Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi
L’article 4, paragraphe 1, de la Charte exige que les compétences de base des collectivités locales soient fixées par la Constitution ou par la loi.
En Lituanie, l’article 120, paragraphe 2, de la Constitution dispose que les collectivités locales agissent librement et en toute indépendance, « dans les limites de la compétence qui leur a été fixée par la Constitution et par les lois ». Plusieurs autres articles font référence aux compétences des collectivités locales, comme la Cour constitutionnelle l’a souligné dans son arrêt du 24 décembre 2002. La Cour cite ainsi l’article 40, paragraphe 1 (établissements d’enseignement ou de formation rattachés aux collectivités locales), l’article 41, paragraphe 2 (qui cite notamment les établissements rattachés aux collectivités locales, qu’ils soient d’enseignement général, professionnel ou supérieur), l’article 119, paragraphe 4 (qui prévoit que pour la mise en application des lois de la République de Lituanie et des décisions du Gouvernement ou du conseil municipal, les conseils municipaux créent des organes exécutifs responsables devant eux), l’article 121, paragraphe 1 (les collectivités locales élaborent et approuvent leur budget), l’article 121, paragraphe 2 (les conseils municipaux ont le droit, dans les limites et selon la procédure établies par la loi, de fixer les taxes locales et peuvent prévoir des impôts et des redevances dont les recettes seront imputées sur leur propre budget), et l’article 122 (les conseils municipaux ont le droit de saisir la justice en cas d’atteinte à leurs droits).
La loi sur l’autonomie locale (article 5) répartit les compétences des collectivités locales en deux grandes catégories : les compétences propres et les compétences déléguées. Elle décrit en détail ces fonctions en énumérant 44 compétences propres et 38 compétences déléguées. Des fonctions supplémentaires leur ont été attribuées ou déléguées par d’autres lois.
Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de la Charte, « les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité ». À cet égard, l’article 6, n. 44 de la loi sur l’autonomie locale contient une « clause générale de compétence résiduelle » se référant à d’autres missions non assignées à des institutions publiques, considérées comme des compétences propres.
L’article 4, paragraphe 3, de la Charte énonce le principe général de subsidiarité. Il établit que « l’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie. »
La Recommandation 321 (2012) invitait les autorités lituaniennes à « modifier l’article 4 de la loi sur l’autonomie locale en vigueur, de manière à reconnaître expressément le principe de subsidiarité dans le domaine de l’autonomie locale en tant que l’un de ses principes directeurs ».
Bien que le principe de subsidiarité ait été inscrit dans la loi en 2016 (article 4, paragraphe 14, de la loi sur l’autonomie locale), les collectivités locales se plaignent toujours de ce qu’il n’est pas appliqué dans la pratique. La protection des droits de l’enfance a été citée en exemple. Cette compétence (précédemment déléguée aux collectivités locales) sera centralisée à compter de juin 2018 : tous les services de protection de l’enfance qui fonctionnent actuellement dans les collectivités locales ne feront plus partie des structures municipales et seront placés sous l’autorité du ministère de la Sécurité sociale et du Travail. Les collectivités locales estiment que la centralisation de cette fonction contrevient au principe de subsidiarité et que l’on peut s’interroger sur la question de savoir si cela améliorera le bien-être des enfants et de leurs familles.
La Recommandation 321 (2012) soulignait aussi que « les compétences des communes ont été réduites dans certains domaines (aménagement du territoire, construction, propriété foncière), ce qui les a reléguées au rang d’organes d’exécution plutôt que de décision dans ces domaines de compétences, et aucun compromis n’a été trouvé pour étendre les droits des communes en matière de gestion des biens de l’État situés dans les collectivités urbaines et rurales, et pour donner aux élus une part de responsabilité dans la politique d’aménagement de leur territoire ». Elle invitait les autorités lituaniennes à « envisager d’étendre les droits des communes en matière de gestion des biens de l’État situés dans les collectivités urbaines et rurales, et de donner aux élus une part de responsabilité dans la politique d’aménagement de leur territoire ».
Selon l’Association des pouvoirs locaux de Lituanie (ALAL), la recommandation n’a pas été pleinement mise en œuvre. Une modification a été apportée à la loi sur l’autonomie locale pour autoriser le maire à modifier les principales qualifications et utilisations des sols (article 20, paragraphe 2, n. 20). Cependant, le Code foncier et les dispositions réglementaires prévoient toujours que de telles décisions relèvent de la compétence du directeur de l’administration.
Il a été indiqué à la délégation qu’aucune avancée importante n’avait été accomplie en vue d’octroyer aux collectivités locales davantage de droits leur permettant de disposer des terrains de l’État, bien que des dispositions en ce sens figurent dans le programme du gouvernement actuel et dans un projet d’amendement au Code foncier déposé au Seimas, prévoyant le transfert aux communes de la fonction d’organiser la création et la reconfiguration des parcelles en zones rurales, fonction jusqu’à présent assurée par le Service foncier national. La loi sur les forêts a été modifiée en 2017 afin de transférer aux communes certaines fonctions de l’État en la matière – notamment des activités de contrôle, de protection et de gestion du domaine forestier de l’État – dans le but d’ouvrir ces espaces au public pour la pratique d’activités de loisirs. Le législateur a ainsi éliminé les obstacles juridiques qui empêchaient les communes de prendre l’initiative et d’assumer la gestion des forêts périurbaines.
L’ALAL et les représentants des collectivités locales ont indiqué à la délégation qu’il est selon eux essentiel de veiller à ce que les fonctions de planification et d’utilisation des ressources foncières appartenant à l’État soient transférées du Service foncier national aux communes dans les meilleurs délais. Ils estiment en effet que c’est la seule façon de créer un environnement propice aux investissements et de favoriser le développement du territoire. Les autorités nationales ont souligné que la situation actuelle devait être considérée comme étant transitoire, car le processus de restitution des terres à leurs anciens propriétaires ou à leurs héritiers n’était pas achevé. Le principal problème des communes, selon le ministère de l’Intérieur, est la durée de la procédure lorsqu’elles se proposent de louer le sol à des investisseurs privés. Il faut compter en effet jusqu’à huit mois. Le gouvernement s’emploie actuellement à accélérer la procédure afin qu’elle ne dépasse pas six semaines.
Sur d’autres questions, les compétences des collectivités locales ont été renforcées. En vertu de la loi sur l’aide sociale en espèces, les communes disposent désormais de compétences propres en la matière, et des ressources financières suffisantes leur ont été allouées. D’après l’ALAL, cette réforme a été une vraie réussite. 124. L’article 4, paragraphe 4, soulève le problème du chevauchement des responsabilités. Dans un souci de clarification, il dispose que « les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi ». L’article 4, paragraphe 5, fait référence à la délégation des pouvoirs et prévoit que les collectivités locales doivent jouir, autant qu’il est possible, de la liberté d’adapter leur exercice aux conditions locales.
Lors des rencontres avec la délégation, les représentants des collectivités locales et de leur association ont souligné que la réglementation limite souvent le droit de libre administration des collectivités locales et que, dans plusieurs domaines, elles ne jouissent d’aucune latitude dans l’exercice des compétences déléguées. Une description trop détaillée des compétences propres implique que les communes n’ont pas la faculté de les exercer à leur guise, en tenant compte des conditions locales autant que possible. En conséquence, les communes ne disposent pas des moyens financiers et humains nécessaires pour respecter les exigences administratives inutilement lourdes établies par le pouvoir central.
Parmi les exemples présentés figure l’attribution aux communes de l’organisation de l’approvisionnement en chauffage et eau chaude. Cependant, leur compétence de gestion de ce secteur est devenue purement formelle, dans la mesure où la décision finale concernant les prix du chauffage et de l’eau chaude est prise par la VKEKK (commission nationale chargée de la régulation du secteur de l’énergie). Un autre exemple a trait à la compétence des communes en matière de collecte et de traitement des déchets et des emballages municipaux. D’après l’ALAL, le cadre juridique actuel est si détaillé que sa mise en œuvre requiert des fonds additionnels. Depuis l’arrêté ministériel no 711 relatif au traitement des déchets municipaux, entré en vigueur le 20 avril 2017, le financement du traitement des déchets municipaux est assuré par un système dual. Le calcul des paiements dans le cadre de ce système soulève des difficultés supplémentaires dans la mesure où cela nécessite de mobiliser davantage de moyens humains et financiers.
La délégation a aussi eu connaissance d’une nouvelle réglementation des services publics qui fait obligation aux communes d’obtenir une autorisation du Conseil de la concurrence avant qu’une personne morale placée sous leur contrôle ne puisse entreprendre une activité économique. Cette disposition pose problème du point de vue du droit des collectivités locales de choisir la manière la plus appropriée d’organiser un service public, étant donné la très large définition d’une activité économique retenue par la loi relative à la concurrence. Pour éviter ce risque, un projet d’amendement a été déposé au Seimas afin de préciser les activités des communes pouvant être considérées comme des activités économiques et de permettre à une commune, sans en faire une obligation, de demander l’avis du Conseil de la concurrence pour qu’il puisse apprécier à l’avance si la décision envisagée constitue ou non une restriction de la concurrence.
Lors de la procédure de consultation, le Seimas a souligné que la réglementation en vigueur depuis le 1er juillet 2017, en vertu de laquelle l’offre d’un service public est considérée comme une activité économique, signifie que la commune, avant de confier l’exercice d’une nouvelle activité économique à une personne morale relevant de son autorité (que cette personne morale existe déjà ou soit créée pour l’occasion), doit obtenir une autorisation du Conseil de la concurrence. Le Seimas a aussi conclu que cette disposition limite le droit des communes de choisir la méthode d’organisation la plus appropriée pour l’offre des services publics.
Compte tenu des plaintes exprimées par les collectivités locales, les rapporteurs considèrent que les nombreuses ingérences des autorités de l’État dans les compétences propres des communes portent atteinte au principe d’attribution de compétences pleines et entières aux collectivités locales.
Enfin, l’article 4, paragraphe 6, de la Charte dispose que « les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement ».
En Lituanie, les communes ont le droit, par elles-mêmes ou par l’intermédiaire de l’Association des pouvoirs locaux, de concourir à l’élaboration des lois et autres textes juridiques régissant l’autonomie locale ou déterminant les fonctions dévolues aux communes et de soumettre leurs propositions et observations sur les projets. D’après l’ALAL, 60 ou 70 % de leurs commentaires sont repris dans les actes législatifs et réglementaires. Néanmoins, elle déplore les délais fixés par l’arrêté ministériel relatif à la coordination entre institutions, qui souvent ne laissent pas le temps à l’association de formuler convenablement la position des communes.
À la suite du renouvellement de l’accord conclu entre le Gouvernement de la République de Lituanie et l’ALAL sur les activités de la commission bilatérale (laquelle regroupe le gouvernement et l’association pour chercher à concilier les intérêts concurrents de l’État et des communes), le nombre des membres de la commission a été porté de trois à quatre personnes pour chacune des parties.
Au Seimas, les rapporteurs ont été informés que la commission de l’administration d’État et des collectivités locales coopère activement avec l’ALAL sous différentes formes, notamment en mettant en place des groupes consultatifs ou des groupes de travail interinstitutionnels (par exemple, sur la réforme du système de protection des droits de l’enfance).
Même si les modalités de consultation pourraient encore être améliorées et assouplies, les rapporteurs considèrent que l’article 4, paragraphe 6, est respecté en Lituanie.
En conclusion, les rapporteurs considèrent que les dispositions de l’article 4, paragraphes 1, 2 et 6, sont respectées. En revanche, ils estiment que la situation actuelle de la Lituanie, en droit et en pratique, n’est pas entièrement conforme à l’article 4, paragraphes 3, 4 et 5.