Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi
En principe, le domaine de compétence des communes n’est pas garanti par la Constitution des cantons. Les constitutions cantonales consacrent en termes généraux l'autonomie communale mais il est très rare qu'elles indiquent les matières dans lesquelles les communes sont autonomes. Les compétences communales sont fixées par les lois cantonales si bien que le législateur cantonal peut modifier la répartition des compétences entre le canton et les communes dans un sens défavorable à celles-ci, sans pour autant méconnaître l'autonomie communale, à condition toutefois de ne pas empiéter sur l'autonomie communale. Parmi les compétences propres des communes il convient de distinguer d'une part les tâches obligatoires qui leur sont imposées par le droit fédéral ou cantonal comme par exemple le plan d'aménagement local ou le règlement communal des constructions et, d'autre part, les tâches que les communes ont décidé d'assumer pour autant que ni la Confédération, ni les cantons n'en soient responsables, comme par exemple la construction des équipements sportifs ou culturels.
Le principe général, expressément consacré par certaines constitutions cantonales, est celui de la compétence générale résiduelle des communes (par exemple : article 26 de la Constitution d’ Argovie, article 122, alinéa 1 de la constitution de Glaris). Ainsi, en plus des tâches qui leur sont confiées par leurs cantons respectifs, plus rarement par la Confédération, les communes déterminent leurs propres compétences dans plusieurs domaines relevant du niveau local en vertu de leur compétence générale résiduelle.
Les communes sont notamment compétentes en matière de police, comme la police de la circulation et de la lutte contre le bruit, de même que la police du commerce. Les communes jouissent également d’une certaine autonomie dans la gestion du domaine public et du patrimoine administratif. Ainsi dans le canton de Zurich, les communes disposent d'importantes compétences en matière d'usage du domaine public. Elles peuvent notamment édicter des règles de police et bénéficient dans ce cadre d'une large marge d'appréciation. La police des constructions (caractéristiques des bâtiments) relève également pour l'essentiel de la compétence communale. Ce sont également les communes qui équipent les zones constructibles (eau, électricité). L'autonomie communale s'étend également à certains travaux publics (équipements sportifs, routes, théâtres, musées…) et à de nombreux services publics industriels et commerciaux (distribution de l'eau et de l'électricité, voirie). Les communes sont également compétentes pour octroyer le droit de cité communal. Tout citoyen d'une commune est citoyen du canton où cette commune est située et tout citoyen d'un canton est également citoyen d'une commune de ce canton (article 37 alinéa 1 de la Constitution).
L'autonomie communale s'exprime également en matière législative et administrative. En matière législative, le pouvoir normatif de la commune peut s'exprimer dans un domaine que le législateur cantonal ou fédéral n'a pas réglé exhaustivement. Cette compétence peut exister soit pour une matière dans sa globalité, soit pour un secteur particulier dans le cadre de la législation fédérale ou cantonale.
Une étude comparative récente prenant en compte sept dimensions de l'autonomie communale (autonomie juridique, politique, fiscale, administrative notamment) pour les appliquer aux 26 cantons suisses a permis de mettre en relief la primauté de la culture comme variable explicative de la différence d'autonomie locale entre les cantons, la Suisse allemande étant clairement caractérisée par un degré d'autonomie plus élevé que la Suisse romande.
Une autre typologie de la décentralisation cantonale fait apparaître cinq groupes de cantons : premièrement, de grands cantons décentralisés (Grisons, Thurgovie et Zurich) dans lesquels la souveraineté des communes est préservée ; deuxièmement, de petits cantons décentralisés (Appenzell Rhodes-Intérieures, Appenzell Rhodes-Extérieures, Glaris, Schwyz, Obwald et Nidwald) ayant une culture politique traditionnellement conservatrice et une forte autonomie locale ; troisièmement, de grands cantons équilibrés (Berne, Lucerne, Saint-Gall, Argovie, Uri, Soleure et Valais) caractérisés par la prédominance d’une culture politique germanique ; quatrièmement, de petits cantons équilibrés (Bâle-Ville, Jura, Schaffhouse et Bâle-Campagne) ; enfin, cinquièmement, les cantons centralisés de Genève, de Neuchâtel, de Fribourg, de Vaud et du Tessin, où une culture politique égalitaire conduit à plus de centralisation.
Il ressort d’ailleurs d’une étude récente réalisée à la demande de la Commission européenne (Local Autonomy Index for European Countries, 1990 – 2014, Bruxelles, Commission européenne) qui prend en compte 11 variables, notamment financières, que la Suisse, avec les pays nordiques et l'Allemagne, figure parmi les pays où l’autonomie locale est la plus élevée.
Alors que le principe de subsidiarité est expressément prévu par la Constitution fédérale s'agissant des relations entre la Confédération et les cantons (article 5a Cst.), les rapporteurs sont d’avis que la répartition des tâches entre les cantons et des communes est le résultat d'évolutions historiques et de rapports de force politiques variables suivant les cantons. Il n’est donc pas possible d'affirmer que le principe de subsidiarité est appliqué de manière générale et systématique dans les rapports entre les cantons et les communes.
Quoi qu'il en soit, les rapporteurs estiment que la répartition des tâches entre le niveau cantonal et le niveau communal peut évoluer dans le temps. Ainsi, suite à l'entrée en vigueur de la réforme sur la péréquation financière et la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) en 2008, la répartition des compétences entre les cantons et les communes a été reconsidérée, dans le sens d'une clarification. Par ailleurs, la délégation a remarqué qu’au cours des dernières années, de plus en plus de tâches ont été transférées du niveau communal au niveau cantonal. Cela s'explique non seulement par le fait que les communes les plus petites ne sont plus en mesure d'exécuter certaines tâches, mais aussi parce que de nouvelles dispositions légales adoptées à l'échelon fédéral entraînent une évolution du droit cantonal peu favorable à l'autonomie communale, comme par exemple la réorganisation de la protection civile dans les années 1990 ou de la protection des mineurs et des adultes dans les années 2010.
En principe, les compétences des communes sont pleines et entières mais certaines d’entre elles ont été transférées dans le cadre de la collaboration intercommunale. Plusieurs cas de figure doivent ici être distingués: en premier lieu, il est possible qu'une tâche soit assumée par une commune seule pour d'autres communes (modèle de commune-siège) sur la base d'un contrat d'affiliation. Par ailleurs, plusieurs communes peuvent assumer conjointement une tâche précise, là encore sur une base contractuelle et elles désignent à cet effet des organes communs compétents. Enfin, plusieurs communes peuvent décider conjointement de transférer l'exécution d'une tâche à une personne juridique distincte des communes elles-mêmes (syndicat de communes par exemple).
La collaboration intercommunale concerne notamment les domaines de la lutte contre l'incendie, des soins médicaux et des écoles: dans ces domaines plus de 65 % des communes ont conclu un accord avec une ou plusieurs communes. Le transfert de tâches communales à des structures de collaboration intercommunale est en forte progression, la petite taille de la plupart des communes suisses expliquant qu’elles ne puissent assurer seules un certain nombre de tâches, faute de moyens humains et financiers suffisants. Certaines tâches sont partagées entre les communes et les cantons (éducation par exemple).
Les rapporteurs constatent pourtant que la création d'un quatrième niveau d'administration, intermédiaire entre les communes et les cantons, auquel sont transférées des tâches communales essentielles, soulève la question de la légitimité démocratique des organes d'administration de ces structures intercommunales. En effet, si les communes sont représentées dans ces organes par des délégués, ces derniers ne sont pas nécessairement des élus. C’est pourquoi, les rapporteurs considèrent qu’il serait à cet égard souhaitable de prévoir que ces instances soient composées d'une proportion minimale d'élus (la moitié par exemple) pour mieux garantir le caractère démocratique de ces institutions, alors même que les possibilités de participation démocratique directe des citoyens se trouvent amoindries.
Les communes exécutent elles-mêmes de nombreuses mesures prises au niveau de la Confédération ou des cantons. S'agissant de l'exécution du droit fédéral, il est possible de citer l'État civil, les droits politiques, le logement, la statistique, la protection civile, la fiscalité ou encore la protection de l'environnement. Elles exécutent le droit cantonal notamment en matière scolaire. Elles sont également chargées de prélever les impôts communaux, cantonaux et fédéraux. Lorsqu'elles sont chargées par le canton ou la Confédération de la simple exécution de certaines tâches, les communes ne disposent en pratique que d’une faible autonomie, leur rôle se limitant à celui d’organes d'exécution. Les communes disposent cependant dans certains cas, d’une marge d’autonomie dans l'application du droit cantonal ou fédéral, lorsque le droit supérieur ne réglemente pas dans le détail la matière concernée et laisse en conséquence une marge d'appréciation relativement plus ou moins importante aux communes.
Il résulte de l’article 50 de la Constitution fédérale que les autorités de la Confédération (Parlement, Conseil fédéral, Administration fédérale) sont tenues, dans leurs différentes activités (législation, élaboration de programmes, travaux publics, décisions financières…) d'évaluer les effets de cette activité pour les communes et dans la mesure du possible, d'éviter les effets indésirables pour celles-ci. Cette exigence ne constitue pas une obligation de résultat mais plutôt une obligation de moyens, une règle de comportement que les autorités fédérales doivent s'efforcer de respecter, autant dans la mise en œuvre du droit que dans son exécution, ce qui laisse aux organes de la Confédération une certaine marge d'appréciation.
Les autorités fédérales doivent donc disposer de suffisamment d'informations pour évaluer les conséquences de leurs actions pour les communes. Pour favoriser l'échange d'informations et l'approfondissement des thématiques, il existe des groupes de travail tripartites regroupant des représentants de l'administration fédérale, les conférences intercantonales concernées et les associations de communes concernées. De telles collaborations existent dans les domaines du social, de la culture, de la santé, de l'asile, de l’immigration, du logement, de la cyber-administration, des transports publics et de l'aménagement du territoire. Dans certains domaines plus spécialisés, il existe aussi des contacts bilatéraux entre les directions d'Offices fédéraux et les conférences intercantonales, ou plus rarement les associations de communes.
Par ailleurs, une conférence tripartite sur les agglomérations (CTA) a été créée le 20 février 2001. Il s'agit d'une plate-forme politique permettant à la Confédération, aux cantons, aux villes et aux communes de collaborer étroitement pour la mise en œuvre d'une politique commune des agglomérations suisses. La Commission tripartite se réunit deux fois par an et rassemble des représentants de la Confédération (Chancellerie, Justice, Secrétariat pour les migrations, Office fédéral du développement territorial), des conseillers d'État représentants des cantons ainsi que des représentants des associations de communes. En plus de l'échange d'informations, cette Conférence vise le renforcement de la collaboration dans les agglomérations et la résolution de certains problèmes auxquels ces dernières se trouvent confrontées. Entre 2001 et 2014, la CTA s'est notamment concentrée sur l'orientation stratégique et le développement de la politique des agglomérations. Elle a en outre développé des modèles institutionnels de collaboration, ainsi que des préconisations, dans des domaines particuliers, notamment en matière d'étrangers et intégration. Elle a également produit un rapport sur l'intégration des espaces ruraux dans la collaboration tripartite. La CTA n'a pas de compétence décisionnelle. Elle vise en premier lieu à aider les différents acteurs à échanger des informations, à se consulter et à mettre au point des solutions communes. Il s'agit de la seule plate-forme de collaboration entre la confédération, les cantons et les communes qui portent sur différents thèmes politiques. La CTA devient en 2017 la “Conférence Tripartite”, son champ d’action ayant été élargi aux espaces ruraux.
Les rapporteurs relèvent que plusieurs instances de consultation permettent par ailleurs aux communes d'exprimer leur point de vue. Au niveau de la Confédération, la loi sur la consultation du 18 mars 2005 (article 4, alinéa 2c) prévoit que «les associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne qui œuvrent au niveau national » sont invitées à donner leur avis dans le cadre du processus législatif. Ainsi, la participation de ces associations au processus législatif se trouve garantie sur le plan juridique et elle se traduit notamment par des auditions dans le cadre des travaux du Parlement de la Confédération sur les projets concernant les communes.
Les rapporteurs ont cependant remarqué que les communes ne sont jamais directement consultées de manière individuelle par les autorités de la Confédération mais elles peuvent faire remonter leurs observations et leurs avis par l'intermédiaire des cantons (des élus locaux siègent en effet au Parlement cantonal) ou par celui de leurs associations. Lors de la visite, la délégation a été informée que les grandes villes comme par exemple la ville de Zurich souhaiteraient cependant pouvoir être consultées directement : sans passer par ces instances intermédiaires lorsqu’il s’agit de réformes essentielles, notamment en matière fiscale.
Par ailleurs il existe des procédures de consultation des communes au niveau cantonal. Les autorités cantonales procèdent aux consultations nécessaires chaque fois qu'il est question de modifier une loi qui concerne les communes. Les autorités communales peuvent également déposer des pétitions au niveau cantonal. Les communes peuvent aussi se regrouper au niveau cantonal en associations pour être l'interlocuteur des autorités cantonales. Ainsi, la délégation a eu l’occasion d’entendre l’exemple du canton du Jura, où il existe depuis 2009 une association jurassienne des communes.
Il ressort des entretiens de la délégation du Congrès avec les représentants de la ville de Zurich que la consultation est parfois jugée insuffisante. Ainsi, s'agissant de la réforme fiscale des entreprises (qui a finalement été rejetée par referendum le 12 février 2017), la ville de Zurich considère que la Confédération et le canton n’ont pas assez consulté les grandes villes affectées par la réforme. Or, cette réforme aurait entraîné un manque à gagner en termes de ressources d'environ 300 millions de francs suisses pour la seule ville de Zurich (soit environ 10 % du total de ses ressources).
Selon les rapporteurs, bien que les procédures de consultation prennent souvent en compte les intérêts des communes tels qu'ils sont exprimés notamment par l'Association des communes suisses ou l'Union des villes suisses, les grandes villes, notamment celles qui comptent plus de 100 000 habitants (Zurich, Genève, Bâle, Lausanne, Berne, Winterthour) peuvent avoir des intérêts spécifiques à faire valoir sur certains sujets (fiscalité, urbanisme, transports…). Il serait souhaitable que les organes et les procédures de consultation accordent une place particulière à ces grandes villes, autrement dit qu'elles soient représentées en tant que telles et non par l'intermédiaire d'associations qui, nécessairement, représentent un intérêt collectif plus général.
A cet égard, les rapporteurs estiment que pour permettre à la Confédération de mieux tenir compte des conséquences éventuelles de son activité pour les communes et de la situation particulière des villes, des agglomérations urbaines et des régions de montagne, comme le prévoient les alinéas 2 et 3 de l'article 50 de la Constitution, il conviendrait de faire davantage participer les représentants des communes, à l'exemple de ce qui est prévu pour les représentants des cantons, aux commissions d'experts et aux groupes de travail chargés d'élaborer les actes au niveau fédéral. Cette intégration des communes au processus décisionnel, dès le stade des travaux préparatoires, permettrait de mieux prendre en compte les intérêts des communes.
À titre d’exemple, les rapporteurs se réfèrent à un dialogue étroit entre les trois niveaux d'administration en matière d'aménagement du territoire également. Ainsi, le Projet de territoire suisse approuvé en 2012 par le gouvernement fédéral, les cantons et les communes sert de référence aux cantons et aux communes en matière d'aménagement du territoire. Les cantons sont compétents pour élaborer un plan directeur (perspectives de 15 ans) approuvé par la Confédération et qui de ce fait s'impose à tous et notamment aux plans qui peuvent être adoptés au niveau communal.
Les rapporteurs sont d’avis que la situation en Suisse est conforme à l’article 4, paragraphes 1, 2, 3, 5, 6 de la Charte.