Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.
En Andorre, les municipalités disposent, outre d’un recours juridictionnel ordinaire, de la capacité de porter directement plainte à titre individuel devant le Tribunal constitutionnel. Selon l’article 82.1 de la Constitution, « les litiges relatifs à l’interprétation ou à l’exercice des compétences entre les organes généraux de l’État et les communes sont tranchés par le Tribunal Constitutionnel ». En pratique, seuls une quinzaine de recours ont été formés devant le Tribunal constitutionnel entre 1997 et 2023. Jusqu’à présent, la Charte européenne de l'autonomie locale n'a jamais été citée par les communes pour faire valoir leurs droits.
Si les actes, les résolutions ou les dispositions normatives du Conseil général ou du Gouvernement empiètent sur le domaine de compétence réservé aux communes par la Constitution ou si ces dernières exercent des compétences réservées au Conseil général, au Gouvernement ou à une autre commune, les organes lésés peuvent introduire un recours en conflit de compétences devant le Tribunal constitutionnel (article 69 de la Loi qualifiée sur le Tribunal constitutionnel). Les conflits positifs de compétence entre les collectivités locales et les organes généraux de l’État, concernent les lois qualifiées qui règlent les compétences et les attributions financières des paroisses, en tant que règles devant être considérées conjointement avec la Constitution pour déterminer le détenteur de la compétence en litige. Il s'agit de conflit négatif de compétences, lorsque le défaut d'exercice d'une compétence d'un organe général de l’État ou d'une commune empêche, entrave ou porte atteinte à un autre organe dans l’exercice d'une compétence lui étant propre, ou viole un droit subjectif des particuliers.
Selon sa jurisprudence, dans le cadre d'un conflit de compétences, le Tribunal constitutionnel ne peut se prononcer que sur la question de la délimitation de compétences et non sur la constitutionnalité -pour d'autres raisons que l'incompétence- des textes discutés (Arrêt du 13 mars 1998, affaire 1997?1?CC). Le Tribunal Constitutionnel a considéré, par ailleurs, que les matières attribuées aux communes par l'article 80 de la Constitution (recensement de la population, établissement des listes électorales, participation à l'organisation et au déroulement des élections dans les conditions prévues par la loi, consultations populaires, commerce, industrie et activités professionnelles, délimitation du territoire communal, biens du domaine privé et du domaine public communal, ressources naturelles, cadastre, urbanisme, voies publiques, culture, sports et activités sociales et services publics communaux) constituent une liste de compétences minimales (arrêt du 12 mai 1997, affaire 97-2-L) qui, en conséquence, ne peut pas être interprétée restrictivement, mais compte tenu aussi bien de ses connexions matérielles, que du principe général de coordination (arrêt du 9 mai 2003, affaire 2003?1?CC).
Le Tribunal constitutionnel d'Andorre n'a connu que d'un seul conflit de compétences depuis l'entrée en vigueur de la Charte (01/07/2011), l'affaire 2018-1-CC déposée par la commune d'Andorre-la-Vieille qui portait sur les limites du territoire établies par le plan d'aménagement de la commune de Sant Julià de Lòria et qui a été déclaré irrecevable parce que le litige qui opposait les deux collectivités locales était un litige d'ordre territorial et il était donc du ressort de la juridiction civile de le résoudre. Ainsi, selon l'article 73 b) de la LQTC, le Tribunal a considéré que le conflit « doit être instruit par des voies de procédure différente », en l'espèce par la voie ordinaire civile.
De plus, trois communes agissant conjointement peuvent introduire des recours en inconstitutionnalité contre des lois ou décrets dans un délai de 30 jours à compter de leur publication au Journal officiel. Le Tribunal constitutionnel doit alors se prononcer dans les deux mois (articles 83 et 99 de la Constitution). On dénombre au total 8 recours en inconstitutionnalité formés par les communes.
Enfin, en vertu de l’article 102 de la Constitution, chaque commune peut introduire, à titre individuel, un recours « d’empara » (notamment pour protéger leurs compétences). Les autorités locales saisissent fréquemment le Tribunal constitutionnel de recours d'empara lorsqu'elles considèrent que les garanties procédurales auxquelles elles ont droit au cours d'un procès contre des particuliers et contre d'autres Comuns n'ont pas été respectées par les juges ordinaires. La plupart des recours d’empara sont ainsi dirigés contre des décisions juridictionnelles et non contre les décisions du Gouvernement. Depuis 2006, le Tribunal constitutionnel a été saisi à 17 reprises. Il a déclaré huit recours irrecevables et sur les neuf recours recevables six ont été acceptés et trois rejetés.
Dans l'arrêt du 25 mai 2007, affaire 2006-22 i 25-RE, le Tribunal constitutionnel a affirmé que « le Comú d'Escaldes-Engordany est pleinement fondé pour former un recours d'empara pour assurer la protection des droits inscrits à l'article 10 de la Constitution », parce que « non seulement les personnes physiques sont titulaires de droits fondamentaux mais les personnes morales aussi, parmi eux celui de jouir de la protection judiciaire effective de l'article 10 de la Constitution. Or, s'il faut distinguer entre ce droit et ses garanties procédurales, il est logique que, là où il existe un recours d'empara, comme dans le cas de l'Andorre, celui qui détient ces droits est fondé pour demander leur protection au Tribunal constitutionnel, par la voie de l'empara, ce qui en résulte littéralement de l'article 102 de la Constitution. L'évolution dans ce sens du droit comparé, par exemple le droit allemand, pourrait justifier le cas échéant cet argument. En conséquence, en vertu de la personnalité juridique des Comuns, et de l'article 2.2 de la Loi qualifiée sur la délimitation des compétences des Comuns, du 4 novembre 1993, il faut affirmer leur droit à la protection judiciaire effective et donc leur capacité pour saisir le Tribunal constitutionnel d'un recours d'empara ». (…) « La doctrine et la jurisprudence comparée ont signalé des « spécificités » quant à protection judiciaire effective des personnes morales publiques, et plus spécialement aux personnes qui sont investies de pouvoirs. Néanmoins, en l'espèce, puisque le Comú requérant a défendu ses droits dans les différentes instances au cours d'un procès judiciaire ordinaire, en égalité avec la partie demanderesse, rien ne peut lui retirer son droit à obtenir une décision fondée en droit sur sa prétention ».
Par ailleurs, l’article 23 loi du 20 octobre 2017 sur les transferts aux communes prévoit un recours spécifique contre la décision du gouvernement qui détermine les montants des transferts alloués chaque année aux différentes communes. La commune, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la liquidation émise par le ministère chargé des finances, peut introduire un recours devant le Gouvernement. Une fois la contestation déposée, le Gouvernement la transmet au reste des communes, qui sont également constituées comme parties à la procédure, et peuvent formuler des observations dans un délai d'un mois. Le Gouvernement doit statuer sur la contestation formulée par les communes dans un délai de deux mois à compter de la réception des observations des communes. La contestation de la commune est considérée comme rejetée si, dans un délai de trois mois à compter de la date de la contestation, le Gouvernement n'a pas statué expressément. Le dépôt d'une contestation par une ou plusieurs communes de la liquidation formulée par le ministère chargé des finances ne suspend ni ne modifie le paiement des transferts prévus dans la même liquidation, ni pour la commune réclamante ni pour les autres communes, sauf résolution expresse à cet effet, également contestable selon la même procédure. La décision du gouvernement relative à la contestation formulée par la commune peut faire l’objet d’un recours juridictionnel dans un délai d'un mois, qui est traitée selon la procédure établie dans le droit de la juridiction administrative et fiscale. Il a été indiqué aux rapporteurs par le ministre des Finances que plusieurs recours ont ainsi été introduits par les communes sur la base de cette disposition légale. La plus récente des divergences entre le Gouvernement et les communes concerne une question liée au transferts financiers vers les communes, en application des lois qualifiées relatives aux compétences (2017) et aux transferts financiers (2018). Il s’agit d’une action intentée par les communes le 24 février 2022 (par la voie judiciaire ordinaire administrative) relative à une divergence sur les critères d’exécution des liquidations des transferts liée à l’exercice budgétaire de 2017. Il s’agit essentiellement d’une question d’interprétation juridique qui engendre, néanmoins, d’éventuelles conséquences économiques pour les collectivités concernées.
Par conséquent, les rapporteurs considèrent que les exigences énoncées à l’article 11 de la Charte sont pleinement respectées en Andorre.