Chypre

Chypre - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 29 au 30 mars 2021 (à distance)
Date d'adoption du rapport: 17 décembre 2021

Ce rapport fait suite à la quatrième visite de suivi effectuée à distance à Chypre depuis que ce pays a ratifié la Charte européenne de l'autonomie locale en 1988.

Le rapport souligne que la Charte est davantage prise en compte dans le développement de la législation pertinente sur l’autonomie locale. En outre, il note avec satisfaction que la réforme prévue de l'autonomie locale vise à la moderniser et notamment à accroître les compétences et les responsabilités des autorités locales chypriotes ainsi que leurs capacités financières.

Toutefois, le rapport identifie plusieurs lacunes, notamment le fait que le principe d'autonomie locale n'est reconnu ni dans la Constitution ni dans les lois applicables. En outre, il souligne que la sphère de responsabilité des autorités locales est limitée par rapport aux normes européennes communes. Le rapport souligne également que les collectivités locales dépendent largement, sur le plan financier, des transferts et des subventions de l'État et que les principes d'adéquation et de proportionnalité des finances locales sont largement ignorés dans le dispositif juridique. De même, le système actuel manque de mécanismes de péréquation financière appropriés.

Par conséquent, la recommandation invite les autorités nationales à introduire et à reconnaître le principe de l'autonomie locale dans les lois applicables aux municipalités et aux communautés. Elle invite les autorités à inscrire les tâches municipales dans la loi et à clarifier la répartition des compétences municipales. Elle exhorte également les autorités nationales à inscrire dans la loi le principe de l'adéquation des finances locales. En outre, les autorités nationales sont encouragées à revoir la législation afin de définir dans la loi les conditions d'exercice des élus locaux.

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


la Constitution chypriote ne proclame ni ne reconnaît explicitement dans aucune de ses dispositions le principe de l’autonomie locale. Elle fait uniquement référence à la coexistence des deux collectivités locales principales et prévoit des mécanismes institutionnels et de gouvernance distincts. Outre l’absence de reconnaissance explicite, on ne peut pas non plus dire que la Constitution reconnaît ce principe de manière implicite. Le concept d’autonomie locale est tout simplement absent de la Constitution.

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


Aux fins de cette disposition, il convient tout d’abord d’identifier les pouvoirs et les compétences des autorités locales chypriotes, puis de déterminer si cet ensemble de responsabilités constitue une « part importante » des affaires publiques. Pour commencer, d’après l’étude menée sur l’article 4.1 de la Charte (voir ci-après le point 3.2.3), les rapporteurs constatent que le nombre et la pertinence des compétences et responsabilités des autorités locales chypriotes sont clairement en-deçà des normes habituelles en Europe. L’étendue des compétences et des pouvoirs des collectivités locales est réduite par rapport à ces normes.

Toutes les politiques publiques pertinentes (transports, affaires sociales, aménagement du territoire, environnement, etc.) sont décidées au niveau central (national), puisqu’elles sont élaborées et approuvées par le gouvernement central ou par la Chambre des Représentants (en République de Chypre, le parlement a des fonctions administratives étendues).

Un autre élément intéressant est la part des dépenses publiques qui sont effectuées au niveau local. D’après des sources d’information fiables, les dépenses publiques locales à Chypre ont été de 0,3 milliard d’euros en 2017, soit 1,4 % seulement du produit intérieur brut et 3,6 % des dépenses publiques totales[9]. Ces chiffres figurent parmi les plus bas d’Europe et il n’y a pas eu d’augmentation significative ces dernières années.

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


Selon les termes de la Charte, les membres de ces conseils locaux sont « élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel ». De fait, ils sont élus directement par tous les électeurs inscrits. Tous les citoyens âgés de plus de 18 ans ont le droit de vote (qu’ils soient Chypriotes grecs ou Chypriotes turcs), à condition qu’ils soient inscrits sur les listes électorales correspondantes. Tous les citoyens âgés de plus de 25 ans sont éligibles aux fonctions de maire ou de conseiller local. Les ressortissants d’autres États membres de l’UE peuvent voter et être élus membres des conseils municipaux ou des communautés rurales (mais pas aux fonctions de maire ni de président des conseils des communautés rurales). Une fois élus, les conseillers locaux élisent le président du conseil.

Dans ce domaine également, les analyses de la mise en œuvre de la Charte ne peuvent ignorer la situation de fait sur l’île, qui a des répercussions dramatiques sur les élections locales. D’une part, il convient de rappeler que depuis 1975, les membres de la communauté chypriote turque refusent de voter et de prendre part à la plupart des processus électoraux mis en place dans la République de Chypre, surtout les élections locales. Du point de vue de la démocratie locale, cette situation constitue un dysfonctionnement grave du processus démocratique, puisqu’une part importante de la population locale (membre de la communauté chypriote turque) ne participe pas aux élections locales. Cependant, les raisons de cet état de fait et sa possible résolution sont bien plus complexes et dépassent largement le cadre de la Charte. La vérité est que la Charte exige le recours au suffrage libre, direct et universel ; or des élections libres, directes et universelles sont organisées tous les cinq ans dans la République de Chypre. Par conséquent, il ne peut être conclu à une violation de l’article 3.2 sur la base de ce blocage de facto des élections par une partie de l’électorat.

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


Il convient de souligner d’emblée que la Constitution chypriote ne réglemente ni n’énumère de façon exhaustive les pouvoirs ou compétences des autorités locales. Certes, certaines dispositions constitutionnelles renvoient à des sujets ou à des questions qui peuvent être considérés comme relevant de pouvoirs ou de compétences locales, mais uniquement de manière indirecte et afin de garantir un certain équilibre entre les deux plus grandes communautés de l’île. Par exemple, l’article 174.1 dispose que « dans les limites de ces villes, aucun impôt municipal, contribution, droit, ni autre revenu ne peut être établi ni levé ou perçu sur aucune personne par aucune de ces municipalités, sauf si ces personnes appartiennent à la municipalité de la communauté concernée ». L’article 174 dispose qu’« aucune licence ou aucun permis ne peut être attribué par une municipalité, dans l’une de ces villes, à une personne qui n’appartient pas à la communauté de cette municipalité ». Enfin, l’article 176 précise que « les dispositions des articles 173 à 178 inclus ne peuvent être interprétées de manière à empêcher la loi de régler la planification urbaine dans ces municipalités […] ».

Il ne s’agit pas d’une proclamation constitutionnelle ni d’une liste de compétences pour toutes les autorités locales, puisque la Constitution ne fait référence qu’aux municipalités qui étaient censées être établies dans les cinq plus grandes villes de l’île.

En ce qui concerne les autorités locales, les principaux éléments du cadre législatif à prendre en compte sont la loi sur les municipalités et la loi sur les communautés rurales, ainsi que les lois et règlements susceptibles d’attribuer des pouvoirs à ces collectivités. Il est intéressant de noter que, si les compétences et les pouvoirs locaux sont attribués aux collectivités locales en tant que telles – puisqu’il leur est reconnu la personnalité juridique en tant que personnes morales
 (article 7 de la loi sur les municipalités) –, ces compétences sont en fait exercées par le conseil ou par le maire (ou par le président dans les communautés rurales).

Le parcours de la reconnaissance de ces nouvelles compétences n’est pas sans difficulté. Selon l’UMC, le ministère de l’Intérieur a, dès le début des discussions, proposé que toutes les municipalités deviennent les autorités compétentes en matière d’urbanisme et de délivrance des permis de construire, une suggestion reprise dans toutes les recommandations du Conseil de l’Europe. Toutefois, cette disposition a ensuite été retirée du projet de loi, ce qui n’a pas manqué de susciter une grande déception parmi les dirigeants locaux.

L’UMC a réussi à obtenir la compétence liée à l’administration scolaire, comme le préconise l’article 16d de la Recommandation 96 (2001), malgré la résistance initiale de certaines forces politiques. Néanmoins, dans le projet de loi soumis au parlement, une disposition transitoire a été ajoutée, selon laquelle cette compétence serait attribuée aux municipalités, mais seulement à l’issue d’une période de 10 ans suivant la promulgation de la nouvelle loi. Cette condition sévère a été décriée par l’association des collectivités locales.

Au total, l’UMC est parvenue à obtenir plusieurs compétences substantielles, telles que la création d’une police municipale et l’entretien du réseau routier (à l’exception des autoroutes).

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


il a été établi plus haut que l’administration locale n’est pas très puissante ni développée à Chypre et que les domaines dans lesquels les autorités locales peuvent exercer des compétences sont strictement définis par la loi. En outre, les autorités locales chypriotes disposent de ressources financières limitées (voir plus loin). Ces ressources sont censées couvrir uniquement leurs compétences réglementaires ou « obligatoires » et, dans la pratique, elles ne laissent pas aux collectivités locales une grande marge de manœuvre pour entreprendre d’autres activités que celles qui sont strictement prescrites par la loi. Qui plus est, certaines des compétences que la loi confère aux collectivités locales ne sont, en pratique, pas encore exercées par celles-ci.

 Les experts locaux ont également confié que la dépendance financière des autorités locales à l’égard des subventions de l’État et l’implication importante du gouvernement et d’autres organes indépendants de l’État dans l’administration des affaires locales privaient les autorités locales de toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité. En outre, plusieurs décisions locales importantes (par exemple, la souscription d’un emprunt, l’approbation du budget, la vente de biens municipaux, etc.) requièrent l’approbation des autorités de l’État. La situation des communautés rurales est encore plus critique, car elles sont fortement dépendantes de structures décentralisées comme les administrations de district. Leur pouvoir discrétionnaire s’en trouve donc encore plus limité.

En conséquence, les ressources financières et managériales limitées et les autorisations administratives préalables requises restreignent dans les faits la capacité des collectivités locales à avoir « toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence », comme l’exige la Charte. Les rapporteurs estiment donc qu’il y a violation de l’article 4.2 de la Charte.

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


D’un autre côté, l’article 4.3 de la Charte dispose que « l’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens ». Il est communément admis que cette disposition consacre le fameux « principe de subsidiarité ». Au vu des réponses fournies par nos interlocuteurs, ce principe semble être étranger à la tradition du droit public chypriote. En outre, ce principe n’est énoncé ni dans la Constitution ni dans les lois les plus pertinentes pour les autorités locales, et il n’existe pas non plus de jurisprudence de la Cour suprême sur ce principe (voir plus loin).

Il semble que ce principe soit respecté de facto par les décideurs politiques. Par exemple, le ministère de l’Intérieur a déclaré que ce principe avait été pris en compte lors de l’élaboration des projets de loi sur la réforme locale. Selon de hauts fonctionnaires ministériels, cela aurait entraîné des transferts de compétences et de pouvoirs du gouvernement central vers les autorités locales, accompagnés des moyens financiers nécessaires pour assurer ces nouveaux services.

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


En fait, il est difficile de considérer que cette disposition est respectée en République de Chypre, puisque les pouvoirs attribués aux autorités locales sont loin d’être « pleins » et « exclusifs ». Pour commencer, et comme l’ont admis de hauts fonctionnaires ministériels, il existe de nombreux cas de compétences partagées entre le niveau central et le niveau local (voir plus haut). Par exemple, il existe actuellement des compétences partagées dans les domaines de la délivrance des autorisations d’urbanisme ou des permis de construire, des inspections sanitaires, de la protection sociale, etc. De plus, dans l’exercice de ces compétences par les conseils locaux, il subsiste une compétence dominante des ministères centraux. Un autre indicateur peut permettre de déterminer si cette disposition est respectée, à savoir le nombre élevé de consentements et d’approbations préalables que les autorités locales doivent obtenir du gouvernement central dans de nombreux domaines. 

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


Dans le système gouvernemental de la République de Chypre, la seule possibilité de délégation intergouvernementale de pouvoirs (au sens propre du terme) est celle qui se produit entre le gouvernement central et les autorités locales. Cependant, le système d’administration locale de la République de Chypre ne réglemente pas de manière détaillée la « délégation » de pouvoirs du gouvernement central aux autorités locales.

En outre, les différents textes législatifs clés sur les collectivités locales ne régissent pas le mode de délégation des pouvoirs de l’État aux autorités locales. La loi sur les municipalités et la loi sur les communautés rurales n’abordent absolument pas cette question. Cela vient probablement du fait que ce mécanisme n’est pas une pratique courante et que l’État ne délègue généralement pas de tâches ou de compétences aux autorités locales. Ce processus peut également être connu sous d’autres noms, comme la « décentralisation », mais n’est pas la même chose.

La délégation de nouvelles compétences aux autorités locales et le principe du financement concomitant ne sont pas des pratiques courantes à Chypre. Ce processus s’est produit de manière très limitée et très ciblée, avec la décentralisation au milieu des années 1980 de certaines compétences d’urbanisme vers quatre municipalités seulement (dont Nicosie, voir plus haut). D’ailleurs, il n’existe aucune information permettant de savoir si un financement concomitant a été prévu dans ce cas précis. En conséquence, les autorités locales s’acquittent généralement de leurs compétences (telles que consacrées par la législation applicable) en tant que compétences « originelles » et non en tant que compétences « déléguées ».

Compte tenu de ce qui précède, et au vu de l’utilisation très limitée de cette technique, rien ne permet de conclure que la situation en République de Chypre est conforme à cette disposition de la Charte.

 

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


Dans le système gouvernemental chypriote, et contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, il n’existe pas d’organisme, de mécanisme, d’organe administratif permanent ou de commission bilatérale établie spécifiquement pour consulter les collectivités locales et encadrer leur participation à la prise de décision des instances de l’État sur les questions les concernant. En outre, les deux lois principales régissant les différents types de collectivités locales (municipalités et communautés rurales) n’abordent pas la question de la consultation ou de la négociation intergouvernementale, que ce soit sur le plan fonctionnel ou organique.

Les interlocuteurs de la délégation ont toutefois indiqué qu’il existait un certain mode de consultation de facto, que les autorités locales étaient écoutées par les ministères centraux et que les organismes locaux trouvaient le moyen de faire du lobbying auprès des autorités centrales. Ils ont présenté différents exemples, le plus pertinent étant la consultation des deux associations nationales dans le cadre de la récente réforme de l’administration locale (voir plus loin). 

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


L’article 5 de la Charte est devenu un aspect important de la réforme de l’administration locale actuellement menée à Chypre (notamment du projet de loi prévoyant des fusions et regroupements massifs de collectivités locales). Les différentes parties prenantes concernées par la réforme sont en désaccord sur la mesure dans laquelle cette disposition de la Charte a été respectée. Le gouvernement considère que cette disposition a été pleinement respectée et l’association des municipalités partage cet avis. Cependant, certaines collectivités locales visées par la réforme (notamment les communautés rurales) contestent fermement cette version.

L’analyse du respect de l’article 5 de la Charte dans le contexte de la réforme de l’administration locale actuellement en discussion à Chypre requiert un examen approfondi de deux différents aspects, conformément au libellé de cette disposition. Premièrement, l’attention doit être portée sur la question de savoir si les modifications des limites territoriales locales seront opérées ou non sur la base d’une consultation préalable, véritable et authentique des collectivités locales concernées. Deuxièmement, la question de l’organisation d’un référendum sur la réforme doit être analysée séparément.

 

Il semble que la consultation des collectivités locales n’a pas été aussi large qu’elle aurait pu l’être, en ce qu’elle ne s’est pas étendue à l’ensemble des maires, présidents, conseils locaux et associations de citoyens concernés, et que la campagne de communication aurait pu être améliorée. Le processus de consultation n’a pas été aussi complet, véritable et exhaustif qu’il aurait été souhaitable.

Le gouvernement cherche apparemment à éviter les référendums locaux, qui semblent constituer une ligne rouge à ne pas franchir. Selon des fonctionnaires ministériels de haut rang, plusieurs caractéristiques structurelles et tacites du système chypriote d’administration locale plaident en défaveur des référendums locaux. Si des référendums individuels devaient avoir lieu dans toutes les collectivités locales visées par la réforme, deux problèmes pourraient en effet survenir : premièrement, dans la mesure où il existe un fort clientélisme politique et une conception étroite de la conduite des affaires publiques au niveau local, il y a fort à parier que les fusions/regroupements proposés seraient rejetés dans le seul but de maintenir le statu quo et le pouvoir politique actuel de certains dirigeants locaux, un pouvoir qui serait perdu dans les nouvelles unités territoriales plus vastes créées par la réforme. Deuxièmement, d’importants problèmes techniques pourraient se poser, par exemple si le regroupement était accepté par certaines collectivités locales, mais rejeté par d’autres. L’ensemble de la réforme serait déséquilibré et pourrait être bloqué. Pour résumer, le gouvernement considère que le référendum devrait être national afin de permettre un renforcement et une autonomisation de l’administration locale, aussi paradoxal que cela puisse paraître.

Par conséquent, il semble que la consultation des collectivités locales n’a pas été aussi large qu’elle aurait pu l’être, en ce qu’elle ne s’est pas étendue à l’ensemble des maires, présidents, conseils locaux et associations de citoyens concernés, et que la campagne de communication aurait pu être améliorée. Le processus de consultation n’a pas été aussi complet, véritable et exhaustif qu’il aurait été souhaitable.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


En vertu des lois sur les municipalités et les communautés rurales, les collectivités locales chypriotes peuvent définir elles-mêmes leurs structures administratives internes, mais dans les faits, cette capacité est extrêmement limitée pour des raisons juridiques et pratiques, principalement le manque de ressources financières et l’intervention du gouvernement central.

La situation décrite ci-dessus pourrait considérablement changer à l’avenir, dans l’intérêt de l’autonomie locale : de hauts responsables gouvernementaux ont assuré à la délégation que si la réforme de l’administration locale était finalement approuvée, le ministère de l’Intérieur se contenterait d’effectuer un contrôle de la légalité des propositions, et il serait alors plus facile pour les collectivités locales de pourvoir leurs postes vacants.

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


Les autorités locales gèrent, en principe, leurs propres ressources humaines de manière autonome. Par voie de règlements, les municipalités peuvent procéder à la création, notamment, des postes prévus par l’article 54(1)(a) de la loi sur les municipalités, à savoir les postes de secrétaire municipal, d’ingénieur urbaniste, de trésorier municipal, de médecin municipal, d’inspecteur municipal de l’hygiène et de chef de tout autre service de la municipalité. Ces règlements doivent cependant être préalablement approuvés par le conseil des ministres. Le conseil municipal est habilité par la loi à nommer des agents aux postes susmentionnés, mais aussi à des postes inférieurs, conformément à l’article 55(1) de la loi sur les municipalités.

Compte tenu de la capacité réduite des collectivités locales à gérer leur propre personnel, de la nécessité pour elles d’obtenir l’approbation préalable de leurs règlements, et de leurs capacités financières limitées pour offrir des formations, les rapporteurs concluent que l’article 6.2 n’est que partiellement respecté dans la République de Chypre.

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


En ce qui concerne cette disposition, l’élément le plus important retenu par les rapporteurs, comme lors de la précédente mission de suivi, est que dans le système juridique chypriote actuel, il n’y a pas de loi, ou d’ensemble de lois et règlements, qui définisse convenablement le statut des élus locaux, précise leurs obligations, leurs devoirs et leurs droits et prévoie des garanties pour assurer le libre exercice de leur mandat. En effet, il n’existe pas de réglementation complète qui garantisse aux élus locaux le libre exercice de leurs fonctions, comme c’est le cas dans d’autres pays. La loi sur les municipalités et la loi sur les communautés rurales consacrent plusieurs articles à la composition du conseil et à la question des incompatibilités, mais n’abordent pas celle du « statut ». Des publications spécialisées d’experts chypriotes confirment cette observation[22].

De fait, dans la mesure où le cadre juridique n’a pas substantiellement changé, les rapporteurs ne pouvaient arriver à une autre conclusion. Cela étant, il est vrai également que rien dans le système juridique interne actuel ni dans la pratique politique ne donne aux rapporteurs des raisons de croire que les élus locaux n’exercent pas librement leurs fonctions. Ce fait n’a jamais été mis en doute ces dernières années, du moins à la connaissance des rapporteurs.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


Dans la République de Chypre, les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d’élu local sont fixées par la loi. En effet, la loi sur les municipalités précise les motifs d’inéligibilité et indique quelles fonctions sont incompatibles avec le mandat d’élu local (voir article 16 et suivants).

De plus, la Constitution elle-même interdit d’occuper deux différentes fonctions publiques dans la République. Par conséquent, le cumul des mandats électifs n’est pas autorisé dans le pays. Les incompatibilités sont donc réglementées de manière satisfaisante et exhaustive et la délégation n’a eu connaissance d’aucune plainte sur cette question.

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Non ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


Par conséquent, et bien que l’article 7.2 ne lie pas la République de Chypre, les rapporteurs estiment qu’à cet égard, la situation ne satisfait pas pleinement aux exigences de cette disposition, dans la mesure où les rémunérations ne sont pas réglementées, et ne sont par conséquent ni stables ni garanties par la loi. Cette conformité partielle est particulièrement patente dans le cas des communautés rurales

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


Le système chypriote d’administration locale prévoit de nombreuses situations dans lesquelles un contrôle préalable ou une autorisation du pouvoir central est requis. Ces contrôles sont exercés, dans le cas des municipalités, par le ministère de l’Intérieur, le ministère des Finances et le Conseil des ministres. En ce qui concerne les communautés rurales, ces contrôles sont généralement effectués par le chef de district.

Il s’agit là d’un trait structurel du paysage de l’administration locale : de nombreuses décisions des collectivités locales doivent être entérinées par les ministères, voire approuvées ex ante. Le fait que les ministères centraux supervisent et contrôlent les activités des collectivités locales a été observé lors de toutes les missions de suivi menées à ce jour en République de Chypre. De plus, les interlocuteurs rencontrés ont indiqué à la délégation que dans ce domaine, comme dans le reste du système de l’administration locale, il y avait eu peu de changements ou d’améliorations ces dernières années.

D’une manière générale, les contrôles externes sur les collectivités locales dont il est question dans le présent paragraphe sont prévus par la loi. C’est pourquoi, pour cette raison formaliste, les rapporteurs considèrent que l’article 8.1 de la Charte est respecté par la République de Chypre.

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.


En théorie, les exemples de contrôle présentés au point précédent ne visent qu’à s’assurer de la légalité des décisions locales. Cependant, les responsables locaux rencontrés par la délégation se sont fréquemment plaints de ce que ces contrôles portaient parfois sur l’opportunité des décisions.

Cette critique s’explique par le fait que de nombreuses décisions des collectivités locales sont soumises à l’approbation des autorités étatiques et que ces dernières se prononcent de manière quasi discrétionnaire, sans que les critères pris en compte pour donner ou non leur accord aient été clairement définis. Il arrive aussi que les autorités étatiques donnent la priorité à leurs propres choix politiques.

Il existe également une certaine ambiguïté concernant le pouvoir du contrôleur général des comptes sur les municipalités, qui pourrait aussi être interprété comme le pouvoir de contrôler l’opportunité, plutôt que la légalité des décisions. Cependant, la délégation n’a pas pu recueillir de déclaration détaillée ou circonstanciée à l’appui d’une telle assertion.

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.


Voir réponse à l'article 8.1

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Non ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


119. L’article 9, paragraphe 1, de la Charte dispose que les collectivités locales doivent avoir des ressources propres suffisantes, dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences. L’autonomie financière est un aspect essentiel du principe de l’autonomie locale ; elle est également essentielle pour l’exercice d’un large éventail de responsabilités dans le domaine des affaires publiques locales. Ces aspects se cumulent entre eux, ce qui signifie que toutes les conditions énoncées dans cette disposition de la Charte doivent être réunies. 120. Un autre principe fondamental suppose que les collectivités locales disposent de ressources financières suffisantes proportionnées aux responsabilités qui leur sont confiées par la loi. Il est particulièrement difficile, d’après les données et les informations disponibles, de déterminer dans quelle mesure cette exigence est respectée à Chypre, si elle est respectée. Tandis que certaines ONG affirment que, faute de financements insuffisants, de nombreuses petites communautés rurales ne sont pas en mesure de proposer des services publics adéquats, d’autres considèrent que le principe du financement adéquat semble plus ou moins respecté à Chypre, mais uniquement parce que les municipalités n’ont que des fonctions extrêmement limitées. 121. Comme mentionné précédemment, les autorités locales sont tenues, en vertu de la loi sur les municipalités, de la loi sur les communautés rurales et de la loi sur la responsabilité financière et le système budgétaire, de soumettre leur budget annuel au gouvernement central pour approbation. Au cours de la visite de suivi, la délégation du Congrès a eu plusieurs fois l’occasion d’aborder cette question avec des responsables et hauts représentants de deux ministères, d’autres instances nationales et des représentants des collectivités locales dans lesquelles elle s’est rendue et des associations de collectivités locales. Le point de vue dominant au sein des autorités centrales est que dans la mesure où les municipalités et les communautés rurales font partie de l’Etat, où elles perçoivent des subventions du gouvernement central et dépensent l’argent public, et où l’Etat (le gouvernement central) est le garant du déficit et de la dette des collectivités locales, l’approbation préalable de leurs budgets par le gouvernement central est justifiée. Cependant, l’article 9, paragraphe 1, de la Charte stipule que les collectivités locales ont droit à des ressources propres dont elles peuvent disposer librement. Cette exigence est difficilement compatible avec l’approbation obligatoire des budgets locaux par le gouvernement central, dont l’obtention peut être conditionnée par la satisfaction de certaines conditions et attentes spéciales. Etant donné qu’à Chypre, tous les membres des conseils des municipalités et des communautés rurales sont démocratiquement élus, ils ont suffisamment de légitimité pour décider de la manière de dépenser leurs ressources. Les autorités locales devraient être tenues de rendre des comptes à leurs électeurs plutôt qu’au gouvernement central, dont elles doivent respecter les décisions concernant les affaires publiques locales. Comme indiqué précédemment, le Ministère de l’Intérieur a toutefois un autre point de vue et souligne le fait que ce contrôle se cantonne au seul but d’assurer la conformité avec la loi du budget proposé, et que le gouvernement central n’impose ainsi aucune proposition aux autorités locales. Malgré cela, les rapporteurs maintiennent que la pratique de l’approbation par le gouvernement central des budgets des collectivités locales témoigne d’un système financier excessivement centralisé, au sein duquel la plupart des décisions locales importantes sont influencées ou étroitement contrôlées par le gouvernement central. 122. D’après les conclusions des rapporteurs, en l’absence de toute méthode prévisible et transparente de calcul des subventions de l’Etat, les collectivités locales ne peuvent être sûres d’obtenir suffisamment d’argent pour mener leurs tâches et fonctions obligatoires à bien. Il est très difficile, pour elles, de planifier leurs dépenses courantes si elles ne peuvent qu’espérer recevoir une subvention d’un montant égal à celui qu’elles reçoivent habituellement. Ces difficultés sont d’autant plus évidentes que le montant total des subventions centrales a considérablement diminué ces dernières années. 123. La méthode de calcul présumée, qui repose sur les données budgétaires de l’année précédente, n’est pas sans risque pour les collectivités locales, car la baisse des recettes locales due aux répercussions négatives de la crise économique mondiale et celle des subventions de l’Etat observées ces dernières années pourraient se poursuivre, fixant durablement les recettes locales à un faible niveau (voir le paragraphe 89 ci-dessus pour de plus amples informations). 124. Comme expliqué par certains représentants des collectivités locales, il n’est procédé à aucune évaluation ou enquête sur les besoins financiers réels des collectivités avant l’allocation des subventions de l’Etat. Dès lors, il est peu probable que les collectivités locales puissent proposer le même niveau de services publics dans toutes les villes et zones rurales. En outre, si la planification du budget central ne repose pas sur une évaluation détaillée des besoins locaux, l’utilisation des subventions risque d’être inefficace. Cette opinion a été contestée pendant le processus de consultation par le Ministère de l’Intérieur qui a affirmé que la contribution du gouvernement central aux projets des collectivités locales les plus défavorisées atteint parfois 100% des coûts d’investissement locaux, sans compter le fait que le Ministère de l’Intérieur, comme indiqué précédemment, a la possibilité d’accorder des subventions supplémentaires aux autorités locales nécessiteuses, sur la base d’un pouvoir discrétionnaire et de critères spécifiquement établis. 125. Un problème similaire se pose en ce qui concerne les subventions spécifiques (ou « affectées »), la plupart des projets de développement local étant financés par le gouvernement central. Si les recettes locales sont insuffisantes pour financer les dépenses d’investissement, les collectivités locales sont exposées au risque que le gouvernement central ne s’ingère dans les affaires locales. En fait, la plupart des projets de développement local, y compris les plus petits, portant, par exemple, sur la réfection de routes ou la construction de pistes cyclables, sont élaborés au niveau du gouvernement central. Cette méthode de planification et de mise en œuvre ses politiques et projets de développement local semble inefficace. Le Ministère de l’Intérieur a récusé ce constat pendant la procédure de consultation en affirmant que toutes les autorités locales sans exception avaient la possibilité de mener et de mettre en œuvre leurs propres projets de développement dans la limite de leurs ressources financières. 126. La Charte dispose qu’une partie au moins des ressources financières locales doit provenir des impôts locaux. L’article 9, paragraphe 3, définit la nature de ces impôts, précisant qu’il s’agit de ceux dont les collectivités locales, dans les limites de la loi, doivent pouvoir déterminer le taux. En outre, les impôts locaux ne constituent véritablement des sources de revenus « propres » que si leur collecte est librement décidée au niveau local. A Chypre, la part des impôts locaux dans les budgets locaux est relativement importante, même si une partie de ces recettes n’est pas liée à des impôts locaux à proprement parler (mais plutôt à des droits et redevances dont doivent s’acquitter les usagers de certains services publics locaux). Le seul problème détecté dans ce domaine a été la faible capacité des collectivités à prélever des impôts locaux. A cet égard, les autorités fiscales centrales pourraient contribuer très utilement à la collecte des impôts locaux par les différentes collectivités locales. 127. Ni la loi sur les municipalités, ni celle sur les communautés rurales ne mentionnent le principe dit « de connexité » (allocation de ressources adéquates), et la pratique montre que les subventions de l’Etat ne sont pas ajustées aux besoins locaux. Il n’existe donc aucune disposition pour garantir que les collectivités locales disposent de ressources financières appropriées et proportionnées aux compétences obligatoires des municipalités et des communautés rurales. 128. S’agissant du respect global de l’article 9, les rapporteurs ont conclu que les paragraphes 4 et 5 de cet article n’étaient pas mis en œuvre, et que le respect des paragraphes 2 et 6 n’était pas garanti étant donné que les lois applicables ne contiennent aucune disposition garantissant le principe de la proportionnalité des ressources financières, tel qu’établi au paragraphe 2, ni la consultation préalable des collectivités locales, d’une manière appropriée, sur les questions financières, telle qu’imposée au paragraphe 6.
Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Non ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


Les collectivités locales chypriotes peuvent avoir accès à l’emprunt et aux prêts auprès du secteur bancaire privé. D’après la législation pertinente, avant que de nouveaux prêts soient consentis aux municipalités, l’approbation des ministères de l’Intérieur et des Finances est nécessaire, après quoi les prêts aux municipalités doivent encore être approuvés par le conseil des ministres.

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


Comme indiqué précédemment (voir les commentaires sur l’article 4.6), il n’y a pas en République de Chypre de mécanisme institutionnel permanent destiné à garantir la consultation nécessaire des collectivités locales chaque fois que le pouvoir central prend des décisions sur des initiatives, des réglementations, des projets ou des programmes affectant les collectivités locales. Il n’y a pas d’exception à cette situation, même dans le domaine de la distribution ou redistribution des ressources financières allouées aux collectivités locales. Lors de la précédente visite de suivi, il avait été conclu à la violation de cette disposition. Ce domaine n’a connu depuis lors que peu de progrès, voire aucun.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Non ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


Il semble que la notion même de péréquation entre les collectivités locales soit absente du système actuel de finances locales et qu’il n’y ait pas véritablement, dans les faits, de mécanisme de péréquation en République de Chypre.

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


Les municipalités et les communautés rurales chypriotes peuvent percevoir des impôts, redevances, charges et droits divers, qui forment la plus grande partie de leurs recettes. La formulation de l’article 9.3 appelle une analyse distincte des impôts locaux et des charges ou redevances locales.

D’après tous les interlocuteurs avec lesquels la délégation s’est entretenue, les impôts locaux sont peu élevés en République de Chypre et la compétence fiscale des collectivités locales est limitée. Cela vaut en particulier pour les communautés rurales, du fait que l’assiette fiscale y est en règle générale très faible, tandis qu’elles ne génèrent pas non plus une part importante de charges ou redevances. Par conséquent, elles dépendent plus fortement encore de subventions du pouvoir central. Par exemple, la proportion des recettes fiscales des collectivités locales au sein des recettes fiscales totales à l’échelle du pays a été estimée à seulement 1,2 % en 2017, un chiffre extrêmement bas par rapport aux normes européennes.

Par conséquent, les collectivités locales perçoivent des redevances sur les personnes physiques et morales pour l’exercice d’activités professionnelles. Pour ce qui concerne les municipalités, l’article 103 de la loi sur les municipalités interdit d’exercer une activité économique, qu’elle soit industrielle, commerciale, libérale ou autre, sans avoir obtenu préalablement l’autorisation pertinente du conseil municipal. La municipalité a le droit de percevoir une redevance pour l’octroi d’une telle autorisation aux termes de la loi sur les municipalités, tandis qu’une redevance annuelle distincte est imposée aux personnes morales, c’est-à-dire aux entreprises et sociétés, pour l’exercice de toute activité économique, industrielle, commerciale ou libérale.

De plus, les municipalités perçoivent des redevances pour la collecte des déchets, en vertu de l’article 84(z) de la loi sur les municipalités, ainsi qu’une « taxe sur les divertissements » régie par les articles 85 et 87 de cette loi. Cette taxe consiste en une somme forfaitaire versée par les personnes ayant une activité économique dans le secteur des divertissements. Chaque municipalité peut librement réglementer la manière dont elle perçoit et collecte la taxe sur les divertissements.

Les éléments ci-dessus semblent indiquer que les collectivités locales chypriotes jouissent d’un certain degré d’autonomie financière, portant sur des ressources limitées. Elles peuvent percevoir des taxes, redevances, charges et droits qui composent la plus grande partie de leurs revenus et elles reçoivent des dotations de l’État qu’elles peuvent utiliser pour couvrir leurs dépenses de fonctionnement. Néanmoins, les recettes fiscales locales demeurent extrêmement faibles par rapport aux recettes fiscales totales à l’échelle du pays, et les collectivités locales doivent faire approuver leur réglementation fiscale. Les restrictions actuelles montrent que l’article 9.3 de la Charte n’est pas pleinement respecté.

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


Premièrement, le principe de la proportionnalité des ressources financières locales n’est inscrit ni dans la Constitution, ni dans les lois pertinentes. La plupart des responsables locaux rencontrés par la délégation considèrent que ce principe n’est pas appliqué dans la pratique, ni de manière informelle, et qu’il n’existe pas de règles juridiques ou de mécanismes institutionnels destinés à garantir une corrélation entre les moyens financiers des collectivités locales et leurs compétences.

Par ailleurs, les ressources financières des collectivités locales ne leur permettent pas de mener des projets innovants ou nécessaires, puisque la plus grande partie de leurs recettes doit servir à couvrir leurs coûts de fonctionnement. Ainsi, la masse salariale représente (en moyenne) 40 % des dépenses totales des municipalités, tandis que le reste de leurs dépenses de fonctionnement en représente environ 30 %. Par conséquent, les dépenses salariales et de fonctionnement constituent la plus grande part des dépenses totales des municipalités. Les dépenses de fonctionnement incluent les dépenses liées à la prestation de services aux citoyens.

Un autre sujet d’insatisfaction concerne le financement des compétences déléguées. D’après les dirigeants locaux, lorsque le pouvoir central délègue des compétences aux collectivités locales, il ne leur accorde pas les ressources financières correspondantes. La législation en vigueur ne contient aucune disposition à ce sujet. Les dirigeants locaux ont affirmé qu’il pouvait arriver que des ressources correspondantes soient accordées, mais que cela relevait entièrement de la discrétion du pouvoir central. Il s’agit d’un aspect dont l’UMC a demandé à de multiples reprises qu’il soit mentionné explicitement dans le projet de réforme, mais cette proposition a été rejetée. Il en est de même pour le financement des compétences partagées : il n’est pas garanti par la législation en vigueur et reste largement à la discrétion du pouvoir central.

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.


Le respect de cette disposition de la Charte en République de Chypre soulève de nombreuses questions, au vu des conclusions des précédentes visites de suivi du Congrès et des informations recueillies maintenant. Pour de nombreux interlocuteurs, les ressources financières locales ne sont pas jugées suffisantes par rapport aux responsabilités prévues par la législation.

Les dotations du pouvoir central transférées aux municipalités représentent en moyenne approximativement 40 % de leurs recettes totales (45,4 % en 2017). Le gouvernement finance en outre les projets d’infrastructures entrepris par les municipalités, qui représentent approximativement 80 % des dépenses d’investissement totales. Il est manifeste que sans les dotations centrales la plupart des municipalités ne seraient pas en mesure de remplir leurs tâches et obligations.

Des hauts responsables du ministère des Finances ont reconnu qu’un grand nombre de collectivités locales chypriotes (en particulier les petites communautés rurales) étaient incapables de répondre aux besoins de la population et qu’elles étaient confrontées à de graves difficultés financières. En résumé, ils ont concédé que les collectivités locales ne jouissent actuellement d’aucune autonomie financière. Cela vaut d’une manière générale pour les municipalités (bien qu’il puisse y avoir des différences spécifiques entre les municipalités ordinaires et les cinq grandes municipalités), mais la situation est pire encore pour les communautés rurales.

En résumé, les rapporteurs ont noté plusieurs points négatifs concernant les finances locales : l’insuffisance des ressources financières locales, la dépendance excessive vis-à-vis du pouvoir central en matière financière, le nombre excessif des contrôles ex ante et l’existence d’un cadre opérationnel manquant à la fois de transparence, de stabilité et de prévisibilité. Il est vivement attendu du projet de réforme des collectivités locales qu’il améliore considérablement la situation, mais l’approbation de cette réforme demeure toutefois incertaine (voir ci-dessus).

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


Les observations faites en lien avec les alinéas précédents valent également pour celui-ci. En effet, les principes selon lesquels les finances locales doivent être de nature diversifiée et évolutive ne sont inscrits ni dans la Constitution, ni dans les lois pertinentes.

De plus, la plupart des responsables locaux rencontrés par la délégation ont souligné que ces principes n’étaient pas respectés ou mis en œuvre dans la pratique ni de manière informelle. Il n’existe pas de règles juridiques ou de mécanismes institutionnels destinés à garantir une diversification suffisante des finances locales (comme on l’a vu, il y a une trop grande dépendance vis-à-vis des dotations du pouvoir central) ou leur réévaluation périodique afin de suivre l’évolution du coût de la vie ou l’octroi de nouvelles responsabilités.

Plusieurs responsables locaux ont affirmé que les compétences assignées aux collectivités locales ne s’accompagnent pas d’un financement correspondant et que le financement des compétences communes liées à la construction des routes n’est pas garanti.

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


À Chypre, les collectivités locales ont le droit de coopérer les unes avec les autres en vue de s’acquitter plus efficacement de leurs fonctions, services et responsabilités. En principe, elles ont la possibilité de conclure des accords formels en vertu desquels deux d’entre elles ou plus mettent en commun des ressources et des moyens qui leur permettent d’assurer les services publics dont elles ont la charge. Elles peuvent également instaurer des mécanismes plus stables en s’associant avec d’autres collectivités locales dans le cadre de « complexes » pour la réalisation de tâches d’intérêt commun.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


À Chypre, le droit des collectivités locales de se rassembler dans le cadre d’associations pour la défense et la promotion de leurs intérêts est pleinement reconnu dans la législation et dans la pratique. Il existe plusieurs associations de collectivités locales dans le pays. Deux sont d’envergure nationale — une pour chaque type de collectivités locales —, mais il existe aussi des associations de collectivités locales à l’échelle des districts.

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


Comme indiqué dans la partie 1 du présent rapport, la République de Chypre a ratifié tous les traités internationaux du Conseil de l’Europe relatifs à la coopération transfrontalière au niveau local, à savoir la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 106) et les protocoles de 1995 (STE n° 159), de 1998 (STE n° 169) et de 2009 (STE n° 206).

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


Pour répondre à la question du respect de l’article 11, il faut d’abord se demander si la Charte peut ou non être directement invoquée par les collectivités locales devant un tribunal, dans le cadre d’une procédure judiciaire. Comme indiqué dans la section 2.3, la Charte a bien été signée et ratifiée par la République de Chypre — avec une réserve sur l’article 7.2 — et intégrée au sein du système juridique avec l’adoption d’une loi en ce sens par le Parlement chypriote. Néanmoins, la Cour suprême a estimé que la Charte n’était pas directement applicable.

En effet, d’après la législation chypriote, pour qu’un traité puisse être considéré comme directement applicable (et invoqué devant les tribunaux), il doit avoir un effet direct. Or les déclarations générales et les dispositions relatives à des questions politiques ou aux relations internationales qui figurent dans une convention ne sont pas considérées comme pourvues d’effet direct. Les seules dispositions des traités internationaux qui sont considérées comme pourvues d’effet direct sont celles qui peuvent être directement appliquées par les organes de l’État, qui peuvent être exécutées par les tribunaux et qui génèrent des droits pour les particuliers, ou bien les dispositions qui régissent directement les relations entre les particuliers ou entre les particuliers et l’État ou les pouvoirs publics. À l’inverse, les dispositions qui ne génèrent pas de droits ou d’obligations pour des particuliers, qui ne peuvent pas être invoquées en justice ou qui ne visent pas des actes ou des omissions de la part d’organes de l’État ne sont pas considérées comme pourvues d’effet direct[24].

Les collectivités locales peuvent former des recours en justice pour défendre leurs intérêts, mais pas pour obtenir une protection du principe de l’autonomie locale. Il y a trois raisons à cela : a) le principe de l’autonomie locale n’est pas inscrit dans la Constitution ou dans la législation ordinaire ; b) la Charte n’est pas considérée comme directement applicable ; c) il n’existe pas de voie de recours, de conflit ou de procédure judiciaire spécifiques qui permettraient d’obtenir une protection du principe de l’autonomie locale.

Article 12.1
Engagements - Non ratifié

Toute Partie s'engage à se considérer comme liée par vingt au moins des paragraphes de la partie I de la Charte dont au moins dix sont choisis parmi les paragraphes suivants:

 

– article 2,

– article 3, paragraphes 1 et 2,

– article 4, paragraphes 1, 2 et 4,

– article 5,

– article 7, paragraphe 1,

– article 8, paragraphe 2,

– article 9, paragraphes 1, 2 et 3,

– article 10, paragraphe 1,

– article 11.


Article 12.2
Engagements - Non ratifié

Chaque Etat contractant, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, notifie au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe les paragraphes choisis conformément à la disposition du paragraphe 1 du présent article.


Article 12.3
Engagements - Non ratifié

Toute Partie peut, à tout moment ultérieur, notifier au Secrétaire Général qu'elle se considère comme liée par tout autre paragraphe de la présente Charte, qu'elle n'avait pas encore accepté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article. Ces engagements ultérieurs seront réputés partie intégrante de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la Partie faisant la notification et porteront les mêmes effets dès le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.


ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

La République de Chypre est partie à la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122, ci-après : « la Charte »), qu’elle a signée le 8 octobre 1986 et ratifiée le 16 mai 1988. La Charte est entrée en vigueur dans ce pays le 1er septembre 1988.



26Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
7 Articles non ratifiés
7Disposition(s) conforme(s)
9Articles partiellement conformes
12Disposition(s) non conforme(s)