inclut plusieurs dispositions importantes à ce sujet. Par exemple, elle dispose que chaque fois qu’une nouvelle compétence « autonome » est transférée aux collectivités locales, « la loi qui définit l’exercice de cette fonction doit simultanément déterminer la nouvelle source de revenus pour les collectivités locales » (article 7). Il est difficile de vérifier si cette disposition est dûment respectée à chaque fois qu’une nouvelle compétence est assignée. D’après un expert letton, « en pratique, cependant, ces procédures ne sont pas toujours respectées, de sorte que les collectivités locales ne peuvent pas remplir toutes les tâches obligatoires ».
Un autre exemple est la disposition relative aux « fonctions déléguées ». Dans ce cas, la loi dispose que les ressources qui étaient précédemment affectées dans le budget de l’État à l’exercice de ces fonctions doivent être transférées aux collectivités locales (article 9). Par conséquent, ces principes bénéficient d’une reconnaissance limitée et partielle.
D’après le ministère des Finances, les collectivités locales disposent de recettes fiscales stables sur le long terme et le pouvoir central s’emploie à garantir le caractère suffisant des finances locales de diverses manières, en plus du mécanisme de péréquation. Par exemple, le ministère des Finances a indiqué à la délégation que dans les prochaines années il était prévu que les recettes fiscales des collectivités locales (en particulier celles qui proviennent de l’impôt sur le revenu des ménages) diminuent sous l’effet des réformes d’allégement fiscal destinées à stimuler l’économie. Ainsi, afin de compenser cette perte de revenus, le gouvernement prévoit d’établir un « transfert compensatoire spécial » pour les collectivités locales, avec une prévision d’allocation budgétaire de 13,3 M € en 2018, 135,9 M € en 2019 et 224,7 M € en 2020.
Plusieurs indicateurs peuvent être utilisés pour évaluer le caractère suffisant ou non des finances des collectivités locales. Tout d’abord, nous pouvons examiner la part des recettes fiscales des collectivités locales sur l’ensemble des recettes fiscales. Cet indicateur est nettement favorable aux collectivités locales de Lettonie : il a été calculé (par Eurostat) à 19,4 % pour l’année 2015, tandis que la moyenne pour l’UE était de 10,4 %. La Lettonie se classe ainsi au quatrième rang dans l’UE (derrière la Finlande, le Danemark et la Suède). Le ministère des Finances a indiqué à la délégation qu’avec l’adoption de la mesure « compensatoire » mentionnée ci-dessus, l’indicateur resterait d’environ 19,5 %, même en cas de baisse des recettes fiscales.
Un autre indicateur est la part des recettes totales des collectivités locales sur les recettes globales du secteur public. Cette proportion était de 26,7 % en 2015, pour une moyenne de l’UE à 24,5 % (chiffres d’Eurostat). Cet indicateur place la Lettonie au neuvième rang parmi les pays de l’UE, bien qu’il faille ici faire la même réserve que précédemment (absence d’autres niveaux territoriaux dans le pays). Cet indicateur était de 23 % dans le rapport de suivi de 2011 sur la Lettonie. Un certain progrès est donc visible.
Pour ce qui concerne l’avis des dirigeants locaux sur la question du financement, la plupart ont indiqué que d’une manière générale ils étaient satisfaits des conditions actuelles, bien que le système présente quelques aspects et perspectives négatifs : premièrement, ils se plaignent que, trop souvent, la loi attribue de nouvelles compétences aux collectivités locales sans leur fournir des ressources financières suffisantes et véritablement nouvelles ; deuxièmement, la loi attribue parfois de nouvelles compétences sans préciser de quel « type » de compétences il s’agit (parmi les différents types prévus par la loi). Cette situation a apparemment un impact financier négatif, du fait que les différents types de compétences ne sont pas financés de la même manière.
Troisièmement, les élus locaux s’attendaient à une baisse des recettes du fait des mesures d’allègement fiscal adoptées par le Gouvernement. Les taux de l’impôt sur le revenu des ménages ayant été abaissés (de 23 % à 20 %), le montant collecté au niveau national sera inférieur et les élus locaux craignent que les revenus des collectivités locales soient réduits en proportion. Il reste à voir si les mesures « compensatoires » que le ministère des Finances a présentées à la délégation seront finalement adoptées et si elles constitueront une compensation « suffisante » pour la perte de revenus. Quatrièmement, la LPS a aussi exprimé un mécontentement au sujet du mécanisme de péréquation actuel, considérant qu’il n’est pas équitable et que l’État devrait y insuffler une somme plus importante. En l’état actuel, le fonds de péréquation est principalement alimenté par les collectivités locales elles-mêmes et cela ne contribue pas à réduire les profondes disparités entre les collectivités locales riches et pauvres du pays. Cinquièmement, la LPS s’est plainte du fait que le système actuel de financement des collectivités locales dépend trop fortement de décisions annuelles du Gouvernement et de négociations périodiques, de sorte que les ressources totales, les différents pourcentages et les composantes des revenus peuvent changer d’une année à l’autre. Cette situation, d’après la LPS, ne permet pas aux collectivités locales d’avoir une planification à long terme, car elles ne peuvent pas être sûres des ressources dont elles disposeront les années suivantes. Par conséquent, les collectivités locales demandent que toutes ces variables soient spécifiées dans une norme légale.
Dans le domaine de la budgétisation, les villes et les communes peuvent élaborer et approuver librement leur propre budget, mais elles doivent respecter la structure budgétaire prévue par la loi. Le conseil local est l’autorité compétente pour approuver le budget. Les collectivités locales sont en théorie autonomes pour décider de leurs priorités en matière de dépenses, et ni le gouvernement central ni aucune autre autorité de l’État ne peut en principe aller à l’encontre de l’autonomie budgétaire des communes. À cet égard, le ministère des Finances respecte l’autonomie des collectivités locales et n’adresse pas d’instructions contraignantes ni de directives en matière de budgétisation. Les autorités de l’État ne sont pas autorisées à intervenir dans l’élaboration ou l’exécution des budgets locaux. Toutefois, dans la pratique, bon nombre des dépenses locales servent à couvrir des fonctions obligatoires. Ainsi, en 2014 les dépenses totales des collectivités locales étaient de 2 192,4 millions €. Le principal poste de dépenses (40,8 % des dépenses totales) était l’éducation : 894,6 millions €. Les autres postes étaient : les activités économiques, 374,7 millions € (17,1 %) ; la protection sociale : 204,1 millions € (9,3 %) ; les loisirs et la culture : 194 millions € (8,8 %) ; les services publics généraux : 182,2 millions € (8,3 %) ; la protection de l’environnement : 46,2 millions € (2,1 %).
D’après la loi sur les collectivités locales, le conseil local doit désigner au moins une fois par an un auditeur privé assermenté ou un cabinet d’audit en vue d’examiner l’exécution du budget et la préparation du rapport annuel. En outre, les collectivités locales peuvent mettre en place leur propre commission d’audit interne. Sur la base du rapport de l’auditeur (qui doit être publié), le Bureau d’audit de l’État publie une déclaration annuelle sur les rapports relatifs au budget des collectivités locales, qui fait partie du rapport sur le budget de l’État et les budgets des collectivités locales (voir supra point 4.7).
Enfin, pour ce qui concerne les biens municipaux, les collectivités locales de Lettonie disposent de leurs propres biens, marchandises et actifs. Le droit de posséder des biens fonciers et immobiliers est pleinement reconnu aux collectivités locales, qui gèrent librement leurs biens et actifs. Par exemple, parmi leurs biens figurent les rues, les routes, les parcs, les cimetières, les bâtiments et équipements administratifs, les écoles, les garderies, les centres culturels, les bibliothèques, les salles de sport, etc. Le principal texte législatif à ce sujet est là encore la loi sur les collectivités locales, qui énonce des directives générales dans ses articles 77 et 78.
Par conséquent, la délégation conclut que l’article 9, paragraphes 1 à 4 et paragraphe 7, de la Charte est respecté en Lettonie.