Pologne

Pologne - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 5 au 7 juin 2018
Date d'adoption du rapport: 2 avril 2019

Le présent rapport fait suite à la troisième visite de suivi organisée en Pologne depuis que ce pays a ratifié la Charte Européenne de l’Autonomie Locale en 1993.

 

Dans l’ensemble, le rapport fait état de développements relativement alarmants sur la démocratie locale et régionale en Pologne. Il rappelle que le principe de l’autonomie locale est garanti à la fois par la Constitution et par la législation nationale. Toutefois, il souligne qu’il a été porté atteinte à ce principe depuis la dernière visite de suivi en 2014. En quelques années, la situation a changé de façon préoccupante.

 

Le rapport estime que la recentralisation de certaines compétences a eu lieu dans un contexte de tensions entre le pouvoir central et les collectivités territoriales, notamment celles représentées par des partis politiques issus de l’opposition. Les rapporteurs expriment également leurs préoccupations quant aux ingérences des autorités centrales dans les fonctions locales, au manque de consultation, à une dégradation certaine du statut des élus et à la perte de confiance des collectivités locales envers les tribunaux.

 

Les autorités nationales sont appelées à retrouver la voie de la décentralisation et du bon fonctionnement de la démocratie locale et régionale au travers de l’application du principe de subsidiarité dans la pratique, un contrôle proportionné des actes des collectivités locales ou encore un processus de consultation approprié avec les collectivités locales. Les rapporteurs invitent également les autorités polonaises à signer et ratifier le Protocole additionnel de la Charte Européenne de l’autonomie Locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales.

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


Le Chapitre VII de la Constitution est consacré aux collectivités territoriales (SamorzÄ…d terytorialny). La disposition principale est son article 165, selon lequel : « 1. Les collectivités territoriales sont dotées de la personnalité juridique. Elles bénéficient du droit de propriété et des autres droits patrimoniaux. 2. Le caractère autonome des unités d’autorité locale bénéficie de la protection juridictionnelle. »

 

La Constitution polonaise emploie expressément le mot « autonomie » (samorzÄ…d) ou « caractère autonome » des collectivités territoriales. Le même terme est utilisé pour traduire en polonais le titre de la Charte (Europejska Karta SamorzÄ…du Terytorialnego).

 

De plus, le mot « autonome » est aussi employé dans la législation en tant qu’adjectif pour désigner les « collectivités locales autonomes » (samorzÄ…d lokalny, dans le cas des gminy et des powiaty) et les « régions autonomes » (samorzÄ…d regionalny ou województwo).

 

L’autonomie locale est ainsi reconnue au niveau interne, tant dans la Constitution que dans la législation, de manière « transparente » et « explicite ». Par conséquent, il est possible de contester juridiquement les lois ou réglementations approuvées par le Parlement ou le gouvernement national, et pouvant porter atteinte à l’autonomie locale.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que les dispositions de l’article 2 de la Charte sont pleinement respectées en Pologne. 

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


La question principale est ici de déterminer si, dans la situation actuelle, les communes et les districts de Pologne règlent et gèrent, « sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ». Pour juger du respect ou non de cette disposition, il convient de tenir compte du caractère plutôt « subjectif » et relatif de concepts tels que « la capacité », « une part importante des affaires publiques », « sous leur propre responsabilité » et « au profit de leurs populations », puisqu’il n’existe aucune méthode officielle ou universelle pour mesurer cette importance. Il faut donc prendre en considération l’évolution historique, la culture et les traditions constitutionnelles du pays concerné. Cette question est aussi étroitement liée à l’évaluation de la conformité avec d’autres parties de la Charte, comme ses articles 4, 8 et 9.

 

Pour évaluer le respect de cette disposition, on prendra en considération à la fois des aspects législatifs et des éléments factuels.

 

En Pologne, l’article 166.1 de la Constitution dispose ce qui suit : « [l]es missions publiques dont le but est la satisfaction des besoins de la collectivité sont assurées par les collectivités territoriales en tant que responsabilités directes. » Ce principe se retrouve aussi à l’article 2 de la loi sur les collectivités territoriales (« La commune assure des missions publiques en son nom propre et sous sa propre responsabilité »), de même qu’à l’article 2 de la loi sur l’autonomie des powiaty (« Le district assure les missions publiques prévues par la loi en son nom propre et sous sa propre responsabilité »). Les fonctions des communes et des powiaty sont divisées en deux catégories – les fonctions propres (autonomes) et les fonctions déléguées – selon la liberté de décision dans leur exercice.

 

Un autre indicateur de l’« importance » ou du rôle politique et social des collectivités locales dans un pays est la part des dépenses des collectivités locales au sein du budget public national consolidé, en comparaison en particulier avec les autres pays de l’Union européenne. En Pologne, comme on l’a vu, les collectivités territoriales gèrent 31,3 % des dépenses publiques totales.

 

Toutefois, lors de la visite de suivi, la délégation a eu connaissance d’un récent processus de recentralisation touchant à plusieurs compétences déjà transférées aux collectivités locales et régionales. Très souvent, ce processus consiste en la création d’autorités de l’État, en invoquant comme justification la mise en œuvre de directives de l’UE. Les représentants des collectivités s’inquiètent de cette évolution pour deux raisons : premièrement, ils se plaignent du fait que les lois en question ont été votées sans examen par la commission conjointe (voir infra, au sujet de l’article 4) ; deuxièmement, ils considèrent que le processus de recentralisation est injustifié et contraire au principe de l’autonomie locale.

 

Parmi les compétences précédemment exercées par les collectivités locales et régionales et qui ont graduellement été réattribuées à l’État, les représentants locaux ont cité :

 

- la centralisation des centres de conseil sur l’agriculture (aide aux agriculteurs) ;

- la centralisation des fonds de protection de l’environnement (distribution des fonds de l’UE) ;

- la centralisation de la gestion des eaux, notamment des autorités de lutte contre les inondations ;

- la centralisation des installations sportives financées par la loterie nationale ;

- la centralisation des compétences relatives aux anciens combattants ;

- la centralisation des compétences relatives à la gestion des écoles ;

- la centralisation des compétences dans le domaine des allocations familiales et parentales et de la prime de naissance.

 

Dans ses réponses écrites au questionnaire des rapporteurs, le ministère de l’Intérieur et de l’Administration a indiqué certaines des raisons ayant motivé la centralisation des compétences, insistant sur la nécessité d’appliquer les directives de l’UE et de rationaliser les services publics en vue d’harmoniser les niveaux de vie. Le ministère a conclu que les propositions de loi avaient été adoptées au moyen d’un vote du Parlement. Lors de la procédure de consultation, le gouvernement a utilisé le même type d’arguments pour justifier la centralisation de certaines compétences. Il a démenti l’existence d’une recentralisation en tant que telle, parlant plutôt d’une harmonisation des niveaux d’accès aux services et aux prestations sociales, ou de corrections mineures portant sur l’étendue des activités des collectivités.

 

Les rapporteurs sont conscients qu’il n’est pas possible de définir avec précision, concernant l’article 3.1, « [l]es affaires que les collectivités locales doivent être habilitées à régler et à gérer » et que « les traditions des États membres en ce qui concerne les affaires considérées comme relevant des collectivités locales diffèrent considérablement ». Par conséquent, les rapporteurs considèrent que cet article doit être lu à la lumière de la tradition de chaque État membre.

 

Les rapporteurs ont également pris note des raisons invoquées pour la recentralisation de compétences par le gouvernement polonais, quoique le fait que les amendements aient été adoptés par le Parlement ne puisse pas être considéré comme une justification valide d’une violation de la Charte.

 

Cependant, compte tenu du processus historique de décentralisation mis en place avec succès par la Pologne depuis les années 1990, et par conséquent du haut degré d’autonomie des collectivités territoriales polonaises, et eu égard également aux ingérences du pouvoir central dans certaines compétences locales (telles qu’elles sont soulignées au sujet des articles 4.4 et 8.3), les rapporteurs s’inquiètent du processus de recentralisation de compétences à l’œuvre dans le pays, qui a pour effet de défaire certains aspects d’un système efficace de gouvernance locale et régionale décentralisée.

 

Pour ces raisons, les rapporteurs concluent que l’article 3.1 de la Charte n’est qu’en partie respecté en Pologne. 

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


Pour ce qui concerne l’article 3, paragraphe 2, le droit à l’autonomie locale est exercé en Pologne par des organes élus. Aux termes de l’article 169 de la Constitution, « 1. Les collectivités territoriales accomplissent leurs missions par le biais d’instances délibérantes et exécutives. 2. Les autorités délibérantes sont élues au suffrage universel, égal, direct et au scrutin secret. Les principes et la procédure de présentation des candidats et de déroulement des élections, ainsi que les conditions de validité de l’élection, sont prévus par la loi. »

 

Comme indiqué précédemment, l’organe représentatif au niveau de la commune est le conseil municipal, tandis que l’organe exécutif de ce niveau est le maire. Tous deux sont élus au suffrage direct par les citoyens, pour un mandat de cinq ans (depuis 2018).

 

Bien que le conseil ne puisse pas révoquer le maire, puisqu’un référendum municipal est nécessaire pour ce faire, en particulier depuis l’adoption des amendements de 2018 à la loi sur les collectivités territoriales, il exerce cependant un contrôle sur le maire.

 

La loi de 2018 a renforcé les compétences de contrôle du conseil vis-à-vis du maire, ainsi que la participation directe des citoyens. Parmi les nouvelles dispositions, nous pouvons mentionner l’obligation pour le maire de présenter chaque année au conseil, avant le 31 mai, un rapport sur la situation de la commune (article 28aa). Ce rapport doit inclure une synthèse des activités de la commune au cours de l’année précédente, et notamment de la mise en œuvre des politiques, programmes, stratégies et résolutions du conseil municipal et du budget citoyen. Lors du débat sur ce rapport, les conseillers peuvent prendre la parole sans limite de temps.

 

Au terme de ce débat, le conseil décide dans une résolution d’accorder ou de retirer sa confiance au maire (article 18.2, 4a). Pour être adoptée, la résolution accordant la confiance au maire doit avoir le soutien de la majorité absolue des voix sur l’effectif légal du conseil municipal. La non-adoption d’une telle résolution équivaut à l’adoption d’une résolution du conseil municipal par laquelle il retire sa confiance au maire. Comme le prévoyait déjà la législation antérieure, si un maire n’obtient pas la confiance du conseil municipal deux années consécutives, le conseil peut adopter une résolution sur la tenue d’un référendum de révocation du maire.

 

Une autre disposition nouvelle donne au conseil municipal le rôle d’examiner les plaintes de citoyens. Aux termes de l’article 18b, « [l]e conseil municipal examine les plaintes relatives aux actions du maire et des services administratifs d’une commune, ainsi que les demandes et pétitions de citoyens. À cette fin, le conseil met en place une commission des plaintes, demandes et pétitions. »

 

Dans le cas des powiaty, l’organisation institutionnelle de base comprend le conseil et le bureau exécutif. Aux termes de l’article 9 de la loi sur les powiaty, « [l]e conseil de district est l’organe de direction et de contrôle du district », tandis que selon l’article 27 de cette loi « 1. Le conseil de district élit un bureau exécutif de district composé de trois à cinq personnes, dont le starosta et le starosta adjoint ». L’organe exécutif est responsable devant le conseil, qui peut le révoquer au moyen d’une motion de censure, à la majorité des 3/5 de ses membres et à la demande d’au moins 1/4 de l’effectif légal du conseil (article 31).

 

En outre, il convient de mentionner que la Pologne offre aussi l’exemple d’un pays doté de plusieurs institutions permettant aux citoyens de participer plus directement à la prise de décision, et que le nombre de ces institutions a augmenté de manière significative récemment. Par conséquent, on peut observer dans le pays une transition d’une démocratie représentative vers une démocratie participative et délibérative, en particulier dans les grandes communes urbaines.

 

En conclusion, les rapporteurs considèrent que les dispositions de l’article 3.2 sont respectées en Pologne.

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


L’article 4, paragraphe 1, de la Charte exige que les compétences de base des collectivités locales soient fixées par la Constitution ou par la loi.

 

Bien que la Constitution n’énonce que certains principes de base (dans ses articles 163 et 164.3), les lois générales sur les communes et les powiaty contiennent une liste détaillée et substantielle de compétences autonomes des collectivités territoriales (comme on l’a vu).

 

Par conséquent, l’article 4, paragraphe 1, est pleinement respecté en Pologne.

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


Concernant l’article 4, paragraphe 2, de la Charte, selon lequel « les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité », la Constitution polonaise établit une clause de compétence résiduelle générale.

 

Aux termes de l’article 163 de la Constitution, « [l]es collectivités territoriales accomplissent les missions publiques qui ne sont pas réservées par la Constitution ou par les lois aux organes des autres pouvoirs publics. », tandis que selon son article 164.3, « [l]a commune accomplit toutes les missions des collectivités territoriales qui ne sont pas réservées à d’autres collectivités territoriales. » La législation contient une clause de compétence résiduelle générale pour les communes (article 6.1 de la loi sur les collectivités territoriales), tandis que les compétences des powiaty sont expressément énumérées.

 

Il convient également de mentionner qu’aux termes de l’article 87.2 de la Constitution, « [l]es textes de portée locale sont les sources du droit obligatoires erga omnes en République de Pologne, dans le champ d’activité des autorités qui les ont établis ».

 

Malgré ce cadre constitutionnel et législatif ambitieux, la pratique effective est sensiblement différente. Il a été indiqué à la délégation qu’en l’absence d’attribution expresse d’une compétence dans la loi, les voïvodes avaient la possibilité de contester les actes des communes.

 

Un exemple a été présenté par la ville de Varsovie, concernant la question de la stérilisation des chats et des chiens. La capitale a lancé un programme gratuit de stérilisation ouvert non seulement aux chats et chiens abandonnés, mais aussi aux animaux domestiques. Le voïvode a interrompu ce programme, alléguant que d’après la loi la stérilisation et la castration gratuites seraient limitées aux animaux abandonnés. Les autorités de Varsovie ont contesté cette décision en justice, mais perdu en première instance. Elles ont ensuite engagé un recours devant la Cour administrative suprême, qui a infirmé le jugement rendu en première instance et la décision de contrôle du voïvode, affirmant ce qui suit : « il peut être considéré […] que la commune doit prendre toutes les mesures visant à empêcher la présence d’animaux abandonnés dans le cadre de la mise en œuvre de la tâche obligatoire de maintien de la propreté et de l’ordre dans les communes ». Cependant, entre-temps la loi sur la protection des animaux a été amendée. Elle contient désormais dans son article 11.1 une disposition selon laquelle « [l]a prévention de la présence d’animaux abandonnés, leur prise en charge et leur capture sont de la compétence des communes ». Il a également été spécifié que cette tâche pouvait inclure l’adoption d’un plan de stérilisation ou de castration des animaux de la commune, dans le plein respect des droits de leurs propriétaires ou d’autres personnes en charge des animaux.

 

D’ailleurs, le cas de la ville de Varsovie illustre un problème plus vaste : malgré la clause de compétence résiduelle générale, les communes ne peuvent pas exercer des compétences qui ne leur sont pas expressément assignées dans la loi. Par conséquent, les rapporteurs estiment que l’article 4, paragraphe 2, de la Charte n’est pas respecté en pratique en Pologne. 

 

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


L’article 4, paragraphe 3, de la Charte énonce le principe général de subsidiarité. Il établit que « l’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber de préférence aux autorités les plus proches des citoyens. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie. »

 

En Pologne, le principe de subsidiarité est inscrit au niveau constitutionnel dans le Préambule de la Constitution, selon lequel celle-ci est fondée sur « le principe de subsidiarité renforçant les droits des citoyens et de leurs collectivités ».

 

Dans les faits, cependant, ce principe n’est pas pleinement respecté. Les représentants des collectivités territoriales de tout niveau se sont plaints du fait que de plus en plus de compétences avaient été recentralisées, sans que ces mesures ne soient justifiées par des raisons d’efficacité ou d’économie (voir supra, au sujet de l’article 3.1).

 

Tel est en particulier le cas pour la réforme de l’éducation, qui a affecté les compétences des communes et des districts. La réforme a renforcé le rôle du chef du Bureau de supervision des écoles, qui est désormais chargé d’approuver la carte scolaire, de donner des avis sur les programmes de travaux, de délivrer des avis contraignants sur la fermeture éventuelle d’écoles par les collectivités territoriales et de participer au processus de nomination des chefs d’établissement.

 

Pendant le processus de consultation, le gouvernement a exprimé son désaccord avec les considérations ci-dessus, en particulier pour ce qui concerne la recentralisation de certaines compétences en lien avec la réforme de l’éducation. Il a affirmé, une fois encore, que la recentralisation évoquée ici doit plutôt être vue comme une harmonisation des niveaux d’accès aux services et aux prestations sociales ou comme l’introduction de corrections mineures visant à prendre en compte l’échelle des activités des collectivités de Pologne.

 

Les rapporteurs ne partagent pas cette vision en général, ni en particulier la référence à des corrections mineures, eu égard à l’importance de l’éducation dans la part de responsabilités des collectivités locales.

 

Les rapporteurs considèrent par conséquent que l’article 4, paragraphe 3, de la Charte n’est pas pleinement respecté en Pologne.

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


L’article 4, paragraphe 4, dispose ce qui suit : « Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi. »

 

Lors de la visite de suivi, tous les représentants de collectivités territoriales rencontrés par la délégation se sont plaints de la violation du principe énoncé dans cet article, affirmant que dans plusieurs domaines les compétences assignées aux collectivités territoriales n’étaient pas pleines et entières. La législation et les réglementations gouvernementales et ministérielles contiennent des dispositions très détaillées qui ne laissent aux collectivités territoriales aucune latitude pour adapter ces textes aux conditions locales. L’Association des villes polonaises a souligné que ce problème n’était pas nouveau, puisqu’il était déjà évoqué dans le rapport de 2015, mais qu’il s’était aggravé ces dernières années. L’éducation, l’assistance sociale et l’aménagement du territoire sont les trois domaines dans lesquels la réglementation nationale est si détaillée que les collectivités territoriales n’y disposent d’aucune marge de manœuvre.

 

Lors de la procédure de consultation, le gouvernement a reconnu que la réduction de la liberté des collectivités locales pour l’exercice des tâches n’était pas un problème nouveau dans le système polonais d’autonomie locale, ajoutant cependant que l’État doit garantir un niveau minimal d’accès aux services publics et aux prestations. Il a par ailleurs contesté toute limitation de la liberté des collectivités pour adapter aux conditions locales les normes découlant des lois et des réglementations gouvernementales.

 

Toutefois, les interlocuteurs locaux des rapporteurs leur ont mentionné deux cas très spécifiques qui présentent une haute valeur symbolique : ils ont trait aux compétences des conseils municipaux concernant les monuments et les noms de rue.

 

Les représentants de la ville de Varsovie ont informé la délégation de la décision prise par le gouvernement, prétendument au nom de la sécurité nationale, d’ériger sur la principale place du centre de la capitale le monument commémorant le crash aérien de 2010 à Smolensk (dans lequel le Président de la République de l’époque, son épouse et plusieurs autres personnalités polonaises de haut niveau ont trouvé la mort), alors que la ville avait auparavant choisi un autre lieu. La ville a considéré que cette décision empiétait sur ses compétences en matière d’aménagement du territoire et de gestion des lieux publics. Les recours qu’elle a déposés n’ont pas encore été examinés par le ministère public ni par les tribunaux administratifs.

 

La délégation a également été informée du conflit opposant plusieurs communes au gouvernement en conséquence de l’application de la loi du 1er avril 2016 sur la « décommunisation » des noms. Entrée en vigueur le 2 septembre 2016, cette loi oblige les autorités compétentes des collectivités territoriales à modifier certains noms dans un délai de douze mois à compter de son entrée en vigueur. Si les organes compétents ne se plient pas à cette obligation, en vertu de l’article 6.2 de la loi le voïvode prend une ordonnance de remplacement dans laquelle il assigne une nouvelle appellation conforme à l’article 1 de la loi.

 

Du fait qu’il existe actuellement des débats politiques concernant les personnages historiques dont le nom constitue une propagande pour le communisme, il a été indiqué à la délégation que les voïvodes abusaient du droit de promulguer des ordonnances de remplacement. Les communes ont contesté ces ordonnances devant les juridictions administratives, qui dans certains cas ont conclu à l’invalidité des actes des voïvodes.

 

En conclusion, les rapporteurs souhaitent souligner qu’en dépit de la volonté légitime du gouvernement de garantir des normes minimales de prestation des services dans les domaines qui ont un impact majeur sur la vie des citoyens, la question générale de l’amélioration et du développement des services devrait être de la responsabilité des collectivités locales et être réglée dans le cadre d’un partenariat entre les autorités locales et centrales, plutôt que dans une relation à sens unique dominée par le pouvoir central.

 

Les rapporteurs considèrent par conséquent que l’article 4, paragraphe 4, de la Charte n’est pas pleinement respecté en Pologne.

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


L’article 4, paragraphe 5, relatif aux responsabilités déléguées, dispose que les collectivités locales doivent jouir, autant qu’il est possible, de la liberté d’adapter leur exercice aux conditions locales.

 

Lors de la visite de suivi, la délégation a eu connaissance de nombreuses plaintes de collectivités locales affirmant qu’elles ne disposaient plus d’aucune latitude dans l’exercice des compétences de ce type. Elles ont dénoncé le fait qu’elles devenaient de simples organes de paiement pour le compte du pouvoir central. Cette situation a aussi des conséquences négatives sur le plan financier, puisque (voir infra, au sujet de l’article 9) les ressources financières transférées pour l’exercice de ces compétences ne sont pas suffisantes. De même, la Cour des comptes (NIK) a elle aussi critiqué ce système, soulignant que les collectivités territoriales, dans l’exercice des compétences déléguées, n’agissent que comme des organismes de paiement pour le pouvoir central. La Cour des comptes (NIK) a proposé de transformer les compétences déléguées en compétences propres des collectivités territoriales.

 

Par conséquent, et bien que le gouvernement soit d’un avis opposé, les rapporteurs considèrent que l’article 4, paragraphe 5, de la Charte n’est pas pleinement respecté en Pologne.

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


Enfin, l’article 4, paragraphe 6, de la Charte prévoit que « les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement ».

 

Sur ce point, comme le soulignait le rapport de 2015, la commission conjointe constitue un exemple positif de consultation entre différents niveaux d’autorité, y compris d’un point de vue comparatif.

 

Le cadre juridique n’a pas été modifié ces dernières années, mais dans la pratique le mécanisme ne semble plus garantir un processus de consultation satisfaisant. Lors de la visite de suivi, de nombreux interlocuteurs de la délégation se sont plaints du fait que de plus en plus de décisions concernant les intérêts locaux sont prises au niveau central, sans véritable consultation des collectivités locales.

 

Ils ont dénoncé en particulier la pratique consistant, pour le gouvernement, à soumettre des projets de loi sous la forme de propositions de loi déposées par des membres de la majorité parlementaire, ceci afin d’échapper à l’obligation de consultation de la commission conjointe. Il a été indiqué à la délégation que cette pratique était devenue la « procédure ordinaire ». Plusieurs exemples ont été présentés, parmi lesquels la loi sur la protection de l’environnement, qui libéralise l’exploitation des forêts, et la loi relative aux centres de conseil sur l’agriculture.

 

En outre, plusieurs textes réglementaires ont été adoptés par le gouvernement sans aucune consultation préalable de la commission. Un exemple cité à ce sujet par l’Association des villes polonaises est le règlement du 15 mai 2018 du Conseil des ministres établissant la rémunération minimale et maximale des élus locaux. Il a été indiqué à la délégation que dans d’autres cas des projets gouvernementaux avaient été soumis à la commission, mais que le gouvernement n’avait pas tenu compte des observations des collectivités territoriales, sans leur indiquer les raisons pour lesquelles leurs commentaires avaient été rejetés.

 

Lors de la procédure de consultation, le gouvernement a donné une évaluation différente de la situation, soulignant que sous le gouvernement actuel la commission conjointe s’était réunie 34 fois, qu’environ 1 209 propositions législatives lui avaient été soumises pour avis et que seulement 3 % de ces propositions n’avaient pas fait l’objet d’une discussion avec les collectivités locales. Le gouvernement a affirmé que la commission conjointe et en particulier ses groupes de travail avaient examiné un large éventail de questions. Il a aussi souligné que les membres de la commission représentant les collectivités pouvaient participer aux consultations organisées au sein des commissions parlementaires du Sejm lorsque des propositions de loi sont soumises par des députés.

 

La consultation et la participation des collectivités locales étant devenues un sujet de désaccord entre les autorités centrales et infranationales, les rapporteurs s’inquiètent tout particulièrement de la détérioration des relations entre ces autorités en Pologne, qui constitue un grave recul par rapport à l’acquis (réalisations) antérieur. Ils encouragent par conséquent les autorités polonaises à rétablir les bonnes pratiques fondées sur la collaboration et le dialogue qui caractérisaient la Pologne par le passé.

 

Les rapporteurs considèrent par conséquent que les dispositions de l’article 4, paragraphe 6, ne sont pas respectées en Pologne.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


Cet article pose une obligation de consultation des collectivités locales en cas de modification de leurs limites territoriales.

 

L’article 15.2 de la Constitution dispose que « [l]a division territoriale de base de l’Etat est définie par la loi », mais ne mentionne pas spécifiquement le droit de consultation des collectivités locales lorsque des modifications de leurs limites territoriales sont décidées. L’obligation de consultation préalable des collectivités était aussi absente des textes initiaux de la loi sur les collectivités territoriales et de la loi sur les powiaty. Elle a été introduite dans la législation à la suite de la Recommandation 120 (2002).

 

D’après la législation en vigueur, le Conseil des ministres peut créer, fusionner et supprimer des gminy/powiaty. Il définit en outre les limites territoriales des communes et des districts au moyen de règlements. Les révisions et les modifications des collectivités locales sont effectuées par le Conseil des ministres de sa propre initiative ou à la demande des instances locales elles-mêmes. Dans les deux cas, les modifications nécessitent un avis des organes d’autonomie locale et sont soumises à une consultation publique des résidents du territoire concerné.

 

La création, la fusion ou la scission des communes, ainsi que la redéfinition de leurs limites territoriales, peuvent aussi répondre à une initiative des résidents lors d’un référendum, dont les résultats peuvent servir de base à une proposition du conseil local.

 

La détermination et la modification des limites territoriales se font de telle manière que le territoire de la collectivité qui en résulte : (a) soit aussi uniforme que possible en termes d’implantation des localités et d’aménagement du territoire ; (b) prenne en compte les liens sociaux, économiques et culturels ; (c) garantisse la capacité de la collectivité locale à accomplir ses tâches.

 

Par conséquent, bien qu’en Pologne la législation requière que les résidents soient consultés, les limites territoriales peuvent aussi être modifiées contre leur volonté.

 

Les modifications des limites territoriales des communes ont suscité un grand nombre de litiges ces dernières années. Il a été indiqué à la délégation qu’un projet de modification des limites territoriales de plusieurs communes des environs de la capitale avait été abandonné. Le Conseil des ministres a mis en œuvre une modification des limites territoriales de la ville d’Opole, qui a été agrandie en y incluant des parties du territoire des communes voisines, à la fois contre la volonté des conseils municipaux de ces dernières et contre celle des résidents telle qu’elle s’était exprimée lors de consultations publiques. Cette modification a engendré un conflit qui a abouti – sans toutefois y trouver une solution – devant la Cour constitutionnelle.

 

Un cas très spécifique est celui de la dissolution de la commune d’Ostrowice. Le 5 juillet 2018, le Sejm a adopté la loi sur les solutions spécifiques pour la commune d’Ostrowice de la voïvodie de Poméranie occidentale, établissant la dissolution, au moyen d’un règlement du Conseil des ministres, de la commune d’Ostrowice. D’après le rapport explicatif du projet de loi, la commune d’Ostrowice est l’une des communes les plus lourdement endettées de Pologne, n’ayant aucune perspective financière pour effectuer des investissements avant de nombreuses années ni aucun moyen financier de rembourser sa dette. La dissolution de la commune d’Ostrowice et la répartition de son territoire entre les communes voisines seront effectuées au moyen d’un règlement du Conseil des ministres faisant suite à des consultations avec les résidents (conformément à l’article 1 de la loi). Les consultations seront menées par les autorités des communes concernées.

 

D’après le rapport explicatif du projet de loi, « l’avis des conseils n’est pas requis par la Charte européenne de l’autonomie locale, qui ne prévoit qu’une consultation des résidents (article 5) ». Les modifications des limites territoriales liées à la dissolution de la commune d’Ostrowice prendront effet le 1er janvier 2019.

 

Les rapporteurs souhaitent souligner que les modifications de limites territoriales et les fusions de collectivités locales sont très fréquemment une source de tensions et de conflits politiques. Bien qu’une procédure plus détaillée, prévoyant une meilleure prise en considération de la volonté des résidents, pourrait contribuer à apaiser les conflits et les tensions, les rapporteurs considèrent que les dispositions de l’article 5 sont globalement respectées en Pologne.  

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


L’article 6, paragraphe 1, de la Charte prévoit que les collectivités locales doivent pouvoir définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter.

 

La Constitution et la législation accordent aux collectivités locales de Pologne un degré d’autonomie appréciable dans le domaine de l’organisation interne. Aux termes de l’article 169.4 de la Constitution polonaise, « [l]es autorités délibérantes déterminent, dans les limites prévues par les lois, l’organisation interne des collectivités territoriales. »

 

Chaque collectivité territoriale adopte sa propre charte (« statut gminy », article 3 de la loi sur les collectivités territoriales ; « statut powiatu », article 2 de la loi sur les powiaty), laquelle, dans les limites de la législation nationale, définit l’organisation interne et le mode de fonctionnement de la collectivité (article 22 de la loi sur les collectivités territoriales ; article 19 de la loi sur les powiaty).

 

Toutefois, lors de la visite de suivi, les représentants des collectivités locales ont affirmé que les structures administratives internes étaient de plus en plus déterminées par le pouvoir central, qui impose aux communes et aux powiaty des structures organisationnelles excessivement rigides. Ils ont cité plusieurs exemples emblématiques de cette approche, parmi lesquels les centres d’aide sociale que chaque commune est tenue de créer, sans pouvoir s’associer avec d’autres communes. Certaines collectivités ont aussi exprimé leur inquiétude concernant l’impact, sur le fonctionnement des collectivités locales, de la réforme récente visant à renforcer la démocratie participative (en particulier l’obligation de mettre en place une commission des plaintes, demandes et pétitions : article 18b de la loi sur les collectivités territoriales ; article 16a de la loi sur les powiaty). Une inquiétude similaire avait été exprimée lors de la visite de suivi de 2014.

 

Les rapporteurs, soulignant une fois encore l’importance de l’autonomie en matière d’organisation, considèrent que les collectivités territoriales de Pologne, en dépit de certaines difficultés, sont en mesure de définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace. En conséquence, les dispositions de l’article 6.1 sont respectées en Pologne. 

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


L’article 6, paragraphe 2, de la Charte porte sur le statut du personnel des collectivités locales, qui doit permettre un recrutement de qualité fondé sur les principes du mérite et de la compétence. En Pologne, il n’existe pas de recrutement centralisé au sens où, comme en France, un recrutement national serait appliqué à la fonction publique territoriale. Par conséquent, chaque gmina ou powiat est habilité à recruter son propre personnel, dans le respect des procédures publiques de mise en concurrence. Une loi spécifique régit l’emploi au sein des administrations locales (loi du 21 novembre 2008 sur les agents des collectivités territoriales).

 

Il est à noter qu’aux termes de cette loi la catégorie d’« agent des collectivités territoriales » inclut en Pologne les responsables élus ou nommés et les employés sous contrat. Dans le présent rapport, nous évoquerons les responsables élus et nommés ci-dessous, au sujet de l’article 7 de la Charte.

 

Pour ce qui concerne les agents munis d’un contrat de recrutement, la loi (article 37) assigne au Conseil des ministres le pouvoir de déterminer : la liste des fonctions, les exigences de qualification minimales, les conditions et le mode de rémunération des agents des collectivités territoriales, les conditions d’octroi et de versement d’une allocation pour activité de longue durée ; les conditions de détermination du droit à la prime d’ancienneté et de son versement. Le Conseil des ministres doit prendre en considération : 1) le type de tâches exercées et la nature des activités au regard des fonctions spécifiques ; 2) la nécessité pour un agent de collectivité territoriale d’avoir des compétences professionnelles et l’expérience requise ; 3) le nombre d’habitants de la collectivité territoriale.

 

La délégation du Congrès n’a eu connaissance d’aucune doléance des collectivités locales de Pologne sur cette question. La doléance formulée par l’Association des villes de Pologne porte sur la rémunération des responsables élus et nommés et sera évoquée ci-dessous, au sujet de l’article 7. Par conséquent, les rapporteurs considèrent que les dispositions de l’article 6.2 sont respectées en Pologne 

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


L’article 7, paragraphe 1, vise à assurer le libre exercice de leur mandat par les élus. Ce point n’avait pas posé problème lors de la précédente visite de suivi, et le rapport de 2014 soulignait à ce sujet que « la Pologne [était] un pays avancé et démocratique ». Hélas, lors de la visite de suivi de 2018, la délégation a eu connaissance de multiples problèmes et reçu de nombreuses doléances de la part d’élus territoriaux concernant l’évolution de la situation dans les faits. De nombreux maires ont mentionné des excès en matière de poursuites et d’enquêtes anticorruption, dont l’objectif est d’induire au sein de la population un sentiment de méfiance à l’égard des autorités locales. Du fait que le libre exercice du mandat requiert des ajustements à la fois en droit et en pratique, les rapporteurs souhaitent insister sur l’importance de la stabilité des mandats et sur la nécessité d’une décision judiciaire pour suspendre ou révoquer un maire de ses fonctions.

 

Pour autant, les rapporteurs considèrent qu’à l’heure actuelle il n’y a pas de violation de l’article 7.1 en Pologne.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


Pour ce qui concerne l’article 7, paragraphe 3, selon lequel « les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d’élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux », en Pologne les incompatibilités sont définies par plusieurs dispositions légales. Outre la loi sur les collectivités territoriales et la loi sur les powiaty, la loi du 21 août 1997 sur les limitations à l’exercice d’activités commerciales par des personnes remplissant des fonctions publiques vise à limiter l’exercice de plusieurs fonctions, entre autres, par les dirigeants des gminy (maires, présidents des villes) et leurs adjoints, les membres des conseils de powiat, les membres des conseils de voïvodie, leurs trésoriers et leurs secrétaires.

 

Les récents amendements introduits par la loi du 11 janvier 2018 visent à allonger de plus en plus la liste des fonctions ou d’activités qui ne peuvent être cumulées avec un mandat électif local. L’Association des villes de Pologne a affirmé que cette évolution, couplée avec la réduction de la rémunération des élus, pourrait avoir pour résultat d’interdire à des catégories entières de personnes d’accéder à des mandats électifs.

 

Les rapporteurs partagent cette inquiétude et estiment que la question doit faire l’objet d’un suivi attentif, car elle présente un risque grave pour le pluralisme et la démocratie locale. Cela étant, pour l’heure les rapporteurs ne considèrent pas que la situation en Pologne constitue une violation de l’article 7.3 

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


L’article 7, paragraphe 2, concerne l’octroi aux élus d’une compensation financière adéquate.

 

Pour ce qui est de la compensation financière des élus locaux, les conseillers ne perçoivent pas de salaire mais reçoivent une indemnité pour leur activité, qui est exercée à temps partiel et considérée comme une fonction « complémentaire ». Le montant de la compensation dépend du nombre d’habitants de la gmina ou du powiat. Le conseil définit la rémunération de ses membres au moyen d’une résolution, dans le cadre fixé par la réglementation nationale. Les rémunérations du maire et du starosta (qui sur le plan juridique sont considérés en Pologne comme des agents des collectivités territoriales) obéissent à des règles similaires, puisque le conseil décide de leur salaire, lequel est également plafonné par la réglementation nationale et dépend du nombre d’habitants de la collectivité. Ils perçoivent en outre une allocation de service spécifique, laquelle dépend aussi de la population de la collectivité.

 

Il a été indiqué à la délégation que, le 15 mai 2018, une nouvelle réglementation du Conseil des ministres avait été adoptée (conformément à l’article 37 de la loi du 21 novembre 2008 sur les agents des collectivités territoriales), établissant les montants minimums et maximums de la rémunération et de l’allocation de service spécifique. Ces deux montants ont été réduits de 20 %. L’Association des villes de Pologne a soumis à la délégation, à l’appui de sa doléance à ce sujet, un avis juridique qui souligne entre autres éléments que la réduction n’est pas justifiée de manière transparente et qu’il n’y a pas eu de consultation, puisque le projet de réglementation n’a pas été soumis à la commission conjointe. La réponse écrite du ministère de l’Intérieur et de l’Administration au questionnaire souligne que l’opinion publique est favorable à une réduction des rémunérations, ayant le sentiment général que les salaires des responsables politiques sont trop élevés. Dans sa réponse, le ministère souligne par ailleurs que la solution adoptée s’appuie sur un amendement de la loi sur l’exercice du mandat de député ou de sénateur, adopté par le Sejm le 10 mai 2018, qui impose une réduction de 20 % des rémunérations des parlementaires.

 

Les rapporteurs souhaitent exprimer leur inquiétude au sujet de cette évolution, en raison en particulier du fait que la réduction de 20 % n’est pas la conséquence d’une crise financière, et qu’elle est même appliquée dans une période de croissance économique. Pour l’heure, les rapporteurs ne considèrent pas que cette réduction soit une mesure suffisante pour constituer une violation de l’article 7.2, mais ils estiment que la situation à ce sujet devra faire l’objet d’un suivi attentif à l’avenir. 

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


Aux termes de l’article 8, paragraphes 1 et 2, le contrôle administratif des actes des collectivités locales ne peut viser qu’à assurer le respect de la loi et des principes constitutionnels. Un contrôle d’opportunité peut toutefois être exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales. Une autre exigence importante découle des dispositions de la Charte : la loi doit déterminer précisément quelles autorités administratives sont habilitées à exercer le contrôle de légalité sur les communes.

 

Conformément aux dispositions de la Charte, en Pologne les règles applicables au contrôle du pouvoir central sur les collectivités locales, ainsi que les compétences des autorités centrales concernées, sont définies par la Constitution et par la loi.

 

Aux termes de l’article 171 de la Constitution polonaise, « 1. L’activité des collectivités territoriales est soumise au contrôle de légalité. 2. Les organes de contrôle de l’activité des collectivités territoriales sont le Premier ministre et les voïvodes et, en matière financière, les chambres régionales des comptes. 3. Le Sejm peut dissoudre, à la demande du Premier ministre, l’autorité délibérante d’une collectivité territoriale, si celle-ci porte une atteinte flagrante à la Constitution ou à la loi. »

 

La législation, comme on l’a vu, définit de manière détaillée les autorités, les procédures et les cas dans lesquels le contrôle, qui ne peut porter que sur la légalité des actes, est exercé. Si le voïvode, au final, passe outre la décision d’une instance locale, tant la collectivité locale que les citoyens peuvent contester sa décision, en déposant auprès du tribunal administratif régional un recours qui donnera lieu à une audience publique. Le jugement du tribunal administratif peut faire l’objet d’un recours devant la Cour administrative suprême. Par conséquent, le système judiciaire est chargé de s’assurer que le contrôle administratif des autorités publiques est effectué dans le respect des motifs et des procédures prévus par la loi.

 

Par conséquent, les rapporteurs estiment que les dispositions contenues à l’article 8, paragraphes 1 et 2, sont respectées en Pologne

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.


Voir réponse indiquée à l'article 8.1

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.


L’article 8, paragraphe 3, porte sur la manière dont le contrôle s’exerce en pratique et requiert que le principe de proportionnalité soit respecté.

 

Lors de la visite, la délégation du Congrès a eu connaissance de plusieurs cas d’ingérence de la part des autorités de contrôle. Si par le passé la plupart des désaccords entre l’organe local et le voïvode ont pu être réglés au moyen d’une coopération informelle, ces trois ou quatre dernières années les voïvodes ont montré une tendance à utiliser leur pouvoir de contrôle bien au-delà de l’importance des intérêts que ce pouvoir vise à préserver.

 

Un autre aspect du comportement conflictuel des autorités de contrôle consiste, pour les voïvodes, en un détournement de leur obligation de garantir la publication des décisions et réglementations locales dans les plus brefs délais, cette pratique ayant abouti dans certains cas à un report injustifié de la publication.

 

Lors de la procédure de consultation, le gouvernement a fourni des statistiques du ministère de l’Intérieur et de l’Administration selon lesquelles les pourcentages des résolutions de collectivités locales déclarées invalides par les voïvodes et de celles qui ont fait l’objet d’un recours devant les tribunaux administratifs sont restées stables, et à un niveau peu élevé par rapport à l’ensemble des résolutions examinées par les voïvodes, et que ces pourcentages ont même diminué en 2016-2017.

 

Les rapporteurs ne considèrent pas que ces données puissent invalider les constatations de la visite de suivi.

 

Par conséquent, les rapporteurs estiment que les dispositions contenues à l’article 8, paragraphes 1 et 2, sont respectées en Pologne, tandis que celles de l’article 8, paragraphe 3, ne le sont pas.

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


L’article 9, paragraphe 8, relatif à l’accès des collectivités locales au marché national des capitaux afin de financer leurs dépenses d’investissement, ne pose pas de problème particulier en Pologne. Les collectivités locales ont accès au marché national des capitaux, dans les limites établies par la loi, laquelle indique que l’emprunt n’est possible qu’à des fins d’investissement. Comme l’a souligné le ministère de l’Intérieur dans ses réponses écrites au questionnaire, dans certains cas extrêmes cette possibilité peut aboutir à l’incapacité d’une collectivité locale à rembourser la dette, une situation qui peut même entraîner la dissolution de la collectivité en question, comme cela s’est produit dans le cas d’Ostrowice (voir ci-dessus, au sujet de l’article 5). Les rapporteurs considèrent par conséquent que l’article 9, paragraphe 8, est respecté en Pologne.

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


Pour ce qui concerne l’article 9, paragraphe 7, de la Charte, il existe bien en Pologne des dotations destinées à des projets spécifiques. Une partie des projets d’investissement locaux sont également financés par les fonds structurels européens et d’autres instruments financiers, sur la base d’instruments juridiques. En règle générale, ces dotations ne représentent pas une part importante des ressources financières des collectivités locales et ne semblent pas poser problème pour leur autonomie. La délégation n’a eu connaissance d’aucune doléance à ce sujet, et les rapporteurs considèrent par conséquent que l’article 9, paragraphe 7, est respecté en Pologne.

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


Pour ce qui est de l’article 9, paragraphe 6, de la Charte, relatif à la consultation des collectivités locales sur la manière dont les ressources redistribuées sont allouées, il a été indiqué à la délégation que les problèmes liés au processus de consultation apparus ces dernières années en Pologne avaient aussi eu une incidence dans ce domaine.

 

Lors de la procédure de consultation, le gouvernement a indiqué ne pas partager cet avis et affirmé qu’il y avait de nombreux exemples positifs de coopération entre les collectivités locales et les autorités centrales. Il a mentionné en particulier le dialogue du ministère des Finances avec les représentants des collectivités locales sur les questions financières au sein de divers groupes de travail de la commission conjointe.

 

Cela étant, de l’avis des rapporteurs, aux dysfonctionnements de la commission conjointe s’ajoute le non-respect de la disposition de la loi sur les finances publiques (article 50.2 et 3) selon laquelle « 2. Tout projet de loi entraînant une modification du niveau des recettes ou des dépenses des collectivités territoriales requiert un chiffrage de son impact, une indication des sources de son financement et un avis de la commission conjointe entre le Gouvernement et les collectivités territoriales. 3. Le Conseil des ministres, lorsqu’il soumet au Sejm un projet de loi visé au paragraphe 2, joint au texte l’avis de la commission conjointe entre le Gouvernement et les collectivités territoriales. » L’Association des villes de Pologne a indiqué que des lois avaient été votées par le Parlement sans aucune évaluation de leur effet, bien qu’une telle évaluation soit obligatoire.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que l’article 9, paragraphe 6, n’est pas respecté en Pologne.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


L’article 9, paragraphe 5, porte sur la protection des collectivités locales financièrement les plus faibles, au moyen des procédures de péréquation. La Recommandation 373 (2015) appelait les autorités polonaises à « réviser le système de péréquation de manière à le rendre plus réactif aux fluctuations économiques futures, en révisant, par exemple, l’échelle des contributions ». Comme on l’a vu, la dotation générale inclut une « composante de péréquation », qui a été révisée après la décision de la Cour constitutionnelle de 2014 (voir ci-dessous).

 

Lors de la visite de suivi, la délégation n’a eu connaissance d’aucune doléance spécifique concernant le mécanisme de péréquation. Le seul problème mentionné par l’Association des villes de Pologne concerne le fait que le système de péréquation financière ne tient pas compte des différences en matière de charges financières des collectivités locales urbaines ; inversement, il prend deux fois en considération le caractère spécifique des municipalités rurales. Compte tenu de la complexité de la formule de péréquation, les rapporteurs ne pensent pas que ce point constitue une violation de la Charte. Les besoins des collectivités locales urbaines pourraient être davantage pris en compte si elles disposaient d’une plus grande capacité à établir et gérer leurs propres impôts locaux.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que les dispositions de l’article 9, paragraphe 5, sont respectées en Pologne.

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


L’article 9, paragraphe 3, requiert qu’une partie au moins des ressources financières des collectivités locales provienne de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.

 

En Pologne, les ressources financières provenant d’« impôts locaux » représentent une part importante des recettes des communes (43,3 % d’après les chiffres du ministère des Finances pour 2017), tandis qu’elles sont limitées pour les powiaty (35,8 %).

 

Cependant, la question principale n’est pas celle de la proportion de cet impôt par rapport aux recettes totales des collectivités territoriales. Le problème essentiel tient plutôt au fait que les prétendus « impôts locaux » sont définis par une législation ou une réglementation adoptée par le ministère des Finances. Les collectivités ne peuvent au mieux qu’introduire des exonérations et des allègements fiscaux, la seule exception étant la possibilité pour les communes de déterminer le taux de la taxe foncière, dans les limites définies par la législation nationale. Quant aux powiaty, ils ne collectent pas de véritable « impôt local ».

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que l’article 9, paragraphe 3, de la Charte n’est pas respecté en Pologne.

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.


Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la Charte, les collectivités locales ont droit à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences. L’autonomie financière est un aspect essentiel du principe de l’autonomie locale. Elle est également essentielle pour l’exercice d’un large éventail de responsabilités dans le domaine des affaires publiques locales. Ces aspects se cumulent entre eux, ce qui signifie que toutes les conditions énoncées dans l’article 9, paragraphe 1, de la Charte doivent être réunies. Un autre principe fondamental, énoncé à l’article 9, paragraphe 2, suppose que les collectivités locales disposent de ressources financières suffisantes proportionnées aux compétences qui leur sont confiées par la loi.

 

En Pologne, les collectivités territoriales gèrent une part substantielle des ressources financières, s’élevant jusqu’à 31,3 % des dépenses publiques. Leurs recettes représentent 13 % du PIB (4,1 % de recettes fiscales, 7,5 % de dotations et subventions et 1,3 % d’autres recettes). La vraie question, cependant, est de savoir si les collectivités territoriales peuvent disposer librement de ces ressources et si celles-ci sont proportionnées à l’étendue de leurs responsabilités.

 

Cette question avait déjà été posée lors de la visite de suivi de 2014. La Recommandation 373 (2015), reprenant sur ce point la précédente Recommandation 120 (2002), invitait les autorités polonaises à veiller à ce que la décentralisation de compétences s’accompagne du transfert de ressources financières suffisantes et à trouver un nouveau compromis concernant le principe de connexité.

 

Il convient de souligner également qu’en Pologne, d’après l’OCDE, en 2016 seulement 35,7 % des investissements publics ont été effectués par des autorités infranationales, alors que la moyenne de l’OCDE est de 56,9 %. Cette part est en Pologne l’une des plus basses des pays de l’OCDE.

 

Bien que la Pologne ait connu ces dernières années une croissance économique remarquable, rien n’a changé concernant la question de l’accès à des ressources financières suffisantes, proportionnées aux responsabilités des collectivités locales. Lors de la visite, l’Association des villes de Pologne et de nombreux représentants des collectivités ont exprimé des doléances à ce sujet.

 

Le ministère des Finances a indiqué que les ressources financières des collectivités territoriales – y compris leurs recettes propres – avaient connu une augmentation constante au cours des dernières années.  

Les représentants des collectivités ont formulé trois doléances principales. Premièrement, les ressources sont jugées insuffisantes : depuis les amendements de 2005-2006 à la loi relative à l’impôt sur le revenu des particuliers, la stabilité financière des communes a été affaiblie, sans aucune compensation ni aucune diminution du domaine des tâches locales. Deuxièmement, l’État établit des normes plus élevées pour les services assurés par les collectivités locales sans leur transférer des ressources supplémentaires, leur demandant par conséquent de prendre à leur charge le surcroît de dépenses. Troisièmement, l’État transfère de nouvelles compétences aux collectivités locales, sans accompagner ce transfert de ressources financières suffisantes.

 

Le powiat semble être le niveau d’autorité le plus faible. Ses représentants ont décrit les difficultés financières qu’ils connaissent, qui ont de surcroît pour conséquence d’engendrer un endettement excessif. L’amélioration des normes en matière d’aide sociale, de maisons de retraite, d’orphelinats, de centres pour les jeunes en difficulté et de refuges pour les personnes défavorisées génèrent des dépenses supplémentaires qui ne sont compensées au moyen de transferts de l’État, et que les powiaty doivent donc financer sur leurs propres ressources.

 

L’éducation est un problème à la fois pour les communes et pour les powiaty. La négociation sur les salaires des enseignants est menée au niveau national, mais les salaires sont versés par les collectivités territoriales. Les subventions pour l’éducation ont augmenté de 1 %, alors que les dépenses pour ce domaine ont quant à elles augmenté de 5 %.

Lors de la procédure de consultation, le gouvernement a exprimé un avis diamétralement opposé et souligné que les recettes des collectivités locales avaient connu une augmentation, découlant en particulier de la législation et des actions de reprise économique adoptées récemment. Le gouvernement a présenté les données détaillées du ministère des Finances concernant la période 2014-2017, afin de souligner la situation financière globalement positive des collectivités locales, si ce n’est un léger déficit en 2017. Le gouvernement a également affirmé que les ressources financières dont disposent les collectivités infranationales étaient suffisantes, invoquant, sur la base des chiffres fournis, le niveau élevé des recettes des collectivités locales liées aux actifs et le nombre élevé de collectivités locales présentant un excédent d’exploitation sur la période 2014-2017. Il a par ailleurs soutenu que les subventions destinées à l’éducation avaient toujours constitué une des sources de financement de ce secteur et qu’il n’y avait pas eu entre 2014 et 2016 de modification significative du ratio entre les dépenses courantes des collectivités locales pour l’éducation et les transferts courants sur le budget de l’État (part de la subvention générale allant à l’éducation et dotations spécifiques pour des tâches dans ce secteur).

 

Nonobstant l’augmentation des ressources financières des collectivités locales invoquée par le gouvernement, les rapporteurs s’inquiètent en particulier du fait que le coût de l’amélioration de la qualité des services et des salaires – qui relève d’une politique menée au niveau national – repose de fait sur les collectivités territoriales. En outre, les données établies par des équipes de recherche universitaire indépendantes indiquent que la croissance de 2016-2017 est trompeuse, du fait qu’elle est dans une très large mesure le résultat du nouveau programme de protection sociale (dit « programme 500+ ») mis en œuvre par les collectivités locales pour le compte du pouvoir central, tandis qu’il y a eu une légère diminution des recettes des powiaty et une chute massive de celles des régions.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que les dispositions de l’article 9, paragraphes 1 et 2, ne sont que partiellement respectées en Pologne. 

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


L’article 9, paragraphe 4, requiert que les ressources dont disposent les collectivités locales soient de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution (l’augmentation) réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences.

 

En Pologne, les principales ressources des communes proviennent de leur part de l’impôt sur le revenu des sociétés et de l’impôt sur le revenu des particuliers, ainsi que des dotations et subventions sur le budget de l’État, lesquelles sont destinées à financer certaines tâches (principalement l’éducation) et à compenser les inégalités socio-économiques. Toutefois, du fait de la possibilité limitée d’établir des impôts locaux, on peut difficilement considérer que les ressources des collectivités locales sont de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution (l’augmentation) réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que l’article 9, paragraphe 4, de la Charte n’est pas respecté en Pologne. 

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


L’article 10, paragraphe 1, concerne les types de coopération visant la réalisation de tâches d’intérêt commun. La législation polonaise prévoit jusqu’à trois formes principales de coopération intercommunale : (a) l’association intercommunale, créée par des communes afin d’accomplir conjointement des tâches communes ; (b) les accords intercommunaux, qui n’entraînent pas la création d’une entité juridique distincte ; (c) le groupement de collectivités locales, qui peut aussi avoir pour membres des powiaty et des voïvodies. La délégation n’a eu connaissance d’aucune remarque ni doléance et les rapporteurs considèrent que ce principe est pleinement respecté en Pologne.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


Le deuxième paragraphe de l’article 10 de la Charte est également respecté en Pologne. L’article 172.1 de la Constitution dispose que « [l]es collectivités territoriales peuvent s’associer ». Les collectivités locales et régionales de Pologne ont usé activement du droit de former des associations nationales pour la promotion et la protection de leurs intérêts communs. Actuellement, il existe en Pologne six associations de collectivités locales et régionales actives et bien structurées : l’Association des communes rurales de la République de Pologne (ZGWRP), l’Association des villes de Pologne (ZMP), l’Association des powiaty de Pologne (ZPP), l’Association des métropoles de Pologne (UMP), l’Union des petites villes de Pologne (UMP) et l’Association des voïvodies de Pologne (ZWRP).

 

Ces associations (qui ont toutes une dimension nationale) sont représentatives de toutes les collectivités territoriales et ouvertes à toutes (respectivement à l’échelle des gminy, des powiaty ou des régions). Elles jouent un rôle actif dans la représentation, la défense et la promotion des intérêts locaux et participent à des négociations régulières avec le pouvoir central sur les principaux faits ayant une incidence sur les collectivités, essentiellement au sein de la commission conjointe (voir supra, au sujet de l’article 4).

 

Concernant la possibilité d’adhérer à des associations internationales de collectivités territoriales, l’article 172.2 de la Constitution dispose que « [l]es collectivités territoriales ont le droit d’adhérer aux associations internationales de collectivités locales et régionales et de coopérer avec les collectivités locales et régionales d’autres pays. » La loi du 15 septembre 2000 dispose que la décision d’adhérer à une association internationale doit recevoir l’approbation du ministère en charge des affaires étrangères (article 4). 

 

En conclusion, les rapporteurs estiment que l’article 10 de la Charte est pleinement respecté en Pologne.

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


L’article 10, paragraphe 3, concerne la coopération des collectivités territoriales avec leurs homologues d’autres États. Le droit de participer à la coopération transfrontalière est également protégé par l’article 172.2 de la Constitution. De plus, la loi sur les collectivités territoriales (article 18.2, alinéa 12) assigne au conseil municipal une compétence exclusive pour adopter des résolutions sur la coopération avec les collectivités locales d’autres pays. Des dispositions analogues figurent dans la loi sur les powiaty (article 75a et article 12.9a).

 

Les collectivités locales de Pologne sont ainsi habilitées à coopérer avec leurs homologues d’autres États. Cette coopération est aussi bien développée dans la pratique. Mentionnons également que la Pologne a signé et ratifié la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STCE n° 106).

 

En conclusion, les rapporteurs estiment que l’article 10 de la Charte est pleinement respecté en Pologne.  

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


L’article 11 de la Charte concerne le droit à un recours juridictionnel effectif en vue de garantir le respect de l’autonomie locale.

 

En Pologne, la protection légale de l’autonomie locale est garantie expressément par la Constitution, précisément par son article 165.2, selon lequel : « [l]e caractère autonome des unités d’autorité locale bénéficie de la protection juridictionnelle ». De plus, son article 166.3 dispose que « [l]es juridictions administratives statuent sur les conflits de compétence entre les autorités des collectivités territoriales et celles de l’administration gouvernementale ».

 

En outre, toute collectivité territoriale s’estimant lésée par un texte législatif peut engager un recours devant la Cour constitutionnelle. L’article 191.1. 3) de la Constitution dispose que « les autorités délibérantes des collectivités territoriales » peuvent déposer un recours devant la Cour constitutionnelle contre un acte normatif ayant trait à des questions relevant du champ de leur activité. L’article 188 dispose que la Cour constitutionnelle statue sur : « 1. la conformité à la Constitution des lois et des traités ; 2. la conformité des lois aux traités ratifiés dont la ratification exige l’autorisation préalable d’une loi ; 3. la conformité des actes réglementaires émanant des autorités centrales de l’État à la Constitution, aux traités ratifiés et aux lois ; 4. la conformité à la Constitution des objectifs ou de l’activité des partis politiques ; 5. la plainte portée devant ce Tribunal, visée à l’article 79, paragraphe 1. »

 

Par conséquent, les collectivités territoriales (considérées comme des entités individuelles) et l’autonomie (en tant que principe) génèrent un large éventail de recours en Pologne. Sur cette base, comme le soulignait le rapport de 2015, la Cour constitutionnelle a joué par le passé un rôle actif dans la mise en œuvre de la Charte, à l’occasion de plusieurs procédures constitutionnelles portant sur des questions d’autorité locale.

 

Lors de la visite de suivi, il a été indiqué à la délégation que plusieurs recours avaient été déposés ces dernières années par des collectivités territoriales devant la Cour constitutionnelle, et que tous avaient été rejetés. Bon nombre des représentants locaux rencontrés par la délégation ont exprimé des réserves quant à la possibilité pour les collectivités de faire reconnaître le droit à l’autonomie locale devant la Cour constitutionnelle, à tel point que les collectivités territoriales ne déposent plus de requêtes ni de recours devant cette juridiction. Lors de la réunion à la Cour constitutionnelle, la délégation n’a pas pu approfondir cette question, puisqu’aucun juge de la Cour n’y a participé et que la délégation n’a pu rencontrer que des personnels administratifs de la Cour. La jurisprudence des tribunaux administratifs mentionnée par les interlocuteurs lors de la visite de suivi semble actuellement plus réceptive aux principes de l’autonomie locale.

 

Au vu des considérations ci-dessus, on peut conclure que les dispositions de l’article 11 de la Charte sont respectées en Pologne. Toutefois, eu égard à la situation générale du système judiciaire et de l’État de droit en Pologne, cette question devra faire l’objet d’un suivi plus étroit à l’avenir.  

ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

Le Chapitre VII de la Constitution est consacré aux collectivités territoriales (SamorzÄ…d terytorialny).



30Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
0 Disposition(s) non ratifiée(s)
18Disposition(s) conforme(s)
6Articles partiellement conformes
6Disposition(s) non conforme(s)