Roumanie

Roumanie - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 12 au 13 octobre 2022.
Date d'adoption du rapport: 23 mars 2023

Il s'agit du 4ème rapport évaluant la mise en œuvre de la Charte en Roumanie.

 

Les rapporteurs concluent que le système d'autonomie locale du pays fonctionne bien et que les obligations de la Charte sont généralement remplies.

 

Ils notent avec satisfaction l’amélioration du cadre de consultation ainsi que le poids des collectivités locales dans les dépenses publiques. La délégation note également le rôle précieux de la Cour des comptes améliorant l’efficacité et la transparence du secteur local. Les rapporteurs soulignent les effets positifs de la réforme des zones métropolitaines et les propositions faites pour renforcer la coopération entre les communes rurales.

 

Toutefois, le rapport souligne quelques questions qui méritent une attention spéciale. En particulier, la faiblesse et la fragmentation des communes, dans les zones rurales ; les transferts de compétences qui ne sont pas toujours accompagnés des ressources financières nécessaires ; le renforcement du niveau régional et la possibilité actuellement limitée pour les collectivités locales de financer des investissements. Il y a également un manque de transparence dans l’allocation des ressources financières entre les niveaux central et local.

 

Par conséquent, il est recommandé d’améliorer et de faciliter les fusions volontaires ou la coopération entre les communes ; d’allouer les ressources financières correspondant aux responsabilités exercées par les autorités locales. En outre, les autorités nationales sont encouragées à respecter les délais légaux pour assurer le bon déroulement du processus de consultation. De plus, la délégation recommande d’accorder à la capitale, Bucarest, des garanties procédurales substantielles pour assurer son autonomie.

 

Le rapport encourage également la Roumanie à signer et à ratifier le Protocole additionnel à la Charte (STCE n° 207), ainsi qu’à lever ses réserves formulées à l’égard de l'article 7.2, qui est actuellement appliqué en pratique.

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


L’article 2 exige que le principe de l’autonomie locale soit reconnu dans la législation interne et ce, de manière « transparente » et « explicite », c’est-à-dire dans le droit écrit. Les conséquences pratiques et opérationnelles de cette reconnaissance peuvent être pleinement comprises à la lumière de l’article 11, selon lequel « les principes d’autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne » sont protégés par les recours judiciaires que peuvent engager les autorités locales. Par conséquent, les principes écrits représentent les normes applicables par les tribunaux statuant sur les recours introduits par des collectivités locales contre des actes portant atteinte à leur autonomie[21].

Le principe de l’autonomie locale est garanti par la Constitution roumaine. Aux termes de l’article 120.1, « l’administration publique dans les unités administratives-territoriales est fondée sur les principes de la décentralisation, de l’autonomie locale et de la déconcentration des services publics. » L’article 121.2 établit que « les conseils locaux et les maires agissent en tant qu’autorités administratives autonomes et ils règlent les affaires publiques des communes et des villes conformément à la loi. » En plusieurs occasions, la Cour constitutionnelle s’est appuyée sur ces dispositions constitutionnelles pour rendre ses décisions[22].

En outre, aux termes de l’article?73.3 de la Constitution, des lois organiques sont nécessaires pour réglementer « l’organisation de l’administration publique locale, du territoire, ainsi que le régime général relatif à l’autonomie locale ».

La législation affirme très clairement le principe de l’autonomie locale. En vertu de l’article 75 du Code administratif, « 1) L’administration publique locale des unités administratives-territoriales est organisée et fonctionne sur la base des principes généraux de l’administration publique énoncés dans la Partie I, Titre III et des principes généraux prévus par la loi n° 199/1997 portant ratification de la Charte européenne de l’autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985, ainsi que sur la base des principes spécifiques suivants : a) décentralisation ; b) autonomie locale ; c) consultation des citoyens sur la résolution des problèmes d’intérêt local ; d) élection des organes de l’administration publique locale ; e) coopération ; f) responsabilité ; g) contrainte budgétaire. »

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


La question principale, ici, est de déterminer si, dans la situation actuelle, les collectivités locales roumaines règlent et gèrent effectivement, « sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ». Pour juger du respect ou non de cette disposition, il convient de tenir compte du caractère plutôt « subjectif » et relatif de concepts tels que « la capacité », « une part importante des affaires publiques », « sous leur propre responsabilité » et « au profit de leurs populations », puisqu’il n’existe aucune méthode officielle ou universelle pour mesurer cette importance. Il faut donc prendre en considération l’évolution historique, la culture et les traditions constitutionnelles du pays concerné. Cette question est aussi étroitement liée à l’évaluation de la conformité avec d’autres parties de la Charte, comme ses articles 4, 8 et 9.

Pour évaluer le respect de cette disposition, on prendra en considération à la fois des aspects législatifs et des éléments factuels.

S’agissant des dispositions législatives, l’article 5 j) du Code administratif définit l’autonomie locale comme « le droit et la capacité effective des autorités locales à résoudre les problèmes et à gérer les affaires publiques, pour le compte des communautés locales qui les ont élues et dans leur intérêt, dans les conditions prévues par la loi ».

Dans les faits, on peut citer le classement de l’Indice de l’autonomie locale au niveau départemental, paru en 2014, qui situe la Roumanie dans une position intermédiaire au sein des pays européens.

Figure 8. Indice de l’autonomie locale – classement au niveau départemental, 2014

Source : Ladner/Keuffer/Baldersheim/Hlepas/Swianiewicz/Navarro,Patterns of Local Autonomy in Europe, 2019, New York, Palgrave MacMillan

Suisse / Finlande / Islande / Suède / Danemark / Pologne / Allemagne / Norvège / Liechtenstein / Italie / Serbie / France / Bulgarie / Lituanie / République tchèque / Autriche / Estonie / Portugal / Belgique / Slovaquie / Pays-Bas / Macédoine // Croatie / Luxembourg / Espagne / Lettonie / Hongrie / Albanie / Slovénie / Grèce / Ukraine / Royaume-Uni / Chypre / Turquie / Malte / Géorgie / Moldova / Irlande

En 2019, les dépenses locales représentaient 8,3 % du PIB et 23,6 % de l’ensemble des dépenses publiques (la moyenne des 28?pays de l’UE s’établissant à 23,3 %[23]) ; les recettes des collectivités locales représentaient 25,5 % de l’ensemble des recettes publiques, soit 7,8 % du PIB.

Figure 9. Dépenses des collectivités locales (2016-2019)

Source : NALAS,Fiscal Decentralization Report, 8eédition, p. 159

En milliards de lei

% de l’ensemble de la dépense publique

prix constants (2016)

prix courants

Certes, le transfert de compétences n’a pas toujours été assez bien coordonné au niveau des ministères, et l’administration centrale n’a pas toujours été en mesure d’assortir les services décentralisés des ressources financières suffisantes, si bien que dans le nombreux cas, l’administration locale n’a pas eu les capacités nécessaires pour gérer ces nouvelles responsabilités ; cependant, la décentralisation a constitué un pilier de la transition démocratique et de la consolidation de la démocratie en Roumanie.

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


L’article 3.2 est la principale expression du principe démocratique dans les dispositions de la Charte. Le droit à l’autonomie locale doit être exercé par des autorités démocratiquement constituées. Cette autonomie n’implique pas un simple transfert de pouvoirs et de responsabilités des autorités centrales à une collectivité locale. Elle exige également que cette dernière exprime, directement ou indirectement, la volonté de la population locale.

En Roumanie, les collectivités locales sont dirigées par un conseil qui est élu tous les quatre ans au scrutin libre et équitable[24]. Les maires et les présidents des conseils départementaux sont également élus au suffrage direct.

Lors de la procédure de consultation, le ministère du Développement, des Travaux publics et de l’Administration a informé la délégation que, le 23 mai 2022, le Sénat roumain avait adopté la loi modifiant et complétant la loi n° 208/2015, selon laquelle les listes de candidats, sauf celles qui n’en comptent qu’un ou deux, pour l’élection du Sénat et de la Chambre des députés de Roumanie doivent respecter le quota minimal d’au moins 33 % de femmes et d’hommes, et que ce texte serait également voté par la Chambre des députés, l’organe de décision. Cependant, lors de la visite, les rapporteurs ont observé que les femmes étaient sous-représentées au niveau local en Roumanie. Les femmes, soit la moitié de la population roumaine, ne représentent au niveau local que 5,33 % des maires et 12,4 % des membres des conseils locaux[25], proportion qui place la Roumanie en bas du classement des pays de l’UE et des pays d’Europe centrale et orientale[26].

Les dernières élections locales ont eu lieu le 27 septembre 2020, avec une participation de 46,02 %[27]. La participation aux élections législatives de décembre 2020 se situait 13?points en dessous de celle aux élections locales de la même année. Depuis 2008, la participation aux élections locales est constamment plus élevée qu’aux élections législatives.

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


L’article 4, paragraphe 1, de la Charte requiert que les compétences de base des collectivités locales soient fixées par la Constitution ou par la loi, de manière à garantir leur prévisibilité, leur permanence et leur protection dans l’intérêt de l’autonomie locale. Par conséquent, les tâches des collectivités locales ne doivent pas leur être attribuées de manière ad hoc mais doivent être suffisamment ancrées dans la législation. L’établissement de compétences et de pouvoirs locaux par le biais d’une réglementation administrative devrait être évité comme allant à l’encontre de l’esprit de la Charte[28].

En Roumanie, la législation confie aux collectivités locales un large éventail de compétences, dont beaucoup ont trait aux services sociaux. Parmi les compétences des conseils locaux, l’article?129 du Code administratif mentionne les services publics pertinents au niveau local dans les domaines suivants : a) enseignement ; b) protection des enfants, des personnes handicapées, des personnes âgées, des familles et des autres personnes ou groupes ayant besoin d’aide ; c) santé ; d) culture ; e) jeunesse ; f) sports ; g) ordre public ; h) situations d’urgence ; i) protection et restauration de l’environnement ; j) préservation, restauration et mise en valeur des monuments architecturaux et historiques, parcs, jardins publics et réserves naturelles ; k) urbanisme ; l) registres des personnes ; m) ponts et voirie publique ; n) services d’utilité publique au niveau local ; o) services de secours en montagne, de sauvetage et de premiers secours ; p) administration des activités sociales et collectives ; q) logement social et autres logements dont l’unité administrative-territoriale est propriétaire ou gestionnaire ; r) valorisation, dans l’intérêt des habitants, des ressources naturelles de l’unité administrative-territoriale ; s) autres services publics pertinents au niveau local, tel qu’établis par la loi.

L’article 173 du Code administratif attribue aux conseils départementaux la compétence d’établir « le cadre nécessaire à la prestation de services publics pertinents au niveau départemental dans les domaines suivants : a) enseignement ; b) protection des enfants, des personnes handicapées, des personnes âgées, des familles et des autres personnes ou groupes ayant besoin d’aide ; c) santé ; d) culture ; e) jeunesse ; f) sports ; g) ordre public ; h) situations d’urgence ; i) protection et restauration de l’environnement ;
j) préservation, restauration et mise en valeur des monuments architecturaux et historiques, parcs, jardins publics et réserves naturelles ; k) registres des personnes ; l) ponts et voirie publique ; m) services d’utilité publique au niveau départemental ; n) tourisme ; o) développement rural ; p) développement économique ; q) autres services publics établis par la loi ».

En vertu de la loi n° 350/2001[29], les collectivités locales ont une autre compétence importante : l’aménagement urbain.

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, les collectivités locales doivent avoir le droit d’exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas explicitement exclue de leur compétence par la loi. De plus, elles doivent avoir « toute latitude pour exercer leur initiative ». Les restrictions à cette latitude peuvent également découler de règles administratives, financières et budgétaires requérant une base légale solide pour engager des dépenses[30].

En Roumanie, la législation attribue aux organes de l’administration publique locale, dans les limites fixées par la loi, le droit d’initiative dans tous les domaines sauf ceux qui relèvent expressément du champ de compétence d’autres autorités publiques.

Quant aux restrictions à la pleine latitude des collectivités locales, elles tiennent bien plus au manque de ressources financières qu’à des ingérences d’autres échelons territoriaux (voir plus loin, concernant l’article 9). En Roumanie, les collectivités locales sont en charge de nombreux services sociaux.La décentralisation soulève de nombreux défis, en particulier pour les communes rurales. Ces communes manquent des ressources humaines et financières nécessaires pour s’acquitter de leurs missions, d’autant plus que leur démographie est marquée par une émigration massive et par un vieillissement de la population.

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


L’article 4, paragraphe 3, de la Charte énonce le principe général de la subsidiarité. Il établit que « l’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie ».

En Roumanie, la répartition des compétences est régie par l’article?76 du Code administratif, qui mentionne le principe de subsidiarité, à savoir : « l’exercice de compétences par l’échelon territorial au niveau administratif le plus proche du citoyen et doté de la capacité administrative nécessaire » ; les autorités centrales ou locales appliquent ou renforcent cette approche par voie législative ou par des mécanismes administratifs, afin de renforcer la capacité des collectivités locales à exercer des compétences exclusives ou à collaborer dans l’exercice de compétences partagées ou déléguées[31].

Pour assurer la mise en œuvre du principe de subsidiarité, le gouvernement roumain a adopté en 2017 une Stratégie globale de décentralisation, consistant à analyser l’opportunité de transférer à l’échelon local de nouvelles compétences en matière d’agriculture, de sports, de culture, de jeunesse, d’enseignement, d’environnement, de santé et de tourisme.

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


L’article 4, paragraphe 4, dispose que « les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi ». La loi peut certes introduire des limites aux compétences allouées aux collectivités locales, mais de telles limites doivent revêtir un caractère exceptionnel, se fonder sur des raisons objectives et être interprétées de manière restrictive. D’autre part, le chevauchement des responsabilités peut devenir une menace pour l’autonomie locale[32].

Ni pendant la visite, ni dans les réponses écrites aux rapporteurs, les interlocuteurs n’ont mentionné de point problématique. En Roumanie, les collectivités locales assurent de nombreux services sociaux. Leurs difficultés ne tiennent pas à l’ingérence de l’État, mais au niveau des dépenses et au manque de ressources adéquates.

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


L’article 4, paragraphe 5, concerne les responsabilités déléguées, dont il prévoit que les collectivités locales doivent jouir, autant qu’il est possible, de la liberté d’adapter leur exercice aux conditions locales. Dans bon nombre d’États européens, la délégation de pouvoirs entre les différents niveaux de gouvernement constitue souvent une tradition ancienne. Le gouvernement central tire parti du réseau territorial constitué par les collectivités locales et régionales, lesquelles sont plus proches des citoyens, connaissent bien la situation sur le terrain, épousent les particularismes locaux et permettent des économies d’échelle. Dans cet esprit, les organismes et fournisseurs de services locaux s’acquittent fréquemment de tâches déléguées au nom d’autorités supérieures, le plus souvent l’État[33].

Ni pendant la visite, ni dans les réponses écrites aux rapporteurs, les interlocuteurs n’ont mentionné de problème lié à la délégation de compétences, qui paraît remplir les critères de cet article dans la pratique.

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


Enfin, l’article 4, paragraphe 6, de la Charte dispose que « les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement ».

La consultation est un principe clé de la Charte. Cela étant, la Charte s’abstient de définir ou de prescrire les formes de la consultation ainsi que de réglementer en substance le processus de consultation. La fonction fondamentale de la Charte étant d’établir le concept général et le cadre des consultations, on peut en déduire que le processus principal de consultation repose sur trois conditions fondamentales : a) les collectivités locales devraient pouvoir obtenir des informations complètes sur les décisions et les politiques qui les concernent directement et ces informations devraient être disponibles au stade initial du processus décisionnel ; b) les collectivités locales devraient avoir la possibilité d’exprimer leur opinion sur les décisions et les politiques avant que celles-ci ne deviennent des documents juridiquement contraignants, et c) elles devraient avoir le temps et les moyens de préparer et de soumettre pour examen des recommandations ou d’autres propositions[34].

La recommandation 300 (2011) soulignait la nécessité d’améliorer les mécanismes de consultation.

Depuis, plusieurs réformes ont couvert cet aspect ; lors de la visite de suivi, la délégation a été informée que la consultation fonctionnait globalement bien, même si la brièveté des délais empêchait parfois les autorités locales d’examiner correctement les textes soumis à la consultation.

Le Code administratif comporte plusieurs dispositions sur la consultation. L’article 78 établit la procédure de décentralisation des compétences de l’État.À toutes les étapes du processus de transfert, il est obligatoire de consulter les structures associatives des collectivités locales. L’article?82 dispose que les représentants des structures associatives des collectivités locales sont aussi membres du Comité pour les finances publiques locales, qui joue un rôle consultatif dans la rédaction et la mise en œuvre des politiques de décentralisation financière et fiscale. Aux termes de l’article?86, « lorsqu’ils envisagent un projet d’acte normatif qui concerne directement l’administration publique locale et/ou qui a un impact sur les communautés locales, les organes de l’administration publique centrale sont tenus de consulter les associations des pouvoirs locaux au moins 15?jours ouvrés avant l’adoption/approbation de cet acte.Dans le cas de projets d’actes normatifs urgents, ce délai peut être réduit à 10 jours ouvrés ». D’après le paragraphe 3 du même article, « les points de vue des structures associatives des organes de l’administration publique locale sur les projets d’actes normatifs sur lesquels ils ont été consultés sont motivés conformément aux dispositions juridiques et peuvent être transmis, aux bons soins de leurs présidents et sous 10 jours ouvrés à compter de leur réception, à l’organe de l’administration publique centrale à l’origine du projet d’acte normatif, ce délai étant ramené à 7 jours en cas d’actes normatifs urgents ».

Ces dispositions ont été spécifiées et détaillées par la décision gouvernementale n° 635/2022 sur la procédure de consultation des associations des collectivités locales sur la préparation des projets d’actes normatifs[35].

Comme l’a expliqué à la délégation le ministère du Développement, des Travaux publics et de l’Administration, afin que l’analyse de la mise en œuvre de cette procédure se déroule dans un cadre cohérent, des réunions de consultation sont organisées tous les six mois entre les responsables du ministère concerné et ceux des associations. En 2021, le ministère a adressé aux collectivités locales 230?projets d’actes normatifs, répartis comme suit :

-          155 projets de lois ;

-          30 projets de décisions gouvernementales ;

-          30 projets d’ordonnances gouvernementales ;

-          4 projets d’ordonnances gouvernementales d’urgence ;

-          9 projets d’ordonnances ministérielles.

 

Concernant les projets de textes susmentionnés, les associations de collectivités locales de Roumanie ont transmis les avis suivants :

-          5 avis de l’Association des communes ;

-          36 avis de l’Association des municipalités ;

-          3 avis de l’Association des villes ;

-          183?avis de l’Union nationale des conseils départementaux.

En 2022, le gouvernement a adopté une nouvelle réglementation, portant sur le Comité technique interministériel pour la décentralisation[36].Il s’agit d’une structure consultative permanente à laquelle participent les présidents des trois associations de collectivités locales (communes, villes et municipalités) ainsi que de l’Union nationale des conseils départementaux de Roumanie. Ce comité a les missions suivantes : approuver le projet de stratégie globale de décentralisation élaboré par le ministère qui coordonne le processus de décentralisation ; proposer des solutions sur le processus de décentralisation sectoriel ou sur la nécessité d’améliorer les modalités d’exercice des compétences décentralisées, le cas échéant ; soutenir les projets de stratégies de décentralisation sectorielle et les projets de stratégies sectorielles visant à améliorer l’exercice des compétences décentralisées, proposés par les ministères ou par d’autres organes spécialisés de l’administration publique centrale ; approuver les normes de qualité et de coûts proposées par les ministères ou par d’autres organes spécialisés de l’administration centrale, qui sont ensuite adoptées par une décision gouvernementale ; approuver les rapports de suivi et d’évaluation portant sur la phase de mise en œuvre des stratégies de décentralisation sectorielles et des stratégies sectorielles visant à améliorer l’exercice des compétences décentralisées.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


Cet article pose une obligation de consultation des collectivités locales en cas de modification de leurs limites territoriales.

En Roumanie, la protection des limites des collectivités est garantie à la fois en droit et en pratique. En vertu de l’article?95 du Code administratif, « 1) Le territoire de la Roumanie est organisé, sur le plan administratif, en unités administratives-territoriales : communes, villes et départements. 2) Les villes et les communes sont les unités administratives-territoriales de base. 3) Certaines villes sont déclarées municipalités/cités, en vertu de la loi. 4) Toute modification des limites territoriales des unités administratives-territoriales, portant sur leur établissement, leur rétablissement ou leur réorganisation, ne peut être effectuée qu’en vertu d’une loi et après consultation obligatoire des citoyens des unités concernées par référendum local, conformément à la loi. »

Les rapporteurs prennent note du fait que, depuis 2001, malgré la relative fragmentation des collectivités locales roumaines, aucune mesure incitant à la fusion d’entités administratives n’a été prise. Toutefois, une initiative de consultation de la population a été récemment présentée. À Buz?u, un référendum a été organisé concernant la modification des limites de l’unité administrative-territoriale de la ville de Buz?u et de la commune de ?inte?ti, en vue de réunir ces deux entités administratives. Si les habitants des deux localités s’étaient prononcés pour, et si le quorum avait été atteint dans chacune d’elles, cette fusion volontaire de deux unités territoriales aurait constitué une première depuis 30?ans. Cependant, le quorum n’a pas été atteint : pour que le référendum soit valable, il aurait fallu qu’au moins 30 % des personnes inscrites sur les listes électorales y participent et qu’au moins 50 % plus une approuvent la fusion des deux localités[37]. Une part importante des électeurs vivent à l’étranger et ne se rendent que rarement, voire jamais, dans les bureaux de vote. Il est donc plus difficile d’atteindre le quorum et cela entrave le bon fonctionnement des fusions volontaires. Lors de la procédure de consultation, le ministère du Développement, des Travaux publics et de l’Administration a mentionné l’article 4, paragraphe 2,de la loi n° 351/2001 relative à l’approbation du Plan national sur l’aménagement du territoire – section IV Réseau des municipalités, tels qu’amendé en 2010 : (2) Afin de permettre l’accès aux Fonds structurels accordés par l’Union européenne pour les communes connaissant un fort déclin démographique, telles qu’indiquées dans les tableaux des points 5.0 et 5.1 de l’Annexe IV et situées dans les zones indiquées sur la carte de l’Annexe V, le Gouvernement encourage l’unification administrative de deux ou plusieurs de ces communes qui sont contiguës, à l’initiative des autorités d’administration publique locales et conformément à la volonté exprimée lors d’un référendum local par la population des communes concernées.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


L’article 6, paragraphe 1, de la Charte prévoit que les collectivités locales doivent pouvoir définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter : la capacité des collectivités locales d’organiser leurs propres affaires est donc un élément de l’autonomie dont elles jouissent.

En Roumanie, la législation reconnaît la capacité normative des collectivités locales pour ce qui concerne leur organisation interne. Les conseils locaux, en vertu de l’article?129.2 a) du Code administratif, sont compétents sur l’unité administrative-territoriale, son organisation interne et l’organisation et le fonctionnement des services spécialisés de la mairie, des institutions publiques locales et des entreprises et régies autonomes d’intérêt local. Ils adoptent (article 129.3 a)) « le statut de la commune, de la ville ou de la municipalité ainsi que le règlement applicable à l’organisation et au fonctionnement du conseil local ; sur ordre du ministère compétent, un modèle indicatif de statut de l’unité administrative-territoriale est adopté, ainsi qu’un modèle indicatif de règlement applicable à l’organisation et au fonctionnement du conseil local ».

Les conseils départementaux adoptent les règlements applicables à l’organisation et au fonctionnement des services spécialisés du conseil départemental, ainsi que celui des institutions publiques départementales et des entreprises et régies autonomes d’intérêt départemental (article 173.2 c) du Code administratif).

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


L’article 6, paragraphe 2, de la Charte porte sur le statut du personnel des collectivités locales, qui doit permettre un recrutement de qualité fondé sur les principes du mérite et de l’aptitude. Le pouvoir d’engager son propre personnel et de fixer les rémunérations de ses employés est un facteur pertinent pour évaluer l’autonomie organisationnelle et institutionnelle des collectivités locales[38].

Les collectivités locales roumaines emploient deux types de personnel : d’une part des fonctionnaires et des personnes relevant de statuts spéciaux, d’autre part du personnel contractuel. Le salaire de base de tous les agents publics territoriaux (fonctionnaires comme contractuels) est fixé par le gouvernement. Jusqu’en 2011, il existait un système de primes et indemnités octroyées à la discrétion des collectivités locales. Depuis l’apparition de ce système en 1993, le nombre de primes et indemnités de ce type n’avait cessé d’augmenter, pour aboutir en 2004 à d’importantes disparités de salaires assorties d’une augmentation générale des dépenses de personnel. À compter de 2009, dans le cadre d’un train de mesures visant à réduire les frais de personnel au niveau local, un plafonnement en chiffres absolus du nombre d’employés a été mis en place aux premier et deuxième échelons des collectivités territoriales, ainsi qu’un plafonnement des frais de personnel[39]. Ultérieurement, la loi n° 153/2017, relative au salaire des agents publics, a instauré une différenciation des salaires par catégorie d’unité administrative-territoriale et octroyé aux collectivités locales la pleine autonomie dans ce domaine, au sein d’un cadre prédéfini (salaire minimal et salaire maximal). Plus récemment, le Code administratif a réglementé le statut des agents publics.

La délégation a été informée qu’il devenait difficile, en particulier pour les petites communes rurales, d’attirer des collaborateurs qualifiés. Dans ses réponses écrites aux questions des rapporteurs, l’Association des municipalités de Roumanie a souligné que les maires, maires adjoints et secrétaires de mairies, étant donné que leurs attributions sont identiques, devraient voir leur rémunération dépendre uniquement du nombre d’habitants et non de la catégorie d’unité administrative-territoriale dont ils relèvent.

Au cours de la visite de suivi, aucune observation particulière n’a été formulée concernant le nombre ou la qualité des agents de la fonction publique locale.

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


L’article 7.1 vise à garantir que les citoyens peuvent librement exercer des mandats électifs et que l’accès à des mandats politiques ne leur est pas interdit sur la base de considérations financières ou matérielles. Nul ne doit être dissuadé de se porter candidat à une élection locale ; une fois élus, les conseillers locaux ne doivent pas être empêchés d’exercer efficacement leurs fonctions[40].

En Roumanie, les représentants locaux sont élus pour quatre ans. La législation détaille les conditions dans lesquelles il est autorisé de mettre fin au mandat des conseillers locaux et départementaux (par exemple du fait d’un événement, comme un déménagement dans une autre unité administrative-territoriale ou une décision judiciaire définitive dans l’intérêt de la collectivité) et précise l’autorité compétente : préfet, conseil local ou conseil départemental.

La dissolution anticipée des conseils est possible, par voie référendaire (Code administratif, article 143 sur les conseils locaux et 184 sur les conseils départementaux). Un référendum doit être organisé si au moins 25 % des citoyens ayant le droit de vote, inscrits sur les listes électorales et ayant leur domicile ou leur résidence dans l’unité administrative-territoriale concernée en adressent la demande au préfet. Un référendum local est valable si au moins 30 % des personnes concernées y participent. Un référendum révocatoire local peut également mettre fin au mandat du maire (article 162 du Code administratif).

Aucune inquiétude particulière n’a été exprimée au cours de la visite de suivi.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


L’article 7, paragraphe 3, concerne la compatibilité entre l’exercice d’un mandat électif local et d’autres activités, publiques ou privées. Il établit que les « fonctions » et « activités » qui ne peuvent pas être rendues compatibles avec l’exercice d’un mandat local une fois que le candidat a été élu ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.

En Roumanie, les incompatibilités de mandats sont régies par plusieurs dispositions juridiques. La loi n° 161/2003, article 88.1 c), établit que (1) la fonction de conseiller local ou de conseiller départemental est incompatible avec l’exercice des fonctions ou positions suivantes : c) la position d’agent public ou d’employé ayant un contrat de travail individuel auprès des structures du conseil local ou du conseil départemental en question ou de la préfecture du département en question. En outre, l’article 91.3 de cette loi oblige les élus à démissionner d’un des deux postes incompatibles dans un délai maximal de 15?jours à compter de la date de leur élection comme conseiller, maire ou président de département. Les articles 227 à 230 du Code administratif ont ajouté plusieurs dispositions sur ce sujet.

Le régime relatif aux conflits d’intérêts des élus a été clarifié par l’intégration de différents textes dans la loi n° 393/2004 sur le statut des élus locaux : d’une part, seuls les intérêts de nature patrimoniale sont désormais mentionnés, et d’autre part, la notion de parenté au second degré est harmonisée pour tous les élus locaux.

Dans le cadre de programmes de lutte contre la corruption, l’Agence nationale pour le respect de l’intégrité (ANI) mène des enquêtes administratives sur les conflits d’intérêts, les activités incompatibles et les cas d’enrichissement suspect. Elle assure le suivi et la vérification des déclarations de patrimoine, y compris de tous les représentants élus. Le renforcement de l’intégrité dans des domaines prioritaires comme le système de santé, les marchés publics et l’administration locale fait partie de la nouvelle Stratégie nationale anti-corruption 2021-2025, adoptée par le gouvernement roumain en décembre 2021[43].

Avant les élections locales du 20 septembre 2020, l’ANI a contacté les autorités électorales centrales et locales pour leur signaler les candidats frappés d’une interdiction d’occuper un poste dans la fonction publique du fait d’une sanction pour incompatibilité ou pour conflit d’intérêts sous leur mandat précédent. Plus de 500 personnes étaient concernées par une interdiction[44]. Après le scrutin, l’ANI a adressé aux tribunaux chargés de valider les mandats des nouveaux élus la liste nominale des candidats devant être écartés de la fonction publique pendant trois ans. Plusieurs personnes n’ont pas pu se présenter, d’autres n’ont pu prendre leurs fonctions ; cependant, la moitié environ des candidats concernés par une interdiction ont été autorisés par les tribunaux à exercer leur mandat. D’après les informations disponibles de sources officielles, sur un total de 103 candidats aux élections locales concernés par une interdiction, 65 ont été élus, 15 ont été élus mais se sont vu interdire d’exercer leur mandat et 49 ont été élus et autorisés à exercer leur mandat.

Aucun problème spécifique n’a été mentionné lors de la visite de suivi.

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


L’article 7, paragraphe 2, concerne l’octroi aux élus d’une compensation financière adéquate. Il vise à garantir, conjointement avec le paragraphe 1, que les élus locaux reçoivent une « compensation financière adéquate » et à éviter que le statut des élus locaux ne dissuade, ne limite voire n’exclue les candidatures potentielles en raison de considérations financières.

La Roumanie n’a pas ratifié l’article?7, paragraphe 2. Cependant, comme le Congrès l’a souligné dans un rapport de 2019, « la Roumanie a fait des progrès notables en appliquant la loi n° 393/2004, qui prévoit divers dispositifs permettant d’octroyer des primes et des compensations financières aux élus durant leur mandat (et même après, à d’anciens élus ayant atteint l’âge de la retraite) »[41]. Le même rapport souligne par ailleurs qu’« en Croatie, en Irlande, au Monténégro, en Roumanie et dans « L’ex-République Yougoslave de Macédoine », le salaire des maires se révèle près de six fois supérieur au salaire minimum national de leur pays »[42].

La délégation a été informée qu’une indemnité mensuelle avait été mise en place pour les personnes siégeant dans les conseils locaux et départementaux et dans leurs différentes commissions, ainsi qu’une pension de vieillesse pour les personnes ayant exercé le pouvoir exécutif (maires, maires adjoints, présidents et vice-présidents de conseils départementaux).

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


 L’article 8 de la Charte concerne le contrôle des collectivités locales. Aux termes de son paragraphe 1, tout contrôle administratif sur les activités des collectivités locales doit être exercé selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi. La Charte établit ici un principe important concernant le contrôle des collectivités locales par d’autres niveaux d’autorité : toute forme de contrôle doit être prévue par la Constitution ou la loi. En d’autres termes, la Charte introduit le principe de légalité pour ce qui concerne le contrôle d’une collectivité locale[45].

Conformément aux dispositions de la Charte, en Roumanie, les règles applicables au contrôle du pouvoir central sur les collectivités locales, ainsi que les compétences des autorités centrales concernées, sont définies par la Constitution et par la loi. Aux termes de l’article?123.5 de la Constitution, le préfet « peut attaquer, devant l’instance de contentieux administratif, un acte du conseil départemental, du conseil local ou du maire, au cas où il considère l’acte illégal. L’acte attaqué est suspendu de droit. » Aux termes du Code administratif (article 255), « 1) Le préfet contrôle la légalité des actes administratifs du conseil départemental, du conseil local et du maire. 2) Le préfet peut dénoncer, devant le tribunal compétent, les actes des autorités visées au paragraphe qu’il juge illégaux, dans les conditions prévues par la loi sur les litiges administratifs. »

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.


Aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de la Charte, le contrôle des actes des collectivités locales ne peut viser qu’à assurer le respect de la loi et des principes constitutionnels. Le contrôle d’opportunité ne peut être utilisé que dans le cas de tâches déléguées.

En Roumanie (voir ci-dessus), le contrôle des actes des collectivités locales est assuré par l’État et il est limité au contrôle de légalité. Aucun problème n’a été mentionné lors de la visite de suivi.

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.


L’article 8, paragraphe 3, porte sur la manière dont le contrôle s’exerce en pratique et requiert que le principe de proportionnalité soit respecté. En vertu de ce principe, l’organe régional ou national ne doit intervenir que dans la mesure de ce qui est nécessaire, en tenant compte de l’importance de l’intérêt public en jeu ou de la gravité de la violation de la loi supposée avoir été commise par l’autorité locale[46].

Concernant l’exercice des contrôles en pratique, il convient de mentionner que le Code administratif a été modifié par le gouvernement en 2021, par une ordonnance d’urgence[47], pour autoriser les préfets et sous-préfets à être membres de partis. La montée de l’affiliation politique parmi les préfets a été critiquée aussi bien par des universitaires[48] que par des organisations internationales[49].

Cela étant, aucune préoccupation spécifique n’a été mentionnée à ce sujet lors de la visite de suivi.

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


L’article 9, paragraphe 8, concerne l’accès des collectivités locales au marché national des capitaux afin de financer leurs dépenses d’investissement. L’accès au marché national des capitaux est important pour que les collectivités locales puissent financer les projets d’investissement nécessaires pour le développement du territoire local ; le plus souvent, en effet, le niveau de leurs ressources propres « ordinaires » ne leur permet pas de couvrir tous les projets et programmes décidés par les collectivités locales pour répondre aux besoins locaux. Cependant, comme d’autres droits inscrits dans la Charte, celui-ci n’est pas absolu et doit être concilié avec la politique générale relative aux dépenses et à l’endettement du secteur public. C’est pourquoi la Charte indique que l’accès doit se faire « conformément à la loi ». En outre, à la suite de la récente crise économique, nombreux sont les pays à avoir mis en place des régimes d’austérité pour lutter efficacement contre le déficit public. Ainsi, l’accès au marché national des capitaux doit s’analyser dans le contexte de la politique fiscale nationale et de la gouvernance de la dette publique au niveau du pays[57]. Lors de la procédure de consultation, le ministère du Développement, des Travaux publics et de l’Administration a indiqué qu’afin de remédier aux difficultés financières liées aux objectifs d’investissement, conformément à la loi n° 273/2006 sur les finances publiques locales, telle qu’amendée et complétée ultérieurement, les dépenses des autorités publiques locales liées aux investissements peuvent être financées sur les budgets locaux et au moyen d’emprunts. Ainsi, les articles 61 à 63 de la loi susmentionnée prévoient la possibilité pour les autorités publiques locales de demander des prêts bancaires pour le financement d’investissements publics d’intérêt local. Les conseils locaux peuvent approuver la conclusion et la garantie d’emprunts internes ou externes à court, moyen ou long terme, pour la réalisation d’investissements publics d’intérêt local, ainsi que pour le refinancement de la dette publique locale. Les autorités publiques locales ne peuvent contracter ou garantir des emprunts, aux termes de la loi, qu’avec l’approbation de la commission locale d’approbation des emprunts.

En Roumanie, les collectivités locales peuvent contracter des emprunts jusqu’à hauteur de 30 % de leurs recettes propres, composées des taxes et impôts locaux et d’une part de l’impôt sur le revenu (considérée comme relevant des recettes propres). Il existe un plafond à l’endettement, défini chaque année par le gouvernement. Au cours de la visite de suivi, plusieurs interlocuteurs, dont les représentants de la municipalité de Bucarest, ont assuré à la délégation que ce plafond était trop bas et devait évoluer.

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


L’article 9, paragraphe 7, de la Charte dispose que « dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques.

En Roumanie, les fonds étatiques et européens constituent une part importante des revenus des pouvoirs locaux. La principale inquiétude à ce sujet tient aux critères de répartition de ces fonds, qui ne sont pas toujours objectifs et transparents et font fréquemment l’objet de critiques et de débats politiques[54]. On peut citer par exemple le programme national d’investissement « Anghel Saligny », qui visait à répartir plus de 10 milliards d’euros entre les collectivités locales pour divers projets de développement[55].Plusieurs organisations ont pointé les risques de mauvaise gestion dus au flou entourant les critères relatifs aux modalités de la sélection, de la mise en œuvre, du suivi et de l’audit des projets[56]. Lors de la procédure de consultation, le ministère du Développement, des Travaux publics et de l’Administration a affirmé que les fonds étaient attribués selon un algorithme incluant les critères suivants : le nombre d’unités administratives-territoriales, la population, les impôts sur le revenu collectés à l’échelle du département, les besoins liés à la modernisation du réseau routier et aux systèmes d’approvisionnement en eau et d’évacuation des eaux usées (sur la base d’indicateurs statistiques officiels disponibles pour les dernières années). Le ministère a ajouté que l’allocation s’étend à toutes les unités administratives-territoriales qui demandent un financement (un total de 3 140 administrations locales, sur 3 228, en ont bénéficié) et que le montant alloué dépend de seuils de population définis pour chaque département et chaque type d’investissement.

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


L’article 9, paragraphe 6, de la Charte se réfère au principe général de la consultation, tel qu’affirmé à l’article 4.6. En l’occurrence, la consultation doit porter sur la manière dont les ressources redistribuées doivent être allouées aux collectivités locales par les autres échelons d’administration. En vertu de l’article?9.6, la consultation n’est pas simplement une procédure obligatoire devant se dérouler en temps opportun avant la décision finale, car elle porte non seulement sur la décision elle-même, mais également sur les modalités et les critères applicables au processus décisionnel[53].

La consultation des collectivités locales au moment de l’adoption de décisions qui les affectent substantiellement est une obligation juridique énoncée dans la législation qui régit l’action de ces collectivités, y compris sur le plan financier.

La loi n° 273/2006 définit le principe de la consultation : les organes des administrations publiques locales, par le biais de leurs structures associatives, doivent être consultés sur le processus de transfert de ressources financières du budget de l’État vers les budgets locaux.

Le Code administratif établit une série de règles obligatoires à cet égard ; ainsi, il est obligatoire de consulter les structures associatives des organes des administrations publiques locales sur les règles du processus de décentralisation et les étapes du transfert de compétences.

Dans le même temps, le Code administratif établit un Comité technique interministériel pour la décentralisation et un Comité pour les finances publiques locales, dotés d’un rôle de coordination et de consultation dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de décentralisation financière et fiscale. Ces comités comptent parmi leurs membres les représentants des structures associatives des autorités locales, à savoir :

a) l’Association des communes de Roumanie,

b) l’Association des villes de Roumanie,

c) l’Association des municipalités de Roumanie,

d) l’Union nationale des conseils départementaux de Roumanie.

Lorsqu’ils envisagent un projet d’acte normatif qui concerne directement l’administration publique locale et/ou qui a un impact sur les communautés locales, les organes de l’administration publique centrale sont tenus de consulter les structures associatives des pouvoirs locaux avant l’adoption/approbation de cet acte.

Lors de la visite de suivi, l’Association des communes de Roumanie a souligné que le processus de consultation repose sur un dialogue authentique et requiert une participation active du Comité pour les finances publiques locales. Celui-ci est un organe ayant un rôle consultatif dans le processus d’élaboration des réglementations financières qui concernent directement les budgets locaux et dans la définition des montants de péréquation alloués chaque année du budget de l’État vers ceux des collectivités locales.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


L’article 9, paragraphe 5, concerne la situation financière des communes désavantagées financièrement du fait qu’elles se trouvent dans des régions économiquement ou géographiquement défavorisées (régions en transition, de montagne ou insulaires), ou simplement parce qu’elles sont trop petites pour obtenir les ressources nécessaires pour exécuter leurs tâches.

Les inégalités territoriales sont importantes en Roumanie. 26,6 % du PIB proviennent de la région de développement de Bucarest-Ilfov. D’après les statistiques sur la contribution des départements et des régions au PIB, cette région est suivie de la Munténie du Sud (12,3 %), de la région Nord-Ouest (11,8 %) et du Centre (11,5 %). Les régions de développement de la partie orientale du pays ont amélioré leur performance relative en parvenant à passer le seuil des 10 pour cent (10,5 % pour le Sud-Est et 10,2 % pour le Nord-Est). Sous ce seuil, pour différentes raisons, on trouve la région de développement Ouest (quatre départements seulement, représentant 9,6 % du PIB) et l’Olténie du sud-ouest (7,4 %, à la fois parce que cette région concentre la pauvreté dans le pays et parce qu’elle ne compte que cinq départements[52]).

Les dotations issues respectivement de l’impôt sur le revenu (14 %) et de la TVA à des fins d’ajustement sont attribuées en pourcentages du budget propre du département (15 % en 2021 et 2022) et des budgets locaux des communes, villes et municipalités/cités (85 %). La répartition des 85 % en question obéit à une formule de péréquation visant à assurer un niveau minimal de recettes par habitant et par an (par exemple, 830 lei par habitant et par an en 2021).

À l’heure actuelle, le système de péréquation vise à la fois à réduire le déséquilibre (horizontal) entre les capacités financières des unités administratives-territoriales et à financer expressément certaines compétences déléguées aux collectivités locales, en particulier les dépenses sociales.

Après 2019, outre ces critères liés à la capacité financière des unités administratives-territoriales, de nouveaux critères ont été adoptés pour compenser les pertes liées à la baisse du taux de TVA (de 16 % à 10 %), s’ajuster aux dépenses transférées dans le domaine social et couvrir le volet fonctionnement des budgets locaux. De ce fait, le système de péréquation est aujourd’hui d’une complexité sans précédent, ce qui peut affecter son objectivité et sa transparence.

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


L’article 9, paragraphe 3, requiert qu’une partie au moins des ressources financières des collectivités locales provienne de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi. La Charte ne précise pas que les ressources propres d’une collectivité locale doivent comporter une proportion uniforme d’impôts locaux, mais elle requiert qu’une partie « au moins » de ces ressources provienne de redevances et d’impôts locaux. Cette partie doit être suffisamment importante pour garantir aux collectivités locales une indépendance financière aussi grande que possible.

En Roumanie, d’après les chiffres disponibles (voir plus haut), la fiscalité représentait 17,9 % des recettes locales en 2021. Les autorités locales jouissent d’une liberté de décision quant à la détermination des redevances et impôts locaux ; elles sont en effet libres de les augmenter pour couvrir leurs besoins en financement au regard des missions qui leur sont confiées par la loi – bien que la délégation ait été informée que très souvent, les autorités locales sont réticentes à augmenter les impôts locaux. Cette réticence découle souvent de considération politiques, par exemple la volonté de préserver une bonne réputation, et peut avoir un effet dommageable sur les fonds disponibles.

En outre, l’impôt sur le revenu collecté au niveau de l’unité administrative-territoriale est entièrement reversé aux collectivités locales (ce qui représentait 33,9 % des recettes locales en 2021). La loi sur les finances publiques locales dispose que 71,5 % de l’impôt sur le revenu reste au niveau des unités administratives-territoriales, mais à compter de 2019, en vertu des lois annuelles sur les finances, cette part a été rehaussée à 100 %. Les sommes concernées sont réparties comme suit : 63 % vont aux budgets locaux des communes, des villes et des municipalités/cités ; 15 % au budget du département (conseil départemental) ; 14 % à l’équilibrage des budgets locaux des communes, villes et municipalités, ainsi qu’au budget local du département ; 6 % vont aux budgets locaux des communes, villes et municipalités/cités sur décision du conseil départemental ; et les 2 % restants vont au financement des institutions culturelles.

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


Un autre principe fondamental, énoncé à l’article 9, paragraphe 2, requiert que les collectivités locales disposent de ressources financières suffisantes proportionnées aux compétences qui leur sont confiées par la loi. Ce paragraphe consacre le principe de proportionnalité des ressources financières des collectivités locales. En d’autres termes, les ressources dont celles-ci disposent doivent être suffisantes et proportionnées à leurs fonctions et tâches. À cette fin, tout transfert de compétences ou de tâches doit s’appuyer sur un calcul minutieux des coûts réels de la prestation des services qui devront être assumés par les collectivités locales. Les coûts des tâches obligatoires et déléguées peuvent inclure plusieurs indicateurs (par exemple, la répartition socio-économique des habitants locaux) pour arriver à des calculs plus précis et éviter des décisions politiques arbitraires[51].

Au cours des réunions, il a été souligné que plusieurs compétences avaient été transférées du niveau central aux collectivités locales. Le Code administratif (GEO 57/2019) dispose clairement qu’un des principes de la décentralisation concerne la garantie de ressources correspondant aux compétences transférées [article 76, alinéa b]. De plus, le Code dispose aussi que le gouvernement, les ministères et d’autres organes spécialisés de l’administration publique centrale garantissent, en collaboration avec les structures administratives des autorités d’administration publique locales, la corrélation durable entre les responsabilités transférées et les ressources correspondantes, de manière à couvrir la variation des coûts liés à l’offre des services et équipements publics décentralisés [article 78(3)], or dans certaines situations, ce transfert de compétences ne s’accompagne pas entièrement du transfert des ressources financières nécessaires pour les exercer correctement. En outre, les administrations publiques locales ne prennent connaissance du budget qui leur est alloué qu’au moment de l’adoption de la loi de finances annuelle de l’État, c’est-à-dire pas avant décembre de l’année en cours pour un exercice démarrant en janvier. Il est arrivé, certaines années, que l’administration publique locale reste dans l’ignorance sur ce point jusqu’aux mois de février-mars. Cette incertitude empêche les collectivités locales de programmer correctement leurs activités et nuit à l’efficacité de l’action publique locale.

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.


L’article 9, paragraphe 1, de la Charte établit deux principes fondamentaux dans le domaine des finances. Premièrement, les collectivités locales doivent disposer de ressources financières propres ; le droit à des ressources « suffisantes » n’est pas absolu mais doit s’exercer « dans le cadre de la politique économique nationale ».Cette liberté prend la forme de diverses décisions concernant les dépenses, la plus importante étant l’adoption d’un budget annuel. Toute limite ou restriction imposée aux collectivités locales par des autorités supérieures devrait être précisée et justifiée et viser à garantir la stabilité macroéconomique.

Ce paragraphe n’est que partiellement respecté par la Roumanie. Les ressources financières ne sont pas toujours suffisantes, et dans de nombreux cas, les critères appliqués pour les répartir entre les collectivités locales ne sont pas transparents et peuvent faire l’objet d’ingérences politiques. Bien que les collectivités locales aient des ressources propres, la part provenant des impôts locaux est limitée, si bien qu’elles dépendent surtout de fonds étatiques ou européens.

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


L’article 9, paragraphe 4, requiert que les ressources dont disposent les collectivités locales soient de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution (l’augmentation) réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences.

En Roumanie, les revenus des autorités locales peuvent provenir de différentes sources (impôts et taxes au niveau local, transferts ou autres).Les collectivités locales peuvent adapter leurs recettes propres aux circonstances : par exemple, si le produit de l’impôt local diminue pour des raisons économiques générales, une collectivité locale peut décider d’augmenter les droits et redevances payés par les usagers des services locaux (en particulier dans les zones urbaines) afin de compenser la baisse des recettes.

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


 L’article 10, paragraphe 1, concerne les types de coopération visant la réalisation de tâches d’intérêt commun. Il requiert que les collectivités locales disposent d’un droit général de coopérer entre elles pour proposer des services locaux ou exercer leurs responsabilités. La coopération intercommunale (ou la coopération à d’autres niveaux d’autorité locale) est un outil fondamental pour les collectivités locales aux fins de la prestation des services, dans la mesure où nombre d’entre elles sont trop petites ou trop faibles (financièrement) pour assurer tous les services qu’elles sont censées assurer ou pour appliquer de véritables stratégies ou politiques locales. À ce droit général de coopérer avec d’autres collectivités locales s’ajoute le droit, plus spécifique, de s’associer avec d’autres collectivités locales, c’est-à-dire de créer des organisations distinctes. Bien que la Charte ne mentionne qu’un droit d’association, le droit spécifique de créer des structures institutionnelles communes, distinctes des collectivités locales qui les composent, peut prendre des formes diverses[58].

Plusieurs méthodes de coopération entre unités administratives-territoriales ont fait l’objet d’une réglementation, en vue d’accroître la capacité administrative des collectivités locales à assurer à leurs habitants des services publics de bonne qualité.

En vertu de l’article 89 du Code administratif, deux unités administratives ou plus ont le droit, dans la limite des compétences octroyées à leurs autorités délibérantes et exécutives, de coopérer et de s’associer, conformément à la loi, en créant des associations de développement interlocalités. Ces associations sont des personnes morales de droit privé et d’utilité publique qui mènent ensemble un projet de développement d’intérêt régional ou local ou assurent ensemble certains services publics. En outre, des activités relevant des missions des collectivités locales peuvent être menées à bien par des associations de collectivités locales déclarées d’intérêt public et jouissant de la personnalité juridique au niveau départemental. Lors de la procédure de consultation, le ministère du Développement, des Travaux publics et de l’Administration a informé la délégation qu’en 2022 le Parlement roumain a adopté la loi sur les zones métropolitaines, laquelle apporte une réponse législative à une réalité territoriale qui se manifestait en Roumanie depuis au moins deux décennies (la croissance des villes, notamment la capitale et les métropoles régionales de la première couronne périurbaine, et l’extension de leur influence sur les unités administratives locales voisines, principalement sous la forme d’une intégration fonctionnelle des marchés du travail qui engendre des effets de proximité, tant positifs (emplois, innovation) que négatifs (concentration, pollution). Le ministère a ajouté que cette loi établit le cadre institutionnel, les objectifs, les compétences et les instruments spécifiques de la politique de développement métropolitain de la Roumanie. L’objectif ultime de la loi est d’accroître la qualité de vie et la cohésion territoriale en résolvant les problèmes actuels à une échelle adéquate qui améliorera l’efficacité des investissements dans les infrastructures et l’offre de services publics au niveau supralocal.

Une disposition spéciale a été adoptée pour faciliter la coopération entre communes dans le domaine de l’urbanisme et du développement du territoire, qui souffre d’une pénurie de professionnels (architectes en chef, notamment), afin d’assurer la prestation commune de services publics dans ces domaines ainsi que la délivrance des certificats d’urbanisme et des permis de construire[59].

Autre forme d’association : les zones métropolitaines, créées avec l’accord exprès des conseils locaux des unités administratives concernées ; leur but est de développer les infrastructures et de fixer des objectifs de développement d’intérêt commun.

Lors de la visite, la délégation a été informée que le gouvernement avait entrepris la rédaction d’une nouvelle loi, destinée à faciliter la coopération entre les communes rurales à l’aide de regroupements administratifs. Lors de la procédure de consultation, le ministère du Développement, des Travaux publics et de l’Administration a informé la délégation que le Parlement roumain avait adopté la loi sur les regroupements administratifs en décembre 2022.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


Ce paragraphe de la Charte reconnaît clairement et énonce un autre droit des collectivités locales, à savoir celui d’adhérer : a) à une association nationale pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et b) à une association internationale de collectivités locales.

Les « associations » évoquées dans le paragraphe 2 sont différentes de celles dont il est question dans le paragraphe 1. Celles-ci sont constituées en vue de la mise en œuvre de services, de programmes et de projets locaux et sont des instruments destinés à l’exercice de tâches et responsabilités. À l’inverse, les associations évoquées dans l’article 10.2 ont pour vocation de promouvoir des intérêts communs. Ces associations jouent un rôle fondamental dans la représentation et la défense des droits, pouvoirs et intérêts des collectivités locales et mènent de nombreuses activités au nom de toutes ces collectivités (et pas seulement en faveur de leurs membres[60]).

En Roumanie, les associations de collectivités locales[61] et l’association des départements[62] sont explicitement reconnues par la législation. L’article 86 du Code administratif mentionne l’Association des communes de Roumanie, l’Association des villes de Roumanie, l’Association des municipalités de Roumanie, l’Union nationale des conseils départementaux de Roumanie et « les autres formes associatives d’intérêt général, établies conformément à la loi ». Toutes ces associations doivent être consultées par le gouvernement, selon les modalités décrites ci-dessus (concernant l’article 4.6).

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


L’article 10, paragraphe 3, concerne la coopération des collectivités territoriales avec leurs homologues d’autres États. Le droit de participer à la coopération transfrontalière est également protégé.

La Roumanie a signé et ratifié la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 106).La législation reconnaît la possibilité, pour les collectivités locales, de coopérer et de s’associer avec des unités administratives étrangères, ainsi que celle d’adhérer à des organisations internationales de pouvoirs locaux ; les unités administratives situées dans des zones frontalières peuvent conclure des accords de coopération transfrontaliers avec des structures similaires dans les pays voisins.Les collectivités locales roumaines peuvent conclure des accords de jumelage/coopération avec les collectivités locales d’autres pays.

Lors de la visite de suivi, la délégation a été informée que la coopération transfrontalière, dans le cas du département de Giurgiu avec la Bulgarie, constituait un élément de la politique de développement régionale, destinée à assurer la croissance économique et un développement équilibré et durable des régions frontalières. Le conseil départemental de Giurgiu est membre de l’association Eurorégion Danube Giurgiu-Ruse (coopération transfrontalière entre la Roumanie et la Bulgarie) et mène des projets de développement commun dans le cadre des programmes transfrontaliers de l’UE.

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


L’article 11 de la Charte concerne le droit à un recours juridictionnel effectif en vue de garantir le respect de l’autonomie locale. Il insiste sur le fait que les collectivités locales doivent jouir du droit de revendiquer et de défendre devant les tribunaux les principes de l’autonomie locale, en particulier dans le cadre de contentieux autour de cas où leurs droits et pouvoirs sont contestés ou réduits, ou bien menacés par les niveaux supérieurs du gouvernement (pouvoir central ou régional). Par « recours juridictionnel », on entend l’accès d’une collectivité locale soit à un tribunal dûment constitué, soit à un organe légal équivalent et indépendant[63].

En Roumanie, les pouvoirs locaux ne jouissent pas d’un accès spécial à la Cour constitutionnelle ou à d’autres juridictions. Ils doivent remplir les conditions ordinaires pour pouvoir les saisir. Ils ont donc le droit de se tourner vers les tribunaux pour défendre le libre exercice de leurs compétences et le respect du principe de l’autonomie locale, tel qu’affirmé dans la Constitution ou dans la législation interne. En vertu de l’article 1 de la loi n° 554/2004 sur les tribunaux administratifs, les pouvoirs locaux peuvent demander au tribunal administratif d’annuler un acte contesté, de reconnaître un droit ou un intérêt légitime et de réparer les dommages causés par un organe du gouvernement central[64].

Dans ses réponses écrites aux rapporteurs, l’Association des communes de Roumanie a souligné qu’en vertu de la loi n° 554/2004, les procédures se limitaient aux actes administratifs et que les autorités locales n’étaient pas en mesure de contester des lois ou des ordonnances d’urgence, car elles ne peuvent saisir directement la Cour constitutionnelle. Elle précisait toutefois, dans le même document, avoir déposé le 14 juin 2021 une plainte auprès de la Cour d’appel de Bucarest, section IX : Litiges administratifs et fiscaux, pour contraindre le gouvernement roumain à publier une décision quant à la procédure et à la méthodologie d’application de l’article?210 du Code administratif et de ses modifications et ajouts subséquents. La Cour d’appel a jugé qu’une saisie de la Cour constitutionnelle de Roumanie était recevable, sauf inconstitutionnalité des dispositions.

De fait, il est possible en Roumanie de dénoncer indirectement devant la Cour constitutionnelle des lois et des ordonnances, par le biais des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant les juridictions ordinaires (article 146 d) de la Constitution).

ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

En Roumanie, le principe de l’autonomie locale est reconnu dans la Constitution – articles 120 et 121 – et dans d’autres actes normatifs.



30Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
0 Disposition(s) non ratifiée(s)
26Disposition(s) conforme(s)
4Articles partiellement conformes
0Article non conforme