Saint-Marin

Saint-Marin - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 17 au 18 Septembre 2024
Date d'adoption du rapport: 26 mars 2025

Le présent rapport fait suite à la deuxième visite de suivi à Saint-Marin depuis que le pays a ratifié la Charte européenne de l'autonomie locale en 2013.


Les rapporteurs notent avec satisfaction l'introduction du principe de subsidiarité dans la loi et d'autres évolutions positives depuis le dernier exercice suivi, telles que le renforcement des procédures de consultation avec les autorités locales, la mise en place d'un financement spécifique à l'entretien ainsi que le renforcement des possibilités pour les conseils de châtellenie et les conseillères et conseillers individuel·les d'établir des relations internationales. En outre, les citoyen·nes de pays étrangers se sont vu accorder le droit de vote aux élections locales.


Cependant, le rapport soulève plusieurs sujets de préoccupation concernant les compétences et les pouvoirs de décision limités au niveau local, le manque d'autonomie et de pouvoir discrétionnaire des autorités locales en plus de leurs ressources financières limitées et d'un contrôle administratif trop détaillé. Le recours insuffisant aux mécanismes de consultation légalement établis et l'absence de personnel professionnel pour les autorités locales sont également sources de préoccupations.

Par conséquent, les autorités nationales de Saint-Marin sont invitées à réviser le système de répartition des compétences afin de mettre en oeuvre le principe de subsidiarité et d’attribuer aux autorités locales une part importante des affaires publiques, à revoir les bases budgétaires des autorités locales et à leur fournir les ressources humaines nécessaires, à veiller à ce que le contrôle de l’État concernant les compétences locales soit proportionné et à mettre en oeuvre des procédures de consultation de manière plus systématique et en temps utile. Les rapporteur·es recommandent également à Saint-Marin de signer et de ratifier le Protocole additionnel à la Charte européenne de l'autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales (STCE n° 207).

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


L’article 2 de la Charte dispose que le principe de l’autonomie locale doit être inscrit dans la législation et, dans la mesure du possible, reconnu expressément au niveau constitutionnel.

 

Comme indiqué précédemment, Saint-Marin ne dispose pas d’une constitution unifiée. L’ordre constitutionnel découle d’un certain nombre d’instruments législatifs dont les plus importants sont les statuts de 1600 et la Déclaration des droits des citoyens de 1974 telle qu’amendée en 2002.

 

Bien que l’article 3 de la Déclaration énonce que « Les organes de l’État agissent en respectant leur autonomie et leurs compétences respectives » et que les conseils de châtellenie (conseils municipaux) soient mentionnés à l’article 16 relatif au fonctionnement du Collège de contrôle de la constitutionnalité des lois, le principe de l’autonomie locale n’est pas expressément inscrit dans les textes constitutionnels.

 

Cependant, le principe de l’autonomie locale est reconnu dans la loi n° 158 du 24 septembre 2020 sur les conseils de châtellenie, qui évoque également de manière explicite le principe de subsidiarité. L’article 1 de cette loi définit chaque châtellenie comme une « entité institutionnelle et territoriale à laquelle la loi confère une personnalité juridique et des fonctions administratives, représentatives et consultatives, relatives au territoire auquel l’entité se rapporte, également aux fins de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité ».

 

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs considèrent que le système actuellement en vigueur à Saint-Marin répond aux exigences contenues dans l’article 2 de la Charte, bien qu’une reconnaissance constitutionnelle expresse du principe de l’autonomie locale soit souhaitable, comme cela avait été préconisé dans la précédente recommandation du Congrès sur la démocratie locale à Saint-Marin.

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


L’article 3, paragraphe 1 a pour objet de garantir que les collectivités locales, sous leur propre responsabilité, sont habilitées à prendre et à faire appliquer des décisions relatives à une part importante des affaires publiques. La Charte ne définit pas avec précision les affaires dont les collectivités locales doivent être en charge.

 

Le Commentaire contemporain de la Charte17 précise que les collectivités locales ne peuvent pas se contenter d’agir simplement en tant qu’agents d’autorités supérieures. Il est donc essentiel que les collectivités locales gèrent des tâches substantielles et en aucun cas résiduelles, comme des tâches secondaires ou des missions de routine. Par conséquent, elles doivent disposer d’une réelle capacité d’action. Le Commentaire contemporain met en garde contre le risque de reléguer les autorités locales à un rôle marginal en limitant leur champ d'action à des questions qui n'ont pas d'implications plus larges.

 

L’étendue des tâches et des responsabilités qui incombent aux collectivités locales de Saint-Marin est définie dans les articles 22 et 23 de la loi sur les conseils de châtellenie. Ces responsabilités comprennent principalement l'émission d'avis sur le commerce de rue, la régulation du marché et les perturbations commerciales, la contribution à la planification du réseau routier et aux initiatives de sécurité, ainsi que la dénomination des rues, la préservation du patrimoine et la promotion des traditions locales. Les rapporteurs notent que la plupart des compétences des collectivités locales sont de nature consultative.

 

Dans son précédent rapport de suivi CG34(2018)18, le Congrès a déjà mis en évidence une « absence massive de compétences municipales qu’on ne peut mettre sur le compte des spécificités bien connues et de la taille du pays ».

 

La version révisée de la loi sur les conseils de châtellenie adoptée en 2020 a étendu le rôle des collectivités locales en ce qui concerne les petits travaux d’entretien, leur a permis d’émettre des avis contraignants sur des projets ordinaires d’intérêt général à mener sur le territoire de la châtellenie et de se constituer partie civile dans des procédures pénales relatives à des questions environnementales.

 

Cependant, selon les rapporteurs, ces changements ne peuvent être qualifiés que de mineurs. Le champ des compétences locales n’a pas été fondamentalement élargi et le niveau de responsabilités des collectivités locales reste extrêmement faible, quelle que soit le domaine de comparaison, et ce même en tenant compte de la taille modeste du pays.

 

Par ailleurs, de manière générale, les décisions prises par les conseils de châtellenie demeurent généralement subordonnées à la décision finale d’instances et d’autorités de niveau supérieur. Cette situation est attestée par les nombreuses exigences imposées par la loi aux conseils de châtellenie en ce qui concerne la soumission de propositions aux autorités centrales ou la formulation d’avis sur diverses questions. Ainsi, « Le conseil est chargé de soumettre des propositions et des décisions concernant le réseau routier sur le territoire de la châtellenie, sous réserve d’un avis favorable des services compétents » (article 23, paragraphe 3 de la loi sur les conseils de châtellenie).

 

Le financement régulier des collectivités locales est décidé par le Congrès d’État. Conformément à l’article 32, paragraphe 3 de la loi sur les conseils de châtellenie « chaque conseil de châtellenie décide des petits travaux d’entretien ordinaire d’un montant inférieur à 3 000 euros (trois mille) relatifs à la voirie, à l’éclairage public, aux itinéraires piétonniers et aux espaces verts publics, devant être obligatoirement réalisés ». Au cours de la visite de suivi, les membres des conseils locaux rencontrés par les rapporteurs ont indiqué que, bien que la loi précise le caractère contraignant de la décision prise par les collectivités locales, ces dernières doivent obtenir l’autorisation d’agir, ajoutant qu’il est arrivé que de telles décisions soient annulées par des instances publiques de niveau supérieur.

 

Les rapporteurs considèrent que les châtellenies n’ont pas de ressources financières indépendantes et sont fortement limités dans l’utilisation de celles mises à leur disposition ; ce point sera examiné dans la partie consacrée à l’article 9 de la Charte.

 

Compte tenu de ce qui précède et de l'étendue limitée des pouvoirs dévolus aux châtellenies, les rapporteurs ne considèrent pas que les autorités locales de Saint-Marin ont le droit et la capacité de régler et de gérer une part substantielle des affaires publiques sous leur propre responsabilité. Ils concluent que le système actuellement en vigueur à Saint-Marin ne répond pas aux exigences de l'article 3.1 de la Charte.

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


Comme l’indique le Commentaire contemporain, l’article 3, paragraphe 2 prévoit que « les élus locaux doivent être désignés au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel ». 

 

La loi sur les conseils de châtellenie énonce que le ou la chef·fe et les membres du conseil de châtellenie sont élus au suffrage direct tous les cinq ans. Le corps électoral est composé de tous les citoyen·nes de Saint-Marin âgés d’au moins 18 ans, ainsi que des ressortissant·es étrangers résidant à Saint-Marin depuis une période ininterrompue de dix ans au moins (article 8). Conformément à l’article 2 de la loi n° 6 du 31 janvier 1996, les citoyen·nes présentant des troubles mentaux ou ayant fait l’objet d’une condamnation sont privés du droit de vote. Les ressortissant·es étrangers ont pu prendre part au vote pour la première fois lors des dernières élections locales organisées en 2020, enregistrant un taux de participation de 40,23 %, contre 41,6 % pour la population générale.

 

Le cumul des mandats de membre ou de chef de conseil de châtellenie et de membre du Grand Conseil général est interdit (article 19, paragraphe 1).

 

Comme énoncé à l’article 10 de la loi sur les conseils de châtellenie, « chaque liste, y compris le ou la candidat·e à la fonction de chef du conseil de châtellenie placé en tête, est composée d’un nombre de personnes qui ne peut être supérieur à seize et inférieur à huit dans les châtellenies dont la population est égale ou supérieure à deux mille cinq cents habitant·es, ni supérieur à douze et inférieur à six dans les châtellenies dont la population est inférieure à deux mille cinq cents habitant·es ». Lors des élections locales de 2020, 15 listes, conduites par 11 hommes et quatre femmes, étaient en lice. Il y a actuellement huit hommes et une femme maires. 

 

Le ou la candidat·e à la fonction de chef du conseil de châtellenie appartenant à la liste ayant recueilli le plus grand nombre de voix est proclamé élu (article 18, paragraphe 1). En fonction du nombre d’habitant·es, « la liste à laquelle appartient le ou la candidat·e à la fonction de chef du conseil de châtellenie ayant obtenu le plus de voix se voit attribuer respectivement cinq et quatre sièges, y compris celui de chef du conseil de châtellenie » (article 18, paragraphe 4).

 

Les rapporteurs considèrent que le système actuellement en vigueur à Saint-Marin répond aux exigences découlant de l’article 3, paragraphe 2 de la Charte.

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


L’article 4, paragraphe 1 pose l’exigence d’une législation relative aux compétences de base. Elles doivent être énoncées dans la Constitution (ou les textes constitutionnels) ou la loi, de manière à assurer la clarté et la sécurité juridique, comme indiqué dans le Commentaire contemporain, et à garantir la prévisibilité, la continuité et la protection de l’autonomie locale. Cela n’empêche en rien l’attribution de tâches à des fins spécifiques.

 

Comme indiqué précédemment, les compétences de base sont décrites dans la loi sur les conseils de châtellenie n° 158 de septembre 2020 à l’article 22 (« Missions du conseil de châtellenie ») et à l’article 23 (« Compétences et attributions du conseil de châtellenie »).

 

Les rapporteurs considèrent que le système actuellement en vigueur à Saint-Marin répond aux exigences de l’article 4, paragraphe 1 de la Charte.

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


L’article 4, paragraphe 2 énonce que les collectivités locales doivent avoir toute latitude pour décider dans les domaines qui ne sont pas expressément exclus de leur compétence ou attribués à une autre autorité. Le Commentaire contemporain22 précise également que les traditions juridiques nationales vont du principe « ultra vires », qui exige une base légale pour toute action du gouvernement local, à la clause de « compétence générale » pour les municipalités en France ou au « Aufgabenerfindungsrecht » dans les systèmes juridiques germaniques, tout en soulignant que de nombreux pays ont en fait adopté la clause dite de compétence générale pour les autorités locales.

 

Le Commentaire contemporain précise en outre que le pouvoir discrétionnaire des collectivités locales ne doit pas être limité par une réglementation excessive ou d'autres règles qui empêchent les collectivités locales d'exercer leurs initiatives. Il note en outre que les restrictions à la « pleine liberté d'initiative » des collectivités locales peuvent également découler de règles de gestion, de fiscalité et de budgétisation qui exigent une base juridique solide pour les dépenses.

 

Ni la loi sur les conseils de châtellenie, ni la Constitution (ou textes constitutionnels) ne contiennent de clause de compétence générale des collectivités locales. Les responsabilités sont définies de façon étroite et les collectivités locales ont avant tout un rôle de facilitateur, plutôt que d’un décideur, dans la mesure où elles facilitent, promeuvent ou mettent en oeuvre les décisions prises à des niveaux de gouvernance supérieurs, comme décrit à l’article 22 de la loi sur les conseils de châtellenie. Ce point a été confirmé lors des réunions avec les conseillers et conseillères locaux qui se sont plaints à plusieurs reprises à la fois du peu de tâches qui leur étaient dévolues et de l’absence de toute latitude pour exercer les quelques-unes qui leur étaient confiées.

 

Les conseillers et conseillères locaux saint-marinais rencontrés par la délégation ont également fait savoir qu’ils ne disposaient pas d’une pleine liberté d’action sur le financement régulier qui est décidé par le Congrès d’État, tel que prévu dans la loi sur les conseils de châtellenie (article 32, paragraphe 3) et que les avis contraignants exprimés par les collectivités locales n’étaient pas vraiment efficaces (article 23, paragraphe 4), dans la mesure où ces décisions étaient souvent annulées par des instances publiques de niveau supérieur.

 

Par conséquent, les rapporteurs estiment que la situation à Saint-Marin n’est pas conforme à l’article 4, paragraphe 2, de la Charte.

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


Cet article sert de fondement au principe de subsidiarité, qui vise à assurer que les décisions soient prises par les autorités les plus proches des citoyen·nes. Le Commentaire contemporain précise que l’attribution des responsabilités doit tenir compte de la taille ou échelle et de la nature de la tâche elle-même, ainsi que des impératifs d’efficacité. Il fait valoir que le critère de subsidiarité devrait primer lors de l’attribution des responsabilités, car il « revêt une importance capitale pour la protection des collectivités locales contre les tendances à l’expansion et à la recentralisation, lesquelles menacent de vider l’autonomie locale de sa substance »24. Le Commentaire contemporain souligne dans son paragraphe 61 que lorsqu'il est appliqué aux autorités locales, le principe de subsidiarité a une double raison d'être : d'une part, il accroît (par la proximité) la transparence et la base démocratique de la prise de décision gouvernementale ; d'autre part, il augmente l'efficacité de l'action gouvernementale puisque les organes locaux sont les mieux placés pour remplir certaines tâches (telles que l’aide sociale ou le logement) en raison de leur connaissance directe des besoins des citoyens.

 

Le principe de subsidiarité a été intégré à l’article 1, paragraphe 2 de la loi de 2020 sur les conseils de châtellenie qui dispose désormais que : « Chaque châtellenie est une entité institutionnelle et territoriale à laquelle la loi confère une personnalité juridique et des fonctions administratives, représentatives et consultatives, relatives au territoire auquel l’entité se rapporte, également aux fins de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité. Ce principe est expressément reconnu dans le cadre de la coopération internationale et européenne et des traditions constitutionnelles communes aux États européens, afin de parvenir à une administration efficace qui réponde aux besoins des citoyen·nes ».

 

Cet article laisse une large marge d’interprétation quant au nombre de tâches qui devraient être dévolues aux collectivités locales et à l’étendue de ces responsabilités. De manière générale, les conseillers et conseillères locaux et les autorités nationales rencontrés par la délégation ont témoigné d’une compréhension mutuelle des problèmes inhérents à une forte décentralisation dans de petits pays comme Saint-Marin. Au cours de la visite, le terme « petit » (it. piccolo/piccola) a été fréquemment utilisé à tous les niveaux de gouvernement, à la fois dans la communication orale et écrite, pour argumenter à la fois pour et contre la poursuite de la décentralisation également dans le contexte de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité. Certains interlocuteurs ne voyaient pas la nécessité de décentraliser des compétences supplémentaires vers les autorités locales, arguant que dans un petit pays, les compétences nationales sont naturellement exercées à proximité des citoyens. En revanche, d'autres interlocuteurs se sont déclarés favorables à une décentralisation accrue des pouvoirs afin de renforcer l'autonomie locale.

 

 

En tout état de cause, les rapporteurs sont d’avis que l’application à Saint-Marin du principe de subsidiarité inscrit dans la législation laisse à désirer, étant donné l’étendue limitée des pouvoirs de décision attribués au niveau local, et ce, malgré une interprétation du principe susmentionné qui tienne compte de la dimension modeste du pays. Les collectivités locales jouent un rôle mineur dans la fourniture de services et ne semblent pas faire naturellement partie du mécanisme gouvernemental.

 

Par ailleurs, au cours de la visite, les conseillers et conseillères locaux ont dans l’ensemble demandé à bénéficier d’une plus grande latitude dans l’accomplissement des tâches, même limitées, qui leur incombent. Cela montre qu’il n’est pas laissé aux collectivités locales la possibilité d’assumer l’entière responsabilité de leurs tâches, ce qui va également à l’encontre du principe de subsidiarité énoncé à l’article 4, paragraphe 3, de la Charte.

 

Au cours de la procédure de consultation, le ministère de l’Intérieur, de la Fonction publique, des Affaires institutionnelles, des Relations avec les conseils de châtellenie et de la Simplification de la réglementation (ci-après « ministère de l’Intérieur »), a souligné que l’introduction en 2020 du principe de subsidiarité dans la loi était l’occasion de renforcer le rôle des institutions locales et de prendre des décisions administratives mieux adaptées aux besoins des citoyen·nes. Il a toutefois admis qu’à l’instar de toute nouvelle législation, sa mise en oeuvre prend du temps avant d’être pleinement comprise et effectivement appliquée.

 

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs se félicitent de l’introduction explicite du principe de subsidiarité dans la législation, mais ils estiment que dans la pratique, vu la latitude décisionnelle actuelle au niveau local, la situation à Saint-Marin n’est toujours pas conforme à l’article 4, paragraphe 3, de la Charte.

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


Le Commentaire contemporain relatif à l'article 4.4 précise que les compétences attribuées aux collectivités locales sont « normalement » pleines et entières et qu'elles ne peuvent être remises en cause ou limitées « que dans le cadre de la loi ». Il indique que les limitations des pouvoirs accordés aux collectivités locales devraient revêtir un caractère exceptionnel, se fonder sur des raisons objectives et être interprétées de manière restrictive. Cette disposition décourage également le chevauchement des responsabilités entre les différents niveaux de gouvernement, puisqu'il convient de veiller à définir clairement les responsabilités des différentes autorités et à répartir les rôles de manière équilibrée, car « les compétences [des collectivités locales] doivent être normalement pleines et entières ».

 

Le Commentaire contemporain avertit en outre que, si le manque de ressources aux niveaux inférieurs de gouvernement peut nécessiter souvent une action complémentaire de la part des échelons supérieurs, « cette pratique malmène fréquemment les règles de la parité et du partenariat ; les collectivités locales sont alors réduites au rôle de simples agents des autorités régionales ou nationales ».

 

Comme indiqué précédemment, l'étendue des responsabilités des autorités locales à Saint-Marin est considérablement limitée. En outre, la majorité des décisions des collectivités locales doivent être prises en concertation avec les organismes publics ou sont subordonnées à l’avis favorable des autorités centrales. Les rapporteurs notent que dans la pratique, les autorités locales sont largement confinées à des fonctions consultatives et de conseil. En fin de compte, l'État conserve un rôle dominant dans des domaines qui seraient normalement attribués entièrement et exclusivement aux autorités locales. Les rapporteurs considèrent également que ce déséquilibre dans la répartition des compétences est exacerbé par les ressources financières minimales sur lesquelles les autorités locales ont un pouvoir discrétionnaire, une question qui sera abordée plus en détail à l'article 9.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que la situation à Saint-Marin ne respecte pas l’article 4, paragraphe 4 de la Charte.

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


Aux termes de l’article 4, paragraphe 5, les collectivités locales doivent pouvoir exercer librement les pouvoirs qui leur sont délégués. Comme l’indique le Commentaire contemporain, il vise ainsi à protéger les collectivités locales en leur qualité d’organes décisionnaires et à garantir que, dans la mesure du possible, ces dernières aient la latitude d’adapter l’exercice des compétences qui leur sont déléguées aux conditions locales.

 

En outre, l'article 4 paragraphe 5 vise à garantir que les autorités locales ne deviennent de simples exécutantes des autorités supérieures26. Le Commentaire contemporain précise que lorsque les collectivités locales accomplissent des tâches pour le compte d'autorités de niveau supérieur sans exercer leur propre pouvoir d'appréciation, elles agissent en tant qu'agents de ces autorités. Il est évident que si une grande partie de l'activité de l'autonomie locale est consacrée à l'exécution de tâches pour le compte d'autorités de niveau supérieur et que cela se fait sans pouvoir discrétionnaire local, l'autonomie des collectivités locales peut être sérieusement compromise.

 

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, les collectivités locales saint-marinaises disposent d’un champ d’action très limité et même dans les domaines relevant de leurs compétences, elles exercent principalement des fonctions de conseil et de consultation. Comme les rapporteurs l'ont appris au cours de leur visite, les autorités locales jouent souvent un rôle de facilitateur entre les autorités centrales et les communautés locales, plutôt que d’exercer une véritable autonomie locale.

 

Néanmoins, lors des réunions avec les élus locaux, certaines différences locales ont été observées, notamment en ce qui concerne l'importance variable des tâches et la diversité des priorités. Cela suggère que, dans une certaine mesure – bien que relativement limitée –, les autorités locales sont en mesure de répondre aux besoins spécifiques de la population.

 

Par conséquent, les rapporteurs estiment que Saint-Marin respecte partiellement l’article 4, paragraphe 5, de la Charte.

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


L’article 4, paragraphe 6, dispose que les collectivités locales doivent impérativement être consultées (autant qu’il est possible) pour toutes les questions qui les concernent directement, en temps utile et de façon appropriée. Le Commentaire contemporain précise que ce processus de consultation doit permettre aux collectivités locales de formuler et de présenter leurs propres commentaires et propositions, sachant qu’il doit avoir lieu durant la phase préparatoire, avant l’adoption d’une décision définitive.

 

La loi sur les conseils de châtellenie prévoit plusieurs procédures de consultation des collectivités locales. Les interactions entre ces dernières et les autorités de niveau supérieur sont de deux ordres. Le premier concerne l’obligation qui incombe aux collectivités locales d’informer les instances supérieures de leurs souhaits, comme il ressort de l’article 22, paragraphe 3, alinéas a-c.
a) en transmettant leurs décisions, programmes, demandes et suggestions aux autorités et organes publics ;
b) en soumettant des interpellations, des demandes et des propositions au Congrès d’État, lequel est tenu d’y répondre par écrit dans un délai de soixante jours ou dans un délai convenu avec le conseil demandeur ;
c) en invitant les membres du Congrès d’État et du Grand Conseil général ainsi que les représentant·es des institutions ou organisations institutionnelles à assister à leurs sessions afin d’y évoquer les questions relevant directement de leur compétence et de leur responsabilité ;

 

Le deuxième type d’interaction intervient lorsque les autorités de niveau supérieur informent les collectivités locales de leurs intentions ou de leurs décisions, comme il ressort de l’article 23, paragraphe 4 qui dispose que « Le conseil de châtellenie est officiellement informé à l’avance de tous les projets de nature publique concernant le territoire de la châtellenie, promus par des structures institutionnelles ou des entrepreneur·es privés. Il peut émettre un avis dans un délai de trente jours à compter de la réception de l’information. Cet avis est contraignant, sauf lorsque ces projets revêtent un caractère stratégique pour la République et impliquent donc des décisions ou des actes du Grand Conseil général ou du Congrès d’État ».

 

D’autres exemples de situations où les autorités de niveau supérieur sont censées consulter les collectivités locales figurent à l’article 25 (Relations avec l’administration publique), selon lequel « l’administration publique peut solliciter des avis consultatifs sur le budget annuel de l’État auprès de chaque conseil de châtellenie » (paragraphe 1) et à l’article 31 (Liste des travaux), paragraphes 2 à 5.

2. Avant le mois de septembre de chaque année, le ministère du Territoire et de l’Environnement, le ministère des Finances et du Budget et le ministère chargé des relations avec les conseils de châtellenie sont tenus d’organiser une réunion avec les conseils de châtellenie et les responsables des entreprises publiques autonomes afin d’établir un calendrier des travaux publics prévus pour l’année suivante.

3. Ce calendrier permet de définir un programme pluriannuel d’exécution des travaux publics et les crédits nécessaires, en tenant compte des priorités d’intervention indiquées par les conseils et des besoins de programmation des entreprises publiques.

4. Les ministères chargés des relations avec les conseils de châtellenie et des relations avec l’entreprise autonome d’État pour les travaux publics organisent périodiquement des réunions entre les services compétents et les conseils de châtellenie au sujet des travaux publics planifiés.

5. Les services et les entreprises désignés informent à l’avance les conseils de châtellenie des dates possibles de début et de fin des interventions d’entre

 

Par ailleurs, l’instauration d’un comité des conseils de châtellenie (Consulta delle Giunte di Castello) est obligatoire à Saint-Marin. Ce comité représente « de manière unitaire les requêtes et les prérogatives attribuées aux conseils de châtellenie » (article 30, paragraphe 1 de la loi sur les conseils de châtellenie n° 158/2020). Il est composé de l’ensemble des chef·fes de châtellenie et reste en fonction pour la durée du mandat des conseils élus. Le comité peut également soutenir et encourager diverses initiatives, notamment les débats démocratiques sur l’autonomie locale. Il peut établir des relations avec des institutions locales d’autres pays et des organisations internationales. En outre, il peut élaborer des projets, des propositions et des initiatives à soumettre au Congrès d’État et promouvoir de manière unitaire les points énumérés à l’article 22 de la loi sur les conseils de châtellenie. Un ou une porte-parole du comité est élu à la majorité absolue pour une durée d’un an. Le comité doit assurer la coordination avec les autorités nationales, comme le prévoit le paragraphe 8 : « Un ou une représentant·e du secrétariat institutionnel de l’État et un ou une représentant·e du ministre en charge des relations avec les conseils de châtellenie seront invités à participer aux réunions du comité ».

 

Les rapporteurs constatent toutefois que les procédures de consultation obligatoires de la part des instances supérieures décrites dans la loi sur les conseils de châtellenie sont fortement axées sur les travaux publics et les opérations de maintenance. Lors des entretiens entre la délégation et les membres des conseils locaux, ces derniers se sont plaints à plusieurs reprises du caractère superficiel des processus de consultation et du fait que, bien souvent, les autorités nationales y ont recours pour informer les collectivités locales de leurs décisions. Ils ont également souligné l’absence de réponse ou la réponse tardive des organismes publics aux demandes formulées par les collectivités locales.

 

Les rapporteurs concluent qu’en vertu de la loi sur les conseils de châtellenie, les conditions essentielles à l’établissement d’un cadre de consultation sont en place, dans un domaine de responsabilité toutefois très limité. Ainsi, les collectivités locales sont en mesure d’obtenir des informations sur les décisions et les politiques qui les concernent directement, elles peuvent également exprimer leur avis sur certaines décisions et politiques ; cependant, cette consultation ne semble pas systématique et les collectivités locales ne disposent pas toujours du temps nécessaire à l’élaboration de recommandations.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que la situation à Saint-Marin est partiellement conforme à l’article 4, paragraphe 6, de la Charte.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


L’article 5 introduit des règles de procédure pour les modifications des limites territoriales des collectivités locales. Comme énoncé dans le Commentaire contemporain, toute proposition de modification desdites limites doit obligatoirement faire l’objet d’un processus de consultation. Cette consultation doit également avoir lieu à un stade précoce du processus décisionnel, afin de garantir aux collectivités locales une réelle possibilité d’exprimer leurs préoccupations. 

 

L’organisation territoriale de Saint-Marin en neuf châtellenies repose sur la tradition ancestrale des « castelli » (châteaux) de Saint-Marin. La loi sur les conseils de châtellenie ne prévoit pas la mise en place d’un mécanisme de consultation en cas d’éventuelles modifications des limites territoriales. Au cours des entretiens, le ministère du Territoire, de l’Environnement, de l’Agriculture, de la Protection civile et des Relations avec l’entreprise autonome d’État pour les travaux publics a fait savoir aux rapporteurs que les frontières territoriales des châtellenies de Saint-Marin n’avaient jamais été remises en question. Lors des réunions de la délégation avec les conseillers et conseillères locaux, des préoccupations ont été exprimées à plusieurs reprises concernant la baisse du taux de natalité, qui engendre là encore des difficultés à assurer la fourniture de services suffisants au sein des communautés locales.

 

Compte tenu de la longue tradition des « castelli », de la proximité entre les citoyen·nes et les autorités à tous les échelons et des mécanismes généraux de participation établis à Saint-Marin, la délégation estime peu probable que l’absence de consultation dans ce domaine soit susceptible de poser problème dans un avenir proche - même si la meilleure façon de protéger les droits visés serait de les inclure expressément dans la législation.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que la situation à Saint-Marin est conforme à l’article 5 de la Charte.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


L’article 6, paragraphe 1, vise à protéger l’autonomie locale en garantissant aux collectivités locales la possibilité d’organiser les structures administratives internes qu’elles comptent utiliser pour fournir des services. Le Commentaire contemporain précise que les collectivités locales devraient avoir la possibilité de déterminer leurs propres structures ou organisations administratives internes.

 

Il note que le pouvoir d'organiser leurs propres affaires fait partie de l'autonomie dont jouissent les entités locales et que ce pouvoir doit être très large et inclure non seulement le pouvoir de décider de leur organisation locale interne, mais aussi le pouvoir de créer des organismes indépendants tels que des sociétés ou des agences locales pour améliorer la fourniture de services locaux, ainsi que le pouvoir de conclure des accords avec d'autres autorités locales.

 

En outre, l’article 6, paragraphe 2 consacre l'autonomie organisationnelle et institutionnelle des collectivités locales. Il rappelle que les collectivités locales doivent être habilitées à recruter leur propre personnel, lequel devrait également avoir droit aux mêmes possibilités de formation, de rémunération et de carrière que les employé·es des autres niveaux de gouvernement. Le Commentaire contemporain souligne que les organes locaux doivent disposer de ressources humaines pour mener à bien leurs tâches, faute de quoi l'entité locale ne serait qu'une structure gouvernementale vide et sans pouvoir.

 

Les collectivités locales de Saint-Marin ne peuvent pas recruter leur propre personnel professionnel et ne peuvent pas déterminer leurs propres structures administratives internes. Les membres élus des conseils sont tenus d’accomplir l’ensemble des tâches dévolues aux collectivités locales. La loi sur les conseils de châtellenie fait expressément mention du ou de la chef·fe et du ou de la secrétaire du conseil de châtellenie (élu parmi les conseillers municipaux), qui se voient attribuer des rôles particuliers dans l’organisation des collectivités locales.

 

Comme cela a été souligné lors des entretiens entre la délégation et les représentant·es des autorités centrales et des collectivités locales, la gestion au quotidien de ces dernières est assurée par les membres des conseils locaux, tandis que les questions qui ne relèvent pas de leur compétence sont prises en charge par les organismes publics concernés. De ce fait, les collectivités locales dépendent donc fortement sur les organismes publics dans le cadre de la gestion courante de leur municipalité. Les membres élus comptent aussi souvent sur l'engagement civique des citoyens pour les aider à accomplir certaines tâches.

 

Au cours de la visite, les conseillers et conseillères locaux ont souvent évoqué la lourde charge de travail qui pèse sur les élu·es locaux et les difficultés d’interaction avec les organismes publics pour justifier la nécessité de doter les collectivités locales d’un personnel professionnel.

 

Compte tenu de ce qui précède et du fait que, les rapporteurs concluent que les autorités locales ne disposent pas de l'autonomie en matière de ressources humaines requise par la Charte. La situation à Saint- Marin n’est donc pas conforme à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la Charte.

 

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


Voir réponse indiquée à l'article 6.1

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


L’article 7, paragraphe 1 vise à garantir aux citoyen·nes la liberté d’exercer leurs fonctions électives et la capacité d’exercer des fonctions politiques sans rencontrer d’obstacles insurmontables inhérents à des raisons financières et matérielles. Comme l’indique le Commentaire contemporain, les élu·es locaux devraient bénéficier des installations, de l’équipement et du soutien technique nécessaires à l’exécution de leurs tâches, ainsi que d’une formation à l’exercice de leurs fonctions. Cette disposition devrait s’appliquer indépendamment de leur affiliation politique.

 

Les élu·es locaux rencontrés par la délégation ont confirmé ne pas avoir rencontré d’obstacles significatifs dans l’exercice de leur mandat. De plus, ils n’ont fait état d’aucune difficulté liée à leur prise de fonctions ni de différences dues à leur origine ou à leur affiliation politique.

 

Afin de garantir le libre exercice du mandat conféré aux membres des conseils locaux, l’article 7 de la loi sur les conseils de châtellenie dispose que « les membres et le ou la chef·fe du conseil de châtellenie ne peuvent être sanctionnés pour les opinions ou suffrages exprimés au sein du conseil de châtellenie ». La loi ne fait pas explicitement mention d’une protection contre les menaces proférées sur les réseaux sociaux ou contre les atteintes à la vie privée des conseillers et conseillères. Lors des entretiens avec les élu·es locaux, aucun élément ne laissait entendre que certains avaient fait l’objet de menaces de la part de la population.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que le système actuellement en vigueur à Saint-Marin est conforme à l’article 7, paragraphe 1, de la Charte.

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


L’article 7, paragraphe 2, vise à garantir que les élu·es locaux reçoivent une « compensation financière adéquate » laquelle, selon le Commentaire contemporain, devrait inclure une compensation des frais entraînés par l’exercice du mandat ainsi que du manque à gagner personnel, en plus d’une couverture sociale. Les régimes de compensation devraient être de nature à éviter toute disparité entre collectivités locales en fonction de leur situation financière30.

 

Lors des entretiens que la délégation a eus avec les membres des conseils locaux, il est apparu que, dans l'ensemble, ces derniers jugeaient la compensation financière qui leur est octroyée insuffisante par rapport à leur charge de travail, ajoutant qu’elle constitue, du moins dans une certaine mesure, un obstacle à l’exercice de leur mandat. C’était particulièrement le cas des personnes amenées à assumer davantage de responsabilités, tels que le ou la secrétaire et le ou la chef·fe de conseil. Certains élu·es locaux ont fait valoir qu’il appartenait souvent à l’employeur privé de permettre aux élu·es de s’acquitter de leurs fonctions institutionnelles ou d’utiliser leurs jours de congé.

 

Depuis la dernière visite de suivi, la compensation financière a été revue à la hausse. Elle est désormais définie à l’article 34, paragraphe 3, de la loi sur les conseils de châtellenie, lequel dispose que « le montant annuel des émoluments et des jetons de présence du ou de la chef·fe, du ou de la secrétaire et des membres du conseil de châtellenie est fixé comme suit :


a) Émoluments pour les services fournis par le ou la chef·fe du conseil de châtellenie :
1) Conseils de châtellenie composés de sept membres : 6 000 euros (six mille/00) par an ;

2) Conseils de châtellenie composés de cinq membres : 4 320 euros (quatre mille trois cent vingt/00) par an ;
b) Émoluments pour les services fournis par le ou la secrétaire du conseil de châtellenie :
1) Conseils de châtellenie composés de sept membres : 3 600 euros (trois mille six cents/00) par an ;
2) Conseils de châtellenie composés de cinq membres : 2 400 euros (deux mille quatre cent/00) par an ;

c) Montant des jetons de présence du ou de la chef·fe, du ou de la secrétaire et des membres du conseil de châtellenie : 70 euros (soixante-dix/00). »

 

Les chef·fes des conseils de châtellenie ou leurs délégué.es ont également la possibilité de prendre des « congés payés exceptionnels d’une durée maximale de cinq jours, également fractionnables en heures, par année civile », conformément à l’article 35, paragraphe 1, de la loi sur les conseils de châtellenie. Au cours de la procédure de consultation, la délégation de Saint-Marin au Congrès a informé les rapporteurs qu'elle considérait que cinq jours n'étaient pas suffisants, par exemple, pour pouvoir assister aux sessions du Congrès. À cet égard, les rapporteurs suggèrent que les autorités centrales engagent des consultations avec les autorités locales afin d'explorer des solutions possibles pour améliorer cette situation.

 

Conformément à l'article 35, paragraphe 1, les chef·fes et les membres des conseils de châtellenie ont « droit à un congé exceptionnel sans solde, également fractionnable en heures, s’ils doivent s’acquitter de fonctions institutionnelles liées à leur mandat pendant les heures de travail » (article 35, paragraphe 2).

 

À la lumière de ce qui précède; les rapporteurs considèrent que le système actuellement en vigueur à Saint-Marin est globalement conforme à l’article 7, paragraphe 2 de la Charte.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


Voir réponse indiquée à l'article 7.1

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


À ce jour, aucun système de contrôle administratif de la part de l’État n’a été mis en place à Saint-Marin, à l’exception du contrôle financier par les organes compétents. Au vu de cette réalité juridique et administrative, les rapporteurs concluent à l’absence de tout problème concernant le respect de l’article 8 de la Charte à Saint-Marin.

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.


Voir réponse indiquée à l'article 8.1

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.


Voir réponse indiquée à l'article 8.1

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.


Comme indiqué précédemment, la République de Saint-Marin a déclaré ne pas être liée par l’article 9, paragraphes 3 et 8, de la Charte. De plus, Saint-Marin a formulé une déclaration interprétative, selon laquelle : « (…) l’article 9 de la Charte doit être interprété comme un article établissant un principe général d’autonomie financière, en vertu duquel les autorités locales ont le droit de disposer librement, dans le cadre de la politique économique nationale, des ressources qui leur sont allouées pour l’exercice de leurs pouvoirs. »

 

Cette « déclaration interprétative » pose la question de la possibilité, pour les parties à la Charte, de formuler de telles déclarations portant sur un point d’interprétation. Les rapporteurs estiment que l’article 13 permet de préciser les catégories de collectivités locales auxquelles les parties entendent limiter le champ d’application de la Charte et lesquelles elles entendent exclure de ce champ. De plus, l’article 16 de la Charte prévoit la possibilité d’une clause territoriale pour les États qui souhaitent désigner le ou les territoires auxquels la Charte s’appliquera. La possibilité d’une telle « déclaration interprétative » n’est pas expressément prévue dans la Charte, mais elle n’est pas inhabituelle dans la pratique internationale, même si de telles déclarations interprétatives ne sont pas non plus expressément prévues en tant que telles par la Convention de Vienne (1969, article 2). En effet, cette déclaration interprétative équivaut presque à une réserve, puisque le type de « principe général d’autonomie financière » qu’elle implique signifierait simplement que les collectivités locales disposent librement des ressources « qui leur sont allouées ».

 

À Saint-Marin, les ressources allouées aux communes sont quasiment inexistantes. Par exemple, le budget annuel d’une des plus grandes châtellenies ne dépasse pas 14 000 euros. Cependant, les paragraphes 3 et 8 de l’article 9 n’ont pas été ratifiés, et compte tenu de la déclaration interprétative, les autorités de San Marin ne sont pas liées par ces dispositions.

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Non ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


Comme indiqué précédemment, la République de Saint-Marin a déclaré ne pas être liée par l’article 9, paragraphes 3 et 8, de la Charte. De plus, Saint-Marin a formulé une déclaration interprétative, selon laquelle : « (…) l’article 9 de la Charte doit être interprété comme un article établissant un principe général d’autonomie financière, en vertu duquel les autorités locales ont le droit de disposer librement, dans le cadre de la politique économique nationale, des ressources qui leur sont allouées pour l’exercice de leurs pouvoirs. » 

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Non ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


Comme indiqué précédemment, la République de Saint-Marin a déclaré ne pas être liée par l’article 9, paragraphes 3 et 8, de la Charte. De plus, Saint-Marin a formulé une déclaration interprétative, selon laquelle : « (…) l’article 9 de la Charte doit être interprété comme un article établissant un principe général d’autonomie financière, en vertu duquel les autorités locales ont le droit de disposer librement, dans le cadre de la politique économique nationale, des ressources qui leur sont allouées pour l’exercice de leurs pouvoirs. »

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


Comme on l’a vu, les châtellenies peuvent débattre des questions touchant à leurs intérêts lors d’une réunion conjointe des représentants de châtellenies (les maires), prévue par l’article 30 de la loi n° 127/2013 (« Consulta delle Giunte di Castello »). Elles peuvent soumettre des propositions et des initiatives législatives au Congrès d’État. Les participants à cette réunion désignent un porte-parole à la majorité absolue, pour un mandat d’un an renouvelable tant qu’il reste à la tête d’un conseil de châtellenie. Le porte-parole est actuellement le maire de Serravalle, Vittorio Brigliadori, et les chefs des conseils de châtellenie se réunissent donc régulièrement à la mairie de Serravalle.

 

Cette réunion est une institution importante pour la coopération et la coordination intercommunales, mais il ne s’agit pas d’une association dotée de la personnalité juridique. De plus, il semble que la coopération internationale pourrait être davantage réglementée et encouragée.

 

Les rapporteurs concluent que la situation à Saint-Marin est partiellement conforme à l’article 10.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


Voir réponse indiquée à l'article 10.1

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


Voir réponse indiquée à l'article 10.1

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


Puisque la loi n° 127/2013 accorde la personnalité juridique aux châtellenies, ces institutions peuvent agir en tant que plaignant ou défendeur dans tout litige juridictionnel. Depuis la réforme constitutionnelle de 2002 et la création du Collegio Garante, les conseils de châtellenie (au moins cinq sur neuf) ont le pouvoir de contester une loi ordinaire devant le Collegio en vue d’obtenir un contrôle de sa constitutionnalité. De plus, aux termes de l’article 16 de la Déclaration, le Collegio Garante connaît des conflits entre « organes constitutionnels ». Cette disposition peut être interprétée comme s’appliquant non seulement aux organes du pouvoir central mais aussi aux collectivités locales. Cependant, aucune affaire n’ayant à ce jour été portée devant le Collegio, la question du statut juridique des châtellenies dans une telle procédure n’a pas encore été réglée.

 

Un autre aspect concerne le statut de la Charte à Saint-Marin. À ce jour, il n’existe pas de jurisprudence indiquant si la Charte prime sur la législation ordinaire. Cette question reste ouverte puisqu’aucune norme ne prescrit expressément la primauté de la Charte. Néanmoins, le dernier paragraphe de l’article 1 de la Déclaration prévoit ce qui suit : « les accords internationaux concernant la protection des libertés et des droits de l’homme conclus régulièrement et rendus exécutoires l’emportent, en cas de conflit, sur le droit interne ». Reste donc à savoir si cette définition s’applique à la Charte, c’est-à-dire si elle peut ou non être considérée comme un instrument de « protection des libertés et des droits de l’homme ».

 

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs concluent que les collectivités locales disposent d’un droit de recours juridictionnel afin d’assurer le libre exercice de leurs compétences, et par conséquent que la situation à Saint-Marin est pleinement conforme à l’article 11 de la Charte. Néanmoins, les rapporteurs recommandent que les autorités nationales incluent, lors de la prochaine révision constitutionnelle, une disposition expresse sur la primauté de la Charte.

ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

La Constitution de Saint-Marin ne reconnaît pas expressément le principe de l’autonomie locale.



28Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
2 Articles non ratifiés
13Disposition(s) conforme(s)
4Articles partiellement conformes
9Disposition(s) non conforme(s)