Estonie

Estonie - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 18 au 20 avril 2023
Date d'adoption du rapport: 25 octobre 2023

Le présent document est le quatrième rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la Charte en Estonie.

Les rapporteurs concluent que le système d’autonomie locale du pays fonctionne bien et que les obligations au titre de la Charte sont généralement respectées.

Ils notent avec satisfaction que la réforme administrative territoriale de 2017 a eu un impact positif.
La délégation note également que les nouvelles technologies sont de plus en plus utilisées à des fins administratives et démocratiques, ce qui crée davantage de possibilités d’engagement pour les citoyens. La délégation se félicite de la reconnaissance croissante dont bénéficie l’Association des villes et communes estoniennes depuis sa création en 2018. En outre, les rapporteurs soulignent qu’un ministère spécifique chargé des questions relatives à l’autonomie locale a été créé.

Toutefois, le rapport souligne certains aspects qui appellent une attention particulière, notamment : l’ambiguïté persistante concernant la répartition des compétences ; le fait que les transferts de compétences ne s’accompagnent pas toujours des ressources financières nécessaires ; l’insuffisance du fonds de péréquation, l’inadéquation de la formule de péréquation et les lacunes dans les procédures de consultation sur la législation touchant directement les acteurs des collectivités locales. En outre, les collectivités locales dépendent des subventions de l’État pour s’acquitter de leurs obligations et les possibilités pour les collectivités locales de mobiliser des ressources propres sont limitées.

Par conséquent, il est recommandé à l’Estonie de réviser la législation sur la répartition des tâches et des compétences entre les niveaux local et national, d’allouer aux collectivités locales des ressources financières à la mesure de leurs responsabilités et d’accroître les possibilités pour les collectivités locales de générer des ressources propres en leur permettant d’introduire des impôts locaux supplémentaires.
En outre, la délégation recommande de réviser les mécanismes de consultation afin de garantir que les autorités infranationales soient consultées de manière efficace et significative et en temps utile. Par ailleurs, il est recommandé d’augmenter la dotation du fonds de péréquation et de réviser les critères de sa répartition.

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


L’article 2 vise à garantir que les principes de l’autonomie locale soient inscrits dans le système juridique et/ou constitutionnel du pays.

Les principes de l’autonomie locale sont expressément reconnus aussi bien dans la Constitution que dans la législation interne de l’Estonie. L’autonomie locale est mentionnée dans 26 articles de la Constitution, dont le chapitre XIV (articles 154 – 160) régit plus particulièrement le domaine des collectivités locales.

 L’article 14 de la Constitution dispose que les autorités locales (tout comme les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire) ont le devoir de garantir le respect des droits et des libertés. L’article 65 (16) habilite le Riigikogu à traiter d’autres questions relatives au fonctionnement de l’État qui ne relèvent pas de la compétence du Président de la République, du Gouvernement de la République et d’autres organes de l’État ou des autorités locales. L’article 79 de la Constitution prévoit que des représentants des collectivités locales figurent parmi les membres de l’assemblée électorale établie dans le cas où le Président de la République ne serait pas élu par le Riigikogu même lors du troisième tour de scrutin. L’autonomie locale a donc un fondement constitutionnel solide. En ce qui concerne la législation interne, le texte de loi le plus important est la loi sur l’organisation des collectivités locales, adoptée en 1993 et fréquemment modifiée depuis, la dernière version étant entrée en vigueur le 1er avril 2023. L’autonomie locale est, selon cette loi, fondée sur les principes suivants : 

1) le règlement indépendant et final des questions locales, ainsi que leur organisation ; 

2) la garantie obligatoire des droits et libertés de chacun dans la commune rurale ou la ville ; 

3) le respect de la loi dans l’exercice des fonctions et obligations ; 

4) le droit des résidents d’une commune rurale ou d’une ville de participer à l’exercice de l’autonomie locale ; 

5) la responsabilité dans l’exercice des fonctions ; 

6) la transparence des activités ;

7) la fourniture des services publics dans les conditions les plus favorables.

L’autonomie locale de l’Estonie se fonde également sur d’autres textes de loi importants :

  •  la loi sur la division administrative du territoire de l’Estonie, qui détermine la division administrative du territoire de l’Estonie ;
  •  la loi sur l’élection des conseils municipaux, qui définit les principes de l’élection des conseils locaux ;
  •  la loi de 2010 sur la gestion financière des collectivités locales, qui régit le processus d’établissement du budget des collectivités locales et définit les mesures permettant d’assurer la discipline financière au niveau local. 

La Cour suprême d’Estonie a renforcé l’importance accordée à la Charte dans le cadre juridique et constitutionnel du pays. En effet, selon son arrêt rendu dans l’affaire 3-4-1-8-09 du 16 mars 2010, « la Charte énonce les conditions minimales que l’État doit garder à l’esprit dans l’organisation de l’autonomie locale, notamment pour ce qui concerne le financement des collectivités locales. Par conséquent, la Cour réunie en chambre plénière considère que la Charte joue un rôle important dans l’interprétation des dispositions de la Constitution pour ce qui est de l’organisation de l’autonomie locale ». 

 

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


 L’article 3, paragraphe 1, de la Charte requiert d’examiner si, en droit et en pratique, les collectivités locales ont le droit, la capacité et la possibilité de gérer une part importante des affaires publiques dont elles ont la responsabilité et quelles affaires peuvent être gérées d’une manière appropriée et qui réponde aux besoins et aux priorités de la population locale.

 L’article 154 de la Constitution estonienne dispose que « toutes les questions relatives à la vie locale sont réglées par les collectivités locales qui agissent de façon autonome dans le cadre de la loi. Des obligations ne peuvent être imposées aux collectivités locales que conformément à la loi ou avec l’accord de la collectivité locale concernée ». Par conséquent, les collectivités locales sont habilitées à prendre et à mettre en œuvre des décisions relatives aux missions locales, et ont le droit de décider du moment et de la manière de traiter, ainsi que de l’opportunité de traiter les affaires relevant de leur compétence. Ainsi, le droit « de régler et de gérer, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques » est explicitement accordé aux collectivités locales de l’Estonie.Cependant, la question de la capacité des collectivités locales estoniennes à gérer, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques est moins claire, principalement en raison de la dimension financière.

 Selon le Commentaire contemporain sur la Charte, « la notion de ‘capacité effective’ contient l’idée que le droit formel de régler et de gérer certaines affaires publiques doit s’accompagner des moyens de l’exercer effectivement ». Les interlocuteurs rencontrés ont exprimé la même idée en soulignant que la liberté de choisir les priorités et de gérer, sous leur propre responsabilité et au profit des populations locales, une part importante des affaires publiques, supposait d’avoir une autonomie financière non négligeable. Cependant, les collectivités locales utilisent souvent leurs ressources financières pour s’acquitter des obligations qui leur sont imposées. Or les obligations en matière sociale et éducative sont particulièrement lourdes et mobilisent une part toujours plus importante de leurs ressources, laissant peu de place aux projets ou aux investissements libres, ou à la planification future.

L’Estonie est raisonnablement bien placée sur l’Indice de l’autonomie locale, avec un degré d’autonomie locale moyen à élevé (elle se situe au 17e rang sur 39 pays). Toutefois, les collectivités locales de l’Estonie obtiennent des résultats différents selon les dimensions de l’autonomie. Comme l’illustre la Figure 1, les collectivités locales d’Estonie obtiennent les plus hauts scores possibles (note de 100) pour ce qui concerne l’autonomie politique et organisationnelle, mais elles figurent parmi les scores les plus faibles s’agissant de leur autonomie budgétaire (note de 32) et de leur niveau d’influence verticale (note de 33). Malgré la réforme de 2017, les scores restent les mêmes dans l’analyse composite couvrant la période 1990-2020 publiée par la Commission européenne.

Bien qu’au cours de la visite de suivi, certains interlocuteurs aient exprimé de sérieuses inquiétudes quant aux moyens dont disposent les collectivités locales pour s’acquitter de leurs responsabilités (inquiétudes qui seront évoquées plus loin dans le rapport), ils ont généralement convenu qu’un large éventail de responsabilités avait été attribué aux collectivités locales en Estonie, ce qui leur offrait, selon les termes du Commentaire contemporain de la Charte, la « possibilité d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques publiques locales véritables et pertinentes au profit de la population locale ».

 


Figure 1. Scores obtenus sur l’Indice de l’autonomie locale

 

Source : Ladner et autres

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


L’article 3, paragraphe 2, énonce le principe démocratique clé sur lequel repose la Charte. En déclarant que le droit à l’autonomie locale doit être exercé par des autorités démocratiquement constituées, il confirme que l’autonomie locale n’implique pas un simple transfert de pouvoirs et de responsabilités des autorités centrales à une collectivité locale. Elle exige également que cette dernière transmette et exprime, directement ou indirectement, la volonté de la population locale.

 Selon l’article 156 de la Constitution estonienne, l’assemblée représentative de la collectivité locale est le conseil, élu lors d’élections libres pour un mandat de quatre ans, et le « vote est secret ». Toutes les personnes qui résident en permanence sur le territoire de la collectivité locale et ont plus de seize ans ont le droit de vote, conformément aux conditions prescrites par la loi. La taille des conseils dépend de la population, 31 d’entre eux ayant entre 7 et 20 membres, 43 d’entre eux ayant entre 21 et 30 membres et cinq collectivités locales ayant des conseils de plus de 31 membres.

Le président (volikogu esimees) est le chef du conseil et est élu par la majorité des membres du conseil, qui élisent également un maire. Le président dirige les activités du conseil. Le conseil nomme un bureau municipal (valitsus), dirigé par le maire. Le conseil de la collectivité locale peut établir des commissions permanentes et ad hoc (alaline/ajutine komisjon), mais la loi n’exige que l’établissement d’une commission de révision des comptes (revisjonikomisjon). Les présidents de l’ensemble des commissions et tous les membres de la commission de révision des comptes doivent être élus parmi les membres du conseil.

 Pour les élections locales, toutes les personnes âgées d’au moins 16 ans et résidant de manière permanente en Estonie sont autorisées à voter (Riigikogu 2002), tandis que les citoyens estoniens âgés de 18 ans ou plus sont autorisés à voter aux élections nationales. Cela signifie qu’outre les quelque 900 000 citoyens estoniens qui ont le droit de vote, environ 25 000 citoyens d’autres pays de l’Union européenne, environ 70 000 citoyens russes vivant dans le pays et 63 000 apatrides (une part significative d’entre eux sont russes) sont également autorisés à voter (ERR 2021b). Les citoyens estoniens résidant à l’étranger (environ 10 % de l’électorat) peuvent voter à toutes les élections estoniennes, soit dans une ambassade estonienne, soit en ligne. Les modifications apportées à la loi sur le référendum et aux lois relatives aux élections (2021) permettent aux électeurs de choisir le bureau de vote qui leur convient le mieux dans leur circonscription électorale.

 Il n’existe pas d’obligation légale d’assurer la parité entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats. Comme l’illustre la Figure 2, les femmes ne représentent qu’un quart (28,9 %) des élus locaux.

La participation des jeunes est une priorité en Estonie. En 2022, 76 communes (sur 79) avaient un conseil municipal des jeunes. La consultation formelle s’exerce par le biais de différents groupes de travail auxquels participent des représentants d’organisations de jeunesse ou d’organisations générales lorsque des stratégies sectorielles et des plans de développement sont élaborés. Le Conseil national de jeunesse d’Estonie a mené un projet baptisé « Osaluskohvikud » (cafés participatifs des jeunes) dans le but d’offrir une plateforme permettant notamment aux responsables politiques locaux, aux fonctionnaires, aux professionnels travaillant avec des jeunes et aux parents de rencontrer les jeunes d’une localité et de s’entretenir avec eux de diverses questions. La loi sur le travail de jeunesse définit le cadre juridique régissant les conseils municipaux de jeunes. Certains interlocuteurs ont appelé à un abaissement de la majorité électorale pour encourager un plus grand investissement des jeunes.

 La Constitution estonienne accorde aux citoyens divers droits de participation venant s’ajouter aux formes spécifiées de démocratie représentative. L’article 46 donne le droit aux citoyens d’adresser des lettres et des pétitions aux organismes de l’État, aux communes et à leurs fonctionnaires. La procédure de réponse à ces communications doit être prévue par une loi. L’article 47 donne le droit, sans autorisation préalable, de se rassembler pacifiquement et de tenir des réunions, et l’article 48 donne le droit de créer des organisations à but non lucratif et des associations. Les communes peuvent organiser des référendums sur des questions locales, dont le résultat n’est cependant pas contraignant. Selon la loi sur l’organisation des collectivités locales, les initiatives populaires locales signées par au moins 1 % de résidents de la commune rurale ou urbaine avec le droit de vote (pas moins de cinq résidents avec le droit de vote) doivent être examinées par le conseil local, ou la municipalité rurale ou l’administration municipale concernée (selon la compétence de l’organisme auquel appartient l’initiative), bien que cette disposition soit rarement appliquée.

 Différentes stratégies de participation ont été mises en œuvre en Estonie pour associer les citoyens à l’administration locale. L’Estonie a lancé divers systèmes d’information afin de partager des informations publiques en ligne. Par exemple, en 2022, l’Estonie a lancé une base de données nationale des planifications territoriales en vigueur, qui permet aux citoyens d’accéder aux données territoriales sur le web. En 2023, l’Estonie commencera à mettre au point un système d’approvisionnement public en matière d’aménagement du territoire qui permettra de nouvelles méthodes participatives. Des collectivités locales ou des zones urbaines spécifiques peuvent élire ou nommer des sages qui seront chargés de les représenter lors des consultations. Certaines communes qui ont été élargies après la réforme de 2017 et qui combinent à présent zones urbaines et rurales ont recours aux sages des villages pour représenter les citoyens des zones plus reculées. Il existe d’autres formes d’organe représentatif. En date du mois d’octobre 2022, des assemblées régionales représentatives (conseils de sous-districts, assemblées communautaires, conseils régionaux, etc.) étaient constituées et fonctionnaient dans 11 collectivités locales. La budgétisation participative est largement utilisée. En 2023, 50 municipalités estoniennes utilisent un modèle de budgétisation participative afin de renforcer l’engagement et le pouvoir d’action des citoyens. Tartu a ouvert la voie en 2013, tandis que Tallinn n’a mis en œuvre son premier processus de budgétisation participative qu’en janvier 2021. Les initiatives de budgétisation participative visent généralement à créer un meilleur cadre de vie, à mettre à disposition un espace public ou à soutenir, par exemple, une manifestation culturelle ou une compétition sportive.

En Estonie, l’autonomie locale est exercée par des autorités démocratiquement constituées. En outre, des processus démocratiques aussi bien représentatifs que participatifs sont en place, permettant la participation des citoyens.


Figure 2. Conseils locaux/municipaux : maires ou autres dirigeants et membres (Base de données statistiques sur le genre)

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Description automatically generatedSource : EIGE

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


Ce paragraphe de la Charte requiert, dans un souci de clarté et de sécurité juridique, que les compétences de base des collectivités locales soient fixées par la Constitution ou par la loi, de manière à garantir leur prévisibilité, leur continuité et la protection de l’autonomie locale.

L’article 14 de la Constitution estonienne cite les autorités locales parmi les institutions ayant pour responsabilité de garantir « le respect des droits et des libertés ». La Constitution estonienne énonce aussi très clairement que « toutes les questions relatives à la vie locale sont réglées par les collectivités locales qui agissent de façon autonome dans le cadre de la loi » (article 154). Cet article ajoute que « des obligations ne peuvent être imposées aux collectivités locales que conformément à la loi ou avec l’accord de la collectivité locale concernée ».

 Les tâches des collectivités locales estoniennes sont définies par la loi de 1993 sur l’organisation des collectivités locales (et ses modifications ultérieures).Ces tâches sont définies plus précisément par au moins deux cents textes législatifs et réglementaires. Les collectivités locales ont notamment l’obligation de s’acquitter des tâches suivantes :

  •  organiser la prestation des services sociaux dans la collectivité locale ;
  •  accorder les prestations sociales et fournir d’autres aides sociales ;
  •  organiser les services de protection sociale pour les personnes âgées, la culture, le sport et l’animation socio-éducative ;
  •  organiser le logement et les services publics, la fourniture d’eau et l’assainissement, la fourniture de services et d’équipements publics, la gestion des déchets, l’aménagement du territoire, les transports publics au sein de la municipalité rurale ou de la ville, ainsi que la construction et l’entretien des routes et des rues de la municipalité rurale, à moins que ces tâches n’aient été confiées à d’autres personnes par la loi (article 6, paragraphe 1).

 Les communes sont également tenues, en vertu de l’article 6(2), d’organiser l’entretien des établissements de garde d’enfants d’âge préscolaire, des écoles élémentaires, des collèges, des lycées, des établissements de loisirs, des bibliothèques, des foyers récréatifs et culturels, des musées, des installations sportives, des centres d’hébergement, des maisons pour personnes âgées, des établissements de soins de santé et des autres organismes locaux appartenant à la collectivité locale. Aux termes de l’article 6(3), les collectivités locales assurent et organisent également l’exécution des tâches qui leur sont attribuées par d’autres lois. Les compétences des collectivités locales reposent donc sur des fondements constitutionnels et juridiques bien définis.

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


L’article 4, paragraphe 2, exige que les autorités locales aient le droit de prendre des initiatives sur les questions qui ne sont pas explicitement exclues de leur compétence par la loi. Elles doivent aussi avoir « toute latitude pour exercer leur initiative » et donc ne pas être soumises à des restrictions qui pourraient découler de règles de gestion, financières et budgétaires requérant une solide base légale pour engager des dépenses.

La Constitution estonienne (article 154) établit une distinction entre « les questions relatives à la vie locale » et les tâches nationales, c’est-à-dire les « obligations de l’État imposées par la loi à une collectivité locale ». Cela signifie que la collectivité locale est généralement habilitée à décider des questions relatives à la vie locale et à en assurer l’administration sans avoir besoin d’une autorisation spéciale. La Cour suprême a renforcé le droit des collectivités locales de gérer et de régler les affaires locales de manière indépendante en déclarant dans un arrêt que « le principe de l’autonomie des collectivités locales a pour but de décentraliser l’autorité publique et de limiter et équilibrer l’autorité de l’État ». Ainsi, l’autonomie des collectivités locales est protégée sur le plan constitutionnel et juridique.

Certains interlocuteurs ont fait observer qu’il existait des domaines dans lesquels, dans l’intérêt public, l’État avait jugé nécessaire de préciser dans des textes de loi détaillés les conditions et la procédure d’exercice de certaines compétences. Ainsi, la marge de manœuvre des collectivités locales dépend du domaine concerné. Le ministère des Finances affirme qu’il existe peu de domaines dans lesquels l’État fixe des règles, de sorte que les collectivités locales sont perçues comme jouissant d’une souplesse réelle. Certains interlocuteurs affirment cependant qu’il est fréquent que l’article 154 ne soit pas respecté du fait que les dépenses liées à l’exécution des tâches gouvernementales imposées aux communes ne sont pas entièrement couvertes par le budget de l’État par manque d’anticipation des coûts totaux, en particulier dans le domaine de la protection sociale. Ces déficits limitent les dépenses facultatives des communes et sont perçus par celles-ci comme empêchant qu’elles aient « toute latitude pour exercer leur initiative ». Lors de la visite de suivi, les rapporteurs ont cependent été informés d’un certain nombre de domaines dans lesquels les autorités locales avaient engagé des actions novatrices, ce qui montre qu’elles ont « toute latitude pour exercer leur initiative ». Ces initiatives visant, par exemple, à lutter contre le changement climatique ou à faciliter l’accueil des réfugiés ukrainiens.

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


Cet article sert de fondement au principe de subsidiarité, qui vise à assurer que les décisions soient prises au niveau le plus approprié. La Charte exige en effet que les responsabilités publiques soient exercées au plus près des citoyens. Ce principe est considéré dans le Commentaire contemporain comme revêtant « une importance capitale pour la protection des collectivités locales contre les tendances à l’expansion et à la recentralisation, lesquelles menacent de vider l’autonomie locale de sa substance ».

 En confirmant dans son article 154 que « toutes les questions relatives à la vie locale sont réglées par les collectivités locales qui agissent de façon autonome dans le cadre de la loi », la Constitution estonienne consacre le principe de subsidiarité. La Cour suprême d’Estonie se réfère au principe de subsidiarité, indique que sa position dans l’ordre juridique estonien trouve son origine dans l’article 4.3 de la Charte européenne de l’autonomie locale et précise qu’ « une fonction concrète est remplie par le niveau de pouvoir qui, dans la situation concrète, est le mieux placé pour le faire ». Le principe de subsidiarité est donc clairement reconnu sur le plan constitutionnel et juridique en Estonie.

 Dans la pratique, il peut parfois exister une ambiguïté sur la question de la responsabilité de certaines compétences spécifiques. Les interlocuteurs de la délégation ont fait état de différends survenus entre les collectivités locales et l’État concernant la répartition de certaines compétences, par exemple en matière d’aménagement du territoire. Avant les élections de 2023, des modifications à la loi sur l’organisation des collectivités locales, qui visaient à définir plus précisément quelles tâches étaient nationales et quelles tâches étaient locales, ont été élaborées, mais elles n’ont pas été adoptées par le Riigikogu. Le nouveau gouvernement prévoit de poursuivre les discussions concernant la révision de cette loi. Dans l’accord de coalition conclu après les élections législatives de 2023 figure l’engagement clair suivant : « dans le cadre de la révision de la loi sur l’organisation des collectivités locales et de la loi sur la gestion financière des collectivités locales, nous réexaminerons la répartition des tâches entre les collectivités locales et le gouvernement central, ainsi que leur financement ». Dans ses arrêts (par exemple dans l’affaire 5-21-18), la Cour suprême a également réaffirmé l’importance de la subsidiarité.

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


Le respect de l’article 4.4 exige que la limitation des compétences confiées aux collectivités locales soit exceptionnelle, qu’elle soit fondée sur des raisons objectives et qu’elle soit interprétée de manière restrictive. Cette disposition décourage également le chevauchement des responsabilités entre les niveaux d’administration.

 D’un point de vue juridique et constitutionnel, comme il a été explicité concernant l’article 4.2, les compétences des collectivités locales estoniennes sont pleines et entières. Dans la pratique, cependant, la dépendance à l’égard des financements nationaux, l’incidence des cas où les fonds de l’État ne couvrent pas entièrement le coût des tâches prescrites par la loi, le manque de clarté concernant certaines compétences et les ressources propres limitées des communes sont autant de difficultés qui empêchent les collectivités locales d’exercer leurs compétences de manière pleine et entière.

À la suite de la réforme de 2017 et de la dissolution des autorités des comtés, de nouvelles fonctions destinées à être mises en œuvre conjointement ont été légalement attribuées aux communes. La loi exige des collectivités locales de chaque comté qu’elles planifient et assurent conjointement le développement du comté. La coordination des conseils de sécurité, la promotion de la santé et l’organisation de la culture font maintenant également partie des fonctions partagées des collectivités locales. L’une des fonctions jointes des collectivités locales depuis 2018 a été l’organisation des transports publics (trafic d’autobus et de ferry) dans les comtés en coopération avec l’administration nationale des routes (depuis 2021, Administration des transports) par l’intermédiaire des centres régionaux de transport créés à cet effet. À titre exceptionnel, les transports publics locaux à Saaremaa et Hiiumaa sont organisés par les autorités locales elles-mêmes. L’impact de ce changement sur les prérogatives des communes n’a pas encore été évalué.

De nombreux interlocuteurs ont appelé à ce que les domaines de compétence respectifs soient mieux définis. Les interlocuteurs ministériels ont indiqué que la possibilité de confier davantage de missions aux collectivités locales, sur une perspective de 15 ans et en les accompagnant de financements appropriés, était actuellement examinée dans le but d’accroître la subsidiarité et l’étendue de leur pouvoir de décision. Une telle évolution serait souhaitable.

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


Le Commentaire contemporain affirme que l’article 4, paragraphe 5, vise à protéger les collectivités locales en leur qualité d’organes décisionnaires et à garantir que, dans la mesure du possible, ces dernières aient la latitude d’adapter l’exercice des compétences qui leur sont déléguées aux conditions locales. Le pouvoir discrétionnaire qui leur est ainsi alloué permet d’éviter qu’elles ne deviennent de simples exécutantes des autorités supérieures.

 Les collectivités locales de l’Estonie ont effectivement la latitude d’adapter l’exercice de leurs compétences propres et déléguées aux conditions locales. Les interlocuteurs du niveau national ont fait observer qu’il existait très peu de cas dans lesquels l’État avait fixé des normes de service, de sorte que les collectivités locales disposent de la souplesse nécessaire pour adapter les services aux besoins locaux. Les interlocuteurs du niveau local ont indiqué que le degré de latitude diffère selon le domaine de compétence.

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


Par son article 4, paragraphe 6, la Charte introduit une obligation procédurale de consulter les collectivités locales en temps utile et de façon appropriée. Cette obligation suppose que les collectivités locales puissent obtenir des informations complètes sur les propositions, les décisions et les politiques qui les concernent directement, qu’elles aient la possibilité de contribuer au processus d’élaboration des politiques avant que les décisions et les politiques ne deviennent juridiquement contraignantes et qu’elles aient le temps et la capacité de formuler et de présenter leur point de vue. Comme l’indique le Commentaire contemporain, ce principe vise à assurer la participation réelle des acteurs locaux au processus décisionnel des entités ayant le pouvoir de définir le cadre des collectivités locales.

Selon les Règles du Gouvernement de la République estonienne, tout projet de règlement ministériel ou de loi, ou toute autre question se rapportant aux droits, obligations ou missions des collectivités locales, ou à l’organisation de la vie locale, doit être coordonné avec l’association nationale de collectivités locales avant d’être soumis au ministère compétent ou au gouvernement. L’article 46 de la loi sur le budget de l’État définit les procédures de consultation relatives au budget. La consultation consiste en la négociation de divers aspects du budget de l’État, notamment les principes de répartition, les conditions d’utilisation et les principes de détermination des montants ainsi que des montants du soutien pour la période de stratégie budgétaire et pour l’exercice budgétaire. Depuis quelques années, de nouveaux groupes de travail participent au processus de négociation du budget annuel avec l’Association des villes et communes estoniennes. Ils sont spécialisés dans les domaines suivants : 1) les technologies de l’information et de la communication au niveau local ; 2) l’intégration ; 3) l’aménagement du territoire, le logement et la propriété foncière ; et 4) la sécurité et la préparation aux crises. Les chefs du service de la politique des collectivités locales et du service de la gestion financière des collectivités locales du ministère ont des réunions mensuelles avec le directeur et les directeurs adjoints de l’Association des villes et communes estoniennes. Ces processus de consultation continuent de se développer, comme en témoigne la mise en place récente par les autorités centrales, à l’initiative du ministère des Finances, de réunions mensuelles avec tous les maires des communes rurales et des villes, et de réunions biannuelles avec les secrétaires des communes rurales et des villes. Lors de la procédure de consultation, les rapporteurs ont été informés que ces réunions mensuelles avaient été organisées, par le ministre précédent, et pourraient ne pas continuer. De plus, les rapporteurs ont reçu des informations selon lesquelles le ministre compétent a eu de nombreuses réunions ad hoc avec les municipalités.

 La participation des parties prenantes aux procédures législatives, à l’initiative du Riigikogu, est régie par la loi sur les règles de procédure et le règlement intérieur du Riigikogu. Les représentants de l’administration publique et d’autres personnes peuvent participer aux séances de la Commission du Riigikogu sur invitation du président de la Commission, et les représentants des collectivités locales sont fréquemment invités à le faire. Les commissions du Riigikogu, telles que la commission constitutionnelle, la commission restreinte de contrôle du budget de l’État et la commission des affaires rurales, ont rencontré des représentants des collectivités locales pour s’entretenir de questions les concernant.

Ainsi, les procédures et les conditions de consultation des collectivités locales ont été définies et sont mises en œuvre. Lors de la procédure de consultation, le ministère des Finances a indiqué que les consultations sur la réforme de 2017 étaient exhaustives. Cependant, certains interlocuteurs ont critiqué la nature et le calendrier de nombreuses consultations, citant une réforme du système de protection sociale pour laquelle un délai de deux jours avait été accordé pour les commentaires sur le projet de législation. Des critiques concernant le processus de consultation avaient également été formulées lors de la préparation de la réforme de 2017. Le ministère des Finances a indiqué que le contrôle constitutionnel effectué par la Cour suprême avait retenu que la réforme était conforme à la Constitution et à d’autres lois et qu’elle n’avait pas révélé de contradictions dans le processus de consultation. Des interlocuteurs ont également critiqué le fait que les auteurs de divers projets de loi n’avaient peut-être pas correctement analysé leur impact potentiel, notamment leurs conséquences sociales, leur incidence sur les budgets locaux, les questions de développement, l’organisation du travail, etc. Par exemple, lorsque le gouvernement central a augmenté le salaire des enseignants, il n’avait pas prévu l’effet d’entraînement qu’allait avoir cette mesure sur les communes, qui ont dû augmenter les salaires des enseignants des écoles maternelles pour pouvoir les retenir. Ces problèmes auraient souvent pu être évités ou atténués si les autorités locales avaient été consultées et mises à contribution plus tôt.

Selon le Commentaire contemporain, l’utilisation de la formule « en temps utile » vise à garantir un format et un calendrier des consultations permettant aux collectivités locales d’influencer le processus décisionnel et à éviter les situations où le droit de ces entités serait bafoué sous des prétextes tels que l’urgence et les économies de coûts[37]. Bien que le calendrier des processus de consultation en Estonie soit souvent accéléré, des consultations sont organisées au stade préparatoire de l’élaboration des décisions, des politiques et de la législation, et l’Association des villes et communes estoniennes est associée à de nombreux processus consultatifs. Cependant, les demandes de l’Association n’ont pas été pleinement prises en compte. Dans sa Recommandation 328 (2012) sur le droit de consultation des collectivités locales par les autres niveaux de gouvernement, le Congrès a insisté sur le fait que les autorités locales devaient jouer un rôle actif dans l’adoption des décisions sur toutes les questions qui les concernent, et ce d’une manière et dans des délais tels qu’elles aient une possibilité effective de formuler et de détailler leurs opinions propres et leurs propositions afin d’exercer une influence. Le Congrès a également demandé aux États membres de préciser la forme de ces consultations, de fournir des informations suffisamment claires et détaillées, par écrit, bien avant la date des consultations, de mettre à profit l’expertise des collectivités locales et régionales dans l’élaboration des politiques et de la législation, de procéder à une analyse approfondie des implications des décisions d’une grande importance stratégique, de rendre publics les résultats des consultations et de reconnaître le droit des collectivités locales à un recours et à une réparation s’il est établi que les procédures de consultation n’ont pas été dûment respectées.  Ces demandes ne sont pas systématiquement prises en compte en Estonie et les processus de consultation pourraient être plus effectifs et complets.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


L’article 5 de la Charte dispose que des modifications ne sauraient être apportées aux limites territoriales locales sans que les collectivités locales concernées soient préalablement consultées, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet. La Charte introduit à cette fin des règles de procédure à respecter en cas de modification des limites territoriales locales. Selon le Commentaire contemporain, « il est exclu, sur le plan de la procédure, qu’une quelconque modification desdites limites puisse être adoptée sans consultation. Cette dernière doit avoir lieu en temps utile, c’est-à-dire avant l’adoption d’une décision définitive sur la question ». Le Commentaire (paragraphe 94) précise que la consultation prévue par la Charte n’exclut pas les fusions ou les changements de limites obligatoires, à condition que les procédures pertinentes soient prévues par la loi.

 L’article 158 de la Constitution estonienne dispose que « les limites territoriales des collectivités locales ne peuvent pas être modifiées sans prendre en considération l’avis des collectivités concernées ». Cette restriction est appliquée.

La loi sur la division administrative du territoire de l’Estonie régit la division administrative du territoire du pays ainsi que la modification de l’organisation administrative et territoriale et définit les principes et la procédure de modification des limites territoriales et des noms des unités administratives. Aux termes de la loi sur l’organisation des collectivités locales, « une collectivité locale ne peut être supprimée et ses limites territoriales ou son nom ne peuvent être modifiés sans que l’avis du conseil de la commune rurale ou de la ville n’ait été entendu » (1.16). Lors de la procédure de consultation, les rapporteurs ont été informés que, conformément à l’article 7 (7) de la loi sur la division administrative du territoire de l’Estonie, «sur la modification de l’organisation administrative-territoriale et des limites d’une unité administrative, l’opinion des résidents de l’autorité locale concernée en ce qui concerne la modification de l’organisation administrative-territoriale et des limites de l’unité administrative est déterminée par sondage. L’avis est demandé aux résidents qui ont atteint l’âge d’au moins 16 ans au moment du scrutin, qui résident de manière permanente sur le territoire de l’autorité locale concernée et dont l’adresse a été inscrite au registre de la population estonienne, compte tenu des principes suivants: 1) en cas de modification de l’organisation administrative-territoriale, l’avis des résidents est obtenu dans toutes les autorités locales concernées; 2) en cas d’affectation d’une zone territoriale appartenant à une unité administrative à une autre unité administrative, l’avis des résidents est obtenu dans la zone territoriale concernée par l’unité d’établissement; 3) en cas de modification des limites de l’unité administrative en fonction des besoins de réaffectation de terres, de construction et de planification, l’avis des résidents n’est généralement pas obtenu; si nécessaire, seul l’avis des résidents concernés est obtenu; 4) l’opinion des propriétaires d’immeubles et des propriétaires d’habitations comme des meubles situés sur le territoire de la municipalité rurale ou de la ville qui ne sont pas résidents de cette municipalité ou ville rurale peut également être déterminée.». Selon Lääne et autres, la réalisation d’un sondage d’opinion est obligatoire si un redécoupage d’une collectivité locale est envisagé.Le résultat d’un tel sondage n’a toutefois qu’une valeur consultative.

 La question des limites territoriales des collectivités locales a été importante pendant la période qui a précédé les réformes de 2017. L’accord de coalition de 2015 avait fixé pour objectif de mener une réforme de l’administration locale afin d’en améliorer le fonctionnement et les capacités. Avant les réformes de 2017, un long processus d’examen a été mené au moyen de délibérations, d’analyses politiques et de rapports. La loi sur la réforme administrative, qui exigeait de procéder à des fusions, a été adoptée en 2016 et promulguée en 2017. C’est le nombre d’habitants qui a servi de base à la décision de fusionner une collectivité locale, partant du principe que l’assiette des recettes, la capacité à offrir des services et la capacité d’investissement d’une collectivité locale dépendaient du nombre de ses habitants. L’objectif majeur était de créer des collectivités locales d’au moins 5 000 habitants, avec une préférence pour les communes de 11 000 habitants. En l’absence d’accord sur une fusion volontaire à l’issue d’un certain délai, il était prévu que le gouvernement engage une fusion obligatoire. Environ 80 % des petites communes ont fusionné avec une commune limitrophe. Les conditions de la fusion ont été établies dans des accords de fusion, qui sont restés en vigueur pendant quatre ans.Malgré d’importantes mesures d’incitation financière en faveur de la fusion, certaines communes s’y sont opposées et plusieurs actions en justice ont été engagées, mettant en cause la constitutionnalité de la loi. La Chambre de contrôle constitutionnel de la Cour suprême a statué que les fusions voulues par le gouvernement étaient conformes à la Constitution et à la législation. Le gouvernement central a imposé un certain nombre de fusions. Néanmoins, dans la mesure où les autorités locales ont eu la possibilité de choisir elles-mêmes les partenaires de la fusion, la Cour suprême n’a pas considéré que ces fusions étaient inconstitutionnelles.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


Cette disposition vise à protéger l’autonomie locale en exigeant que les collectivités locales puissent créer une structure et une organisation administratives leur permettant de répondre aux besoins de leurs citoyens et de leur fournir une gamme complète de services publics. Selon le Commentaire contemporain, le pouvoir d’auto-organisation des entités locales doit s’exercer dans le respect des principes généralement acceptés de gestion effective et efficace tout en répondant aux besoins et attentes collectifs.

 L’article 154 de la Constitution estonienne dispose que « toutes les affaires locales sont réglées et gérées par les collectivités locales, qui fonctionnent de manière indépendante conformément à la loi ». En conséquence, les collectivités locales estoniennes peuvent adapter leurs structures et processus pour répondre aux besoins locaux. La structure organisationnelle d’une administration municipale est définie par le conseil municipal. Le personnel municipal est employé par le maire et doit comprendre un secrétaire de la ville ou de la commune rurale (linnasekretär, vallasekretär) qui est à la tête du personnel. En 2021, seulement 2,9 % de la population estonienne en âge de travailler (15-74 ans) était employée dans la fonction publique, dont plus d’un quart dans l’administration locale.

 Les collectivités locales gèrent librement leurs ressources humaines et fixent les salaires, mais leurs dépenses sont limitées par l’assiette des ressources. L’un des résultats de la réforme de 2017 est la spécialisation accrue des fonctionnaires employés dans les nouvelles structures fusionnées. En augmentant l’assiette de ressources des communes, la réforme a permis de relever les salaires à un niveau permettant « d’embaucher des spécialistes compétents et d’éviter la ‘fuite des cerveaux’ depuis les régions ». Les interlocuteurs de la délégation l’ont cependant informée que les autorités locales avaient de grandes difficultés à recruter des fonctionnaires ayant les compétences nécessaires et à leur verser les salaires pratiqués sur le marché du travail. Ils estiment, d’une part, que ces problèmes sont eux aussi liés à l’insuffisance des ressources financières mais que, d’autre part, il est impossible de trouver du personnel compétent dans certains domaines.

 Le ministère des Finances, en collaboration avec un comité d’experts diversifié (comprenant des représentants de l’Association des villes et communes estoniennes), avait préparé un projet de loi visant à réviser la loi sur l’organisation des collectivités locales. Les révisions prévues par le projet de loi (qui a été mis de côté en raison des élections de 2023) avaient pour objectif « de doter les collectivités locales d’un plus grand droit à l’auto-organisation en renforçant leur droit d’auto-organisation interne et en simplifiant et en assouplissant leur organisation ». Le nouveau gouvernement s’étant engagé à réviser la loi, il y aura probablement des changements dans l’avenir.

 Aucun autre problème n’a été signalé par les interlocuteurs concernant cette disposition lors de la visite de suivi.

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


L’article 6, paragraphe 2, concerne l’autonomie organisationnelle et institutionnelle des collectivités locales, qui devraient avoir toute latitude pour recruter leurs personnels et déterminer leurs conditions d’emploi. Selon le Commentaire contemporain de la Charte (paragraphe 106), « les employés des collectivités locales devraient [...] avoir droit aux mêmes possibilités de formation, de rémunération et de carrière que les employés des autres niveaux de gouvernement ».

 Les lois et règlements généraux de la fonction publique de l’Estonie offrent aux collectivités locales la latitude et la liberté nécessaires pour déterminer les conditions d’emploi de leurs propres personnels. Selon l’article 14 de la loi sur la fonction publique, « les conditions en matière d’éducation, d’expérience professionnelle, de connaissances et de compétences que les fonctionnaires d’une collectivité locale doivent remplir pour pouvoir exercer leurs fonctions sont définies par le conseil de la collectivité locale ». L’article 18(7) dispose que « la procédure de recrutement et de sélection des fonctionnaires d’une collectivité locale est établie par les autorités de la commune ou de la ville ». L’article 31(7) dispose que « la formation devant être suivie par les fonctionnaires d’une collectivité locale est définie par les autorités de la commune ou de la ville ».

 Comme indiqué dans le paragraphe consacré à l’article 6.1, certains interlocuteurs ont souligné, lors de la visite de suivi, que grâce à la réforme de 2017 les effectifs du personnel des collectivités locales avaient augmenté, ce qui avait accru les possibilités de carrière et rendu l’emploi dans le secteur plus attractif.

 Une récente étude de suivi de la réforme a révélé que les collectivités fusionnées pouvaient désormais recruter des spécialistes pour s’occuper de domaines d’action qui n’étaient pas prioritaires auparavant, soit par manque de personnel, soit en raison de la petite taille du groupe cible qui avait besoin du service en question. Ces spécialistes sont notamment des gestionnaires informatiques, des spécialistes de la gestion des actifs, des contrôleurs et/ou des agents de supervision, des spécialistes des ressources humaines et des responsables des relations publiques et de la communication. Le nombre de postes de spécialistes du développement et de la protection de l’environnement a aussi augmenté. L’étude a également montré que la spécialisation du personnel du secteur de la protection de l’enfance et d’autres secteurs de la protection sociale a été renforcée, les postes de conseillers sociaux généralistes ou spécialisés ayant été complétés par des postes exigeant des profils plus spécifiques, tandis que les niveaux de gestion ont été différenciés.

 L’étude a aussi révélé que les collectivités locales fusionnées avaient pu accroître la compétitivité des salaires de leurs agents par rapport au salaire moyen national, en comparaison avec le niveau antérieur à la fusion. En 2021, le salaire mensuel brut moyen au sein de l’administration locale était de 1 652 € (soit une augmentation de 4 %), contre 1 900 € en moyenne dans les administrations d’État. Les interlocuteurs de la délégation ont insisté sur l’importance de réduire cet écart pour attirer des personnes dans le secteur.

 Le système juridique estonien accorde aux collectivités locales une autonomie organisationnelle et institutionnelle en matière de recrutement et d’évolution du personnel. La réforme a créé dans son sillage un climat qui valorise et facilite le renforcement des compétences et la formation des agents de l’administration locale. Conformément à l’interprétation du Commentaire contemporain, les collectivités locales estoniennes jouissent d’une autonomie dans le domaine des ressources humaines et ont la faculté de décider de la rémunération de leur personnel selon les principes définis par le gouvernement national.

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


Les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, visent à garantir que les citoyens peuvent librement exercer des fonctions électives et que des raisons financières et matérielles ne les empêchent pas d’exercer des fonctions politiques. Elles visent aussi à garantir que les responsables locaux ne sont pas empêchés de s’acquitter de leurs fonctions. Le Commentaire contemporain interprète l’article 7.1 comme exigeant que chaque collectivité locale ait la possibilité de prendre ses « propres décisions discrétionnaires » quant aux conditions d’exercice qu’elle entend appliquer aux élus dans sa juridiction.

 En Estonie, l’article 17 de la loi sur l’organisation des collectivités locales dispose que « les membres du conseil doivent exercer leurs fonctions conformément à la loi et à la réglementation de la commune rurale ou de la ville et en tenant compte des besoins et des intérêts des résidents de la commune rurale ou de la ville ». La loi comprend également un certain nombre de dispositions prévoyant la déchéance du mandat d’un membre du conseil municipal dans des circonstances précises, par exemple si la personne concernée est nommée fonctionnaire de ce même conseil. Ces dispositions ne sont pas perçues comme restreignant le libre exercice des fonctions des élus locaux. Les collectivités locales prennent en effet leurs propres décisions discrétionnaires concernant le statut des élus. Conformément à la loi, l’employeur d’un membre du conseil municipal doit permettre à ce dernier de participer aux sessions du conseil municipal ainsi qu’aux réunions de ses commissions, et d’accomplir les tâches qui lui sont confiées par le conseil municipal. Cette disposition facilite l’exercice des fonctions de conseiller. Cependant, la loi ne précise pas explicitement qu’un membre du conseil municipal doit être libéré de son travail pour aller à la rencontre de l’électorat, par exemple pour assister à des réunions (autres que les réunions du conseil), suivre des formations ou prendre part à des débats. Les membres élus du conseil ont le droit d’obtenir des copies de la législation, de la documentation et d’autres informations concernant le conseil municipal et l’administration municipale.

 Les interlocuteurs de la délégation n’ont pas soulevé de problème particulier concernant le statut des élus locaux lors de la visite de suivi.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


Ce paragraphe porte sur les fonctions et activités pouvant être incompatibles avec le mandat de conseiller élu. Il traite de la compatibilité entre l’exercice d’une fonction représentative au niveau local et d’autres activités, publiques ou privées, établissant que les « fonctions » et « activités » qui ne peuvent pas être compatibles avec l’exercice d’un mandat local une fois que le candidat a été élu ne peuvent être déterminées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux. Le Commentaire contemporain, au paragraphe 120, insiste sur le fait que les restrictions à l’exercice d’une fonction élective doivent être aussi limitées que possible. Il précise, au paragraphe 122, que ce paragraphe sert à décourager le cumul des mandats politiques, une pratique aujourd’hui possible en Estonie.

En Estonie, la loi sur l’organisation des collectivités locales indique clairement quelles situations sont incompatibles avec la fonction de conseiller élu ou de maire et dans quelles circonstances le membre élu doit informer le conseil. Cela peut conduire à ce que l’intéressé soit suspendu c’est-à-dire temporairement démis de ses fonctions de membre du conseil municipalou démis avant terme de son autorité.

 Aux termes de l’article 49 (2) de la loi sur l’organisation des collectivités locales, « le maire de la commune rurale ou de la ville doit immédiatement informer le conseil municipal par écrit s’il agit ou a l’intention d’agir en dehors de ses fonctions officielles sur la base d’un contrat de travail ou d’un contrat de prestation de services ou dans le cadre d’une fonction au sein d’une autre collectivité locale, en tant qu’entreprise ou associé d’une société en nom collectif ou en commandite ou en tant que membre de l’organe de gestion ou de contrôle d’une personne morale ». Il est précisé, dans un autre paragraphe, que « le conseil municipal peut interdire au maire d’une commune rurale ou d’une ville, par un acte administratif, d’exercer totalement ou partiellement les activités accessoires visées au paragraphe 2 du présent article, si le volume de travail consacré aux activités accessoires ou la nature de celles-ci entrave l’exercice régulier de ses fonctions ou si l’activité accessoire le fait manquer à ses obligations ».

Bien que la possibilité de cumuler deux mandats ait fait débat pendant le processus de réforme, une loi de 2016 a supprimé la précédente interdiction de cumuler les fonctions de député et de membre d’un conseil local. Par la suite, quatre conseils de communes rurales ont introduit un recours auprès de la Cour suprême, au motif que la loi allait à l’encontre du droit des collectivités locales à l’autonomie garanti par l’article 154 (1) de la Constitution, mais également, en substance, du principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs garanti par l’article 4 de la Constitution, ainsi que du principe d’incompatibilité entre la fonction de membre du parlement et celle de fonctionnaire d’un autre organisme public garanti par l’article 63 de la Constitution. La chambre de contrôle constitutionnel de la Cour suprême a estimé que les lois portant modification de la loi sur le statut des membres duRiigikogu et de la loi sur l’organisation des collectivités locales n’étaient pas contraires aux exigences de la Constitution, comme l’invoquaient les conseils locaux, et a rejeté le recours. Depuis lors, conformément à l’article 72 de la loi sur l’organisation des collectivités locales, les conseillers en Estonie peuvent être membres du Riigikogu (depuis 2017) ou membres du Parlement européen (depuis 2021) en même temps qu’ils sont membres élus d’un conseil local.Un responsable politique cumulant deux mandats figurait parmi les personnes interrogées par l’équipe de suivi.

 Plusieurs textes juridiques désignent les fonctions et les activités jugées incompatibles avec un mandat d’élu local en Estonie. Lors de la visite de suivi, les interlocuteurs de la délégation n’ont fait part d’aucune préoccupation particulière à ce sujet.

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


L’article 7, paragraphe 2, de la Charte vise à garantir que les élus locaux reçoivent une « compensation financière adéquate » et à éviter que le statut des élus locaux ne dissuade, ne limite voire n’exclue les candidatures potentielles en raison de considérations financières. L’article 7.2 a aussi pour but d’assurer que les élus reçoivent une compensation et une rémunération adéquates de sorte que leur activité publique n’entraîne pas pour eux une perte financière.

Les élus en Estonie ne sont pas empêchés d’exercer des fonctions politiques en raison de considérations financières ou matérielles. Les conseils municipaux de l’Estonie ont le droit de verser une rémunération à leurs membres pour leur participation à leurs travaux, ainsi qu’une compensation pour les dépenses engagées pour accomplir les tâches qu’ils leur ont confiées. Selon l’article 22 (1) (22) de la loi sur l’organisation des collectivités locales, la rémunération à verser aux membres du conseil pour leur travail au sein du conseil et l’établissement d’une procédure de remboursement des dépenses engagées dans le cadre de leur travail au sein du conseil relèvent des compétences exclusives du conseil local. Lorsqu’une personne est à la fois membre du Parlement européen ou du Riigikogu et membre élu d’un conseil local, elle ne perçoit aucune rémunération pour sa participation aux travaux du conseil municipal.

Le président et un vice-président du conseil municipal peuvent être rémunérés sur la base d’une résolution du conseil municipal qui précise le montant à verser. S’ils détiennent un double mandat, ils ne sont pas rémunérés pour l’exercice des fonctions de président ou de vice-président du conseil municipal.

Le Commentaire contemporain souligne, au paragraphe 113, que « les organismes locaux devraient proposer une rémunération financière adéquate – pour le travail accompli par les élus – qui corresponde de façon réaliste aux exigences de leur charge de travail ». Les interlocuteurs de la délégation n’ont fait part d’aucune préoccupation particulière concernant la rémunération lors de la visite de suivi.

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


Ce paragraphe subordonne le contrôle des autorités locales au principe de légalité en insistant sur le fait que tout contrôle administratif des activités des collectivités locales doit être exercé selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi. Cette disposition exclut donc les procédures de contrôle ad hoc. Cela signifie également, comme l’indique le paragraphe 128 du Commentaire contemporain, que les autorités de contrôle doivent respecter strictement les procédures de contrôle établies par la loi.

 L’article 160 de la Constitution estonienne dispose que « l’organisation des collectivités locales et le contrôle de leur activité sont fixés par la loi ». Des précisions sont données dans les articles 66 et 66.1 de la loi sur l’organisation des collectivités locales, qui indiquent quel rôle est joué par les différents organes de l’État dans ce contrôle. Ainsi, « le ministère de la Justice contrôle les activités des collectivités locales conformément à la procédure prévue par la loi. La Cour des comptes inspecte les activités d’une collectivité locale conformément à la loi sur la Cour des comptes. Le chancelier de la justice exerce un contrôle sur la conformité de la législation d’application générale des communes rurales et des villes avec la Constitution de la République d’Estonie et la législation ».

 Il existe donc trois formes principales de contrôle des collectivités locales, à savoir le contrôle juridique, le contrôle administratif et le contrôle financier. L’article 157 de la Constitution estonienne dispose que « les collectivités locales ont des budgets autonomes dont les bases d’élaboration et les procédures sont fixées par la loi ». Le contrôle financier des collectivités locales obéit, de ce fait, à certaines procédures. Les règles de contrôle financier sont définies par la loi sur la gestion financière des collectivités locales, tandis que la Cour des comptes contrôle l’utilisation des actifs nationaux et municipaux par les collectivités locales.

 Il existe également des procédures de contrôle administratif et juridique des activités des collectivités locales. Le contrôle administratif est exercé par différents ministères, services exécutifs et inspections, tels que l’Inspection linguistique, l’Autorité de la concurrence, l’Inspection de la protection des données et l’Inspection du travail. Il existe également un contrôle sectoriel, l’État intervenant par exemple dans certaines procédures d’aménagement du territoire. Conformément à la loi sur le gouvernement de la République, le ministère de la Justice contrôle la légalité des actes administratifs des collectivités locales. Le chancelier de la justice s’assure que la législation adoptée par les collectivités locales ainsi que leurs activités sont conformes à la Constitution et aux lois, et suivent les bonnes pratiques administratives.

 Ces dispositions constitutionnelles et légales constituent un cadre législatif adéquat pour le contrôle des collectivités locales dans le pays.

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.


L’article 8.2 précise les principes et les paramètres du contrôle administratif, qui peut porter sur la légalité ou sur l’opportunité d’un acte. Selon le paragraphe 132 du Commentaire contemporain, ce paragraphe exprime une préférence générale pour le contrôle de légalité par rapport au contrôle d’opportunité. Ce dernier (contrôle d’opportunité) ne peut être utilisé que dans le cas de tâches déléguées.

 Le contrôle des collectivités locales en Estonie vise principalement à assurer le respect de la loi et des principes constitutionnels. Le chancelier de la justice veille à ce que les actes d’application générale des collectivités locales soient conformes à la Constitution et à la législation de la République d’Estonie (article 139, paragraphe 1, de la Constitution ; article 1, paragraphe 1, de la loi sur le chancelier de la justice). De plus, le chancelier de la justice, en tant que médiateur, vérifie si le principe de bonne administration, qui recouvre des valeurs plus larges (mentionnées à l’article 14 de la Constitution), est observé. Le chancelier de la justice peut formuler des critiques et des suggestions et peut donner son avis, mais les services qu’il contrôle ne sont pas tenus de suivre les avis qu’il exprime. De même, le chancelier de la justice n’a pas compétence pour invalider les actes des services contrôlés et il ne peut pas leur appliquer directement des mesures coercitives (sanction, amende, application d’une taxe de non-conformité).

 La Cour des comptes peut vérifier si la comptabilité des collectivités locales est en ordre, si les systèmes de contrôle interne fonctionnent, si les activités sont légales et si les systèmes informatiques sont fiables, mais elle n’effectue pas directement de contrôle des comptes des collectivités locales. Elle ne peut pas non plus évaluer si la façon dont les biens municipaux ont été gérés par les collectivités locales a été opportune. Lorsqu’elle contrôle la façon dont les collectivités locales ont utilisé leurs biens et leurs fonds, la compétence de la Cour des comptes se limite au contrôle de la régularité de cette utilisation. Lorsqu’elle contrôle l’utilisation des fonds alloués à une collectivité locale pour exécuter les tâches nationales qui lui ont été confiées, la Cour des comptes a le droit d’évaluer si cette utilisation a été efficace. Comme l’indique son site web, « la Cour des comptes ne veille pas seulement à la conformité formelle des activités avec la législation, mais s’intéresse également à la question de savoir si la législation et les actions du gouvernement sont suffisantes pour garantir une utilisation utile et judicieuse des fonds et si les rapports établis rendent adéquatement compte des dépenses et des résultats obtenus ».

 En Estonie, le contrôle des actes des collectivités locales est effectué par l’État et se borne principalement à un contrôle de légalité, la Cour des comptes ayant, dans des domaines limités, le droit d’évaluer l’efficacité de l’utilisation des fonds. Les interlocuteurs de la délégation n’ont signalé aucun problème concernant le contrôle.

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.


Ce paragraphe porte sur la manière dont le contrôle administratif s’exerce en pratique et exige le respect du principe de proportionnalité. En vertu de ce principe, l’organisme régional ou central ne devrait intervenir que dans la mesure de ce qui est nécessaire, en tenant compte de l’importance des intérêts que l’intervention vise à protéger.

 Le contrôle juridique des collectivités locales est proportionné, dans la mesure où il vise à s’assurer du respect de principes élevés ayant trait à l’intérêt public. Le contrôle administratif est également perçu comme étant proportionné et axé sur des secteurs précis. La Cour suprême a harmonisé son approche avec celle de la Charte, en déclarant qu’« afin de préserver en essence le droit des collectivités locales à l’auto-organisation, la restriction de ce droit doit être proportionnée, c’est-à-dire adaptée à la réalisation du but visé, nécessaire et raisonnable. La même exigence concernant le contrôle administratif est exprimée à l’article 8.3 de la Charte ». Le but du contrôle assuré par la Cour des comptes est de veiller à la légalité des activités des collectivités locales et de l’utilisation des fonds publics et de prévenir les risques de corruption. En ce qui concerne les fonds publics, l’objectif supplémentaire de la Cour des comptes est de veiller à ce qu’ils soient utilisés à bon escient et avec efficacité. Ces buts sont conformes à l’article 8.3 de la Charte.

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


L’article 9, paragraphe 8, concerne l’accès des collectivités locales au marché national des capitaux afin d’y emprunter pour financer leurs dépenses d’investissement. Ces emprunts leur permettent de financer des projets importants. L’accès au marché des capitaux est évidemment déterminé par la politique budgétaire nationale et par la gestion de la dette publique. Aussi le paragraphe 9.8 insiste-t-il sur les limites imposées par la loi.

 La loi sur la gestion financière des collectivités locales énonce les principes suivants :

 l’obligation de respecter l’équilibre entre les recettes et les dépenses de fonctionnement ;

 le respect du niveau maximum d’endettement net ; en règle générale, l’endettement net peut représenter entre 60 % et 100 % des recettes de fonctionnement d’une collectivité locale pour l’exercice financier concerné, selon sa capacité financière ;

 l’acquisition d’actions uniquement aux fins de l’exercice de fonctions publiques.

 Les collectivités locales peuvent librement emprunter auprès des banques commerciales, émettre des obligations, etc. Chaque collectivité locale, quelle que soit sa capacité financière, peut emprunter jusqu’à 60 % de ses revenus primaires.

 Comme l’illustre la Figure 5, la dette des collectivités locales estoniennes se présente principalement sous la forme de prêts, avec un faible pourcentage d’obligations.

Selon les données préliminaires du Service des statistiques de l’Estonie, la dette consolidée des collectivités locales s’élevait à 987 millions d’euros à la fin de l’année 2022. Les emprunts à long terme ont augmenté de 10 %, mais le volume des titres à long terme a poursuivi sa tendance à la baisse et a diminué de près d’un cinquième d’une année sur l’autre. La part de la dette extérieure est restée au même niveau, soit 26 % de la dette des collectivités locales.

 Les interlocuteurs n’ont pas exprimé de préoccupations concernant les conditions d’emprunt.  


Figure 5.  Dette des collectivités locales

Source : OCDE WOFI

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


Selon le Commentaire contemporain, le ratio entre les subventions conditionnelles (réservées) et les subventions inconditionnelles (générales) est considéré comme un indicateur pertinent de l’autonomie financière des collectivités locales. L’article 9.7 vise à ménager un juste équilibre entre les subventions conditionnelles et inconditionnelles, réduisant ainsi les restrictions à la liberté d’une collectivité locale de décider de ses dépenses prioritaires. Cette disposition vise également à garantir qu’une subvention à destination spécifique ne porte pas atteinte à la liberté d’option des collectivités locales dans leur domaine de compétence propre.

Les subventions globales représentent 81 % de l’ensemble des subventions versées aux communes d’Estonie. Les subventions globales sont réservées à des fins spécifiques, telles que les salaires des enseignants. Cela crée non seulement une dépendance vis-à-vis du pouvoir central pour le financement des tâches, mais cela affaiblit également le pouvoir décisionnel et réduit la marge de manœuvre des communes pour répondre aux besoins locaux. Le ministère des Finances a indiqué qu’au cours de la période 2017-2022, certaines subventions globales affectées à des fins spécifiques avaient été redirigées vers l’assiette de revenus des collectivités locales. Cette évolution est bienvenue.

Les subventions réservées sont un outil permettant de mettre en œuvre les politiques nationales de manière uniforme, mais elles restreignent l’autonomie financière des collectivités locales.

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


Cet article renvoie au principe général de consultation tel qu’il est énoncé à l’article 4.6, mais l’article 9.6 porte spécifiquement sur le système d’attribution des ressources redistribuées aux collectivités locales. Selon le Commentaire contemporain, la consultation doit porter sur la manière dont les ressources redistribuées doivent être allouées aux collectivités locales par les autres niveaux d’autorité publique.

La législation estonienne consacre plusieurs dispositions à cette consultation. L’article 46 de la loi sur le budget de l’État prévoit des procédures spécifiques pour la conduite des négociations entre les collectivités locales, les associations et les représentants de l’État sur certains aspects budgétaires tels que :

  •  le montant des taxes transférables et les principes applicables à leur perception ;
  •  les principes de répartition, les conditions d’utilisation et les principes de détermination des montants ; les montants du soutien pour la période de stratégie budgétaire et pour l’exercice budgétaire ;
  •  les principes de prise en charge des dépenses liées aux fonctions de l’État imposées aux collectivités locales par la loi ;
  •  la méthode d’enregistrement des informations précisées aux clauses 1 et 2 de la stratégie budgétaire et dans le projet de budget de l’État ;
  •  les mesures visant à assurer la discipline financière et le montant de l’excédent ou du déficit du budget consolidé d’une collectivité locale pour la période couverte par la stratégie budgétaire ;
  •  les mesures destinées aux collectivités locales qui améliorent la situation budgétaire structurelle des administrations publiques.

 Ces dernières années, de nouveaux groupes de travail ont été ajoutés au processus de négociation du budget annuel avec l’Association des villes et communes estoniennes. Ils sont spécialisés dans les domaines suivants : 1) les technologies de l’information et de la communication au niveau local ; 2) l’intégration ; 3) l’aménagement du territoire, le logement et la propriété foncière ; et 4) la sécurité et la préparation aux crises.

 Bien que tout projet de règlement ministériel ou de loi, ou toute autre question se rapportant aux droits, obligations ou missions des collectivités locales, ou à l’organisation de la vie locale, doive être coordonné par une association nationale de collectivités locales avant d’être soumis au ministère compétent ou au Gouvernement de la République, les acteurs des collectivités locales considèrent que l’impact de telles mesures sur les budgets locaux n’est souvent pas pleinement évalué. Ils ont également indiqué que les délais accordés pour les consultations étaient souvent serrés, de sorte qu’il n’était pas possible d’analyser les propositions de manière approfondie.

Des lois et des systèmes relatifs à la consultation sur la redistribution des ressources sont en place en Estonie. Afin de renforcer la consultation avec les acteurs des collectivités locales, le processus pourrait être mené dans des délais plus appropriés, et de manière plus pertinente et constructive, notamment en ce qui concerne l’évaluation de l’impact et du coût de tout nouveau texte de loi que l’État prévoit d’appliquer au niveau local.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


Selon le Commentaire contemporain, l’article 9.5 de la Charte vise à assurer une dotation financière suffisante permettant aux collectivités locales de couvrir non seulement les dépenses associées aux compétences propres et déléguées, mais aussi le financement de l’appareil politique et administratif nécessaire à l’accomplissement des tâches qui leur sont assignées. Il traite par conséquent de la question de la situation financière des communes économiquement défavorisées.

Le fonds de péréquation de l’Estonie traduit une volonté effective de corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges incombant aux collectivités locales. Le fonds de péréquation vise à faire en sorte que les collectivités locales puissent exécuter leurs tâches dans des conditions uniformes sans toutefois leur imposer de conditions d’utilisation des ressources. D’après la Cour des comptes, plus de la moitié des collectivités locales reçoivent de l’argent du fonds de péréquation.

Le montant exact transféré du fonds à chaque collectivité locale est défini lors des négociations annuelles du budget de l’État et repose sur trois principes majeurs : le besoin moyen de dépenses basé sur la taille et la structure par âge de la population, le coefficient ruralité/éloignement et les recettes différées pondérées de chaque collectivité locale. Le fonds permet aux collectivités locales de décider librement de la manière dont elles entendent répartir les sommes reçues entre leurs domaines de compétences.

 La dotation de péréquation est basée sur la différence entre le coût de fonctionnement moyen estimatif de la commune et ses recettes propres estimées. Les recettes estimées se composent de la part municipale des recettes de l’impôt sur le revenu et de l’impôt foncier, tandis que les dépenses estimées sont calculées sur la base de données relatives aux besoins de dépenses prévus. Actuellement, 90 % de la différence est prise en compte. La formule de péréquation tient également compte du statut de « commune insulaire ».

Les interlocuteurs de la délégation ont appelé à certaines modifications. L’Association des villes et communes estoniennes propose de modifier la formule utilisée pour calculer le montant de la dotation en augmentant par exemple le coefficient d’éloignement et en intégrant l’indice des prix à la consommation. La Cour des comptes suggère d’inclure davantage de caractéristiques démographiques et géographiques et de prendre en considération l’usage raisonnable ou non, de la part de la collectivité locale, des possibilités d’optimiser ses recettes propres.

D’une manière générale, les rapporteurs sont d’avis qu’il convient d’augmenter le fonds de péréquation et d’améliorer encore la formule d’allocation afin de permettre aux collectivités locales d’affecter le financement en fonction des besoins locaux et de la demande.

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


L’article 9.3 concerne la nécessité pour les collectivités locales de tirer au moins une partie de leurs ressources financières d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux (dans les limites de la loi). Le pouvoir de lever des impôts locaux est considéré comme une preuve directe de l’autonomie financière des collectivités locales. La Charte ne fixe pas un ratio uniforme entre les impôts locaux et les ressources propres des collectivités locales, mais, en tout état de cause, elle prévoit qu’une partie « au moins » de ces ressources doit provenir de redevances et d’impôts locaux.

L’article 157 de la Constitution estonienne dispose que les communes ont le droit, conformément à la loi, d’établir et de percevoir des taxes et d’imposer des redevances.La Cour suprême, dans son arrêt relatif à l’affaire 3-3-1-48-16 (paragraphe 45), a évoqué la reconnaissance par l’article 9.3 de la Charte européenne de l’autonomie locale du droit des collectivités locales d’établir des impôts.Cependant, les ressources propres des collectivités locales d’Estonie sont extrêmement limitées. En effet, 3 % environ des recettes des collectivités territoriales proviennent des impôts en Estonie (situation de 2017). En revanche, dans l’OCDE, les impôts représentent 35 % (moyenne non pondérée) ou 44 % (moyenne pondérée) des recettes des collectivités territoriales.

Les conseils des communes rurales ou des villes adoptent effectivement des règlements pour l’imposition de taxes locales, mais les taxes sont limitées aux taxes sur la publicité, sur la fermeture des routes et des rues, sur les véhicules à moteur, sur les animaux et sur les divertissements et aux redevances de stationnement. En 2020, environ 8,4 % des recettes municipales provenaient des redevances d’utilisation et des ventes de biens et de services. La taxe sur la publicité, la taxe sur la fermeture des routes et des rues et les redevances de stationnement constituaient une autre source notable de revenus municipaux. Prises ensemble, ces taxes représentaient 1,1 % des recettes fiscales municipales et 0,6 % des recettes totales d’exploitation. Les collectivités locales ont effectivement le pouvoir de fixer les taux des taxes dans les limites fixées au niveau national. La création de taxes est réglementée par l’article 5 de la loi sur les impôts locaux, qui liste six taxes locales qu’un conseil local peut lever.

Le droit des collectivités locales de mettre en place des taxes et impôts est garanti par la législation et la Constitution estoniennes, mais l’éventail des taxes et impôts locaux est si limité que la proportion de revenus qu’ils génèrent a peu d’impact. Il existe toutefois quelques raisons d’être optimistes. En 2023, une taxe sur les éoliennes destinées à la production d’électricité, dont le taux peut être fixé par la collectivité locale, est entrée en vigueur. Les interlocuteurs du niveau national ont informé la délégation que les valeurs des terrains ont été récemment révisées et que de nouveaux taux d’impôts fonciers entreront en vigueur en 2024. Les recettes des collectivités locales provenant de l’impôt foncier seront potentiellement multipliées par 2,5. Les collectivités locales décident du montant de l’impôt foncier dans les limites fixées par l’État, mais les recettes de cet impôt leur reviennent entièrement.

Le nouveau gouvernement a plusieurs fois indiqué dans son accord de coalition qu’il entendait améliorer les finances des collectivités locales. Un engagement clair en ce sens figure par exemple dans la partie consacrée au développement régional : « Nous accroîtrons l’autonomie financière des collectivités locales. Nous laisserons une plus grande marge de manœuvre aux collectivités locales pour mettre en place des taxes locales ». Le nouveau gouvernement et les gouvernements précédents ont également envisagé la mise en place de nouvelles taxes locales telles qu’une taxe de séjour et/ou une taxe sur les ventes.

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


Le principe qui fonde l’article 9.2, selon lequel les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution et par la loi, suppose que les collectivités locales disposent de ressources financières suffisantes, c’est-à-dire proportionnées aux responsabilités qui leur sont confiées. Ce paragraphe exige que les recettes et les tâches obligatoires des collectivités locales soient équilibrées afin qu’il y ait un rapport adéquat entre les ressources financières dont disposent les collectivités locales et les missions qu’elles remplissent.

134. Le poste de dépenses le plus important des collectivités territoriales est l’éducation. En effet, les communes assument aussi bien les dépenses courantes que les dépenses d’investissement dans ce domaine, qui représentent 4 % du PIB et 40 % des dépenses des collectivités territoriales, contre 24,3 % en moyenne dans les pays de l’OCDE en 2020. Les postes qui viennent directement ensuite sont les affaires économiques, les loisirs et la protection sociale. Toutes les communes, quel que soit la taille ou le type de leur population, sont censées fournir les mêmes services de base. La Figure 4 détaille les domaines de dépenses des collectivités locales.

Pendant le processus de réforme administrative de 2017, les collectivités locales qui ont mené à bien les négociations en vue de leur fusion ont bénéficié de subventions spécifiques de montants variables, selon la procédure et l’ampleur de la fusion. La covid-19 a également donné lieu à des versements spéciaux aux collectivités locales. Le Riigikogu a décidé d’allouer, dans le cadre d’un budget supplémentaire pour 2020, 130 millions d’euros d’aide d’urgence aux collectivités locales. En 2021, l’État leur a versé 16 millions d’euros supplémentaires pour compenser la baisse de recettes et les coûts liés à la crise, ainsi que 30 millions d’euros au titre du soutien à l’investissement.

Selon le Commentaire contemporain, les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être suffisantes et proportionnées à leurs fonctions et tâches. Le système juridique estonien continue de soutenir le principe de proportionnalité. En 2017, la Cour suprême a considéré qu’il était inconstitutionnel de ne pas promulguer de textes législatifs prévoyant le financement par le budget de l’État des obligations imposées à une collectivité locale par l’article 83(1) de la loi sur les établissements d’enseignement élémentaire et les établissements du cycle supérieur de l’enseignement secondaire.

Dans le rapport de suivi 2017, il était considéré que la situation manquait de clarté concernant la répartition des compétences, les collectivités locales risquant constamment de devoir financer des compétences déléguées par l’État. Ces préoccupations persistent, mais les points de vue diffèrent. Lors de la visite de suivi, les interlocuteurs du niveau national ont affirmé catégoriquement que les ressources des collectivités locales étaient proportionnées à leurs responsabilités. Le ministère des Finances considère que « les collectivités locales jouissent d’une grande marge de manœuvre pour optimiser les services ». De même, le ministère responsable des affaires régionales estime que les ressources financières des collectivités locales correspondent à leurs responsabilités. La Cour des comptes considère que les ressources financières dont disposent les collectivités locales sont généralement proportionnées aux tâches qu’elles sont chargées d’accomplir, mais que cela n’est pas le cas partout, attirant l’attention sur le fait que les collectivités locales ont des capacités et des assiettes de ressources différentes.

Les interlocuteurs du niveau infranational ont exprimé leur préoccupation concernant les implications financières des nouvelles tâches déléguées ou de la modification des tâches existantes. Par exemple, le service de la protection générale, qui est organisé par les collectivités locales sur la base de la loi sur la protection sociale, fait l’objet d’une importante réforme sectorielle dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2023. L’État allouera des fonds aux collectivités locales pour mettre en œuvre la réforme, mais on ignore encore quelle part ces fonds couvriront. Lors de la procédure de consultation, le ministère des Finances a indiqué que le ministère des Affaires Sociales avait fait des calculs types concernant la réforme, et le ministère montre que les fonds alloués sont suffisants pour couvrir les coûts et considère que les municipalités disposent d’une grande autonomie pour décider du niveau du prix de la composante soins de longue durée par lequel elles ont l’intention de financer chaque personne dans des foyers pour personnes âgées. Cependant, les rapporteurs ont été informés que selon les prévisions citées par l’Association des villes et communes estoniennes, il pourrait manquer l’année prochaine 10 millions d’euros à Tallinn, 3 millions d’euros à Tartu et 1 million d’euros à Pärnu. De même, la décision du gouvernement central d’augmenter les salaires des enseignants payés par l’État a eu des conséquences imprévues pour les collectivités locales qui versent les salaires des enseignants des écoles maternelles. Afin de pouvoir retenir ces derniers, les communes ont dû leur accorder une augmentation de salaire équivalente, ce qui a affaibli les ressources municipales.

 


Figure 4. Dépenses des collectivités locales par catégorie

Source : SNG-WOFI

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.


The Contemporary Commentary on the Charter stresses that Article 9.1 establishes the right of local authorities to have their own resources and the freedom to spend them according to their own judgment. Accordingly, states are expected to ensure that local authorities have the legal, budgetary, and fiscal capacity to make use of these rights and implement their policies.

The issue of resourcing local government is a contentious topic in Estonia, particularly regarding the adequacy of funding and the degree of financial autonomy which local government possesses. The Contemporary Commentary points out that Article 9.1 articulates two important financial principles, namely, that local authorities should have their own financial resources and that they should be free to decide how to spend those resources. Accordingly, states must ensure that local authorities have the legal, budgetary, and fiscal capacity to make use of these rights and implement the policies they adopt. As stated by the Contemporary Commentary, the wording “adequate financial resources” requires measures “to ensure proportionality between mandatory functions of local authorities and the funding available”.

Article 157 of the Estonian Constitution decrees that municipalities shall have independent budgets for which the bases and procedure for formation shall be provided by a law. Consequently, local government councils approve the annual budget, which is prepared on an accrual basis. Local governments must prepare development plans and adopt a budget strategy for a minimum period of four years. The Local Government Financial Management Act provides the principles of preparation, adoption, implementation and reporting of local government budgets.

Local government in Estonia carries out both own and delegated competencies. A Supreme Court judgment categorises local government functions as ‘local government functions arising from the law (also ‘mandatory local government functions’) and other functions (also ‘voluntary local government functions’), the fulfilment of which is not prescribed by law’. Irrespective of their size or income, local governments perform similar functions and offer the same services to their citizens. However, demography, geography and socio-economic factors affect the financial capability of each municipality. 

Local governments receive support from the state budget. One type of support is the equalisation fund, which supplements the income of municipalities with a small revenue base. The equalisation fund comes entirely from the state budget and is calculated using a formula. Another type of formula-based support is the support fund, which consists of sectoral support for specific purposes (e.g., support for teachers' labour costs, hobby group support, support for social services, road maintenance support, etc.). W were . Project-based support is also provided from the state budget, for example, for investments (e.g., the European Union's structural funds).

The Supreme Court judgment referred to in its decision above is unequivocal in its pronouncement that ‘the legislature must also make certain that the money allocated for performance of local government functions be distinct from the funds allocated for performance of national duties. ‘This allows a local authority to understand what funds are meant for deciding and organising local issues. This, in turn, allows for deciding how to use the money allocated for resolving local issues. In addition, the distinction between funds allocated for local government functions and national functions allows for evaluating the sufficiency of the funds allocated for local government functions’. However, in practice, these levels of adequacy and autonomy 

There is a high dependence on grants from central government, many of which are earmarked for delegated functions. Figure 3 shows the source of local government revenue in Estonia.


Figure 3. Recettes des collectivités locales en Estonie 

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


Selon le Commentaire contemporain, la diversification des sources de revenus est essentielle pour que les collectivités locales puissent conserver leur autonomie en période de fluctuations économiques. Dans le même temps, les sources de revenus doivent être diversifiées pour assurer la résilience des collectivités locales face aux facteurs économiques extérieurs. L’article 9.4 indique également que les systèmes de finance locaux doivent être dynamiques, c’est-à-dire qu’ils doivent « pouvoir s’adapter aux nouvelles circonstances, aux nouveaux besoins et aux nouveaux scénarios macro-économiques et assurer un financement suffisant à la prestation des services ».

La forte dépendance des collectivités locales à l’égard des subventions et des aides de l’État indique que le système de financement n’est ni évolutif ni suffisamment diversifié en Estonie. Il n’a pas non plus évolué en fonction du coût total que représente l’exécution des tâches croissantes et complexes qu’elles doivent assumer.

La répartition inégale de la population entre les communes urbaines, suburbaines et rurales entraîne des disparités entre la base démographique, l’infrastructure et la capacité à fournir des services. Bien que la formule utilisée par le fonds de péréquation laisse apparaître une certaine reconnaissance des différences entre zones urbaines et rurales, l’élimination des disparités nécessiterait une plus grande diversification et une plus grande évolutivité des ressources effectuées par les autorités locales.

Du fait que plus de la moitié des revenus des collectivités locales proviennent de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui est fixé et alloué par le gouvernement central, il n’y a pas de potentiel de diversification ou d’évolution de ce segment important des revenus des collectivités locales. De même, les revenus du fonds de soutien sont destinés à des fins spécifiques et ne présentent aucun potentiel de diversification. Toutefois, la suppression, en 2019, de l’obligation d’utiliser à des fins spécifiques les sommes versées dans le cadre de deux aides du fonds de soutien – le soutien au développement de la gestion des déchets et le soutien à la fourniture d’une assistance sociale – a constitué une évolution positive. De même, le soutien en faveur des soins de substitution et des soins de continuité, ainsi que les prestations pour frais funéraires, doivent être transférés du fonds de soutien vers l’assiette de revenus des collectivités locales à compter de 2024.

Le fonds de péréquation et le fonds de soutien favorisent un certain dynamisme, mais selon une approche davantage réactive qu’anticipative. Le droit des collectivités locales de fixer le taux des taxes locales ne contribue guère à assurer le caractère évolutif ou diversifié des ressources, du fait que les recettes provenant des taxes locales représentent une proportion très faible du budget des collectivités locales.

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


L’article 10, paragraphe 1, concerne les types de coopération fonctionnelle entre collectivités locales qui visent à renforcer leur efficacité au moyen de projets conjoints ou par la conduite de tâches qui dépassent les capacités d’une seule collectivité. Il requiert que les collectivités locales disposent d’un droit général de coopérer entre elles pour proposer les services locaux ou exercer leurs responsabilités. À ce droit de coopérer avec d’autres collectivités locales s’ajoute celui, plus spécifique, de s’associer avec d’autres collectivités locales, c’est-à-dire de créer des organisations distinctes et/ou des structures institutionnelles communes.

Aux termes de l’article 159 de la Constitution, les communes d’Estonie ont le droit de former des associations et des organes conjoints avec d’autres communes. Le chapitre 10 de la loi sur l’organisation des collectivités locales porte sur la coopération entre les collectivités locales et dispose que « pour l’expression, la représentation et la protection d’intérêts communs et pour l’exercice de fonctions communes, les communes rurales et les villes peuvent coopérer, conférer des pouvoirs à une autre commune rurale ou ville à cette fin, former des associations d’autorités locales et d’autres organisations et former des organes administratifs ou autres conjoints pour l’exercice de fonctions communes ». Des lignes directrices claires sont incluses pour la mise en place et le fonctionnement de ces organes. Une collectivité locale peut, avec d’autres collectivités locales, être partenaire ou actionnaire d’une société, créer des fondations et être membre d’une association sans but lucratif en tenant compte des conditions contenues dans la loi sur la gestion financière des collectivités locales. Toutefois, l’OCDE souligne que « puisque 14 % seulement des recettes municipales proviennent de sources propres, les incitations municipales à s’engager dans une coopération volontaire sont faibles ». Pourtant, la coopération intercommunale est bien établie en Estonie.

La réforme de l’administration locale de 2017 a conduit à la fusion de nombreuses petites communes, dont beaucoup avaient déjà collaboré par le passé. Depuis 2018, la collaboration est devenue obligatoire dans certains domaines. Les autorités locales ont reçu de nouvelles fonctions à mettre en œuvre conjointement. Aux termes de la loi, les collectivités locales de chaque comté doivent planifier conjointement le développement du comté. Les stratégies de développement régional pour le comté ou les territoires de plusieurs comtés sont élaborées et mises en œuvre conjointement à cette fin. En outre, la coordination des conseils de sécurité, la promotion de la santé et l’organisation de la culture sont également des fonctions conjointes des collectivités locales. Dans la plupart des comtés, ces fonctions conjointes sont exercées par des associations de collectivités locales. Depuis 2018, l’une des fonctions communes des collectivités locales est l’organisation des transports publics (bus et ferry) dans les comtés, en coopération avec l’administration nationale des routes, par l’intermédiaire des centres de transport régionaux créés à cet effet.

La coopération intercommunale est activement encouragée en Estonie et les procédures, exigences et étapes à suivre pour la création et le fonctionnement d’entités collaboratives sont clairement définies.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


Cette disposition concerne la promotion d’intérêts communs par le biais d’organisations officielles. Elle établit le droit des collectivités locales d’appartenir à la fois à une association nationale pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et à des associations internationales de collectivités locales. Ces associations jouent un rôle fondamental dans la représentation et la défense des droits, pouvoirs et intérêts des collectivités locales et mènent de nombreuses activités en leur nom.

Les associations de pouvoirs locaux constituent une forme importante de coopération entre les collectivités locales estoniennes et leurs activités sont régies par la loi sur les associations de pouvoirs locaux. La réforme de 2017 a entraîné d’importants changements. L’examen quinquennal de la réforme conclut que « la situation actuelle des associations de pouvoirs locaux des comtés et d’autres organisations de développement des comtés d’Estonie varie d’une région à l’autre. Il est ainsi plus difficile pour l’État de planifier les tâches supracommunales et la délégation éventuelle de ces tâches ». À la suite de la réforme, l’Association des communes rurales et l’Association des villes estoniennes ont fusionné pour former l’Association des villes et communes estoniennes (AVCE). Cette association représente désormais les intérêts communs des collectivités locales et joue un rôle important dans les négociations nationales.

Les interlocuteurs n’ont mentionné aucun problème concernant le droit des autorités locales d’appartenir à l’AVCE ou le statut officiel de l’organisation.

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


L’article 10.3 concerne la coopération des autorités locales avec leurs homologues d’autres États et renforce le droit d’engager une coopération transfrontalière. Cette disposition de la Charte établit le droit de participer à une coopération transnationale, ou transfrontalière, laquelle est une forme importante de coopération entre collectivités locales.

(1) Les conseils municipaux, les administrations municipales et les organes administratifs ont le droit, dans les limites de leurs compétences, de coopérer avec toutes les autres autorités locales en dehors de l’Estonie et de conclure des contrats avec celles-ci. Les organes administratifs informent le conseil municipal de cette coopération.

(2) Les collectivités locales ont le droit de devenir membres d’organisations internationales et de coopérer avec ces organisations.

La plupart des communes d’Estonie ont des relations et des accords d’amitié avec des autorités locales étrangères, dont la majorité se trouvent dans les États baltes et les pays nordiques. L’adhésion à l’UE a également offert de nombreuses possibilités de coopération transnationale. Les projets internationaux tels qu’URBACT, INTERREG, EUREGIO et d’autres sont les formes les plus fréquentes de coopération transfrontalière. Parmi les autres formes de coopération figurent le mouvement des villes et des communes rurales jumelées, la Convention des maires et la collaboration avec d’autres organisations internationales. Les associations estoniennes et finlandaises de pouvoirs locaux ont conclu un accord de coopération pour la période 2023-2026. Dix-huit collectivités locales estoniennes jumelées avec une ville ou une commune rurale ukrainienne aident celles-ci depuis le début de la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine.

Les collectivités locales d’Estonie ont le droit et la possibilité de coopérer avec leurs homologues d’autres États.

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


L’article 11 de la Charte concerne le droit à un recours juridictionnel effectif en vue de garantir le respect de l’autonomie locale. Par « recours juridictionnel », on entend l’accès d’une collectivité locale soit à un tribunal dûment constitué, soit à un organe légal équivalent et indépendant. Cette disposition exige que les autorités locales aient le droit d’invoquer et de défendre devant les tribunaux les principes de l’autonomie locale. Cela est particulièrement important dans le contexte de poursuites judiciaires dans lesquelles les droits et les pouvoirs des collectivités locales sont contestés ou restreints, ou dans les cas où ces droits sont menacés par des niveaux supérieurs d’autorité publique.

L’article 149 (3) de la Constitution désigne la Cour suprême comme étant la plus haute juridiction du pays. La Cour suprême examine les décisions des tribunaux dans le cadre d’une procédure de cassation et est également une juridiction de contrôle constitutionnel.

Il existe deux procédures pour le règlement juridictionnel des litiges de droit public entre les autorités locales et l’État, à savoir les procédures juridictionnelles administratives et les procédures de contrôle constitutionnel. Une commune rurale ou une ville peut introduire un recours primaire contre un acte ou une mesure de l’administration (chapitre 2 de la loi sur la responsabilité de l’État), ainsi que demander réparation à l’autorité administrative pour les dommages causés par une action administrative en vertu du l’article 17, paragraphe 1, de la loi sur la responsabilité de l’État. Dans le cadre d’une procédure administrative, une autorité locale peut introduire des recours en annulation, en injonction, en interdiction, en indemnisation, en réparation et en déclaration (article 37, paragraphe 2, du Code de procédure administrative).

En Estonie, en vertu de l’article 7 de la loi sur la procédure de contrôle constitutionnel, adoptée le 13 mars 2002, le conseil d’une collectivité locale peut saisir la Cour suprême d’une requête visant à déclarer inconstitutionnels une loi promulguée mais non encore entrée en vigueur ou un règlement du gouvernement de la République ou d’un ministre qui n’est pas encore entré en vigueur, ou d’une requête visant à faire invalider une loi entrée en vigueur, un règlement du gouvernement de la République ou d’un ministre ou une disposition d’une telle loi ou d’un tel règlement, s’ils sont contraires aux garanties constitutionnelles de l’administration locale.

Ainsi, les collectivités locales ont le droit de recourir aux tribunaux pour la protection de leurs droits légaux et pour la résolution des litiges, un droit dont elles font fréquemment usage. Voici quelques exemples de questions relatives aux collectivités locales portées devant la Cour suprême :

  • En 2016, quelque 26 collectivités locales ont saisi la Cour suprême pour qu’elle examine la constitutionnalité de la loi sur la réforme administrative ;
  • Depuis 2014, 17 communes rurales ont contesté des fusions obligatoires ;
  • En 2017, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle l’absence d’actes législatifs prévoyant le financement par le budget de l’État des obligations imposées à une autorité locale en vertu de l’article 83, paragraphe 1, de la loi sur les écoles primaires et les lycées ;
  • En 2019, une décision a été rendue sur la constitutionnalité de certaines dispositions de la loi relative à l’aménagement du territoire concernant les plans nationaux d’aménagement du territoire, en raison de leur conflit potentiel avec le droit à l’autonomie locale ;
  • Une décision de 2023 a conclu que les exigences générales en matière d’éducation préscolaire découlent de la législation de l’État et que les autorités locales sont responsables de la disponibilité de l’éducation préscolaire.

Outre la protection offerte par la Cour suprême et la Cour administrative, les autorités locales peuvent s’adresser au Président de la République (article 107 de la Constitution), au ministre de la Justice ou à la Cour des comptes pour une violation présumée de la part de l’État, des garanties fondamentales de l’autonomie locale. Des voies de recours appropriées sont disponibles et la protection juridictionnelle de l’autonomie locale est bien établie.

Article 12.1
Engagements - Non ratifié

Toute Partie s'engage à se considérer comme liée par vingt au moins des paragraphes de la partie I de la Charte dont au moins dix sont choisis parmi les paragraphes suivants:

 

– article 2,

– article 3, paragraphes 1 et 2,

– article 4, paragraphes 1, 2 et 4,

– article 5,

– article 7, paragraphe 1,

– article 8, paragraphe 2,

– article 9, paragraphes 1, 2 et 3,

– article 10, paragraphe 1,

– article 11.


Article 12.2
Engagements - Non ratifié

Chaque Etat contractant, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, notifie au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe les paragraphes choisis conformément à la disposition du paragraphe 1 du présent article.


Article 12.3
Engagements - Non ratifié

Toute Partie peut, à tout moment ultérieur, notifier au Secrétaire Général qu'elle se considère comme liée par tout autre paragraphe de la présente Charte, qu'elle n'avait pas encore accepté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article. Ces engagements ultérieurs seront réputés partie intégrante de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la Partie faisant la notification et porteront les mêmes effets dès le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.


Article 13
Collectivités auxquelles s'applique la Charte - Non ratifié

Les principes d'autonomie locale contenus dans la présente Charte s'appliquent à toutes les catégories de collectivités locales existant sur le territoire de la Partie. Toutefois, chaque Partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, désigner les catégories de collectivités locales ou régionales auxquelles elle entend limiter le champ d'application ou qu'elle entend exclure du champ d'application de la présente Charte. Elle peut également inclure d'autres catégories de collectivités locales ou régionales dans le champ d'application de la Charte par voie de notification ultérieure au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.


Article 15.3
Signature, ratification, entrée en vigueur - Non ratifié

Pour tout Etat membre qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par la Charte, celle ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation.


Article 16.3
Clause territoriale - Non ratifié

Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Secrétaire Général. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de six mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.


ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

En Estonie, les dispositions constitutionnelles pertinentes (chapitre XIV) remplissent l’exigence contenue dans la Charte : l’article 154, paragraphe 1, dispose que « toutes les affaires locales sont réglées et gérées par les collectivités locales, qui fonctionnent de manière indépendante conformément à la loi. »



30Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
6 Articles non ratifiés
22Disposition(s) conforme(s)
5Articles partiellement conformes
3Disposition(s) non conforme(s)