Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.
Les communes ont des terrains, des équipements, des ressources financières (argent) et des droits. A l’exception d’éventuelles fonctions déléguées (à l’avenir), toutes les communes ont les mêmes responsabilités en matière de dépenses. La ville de Skopje est la seule à être régie par des dispositions juridiques spéciales pour le partage des compétences avec les 10 communes qui la composent.
La loi détermine la façon dont les communes peuvent disposer de leurs biens et en assurer la gestion. La loi de 2004 sur le financement des collectivités locales (ci-après la « loi de finances ») a relancé le processus de décentralisation budgétaire.
En 2005, conformément à la loi précitée, les communes ont reçu le pouvoir d’administrer pleinement et de collecter l’impôt foncier et les impôts liés à la cession d’un bien, ainsi que certaines redevances locales. Le taux des impôts et taxes est fixé en fonction des seuils et des plafonds autorisés par la loi. La détermination du pourcentage exact incombe au conseil municipal. Par exemple, la loi relative aux impôts fonciers prévoit des taux allant de 0,1 à 0,2 % de la valeur estimée des biens d’un citoyen. Chaque conseil municipal peut décider du montant applicable dans la commune concernée. De fait, une seule commune (GjorÄÂe Petrov) a fixé le montant maximum de 0,2 %. Toutes les autres appliquent le montant minimum.
Taxes et ressources locales
Les sources de revenu des communes (article 4 de la loi de finances) s’établissent comme suit : les impôts locaux établis par la loi et administrés par les instances locales sont l’impôt foncier, l’impôt sur les successions et les donations, la taxe sur les transactions immobilières et 100 % de l’impôt sur le revenu des artisans ; les taxes locales déterminées par les collectivités locales et qu’elles sont en droit de collecter, à savoir les taxes communales et les taxes administratives ; les redevances locales, en particulier la redevance pour les travaux et aménagements réalisés sur des terrains constructibles, les taxes d’urbanisme et d’aménagement, et les redevances dues au titre de l’utilisation des services communaux ; les revenus liés aux biens immobiliers : produits de la vente ou de la location de biens et revenus générés par les taux d’intérêt ; les revenus provenant des amendes qui sont fixées et collectées à titre de sanction en cas de non-respect de la réglementation des communes ; les donations (à noter actuellement l’importance des donations étrangères) ; les prêts (sous réserve de l’autorisation de l’Etat) ; les subventions émanant de fonds divers, comme le fonds pour les zones économiquement sous-développées, le fonds pour la voirie et les activités communales, le fonds pour les conduites d’eau et le réseau d’égout ; Dotations et subventions : dotations spécifiques et non spécifiques, dotation globale de fonctionnement, subventions pour les investissements, dotations pour l’exercice des compétences déléguées.
Revenus partagés, en particulier attribution d’une part d’impôts nationaux
Les revenus partagés proviennent de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : les communes en reçoivent 3 % dans les deux cas. D’ici à 2013, la part de la TVA qui leur revient sera portée à 4,5 % (en pratique, à la fin 2011, ce quota avait déjà atteint 3,7 %).
La dotation sur la TVA est une dotation générale qui n’est soumise à aucune condition et peut être librement utilisée en fonction des besoins d’une commune. La répartition des fonds se fait conformément aux critères déterminés dans le décret portant sur la répartition des recettes de la TVA. Les recettes totales de TVA collectées au cours de l’année fiscale précédente doivent être réparties comme suit : un montant fixe (trois millions de denars macédoniens, soit environ 48 580 euros) pour toutes les communes (y compris Skopje et ses communes) et un montant variable (12 % pour Skopje et ses communes et 88 % pour toutes les autres). Ce dernier montant est réparti selon les critères suivants : 65 % en fonction du nombre d’habitants, 27 % en fonction de la superficie de la commune et 8 % en fonction du nombre de zones habitées.
La part moyenne des recettes fiscales dans les budgets des collectivités locales était de l’ordre de 30 %. En 2007, elles représentaient 37,8 % du total, en 2008, 21,2 %, et, en 2010, 24,6 %, du fait de l’accroissement des transferts du budget central sous forme de dotations globales aux communes passées à la deuxième phase de la décentralisation budgétaire.
Les dispositions prévues par les lois spéciales ont encore accru les revenus des communes, notamment en partageant les revenus des concessions octroyées pour l’exploitation de ressources minérales (22 % pour l’Etat – 78 % pour les communes) et de la vente de terrains constructibles (20 % pour l’Etat – 80 % pour les communes), qui sont transférés du ministère des Transports et des Communications aux communes satisfaisant à certains critères administratifs. Actuellement, 14 communes ont le droit d’exercer la gestion foncière.
Dotations
Les dotations émanant du budget de l’Etat et des budgets de plusieurs fonds fournissent des revenus additionnels. Les dotations en capital sont utilisées pour financer des projets d’investissement sur la base d’un programme déterminé par le gouvernement. Leur emploi est contrôlé par les ministères compétents et par l’Agence pour la voirie routière nationale. Les dotations spécifiques sont utilisées pour le financement de certaines activités des communes qui sont dans la première phase de décentralisation budgétaire, dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la politique sociale, de la protection de l’enfance et de la lutte contre les incendies. Les ministères compétents proposent et contrôlent la répartition des dotations spécifiques par commune, projet, institution ou programme.
Les communes demandent que cet instrument financier leur soit transféré de façon à pouvoir décider elles-mêmes des investissements à financer (alors qu’actuellement cette décision appartient aux autorités centrales). De fait, dans certains cas, l’administration centrale a décidé de construire une école dans une commune sans avoir consulté cette dernière au préalable, alors que la commune avait d’autres priorités.
Lors de la deuxième étape du processus de décentralisation budgétaire, les communes financent les compétences transférées par des dotations globales qui couvrent les dépenses liées aux salaires et les coûts de la maintenance des bâtiments, des biens et des services. Les ministères compétents proposent la méthode de détermination des critères pour la répartition des dotations globales. Chaque année, l’Etat adopte un décret sur la méthodologie et les critères à suivre pour la répartition des dotations globales. Leur montant ne saurait être inférieur au montant de l’enveloppe du budget central utilisée aux mêmes fins pendant l’année précédant le transfert d’une compétence donnée.
Décentralisation budgétaire
La décentralisation budgétaire est un volet important de l’ensemble du processus de décentralisation car tout transfert de (nouvelles) compétences doit s’accompagner d’un transfert budgétaire et financier.
La loi de finances prévoit que la décentralisation budgétaire sera réalisée en deux phases (à compter du 1er juillet 2005). Lors de la première phase, deux conditions sont à remplir (article 46), à savoir que les communes aient au moins deux employés aptes à travailler dans les domaines de la gestion financière, de la préparation et de l’exécution du budget, de la comptabilité et de l’établissement des rapports financiers, et trois employés qualifiés en matière de détermination et collecte des taxes.
Pour pouvoir passer à la deuxième étape (qui devait commencer en juillet 2007, mais a été repoussée à janvier 2008), les communes doivent satisfaire aux critères suivants : a) remplir les deux conditions requises pour la première phase ; b) avoir obtenu de bons résultats financiers au cours des 24 mois précédents ; c) disposer des personnels adéquats dans le domaine de la gestion financière ; d) informer régulièrement et en temps voulu le ministère des Finances des bons résultats obtenus (vérification par ce ministère) ; e) ne pas avoir d’engagements en cours vis-à-vis de fournisseurs ou d’autres créanciers au-delà des délais normaux de règlement.
Pour contrôler et vérifier le respect de ces conditions, une commission a été créée en janvier 2007. Elle se réunit quatre ou cinq fois par ans et se compose d’un président, de neuf membres et d’un secrétaire. Elle compte parmi ses membres le président et le vice-président de l’association ZELS, des maires, des représentants des ministères compétents, des universitaires et des experts internationaux. Par ailleurs, un groupe de travail interministériel se réunit régulièrement, tous les deux mois.
D’après les informations fournies par la délégation au cours de la visite, à la fin 2011, 79 communes sur 85 étaient passées à la deuxième phase de la décentralisation, et six seulement (toutes situées dans la partie occidentale du pays) en étaient encore à la première phase. Quatre de ces six communes ont des dettes assez importantes, et deux d’entre elles n’ont pas la capacité de gestion financière suffisante. Des efforts supplémentaires sont nécessaires afin de les préparer au passage à la deuxième phase.
Dettes municipales, emprunts et péréquation financière
Avant l’adoption de la loi de finances, la législation sur l’autonomie locale n’envisageait aucun instrument de péréquation, c’est-à-dire destiné à équilibrer la situation financière des collectivités locales. Elle prévoyait toutefois des transferts et des fonds qui, bien que n’ayant pas été conçus pour cela à l’origine, étaient en pratique utilisés à des fins de péréquation. Le seul instrument de péréquation défini dans la nouvelle loi est le revenu à transférer provenant du produit de la TVA. Sans être explicitement mentionnées, les dotations globales sont également considérées comme des instruments que le gouvernement peut utiliser pour équilibrer la situation financière des collectivités locales. Dans la ville de Skopje et ses communes, un fonds conjoint a été établi aux fins de la péréquation (conformément à une méthodologie spécifique pour la répartition des fonds).
Pour remédier aux problèmes de liquidité des communes, un nouvel instrument a été introduit sous forme de prêts à court et à long terme (jusqu’à 10 ans) sur le budget central. Le gouvernement a approuvé 23 prêts de ce type dont 13 à court terme et 10 à long terme (avec une période de remboursement qui peut aller jusqu’à cinq ans). L’approbation de ces prêts à long terme a eu des effets positifs en permettant de surmonter les problèmes de liquidité.
En vertu de la loi sur l’autonomie locale, les communes ne peuvent pas se déclarer en faillite. La loi de finances contient cependant des dispositions relatives aux procédures à suivre pour déclarer des difficultés financières. Si tel est le cas, il est fait état de la situation sur décision du maire, et ce dernier en informe le conseil municipal, le ministère des Finances, le ministère de l’Administration locale et l’association ZELS dans les trois jours. Un organe de coordination composé de cinq membres supervise le processus qui doit permettre de remédier à ces difficultés. Le maire propose un projet de programme de mesures, qui sont mises en œuvre dans le cadre d’un budget complémentaire ou du budget de la commune pour l’année fiscale concernée. Le maire décide du moment où il déclare la fin de cette situation.
Pour emprunter, les communes doivent consulter le ministère des Finances, qui contrôle le niveau des emprunts et des prêts ainsi que les déficits des budgets locaux. Afin de répondre aux critiques formulées à l’égard des restrictions créées par un régime d’autorisation au cas par cas, contraire à l’article 9, paragraphe 8, de la Charte, une nouvelle loi concernant la dette publique a été adoptée, ainsi qu’une loi relative au financement local. En juin 2011, le ministère des Finances a approuvé deux règlements (publiés au Journal officiel no 83/2011) portant sur les modalités d’emprunt des institutions publiques et des entreprises publiques appartenant à des institutions publiques.
Le Parlement est également associé à cette question, toute dette municipale étant considérée comme une composante de la dette publique générale. Les emprunts municipaux doivent donc être approuvés par le Parlement. Le dernier exemple en date est celui du prêt accordé à la ville de Skopje par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et approuvé par le Parlement. Lorsqu’il s’agit de banques commerciales, cependant, seul l’avis du ministère des Finances est requis, ce qui signifie que le Parlement n’intervient pas.
Les communes empruntent sur le long terme pour financer leurs projets et investissements, refinancer les dettes contractées à cette fin ou faire face à des engagements assortis d’une « garantie souveraine ». Elles recourent également à des prêts sur crédits budgétaires (émanant du budget central), notamment à des fins de protection et d’élimination des conséquences de catastrophes naturelles ou écologiques. Les possibilités d’emprunt sont limitées : le montant des versements annuels ne doit pas être supérieur au tiers du budget de l’année précédente.
Les communes ont accès au marché des capitaux pour réaliser les projets importants d’amélioration des infrastructures et des services publics. Elles peuvent également émettre des obligations municipales pour financer les projets d’aménagement prévus. Un Guide pour l’émission d’obligations municipales a été préparé afin d’informer les communes des modalités et procédures d’émission ainsi que des avantages de la formule.
Evaluation de la situation financière
Bien que les dépenses des collectivités locales représentent 17,2 % du budget total, les revenus municipaux semblent insuffisants pour leur permettre d’accomplir efficacement les tâches assignées. La plupart des communes éprouvent toujours de grandes difficultés à générer leurs propres revenus et l’Etat finance encore la plupart d’entre elles.
La commune de Zhelino offre un bon exemple de cette situation : avec 25 euros par habitant (à titre de comparaison, 100 euros dans la ville de Skopje), la commune est simplement dans l’incapacité d’exercer pleinement ses compétences. L’administration municipale n’est pas en mesure d’employer un architecte pour les questions d’urbanisme, un inspecteur interne (ou un service d’audit) ni un inspecteur pour l’environnement. La maintenance des infrastructures nécessaires pour la prestation des services pose problème et il y a encore des domiciles privés et des zones d’habitation sans électricité. Deux de ces zones seulement (sur 18) sont desservies par des canalisations d’eau. L’école, détruite par un incendie, ne sera reconstruite que l’an prochain, lorsque son remplacement aura été inscrit au budget du ministère de l’Education.
Parmi les principales causes de l’insuffisance des ressources financières figurent la gestion – encore – centralisée du patrimoine foncier de l’Etat, l’inefficacité de la collecte des impôts fonciers (faute d’un contrôle approprié et en raison de défaillances dans la mise en œuvre) et le fait que les bases de données relatives aux contribuables ne sont pas mises à jour. Les capacités administratives de certaines communes, notamment les plus petites, restent faibles en matière de gestion financière, d’administration fiscale et de contrôle financier. Les administrations des collectivités locales ne satisfont toujours pas de façon appropriée à l’obligation de transparence et à l’obligation de rendre compte de leurs actes.
Les rapporteurs notent que pour améliorer la situation des petites communes et des communes rurales, l’application de la nouvelle formule d’un « revenu minimum garanti » semble être une avancée prometteuse, qui va dans la bonne direction : un minimum de trois millions de denars macédoniens est garanti à chaque commune. A cela s’ajoutent d’autres ressources en fonction de la part de la TVA et de l’impôt sur le revenu qui leur revient (critères : 50 % per capita, superficie et nombre de zones d’habitation). Avec cette nouvelle méthode de calcul et d’attribution, aucune commune ne devrait avoir un revenu inférieur à 4 millions de denars.
Le mémorandum de l’association ZELS pour 2011 demande que la part du produit de la TVA accordée aux communes soit portée de 3 % actuellement à 6 % (au lieu de l’objectif de 4,5 % envisagé pour 2013) et que la part de l’impôt sur le revenu passe de 3 % actuellement à 15 %
Malgré les résultats notables obtenus dans le cadre du processus de décentralisation, plusieurs problèmes subsistent, comme les grandes disparités entre les communes et quant à leur capacité à s’acquitter de certaines fonctions. Du fait de leurs problèmes budgétaires, les collectivités locales peuvent difficilement participer aux projets financés par l’Union européenne, qui requièrent un cofinancement. En conséquence, les communes rurales, tout particulièrement, dépendent des dotations et subventions, faute de pouvoir compter sur les taxes sur les constructions ou les revenus fonciers. Bien que les critères d’éligibilité des subventions pour la réalisation d’investissements (infrastructures) soient bien définis par les bailleurs de fonds internationaux (FMI, Banque mondiale), cela ne semble pas toujours être le cas s’agissant des subventions de l’Etat.
De l’avis des rapporteurs, il faudrait davantage de coordination, d’appui et de contrôle de la part de l’Etat dans le domaine des compétences transférées. L’exemple fréquemment cité à cet égard est celui des compétences en matière d’éducation : lorsque l’enseignement secondaire est devenu obligatoire, le problème de la couverture des coûts supplémentaires de transport scolaire s’est posé partout, mais le ministère des Finances semble l’ignorer, puisqu’il renvoie aux dotations globales, qui ne sont pas affectées et peuvent donc être utilisées pour couvrir ces prestations. Le message lancé par le ministère est manifestement qu’il faut donner la priorité aux mesures d’économie et à l’optimisation de la passation des marchés publics.
Les rapporteurs estiment que les collectivités locales devraient être dûment consultées à propos des investissements du pouvoir central dans leurs localités et que les subventions qui leur sont accordées ne devraient pas empiéter sur l’autonomie budgétaire telle qu’elle est prévue par la Charte.
Les rapporteurs notent également que la planification des dépenses relatives à l’éducation semble être inadéquate et qu’il risque d’y avoir des problèmes de coordination. Alors que le ministère des Finances transfère aux communes des fonds affectés aux dépenses d’entretien et de chauffage des établissements scolaires, les salaires des personnels, les frais de transport scolaire et les priorités d’investissement dans les écoles sont définis dans le programme annuel préparé par le ministère de l’Education. Ce dernier transfère des fonds directement aux établissements scolaires, privant les communes de moyens financiers qui leur permettraient d’investir dans les écoles.
Pour remédier à ces problèmes, l’association ZELS a suggéré de définir des critères d’attribution des fonds destinés à financer les investissements dans les établissements scolaires ainsi que sa propre participation au processus de planification des autorités centrales concernant ces fonds.