Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.
Ce premier paragraphe établit les principes de base dans le domaine des finances (voir le Commentaire contemporain du Congrès) : les collectivités locales disposent de leurs propres ressources financières et elles doivent pouvoir décider librement de la manière dont elles les dépensent. Ces « ressources propres » doivent être suffisantes. La capacité budgétaire des autorités locales peut être garantie en incorporant le principe d’adéquation des ressources financières dans la Constitution ou dans la loi, et en recourant à des procédures de consultation inclusives entre les associations d’autorités locales et le pouvoir central, sur la base de protocoles d’accord (ces derniers seront examinés en lien avec le paragraphe 6).
Au Royaume-Uni, la décision sur les ressources des collectivités locales relève des nations décentralisées, mais le Gouvernement britannique conserve certains pouvoirs qui peuvent être utilisés pour accorder un financement direct aux collectivités locales d’Écosse, du pays de Galles et d’Irlande du Nord dans des circonstances ou pour des finalités spécifiques. On peut citer l’exemple de la loi de 1982 sur le développement industriel (articles 7 et 8) et, plus récemment, de la loi de 2020 sur le marché intérieur britannique (articles 50 et 51).
Angleterre
En Angleterre, les ressources financières des collectivités locales englobent essentiellement l’impôt municipal , les prélèvements sur les entreprises et plusieurs dotations gouvernementales clés (comme la dotation d’appui non restreinte), outre les redevances. Les dotations gouvernementales représentent environ la moitié des ressources locales, de même que les impôts locaux (voir la répartition dans le tableau 4). Certaines dotations sont destinées à des services ou des fonctions spécifiques, et sont parfois réservées pour des services spécifiques. L’impôt municipal (un impôt sur les biens fonciers des particuliers) relève du niveau local, mais il est limité par un nombre considérable de restrictions. Les conseils peuvent accorder des allégements discrétionnaires sur cet impôt, lorsqu’ils le jugent opportun. Ils peuvent définir leur dispositif de réduction et de soutien concernant cet impôt. Le gouvernement fixe chaque année un plafond applicable aux augmentations d’impôts. Les autorités sont tenues d’organiser un référendum si l’augmentation de l’impôt municipal pour 2021-22 est supérieure à 5 %, dont 3 % doivent être destinés à la protection sociale (et sont donc réservés). Si l’autorité n’a pas la charge de la protection sociale, l’impôt municipal ne peut augmenter que de 2 % sans référendum local. La taxe sur les entreprises est un impôt local, strictement encadré par le Gouvernement britannique. La « valeur imposable » des locaux (sur laquelle les entreprises sont imposées) est décidée par l’Agence nationale de l’Office d’évaluation (les évaluations foncières sont examinées et mises à jour tous les cinq ans, et à compter de 2023 elles le seront tous les trois ans). Le Gouvernement britannique décide des entreprises tenues de payer cette taxe et de celles qui ont droit à un abattement. L’impôt est collecté à l’échelle locale mais le gouvernement central décide de sa répartition entre les conseils . La relocalisation de la taxe sur les entreprises et la possibilité pour les conseils de conserver tout ou partie de cette taxe perçue sur leur territoire font en Angleterre l’objet d’un débat permanent. Actuellement, le système est centralisé et le pouvoir central ne paraît pas être pressé de relocaliser cette taxe.
Tableau 4. Composition des ressources des collectivités locales
Ressources % (2019/20)
Dotation générale du gouvernement (« dotation essentielle aux conseils ») 17
Dotations spécifiques (« réservées ») 34
Impôt municipal 32
Revenu prélevé sur la taxe sur les entreprises 17
Le ministère du Logement, des Communautés et des Collectivités locales (MHCLG) assure au premier chef le contrôle de la viabilité financière des collectivités locales, avec le concours du ministère des Finances.
Le Règlement financier des collectivités locales détermine le financement des collectivités locales (qui doit être approuvé par la Chambre des communes). Le processus d’Examen des dépenses précise le montant total des fonds que le Gouvernement britannique prévoit de dépenser pour les ministères et les services publics, y compris les collectivités locales. Les rapporteurs ont été informés que ce Règlement financier était le mécanisme par lequel le Gouvernement britannique établissait la répartition des ressources du pouvoir central entre les autorités locales d’Angleterre et le niveau du prélèvement local sur l’impôt sur les entreprises. Pour octroyer cette ressource, les budgets de référence de chaque autorité sont déterminés au moyen d’une évaluation des besoins relatifs des territoires, incluant les mesures de lutte contre la pauvreté, conformément au Règlement financier des collectivités locales.
Les interlocuteurs des ministères centraux ont informé les rapporteurs que, par le biais du plus récent Règlement financier des collectivités locales, le Gouvernement britannique a permis une augmentation de la capacité de dépenses de base en Angleterre, de 49 milliards de livres en 2020-2021 à 51,2 milliards de livres en 2021-2022, soit une augmentation de 4,6 % en termes de trésorerie, et que « cette mesure tient compte des besoins des conseils pour faire face à leurs pressions et maintenir les niveaux de service actuels ». Lors de la procédure de consultation, le Gouvernement britannique a ajouté que ce Règlement met 3,5 milliards de livres supplémentaires à la disposition des conseils, qui incluent le financement de la réforme de la protection sociale des adultes. Cela représente une augmentation de plus de 4 % du financement des collectivités locales pour 2022/23 en termes réels, qui garantira que les conseils de tout le pays disposent des ressources dont elles ont besoin pour assurer les services essentiels. Au total, le Gouvernement britannique prévoit une augmentation de la capacité de dépenses de base de 50,4 milliards de livres en 2021/22 à 53,9 milliards l’année suivante.
La LGA a déclaré que « les autorités locales sont limitées dans leur capacité à collecter et utiliser librement les ressources financières, le gouvernement central ayant un contrôle significatif sur la manière dont elles sont financées et dont ces fonds sont dépensés ». L’association a également mentionné l’augmentation considérable du nombre des petites dotations « qui sont souvent très spécifiques, à court terme, et évaluées de façon concurrentielle ». Lors de la procédure de consultation, le Gouvernement britannique a souligné que les dotations réservées sont habituellement introduites pour les nouvelles lignes de financement, plutôt que pour réserver des dotations qui ne l’étaient pas précédemment.
La LGA demande un financement durable à long terme et des précisions sur la façon dont les services locaux seront financés au cours des prochaines années et au-delà. Un des experts consultés ajoute que la plupart des fonds reçus du pouvoir central sont réservés à des fins précises, de sorte que les conseils ne peuvent pas les utiliser comme bon leur semble. Une part importante du financement central va directement aux écoles.
Lors de la procédure de consultation la LGA a une nouvelle fois déclaré que les autorités locales sont limitées dans leur capacité à collecter et utiliser librement les ressources financières, le gouvernement central ayant un contrôle significatif sur la manière dont elles sont financées et dont ces fonds sont dépensés.
Les rapporteurs observent qu’à première vue les ressources des collectivités locales anglaises sont dans une mesure considérable « des ressources financières propres », puisqu’un tiers seulement des ressources locales sont réservées. Un examen plus approfondi conduit toutefois à la conclusion que la dotation principale des conseils est également réservée en partie et, en outre, que les impôts des collectivités locales n’ont de local que leur nom (en raison des restrictions fixées au niveau national mentionnées ci-dessus, dont certaines sont fixées pour chaque autorité locale). Les rapporteurs concluent donc qu’en ce qui concerne les collectivités locales d’Angleterre, l’article 9.1 n’est pas respecté au Royaume-Uni.
Écosse
Le système écossais des finances locales ressemble à celui de l’Angleterre, car les ressources locales se composent de redevances pour les services des collectivités locales, de dotations du Gouvernement écossais et de taxes locales (« impôt municipal »). Chaque année, le Gouvernement écossais publie un « décret (Écosse) sur le financement des collectivités locales », qui contient des informations sur la dotation générale. Les dotations sont conçues et calculées de manière à refléter les besoins des autorités locales . Les critères les plus importants sont la population et la capacité fiscale locale. Cette dotation globale représente environ 85 % des dépenses des collectivités locales et comporte trois volets :
- une dotation générale (appelée précédemment « dotation d’appui aux revenus ») : elle est calculée en tenant compte du montant nécessaire pour un niveau de service standard et de la somme des ressources provenant de l’impôt national hors particuliers et de l’impôt municipal. Le Gouvernement écossais décide du montant exact pour chaque autorité locale (en utilisant les calculs et les projections des « dépenses subventionnées » et des indicateurs tels que la population, le nombre d’élèves et la pauvreté).
- les dotations spécifiques : elles sont également fixées par le gouvernement et sont destinées à financer l’exécution des politiques nationales. Elles sont réservées / restreintes. À titre d’exemples, pour 2018/2019 : les subventions spécifiques pour le gaélique, le Fonds d’équité pour les élèves, le développement de l’apprentissage précoce et de la garde des jeunes enfants et l’action sociale liée à la justice pénale.
- le revenu de l’impôt foncier hors particuliers : il est généré localement, mais défini et mis en commun au niveau central, puis redistribué aux collectivités locales.
La COSLA a calculé qu’en 2019/20 le financement du Gouvernement écossais représentait 77 % des dépenses budgétaires nettes, tandis que l’impôt municipal en représentait 20 %. Elle observe que les autorités locales écossaises dépendent lourdement des ressources provenant du pouvoir national. La COSLA souligne également l’absence de protection légale du financement des collectivités locales et elle estime que les collectivités locales écossaises ont « beaucoup moins de capacité à mobiliser et à contrôler les ressources localement par rapport au reste de l’Europe ». En outre, et bien que cela ait changé pour 2022/2023, ces huit ou neuf dernières années les collectivités locales n’ont pas été en mesure de définir leur impôt municipal, parce que son montant avait été gelé ou, dans certains cas, parce que le Gouvernement écossais avait plafonné le taux d’augmentation que les conseils pouvaient fixer. Enfin, les collectivités locales reçoivent une part croissante de leur financement au moyen de dotations spécifiques (« réservées à des fins spécifiques »).
Les rapporteurs notent que la plus grande partie des recettes locales provient de dotations nationales. Ils constatent que certaines parties des dotations sont générales et que celles-ci, pour citer un universitaire, « théoriquement du moins peuvent être dépensées conformément aux priorités propres à un conseil » . D’autres dotations, cependant, sont réservées et peuvent difficilement être qualifiées de « ressources financières propres ». L’impôt municipal ne représente qu’environ 20 %. Les rapporteurs concluent donc qu’en ce qui concerne les collectivités locales d’Écosse, l’article 9.1 n’est pas respecté au Royaume-Uni.
Pays de Galles
Le financement local gallois comprend quatre sources principales :
une dotation générale (« non assignée ») : cette dotation d’appui provient du Gouvernement gallois et couvre 43 % (2019-2020) des dépenses budgétaires brutes.
- des dotations spécifiques (« réservées et assignées ») : elles représentent 26 % des dépenses budgétaires brutes (2019-2020).
- l’impôt municipal, une taxe locale sur les résidents : les autorités locales fixent les taux (sur la valeur imposable d’une propriété fixée en 2003), tandis que le Gouvernement gallois décide des pourcentages entre les cotisations appliquées aux différentes tranches. Cet impôt couvre 18 % des dépenses budgétaires brutes (2019-2020).
- les impôts (commerciaux) hors particuliers : une taxe perçue par les autorités locales, mise en commun par le Gouvernement gallois et redistribuée entre les autorités locales en même temps que la dotation d’appui. Ils couvrent 13 % des dépenses budgétaires brutes (2019-2020).
D’après le ministère gallois des Finances et des Collectivités locales, l’impôt municipal et les impôts hors particuliers constituent la plus grande partie des revenus propres des collectivités locales. Le taux de l’impôt municipal relève de la décision des collectivités locales.
La WLGA souligne que les collectivités locales ont souffert des mesures d’austérité, qui ont eu pour effet que « plusieurs fonctions discrétionnaires des collectivités locales ont été interrompues pendant cette période ou que des services ont été externalisés ou des biens transférés ». Elle suggère également que les autorités locales pourraient jouer un rôle plus important dans la résolution des énormes défis sociétaux actuels, si seulement elles avaient les fonds pour le faire.
Les rapporteurs observent que les dotations accordées par le Gouvernement national du pays de Galles ont un caractère plus général que celles accordées en Angleterre, en particulier. La dépendance vis-à-vis de dotations du pouvoir central est aussi plus importante . D’un autre côté, la fiscalité locale est moins importante et, au pays de Galles comme en Angleterre et en Écosse, elle est en partie restreinte par le Gouvernement national (gallois). Les rapporteurs concluent donc qu’en ce qui concerne les collectivités locales du pays de Galles, l’article 9.1 n’est pas respecté au Royaume-Uni.
Irlande du Nord
D’après l’Institute for Government , le financement des collectivités locales d’Irlande du Nord est différent de ce qu’il est dans le reste du Royaume-Uni. Il provient principalement des impôts de district (une taxe foncière, qui en représente 70 %), de la dotation de l’Exécutif d’Irlande du Nord (8 %) et des redevances pour les services (22 %). Les chiffres fournis par le ministère des Communautés d’Irlande du Nord montrent que « toutes les autorités locales disposent de réserves budgétaires considérables qu’elles peuvent utiliser ». Les impôts de district sont plafonnés. Le Gouvernement d’Irlande du Nord définit une évaluation maximale pour les biens des particuliers .
Les rapporteurs n’ont pas reçu d’indicateurs contraires lors des réunions de suivi et n’en ont pas davantage trouvés par la suite . Ainsi, l’Irlande du Nord fait, dans une certaine mesure, exception au Royaume-Uni, bien que là aussi le gouvernement national limite la fiscalité locale. Les rapporteurs concluent qu’en ce qui concerne l’Irlande du Nord, le Royaume-Uni respecte partiellement l’article 9.1.