Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.
119. L’article 9, paragraphe 1, de la Charte dispose que les collectivités locales doivent avoir des ressources propres suffisantes, dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences. L’autonomie financière est un aspect essentiel du principe de l’autonomie locale ; elle est également essentielle pour l’exercice d’un large éventail de responsabilités dans le domaine des affaires publiques locales. Ces aspects se cumulent entre eux, ce qui signifie que toutes les conditions énoncées dans cette disposition de la Charte doivent être réunies.
120. Un autre principe fondamental suppose que les collectivités locales disposent de ressources financières suffisantes proportionnées aux responsabilités qui leur sont confiées par la loi. Il est particulièrement difficile, d’après les données et les informations disponibles, de déterminer dans quelle mesure cette exigence est respectée à Chypre, si elle est respectée. Tandis que certaines ONG affirment que, faute de financements insuffisants, de nombreuses petites communautés rurales ne sont pas en mesure de proposer des services publics adéquats, d’autres considèrent que le principe du financement adéquat semble plus ou moins respecté à Chypre, mais uniquement parce que les municipalités n’ont que des fonctions extrêmement limitées.
121. Comme mentionné précédemment, les autorités locales sont tenues, en vertu de la loi sur les municipalités, de la loi sur les communautés rurales et de la loi sur la responsabilité financière et le système budgétaire, de soumettre leur budget annuel au gouvernement central pour approbation. Au cours de la visite de suivi, la délégation du Congrès a eu plusieurs fois l’occasion d’aborder cette question avec des responsables et hauts représentants de deux ministères, d’autres instances nationales et des représentants des collectivités locales dans lesquelles elle s’est rendue et des associations de collectivités locales. Le point de vue dominant au sein des autorités centrales est que dans la mesure où les municipalités et les communautés rurales font partie de l’Etat, où elles perçoivent des subventions du gouvernement central et dépensent l’argent public, et où l’Etat (le gouvernement central) est le garant du déficit et de la dette des collectivités locales, l’approbation préalable de leurs budgets par le gouvernement central est justifiée. Cependant, l’article 9, paragraphe 1, de la Charte stipule que les collectivités locales ont droit à des ressources propres dont elles peuvent disposer librement. Cette exigence est difficilement compatible avec l’approbation obligatoire des budgets locaux par le gouvernement central, dont l’obtention peut être conditionnée par la satisfaction de certaines conditions et attentes spéciales. Etant donné qu’à Chypre, tous les membres des conseils des municipalités et des communautés rurales sont démocratiquement élus, ils ont suffisamment de légitimité pour décider de la manière de dépenser leurs ressources. Les autorités locales devraient être tenues de rendre des comptes à leurs électeurs plutôt qu’au gouvernement central, dont elles doivent respecter les décisions concernant les affaires publiques locales. Comme indiqué précédemment, le Ministère de l’Intérieur a toutefois un autre point de vue et souligne le fait que ce contrôle se cantonne au seul but d’assurer la conformité avec la loi du budget proposé, et que le gouvernement central n’impose ainsi aucune proposition aux autorités locales. Malgré cela, les rapporteurs maintiennent que la pratique de l’approbation par le gouvernement central des budgets des collectivités locales témoigne d’un système financier excessivement centralisé, au sein duquel la plupart des décisions locales importantes sont influencées ou étroitement contrôlées par le gouvernement central.
122. D’après les conclusions des rapporteurs, en l’absence de toute méthode prévisible et transparente de calcul des subventions de l’Etat, les collectivités locales ne peuvent être sûres d’obtenir suffisamment d’argent pour mener leurs tâches et fonctions obligatoires à bien. Il est très difficile, pour elles, de planifier leurs dépenses courantes si elles ne peuvent qu’espérer recevoir une subvention d’un montant égal à celui qu’elles reçoivent habituellement. Ces difficultés sont d’autant plus évidentes que le montant total des subventions centrales a considérablement diminué ces dernières années.
123. La méthode de calcul présumée, qui repose sur les données budgétaires de l’année précédente, n’est pas sans risque pour les collectivités locales, car la baisse des recettes locales due aux répercussions négatives de la crise économique mondiale et celle des subventions de l’Etat observées ces dernières années pourraient se poursuivre, fixant durablement les recettes locales à un faible niveau (voir le paragraphe 89 ci-dessus pour de plus amples informations).
124. Comme expliqué par certains représentants des collectivités locales, il n’est procédé à aucune évaluation ou enquête sur les besoins financiers réels des collectivités avant l’allocation des subventions de l’Etat. Dès lors, il est peu probable que les collectivités locales puissent proposer le même niveau de services publics dans toutes les villes et zones rurales. En outre, si la planification du budget central ne repose pas sur une évaluation détaillée des besoins locaux, l’utilisation des subventions risque d’être inefficace. Cette opinion a été contestée pendant le processus de consultation par le Ministère de l’Intérieur qui a affirmé que la contribution du gouvernement central aux projets des collectivités locales les plus défavorisées atteint parfois 100% des coûts d’investissement locaux, sans compter le fait que le Ministère de l’Intérieur, comme indiqué précédemment, a la possibilité d’accorder des subventions supplémentaires aux autorités locales nécessiteuses, sur la base d’un pouvoir discrétionnaire et de critères spécifiquement établis.
125. Un problème similaire se pose en ce qui concerne les subventions spécifiques (ou « affectées »), la plupart des projets de développement local étant financés par le gouvernement central. Si les recettes locales sont insuffisantes pour financer les dépenses d’investissement, les collectivités locales sont exposées au risque que le gouvernement central ne s’ingère dans les affaires locales. En fait, la plupart des projets de développement local, y compris les plus petits, portant, par exemple, sur la réfection de routes ou la construction de pistes cyclables, sont élaborés au niveau du gouvernement central. Cette méthode de planification et de mise en œuvre ses politiques et projets de développement local semble inefficace. Le Ministère de l’Intérieur a récusé ce constat pendant la procédure de consultation en affirmant que toutes les autorités locales sans exception avaient la possibilité de mener et de mettre en œuvre leurs propres projets de développement dans la limite de leurs ressources financières.
126. La Charte dispose qu’une partie au moins des ressources financières locales doit provenir des impôts locaux. L’article 9, paragraphe 3, définit la nature de ces impôts, précisant qu’il s’agit de ceux dont les collectivités locales, dans les limites de la loi, doivent pouvoir déterminer le taux. En outre, les impôts locaux ne constituent véritablement des sources de revenus « propres » que si leur collecte est librement décidée au niveau local. A Chypre, la part des impôts locaux dans les budgets locaux est relativement importante, même si une partie de ces recettes n’est pas liée à des impôts locaux à proprement parler (mais plutôt à des droits et redevances dont doivent s’acquitter les usagers de certains services publics locaux). Le seul problème détecté dans ce domaine a été la faible capacité des collectivités à prélever des impôts locaux. A cet égard, les autorités fiscales centrales pourraient contribuer très utilement à la collecte des impôts locaux par les différentes collectivités locales.
127. Ni la loi sur les municipalités, ni celle sur les communautés rurales ne mentionnent le principe dit « de connexité » (allocation de ressources adéquates), et la pratique montre que les subventions de l’Etat ne sont pas ajustées aux besoins locaux. Il n’existe donc aucune disposition pour garantir que les collectivités locales disposent de ressources financières appropriées et proportionnées aux compétences obligatoires des municipalités et des communautés rurales.
128. S’agissant du respect global de l’article 9, les rapporteurs ont conclu que les paragraphes 4 et 5 de cet article n’étaient pas mis en œuvre, et que le respect des paragraphes 2 et 6 n’était pas garanti étant donné que les lois applicables ne contiennent aucune disposition garantissant le principe de la proportionnalité des ressources financières, tel qu’établi au paragraphe 2, ni la consultation préalable des collectivités locales, d’une manière appropriée, sur les questions financières, telle qu’imposée au paragraphe 6.