Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.
Ce paragraphe traite des impôts et redevances locaux, lesquels sont généralement considérés comme des ressources de droit public de l’administration publique. Le pouvoir de prélèvement fiscal est une preuve directe de l’autonomie financière des collectivités locales[12].
La fiscalité locale constitue la fondation du financement des services locaux par les recettes locales. Il s’agit donc d’un indicateur critique pour mesurer l’autonomie locale, de même que le ratio des revenus propres ou la proportion des transferts de l’administration centrale dans le budget local total. Ainsi, les collectivités locales jouissant de la plus grande autonomie financière sont celles dont le budget comporte une grande part de recettes locales, la plus grande autonomie financière revenant aux collectivités locales ayant une plus grande part des recettes locales, ce qui leur confère la capacité de financer les tâches obligatoires.
La Charte ne fixe pas un ratio uniforme entre les impôts locaux et les ressources propres des collectivités locales, mais, en tout état de cause, elle prévoit qu’une partie « au moins » desdites ressources doit provenir de redevances et d’impôts locaux. Cette partie doit être suffisamment importante pour assurer la plus grande indépendance financière possible aux collectivités locales. AÌ€ la lumieÌ€re de l’article 9.3, un impoÌ‚t ne peut eÌ‚tre qualifieÌ de purement local que si la collectiviteÌ concerneÌe a le pouvoir d’en fixer le taux « dans les limites de la loi ». Par conseÌquent, la leÌgislation fiscale applicable peut deÌterminer une « fourchette » de taux d’imposition, dans le cadre de laquelle la collectiviteÌ locale peut deÌterminer librement le taux reÌel de l’impoÌ‚t. En outre, les collectiviteÌs locales doivent eÌgalement jouir du pouvoir d’approuver des reÌ€glements internes reÌglant les deÌtails techniques et opeÌrationnels de la perception de l’impoÌ‚t (types de taux, deÌductions, programmes d’alleÌ€gements fiscaux, etc.), afin que les dispositions geÌneÌrales de la loi puissent eÌ‚tre adapteÌes aux circonstances et besoins locaux.
L’article 11 de la loi n° 68/2017 sur les finances des collectivités locales régit les revenus propres des collectivités. Elle énumère les différentes taxes locales à savoir :
a. Taxe sur la propriété immobilière, qui comprend une taxe sur les bâtiments, une taxe sur les terres agricoles et une taxe sur les terrains urbains, ainsi que les transactions effectuées sur ces derniers ;
b. Taxe sur l'impact des infrastructures des nouveaux bâtiments ;
c. Taxe d'hébergement hôtelier ;
d. Taxe sur les panneaux publicitaires ;
e. Impôts temporaires établis conformément à la loi ;
f. Impôts locaux sur l'activité économique des petites entreprises ;
g. Impôts sur le revenu personnel, les impôts sur les revenus provenant des dons, héritages, testaments et loteries locales ;
h. Autres impôts définis par la loi.
Les sources de revenus propres les plus importantes sont : la taxe foncière récurrente, la taxe sur l'impact des nouvelles constructions sur les infrastructures (IIT) et les redevances et frais locaux pour les services locaux. Jusqu'à récemment, la taxe sur les petites entreprises (SBT) était également une source de revenus importante pour les collectivités locales. Depuis 2006, l'assiette de la SBT a été réduite à plusieurs reprises et, dans la période 2013-2015, elle a été transformée en pratique en un impôt partagé qui est maintenant perçu par le gouvernement national et dont la grande majorité des petites entreprises sont exemptées. Le rendement de la SBT en 2017 n'est que de 10 % de ce que les collectivités locales ont perçues par elles-mêmes en 2008.
L’article 14 de la loi de 2017 prévoit par ailleurs que les collectivités locales peuvent fixer des redevances pour un service fourni ou un droit accordé à des personnes physiques ou morales. Les collectivités locales peuvent tirer des recettes de certaines redevances telles qu’issues de l’occupation de l’espace public ou la collecte et l’élimination des déchets par exemple.
Les gouvernements locaux peuvent également tirer des revenus de la location de propriétés municipales, de la vente de biens immobiliers locaux conformément à la législation applicable, d’activités économiques. Les taux des taxes locales restent encadrés par les lois nationales qui établissent un plancher et un plafond pour chacune d’entre elles, les conseils municipaux restant libres de moduler les taxes dans les limites prévues par la loi. Le niveau des redevances locales est déterminé par le conseil de la municipalité, sauf indication contraire par des lois spécifiques. Il vise à couvrir les coûts et est directement proportionnel à la consommation des particuliers.
D’après l’Observatoire mondial des finances et des investissements des collectivités territoriales (SNG WOFI)[13], en 2016, les collectivités locales albanaises restaient fortement dépendantes des subventions fiscales, qui représentaient 76 % de leurs recettes totales en 2016, tandis que les recettes fiscales - y compris les impôts partagés et les impôts propres - ne représentaient qu'environ 16 %. Ces ratios contrastaient avec les moyennes de l'UE (44 % pour les subventions et les aides, et 41 % pour les recettes fiscales) et constituaient une indication de forts déséquilibres verticaux fiscaux.
Après l’adoption de la nouvelle loi sur finances en 2017, selon les données fournies par NALAS[14] en 2019, les revenus propres représentaient 42 % du budget local total (la moyenne pour les Balkans occidentaux est de 39%) tandis que les impôts partagés n’en représentaient que 3% (la moyenne pour les Balkans occidentaux est de 14%). La proportion des transferts de l’administration centrale dans le budget local total était de 56%. En 2020, l’impact de la crise sanitaire s’est traduit par une baisse de 4,9% des recettes des impôts locaux et de 5,3% des ressources propres alors que dans le même teps les transferts de l’État augmentaient de 3,6%.
Bien qu’une partie de ressources propres provienne de redevances et d’impôts locaux, il semble aux rapporteurs que cette part des ressources propres n’est pas encore suffisante pour assurer l’indépendance financière aux collectivités locales. Les rapporteurs considèrent que la part des impôts partagés avec l’État pourrait être augmentée de manière significative.
En pratique la perception de certaines taxes peut également poser problème. Il en va ainsi notamment de la perception de la taxe immobilière, qui doit devenir un élément central du système fiscal local. Faute d’informations récentes relatives aux données cadastrales fournies par l’État pour établir cette taxe, les municipalités ne sont pas en mesure d’établir les bases de cette imposition à partir de données fiables, ce qui a pour conséquence des pertes de recettes. Pour remédier à cette situation dommageable pour les finances locales, l’État a entrepris une numérisation des biens immobiliers pour permettre le calcul de cette taxe dont la base est la valeur du marché des biens assujettis. L’État doit fournir aux municipalités des informations fiables concernant le cadastre pour leur permettre d’établir les bases de la taxe immobilière qui constitue l’élément central du système de fiscalité locale.