Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.
Les représentants des collectivités territoriales ont présenté une série de problèmes structurels, qui caractérisent selon eux l’architecture financière des collectivités locales et régionales en Ukraine :
l’absence de progrès quant au renforcement du système des finances locales depuis 2001 ;
une programmation budgétaire étatique compliquée, qui ne respecte pas les intérêts des collectivités ;
la faiblesse structurelle du pouvoir financier des collectivités ;
la disproportion entre les ressources propres et les compétences attribuées ;
les prélèvements de l’Etat au détriment du produit total des impôts locaux ;
le sous-financement des compétences déléguées par l’Etat ;
l’absence de critères clairs et compréhensibles concernant les relations interbudgétaires ;
l’absence d’une péréquation adéquate au niveau des régions (oblasts) ;
la nécessité d’une interaction/coopération renforcée avec le ministère des Finances.
Situation générale
La situation budgétaire des collectivités locales ukrainiennes dépend largement de la situation économique et financière générale du pays. Les budgets des collectivités locales sont d’une importance économique considérable : environ 7,2 % du PIB national est généré au niveau local (hors transferts interbudgétaires). Le ministère des Finances estime le montant global du budget des collectivités locales pour 2013 à 220 milliards UAH. Les dépenses totales du budget national 2013 s’élèvent à 410,66 milliards UAH, avec un déficit maximal de 50 milliards UAH (y compris Naftogas avec 82 milliards UAH). Au premier semestre 2013, les dépenses s’élevaient à 112,1 milliards UAH, soit +13,2 % par rapport à la même période en 2012.
Malgré ce constat, deux facteurs préliminaires sont importants : le niveau du PIB par habitant en comparaison avec les pays émergents (en tant qu’indicateur du succès ou de l’échec d’une politique de développement économique et, par conséquent, pour la nécessité d’intensifier les réformes à tous les niveaux de gouvernement).
Les chances de maintenir ou d’atteindre un équilibre budgétaire national à moyen terme (en tant qu’indicateur de la nécessité de mener une politique de discipline budgétaire pour les années à venir selon les déclarations du FMI).
Une analyse de la situation de l’Ukraine en 2011 (en termes de pouvoir d’achat) en comparaison avec d’autre pays d’Europe de l’Est sur la base des données du FMI est suffisamment explicite : avec un PIB par habitant inférieur à 10 000 €, l’Ukraine se classe derrière la Serbie (approx. 15 000 €), la Croatie (approx. 25 000 €), la Slovénie (approx. 38 000 €) et loin derrière les pays de la zone euro (approx. 45 000 €). Le retard du pays en termes de compétitivité et de potentiel de croissance de la productivité, ainsi que du point de vue du manque de modernisation des structures administratives, est assez clair. Reste à savoir s’il existe des signes annonçant une évolution positive de la croissance du PIB.
Les perspectives générales de croissance économique du pays ne sont pas très prometteuses, bien que le gouvernement mette un accent particulier sur la revitalisation de l’industrie dans les secteurs à potentiel technique et scientifique élevé et qu’il espère que cette politique aura des effets positifs sur le marché de travail. Les observateurs internationaux prévoient une baisse de la croissance en 2013, alors que le budget national pour cette année est basé sur une croissance du PIB estimée à +3,4 %.
Par ailleurs, l’évolution de la dette publique totale entre 2003 et 2013 est aussi révélatrice. Malgré une légère diminution de la dette publique cumulée en 2011/2012 (autour de 40 % du PIB), la situation reste tendue, du fait que les projections contenues dans l’« accord de confirmation » avec le FMI ne sont pas réalisées, et qu’il est donc probable que le gouvernement poursuivra sa politique actuelle, soit en augmentant les recettes, soit en diminuant les dépenses, ou encore en combinant ces éléments. Les marges de manœuvre pour mener une politique budgétaire moins contractée vis-à-vis des collectivités locales et régionales sont très limitées.
Le tableau présenté en Annexe III, basé sur les données du Service statistique de l’Etat, montre les écarts considérables qui existent entre les régions ukrainiennes en matière de revenu annuel. Ces chiffres indiquent aussi l’ordre de l’importance d’une politique de péréquation, si l’Ukraine décide d’agir pour le développement régional et de mettre en place une péréquation financière verticale et horizontale. Dans ce contexte, la loi « sur la stimulation du développement régional », amendée en 2011, est à mentionner : d’après le ministère du Développement régional, cette loi vise à soutenir le développement économique, social et écologique des régions, en s’appuyant sur la politique régionale de l’UE. Elle part du concept de « région en crise » et énumère une série de mesures d’aide dont peuvent bénéficier ces régions pour une durée de sept ans (avec possibilité de prolongation de cinq ans au maximum). Selon le ministère, de telles mesures ne sont pas mises en œuvre dans les régions en crise. Il faudra donc vérifier les chiffres de ce tableau pour juger de la réussite ou de l’échec des mesures destinées à équilibrer le développement économique du pays.
Un projet de loi « sur les bases de la politique régionale » est actuellement en préparation, avec la participation des associations, en vue de mettre en œuvre la décision du Conseil des régions de mars 2013. Ce projet de loi doit définir les principaux aspects juridiques, économiques, sociaux, écologiques, humanitaires et organisationnels de la politique régionale de l’Etat.
Les fondements juridiques
L’article 142 de la Constitution définit les bases matérielles et financières de l’autonomie locale. L’article 142, alinéa 3, précise que « l’Etat participe à la constitution des recettes budgétaires des collectivités locales et soutient financièrement ces collectivités. Les dépenses de leurs organes découlant de décisions des organes étatiques sont compensées par l’Etat ». Les modalités sont détaillées dans la section III de la loi sur l’autonomie locale de 1997. En particulier, l’article 62 de cette loi contient des dispositions sur l’obligation pour l’Etat de soutenir les collectivités locales financièrement, sur le système de tutelle financière, les garanties d’un revenu de base et les critères à respecter, sur les conditions des prélèvements étatiques ainsi que les critères applicables aux budgets « minimums » des collectivités locales. En 2011, quelques modifications sont entrées en vigueur. D’après l’article 66, alinéa 1, « les budgets locaux doivent être suffisants pour permettre aux organes des collectivités locales d’exercer les compétences accordées par la loi et de fournir à la population les services qui garantissent un niveau minimum de services sociaux ». L’article 7, alinéa 3 du Code budgétaire énonce « le principe de l’indépendance du budget de l’Etat et des budgets locaux », tandis que d’autres dispositions essentielles se trouvent sous la section IV « relations interbudgétaires ». Le Code fiscal et diverses autres lois spécifiques contiennent aussi des dispositions pertinentes.
Les recettes
En ce qui concerne les recettes, selon le Code de l’impôt 2011, les taxes et autres recettes nationales (article 9) comprennent, entre autres, les taxes sur les bénéfices des entreprises, les revenus individuels, la valeur ajoutée (TVA), les entreprises publiques et la première immatriculation des véhicules, la taxe pour l’environnement, les redevances pour le transport de produits pétroliers, le transit de gaz naturel et d’ammoniaque sur le territoire de l’Ukraine, les redevances pétrolières, les droits de douane, les redevances pour l’usage spécial de l’eau et des ressources forestières, agricoles, etc.
Selon l’article 10 du Code, les taxes et autres recettes locales incluent les taxes sur les biens immobiliers (autres que les terrains) et les taxes unifiées. Les redevances locales incluent les frais de gestion des activités commerciales particulières, les frais de stationnement et les taxes touristiques. A partir du 1er juillet 2012, une nouvelle taxe sur la propriété doit améliorer la situation fiscale des communes. Mais l’on peut douter des effets positifs prévus par le gouvernement. Cette taxe ne touche que 1% des immeubles et n'apporte que 100 millions UAH dans les budgets locaux, ce qui n'est pas très significatif. En outre, les autorités locales ne peuvent influencer ni l'administration de la taxe, ni les taux. Les redevances pour les services administratifs sont une autre source importante de recettes. Un projet de loi « sur la liste des services administratifs et les paiements (frais administratifs) relatifs à leur prestation » est actuellement en consultation entre les associations et le ministère responsable.
Les budgets locaux se composent donc de recettes propres, de quotas sur les taxes nationales associées et de transferts de l’Etat. Font également partie des recettes propres les taxes sur les bénéfices des entreprises locales, les versements des entreprises aux propriétaires locaux et les recettes engendrées par la privatisation d’entreprises locales ou la gestion de la propriété foncière. L’impôt le plus important est l’impôt sur les revenus des personnes physiques (l’impôt sur la publicité a été récemment aboli). Avec les réformes de 2011, l’Ukraine se dirige vers un renforcement de la compétition fiscale intercommunale, une simplification du système des taxes et, en principe, une augmentation du poids des budgets des collectivités locales. Apparemment, ces mesures n’ont pas (encore) provoqué une augmentation des recettes propres des autorités locales, bien qu’il y ait eu, pour ce qui concerne la ville de Kyiv, une évolution importante : les recettes de la ville ont progressé de 15,4 % entre 2011 et 2012. Le ministère des Finances indique que les recettes des autorités locales ont été stabilisées en 2012 au moyen d’une série de mesures étatiques, dont une expansion des sources des recettes, qui ont produit au total des recettes fiscales de 11,3 milliards UAH.
Les communes rencontrent quelques difficultés concernant la gestion des impôts : le système de taxation ukrainien est globalement surdimensionné. Des experts de la Banque mondiale ont constaté qu’il y avait en Ukraine 135 impôts et taxes différents. Lors de la visite, les représentants de l’Etat ont souligné à de multiples reprises l’importance de l’engagement économique des collectivités locales, et les rapporteurs sont par conséquent convaincus que l’Etat, qui dispose des compétences en matière fiscale, porte aussi une responsabilité particulière pour la mise en place d’une architecture financière simple, transparente et efficace.
La simplification de la structure des taxes et redevances locales fait aussi partie d’une telle nouvelle architecture. Les structures en place sont d’une telle complexité que la collecte fiscale n’est guère rentable. Face à ce problème, l’Etat modifié le Code fiscal en 2011 : au lieu de 12 taxes ayant un faible rendement, l’Etat a réduit ce nombre à 5 (dans les secteurs de transport, tourisme, entreprenariats et la taxe sur la valeur ajoutée des achats des entreprises). Cependant, quelques collectivités locales se sont plaintes d’une détérioration de la situation : 10 impôts de portée locale ont été supprimés ou transférés à l’Etat, y compris dans le secteur des transports et des marchés. Selon les responsables de la ville d’Ivano-Frankivsk, le nouveau Code fiscal entré en vigueur le 1er janvier 2011 a entraîné une perte en recettes de 20 millions UAH sur un total de 670 millions UAH de recettes budgétaires. En plus, les subventions pour les secteurs de l’éducation et de la santé publique ont été abaissées de 20 millions UAH. En même temps, la taxe unique a été exclue des taxes utilisées dans le calcul des transferts (« panier de profits ») transférées au budget de développement. Les recettes de ventes de terrain sont actuellement versées aux budgets des villes, villages et agglomérations rurales. (Auparavant, 60% était perçue par les villes d'importance locale, les villages et les agglomérations rurales et 75% par les villes d'importance régionale.) En conséquence, la perte causée par l'évolution du marché a presque été compensée, bien que, pour un certain nombre de villes, par exemple Khmelnitski, l'évolution du marché a été très importante
La taxe sur les biens immobiliers illustre quelques aspects et problèmes typiques de la taxation locale : L’assiette fiscale était limitée par une multitude d’exceptions et de dérogations (selon le ministère des Finances, en 2003, la valeur économique des dérogations s’élevait à 66,7 % du potentiel fiscal). L’absence de concurrence – entre les collectivités locales – dû au plafonnement de la tarification. Le coût administratif élevé de la collecte. L’entrée en vigueur de la nouvelle taxe sur l’immobilier a été reportée du 1er janvier au 1 juillet 2012. Les mécanismes de calcul sont complexes et l’entrée en vigueur pourrait encore être différée. Plusieurs amendements en faveur de la capacité fiscale des collectivités locales ont été introduits avec la réforme du Code budgétaire de 2011.
L’association demande par conséquent que l’assiette de cette taxe soit élargie et que les dérogations et les exceptions soient moins nombreuses, afin d’augmenter les recettes en faveur de la collectivité locale.
Pour ce qui est des bénéfices des entreprises locales, l’Etat ayant constamment limité les tarifs pour le logement ou les services publics au niveau local, les entreprises locales sont largement déficitaires et ne peuvent pas réaliser de bénéfices qui leur permettraient de financer les investissements nécessaires.
Les collectivités locales bénéficient de l’impôt sur le revenu individuel. Le taux de cet impôt est cependant limité à 15 % et n’a pas évolué, de sorte que son revenu pour les collectivités dépend de de l’activité économique, notamment de l’augmentation des salaires et de la situation de l’emploi, c’est-à-dire du nombre de personnes imposables. Par ailleurs, un vaste système de dérogation limite l’assiette de cet impôt. Enfin, cet impôt favorise l’inégalité entre les collectivités locales, car il est perçu en fonction du lieu de travail. Il favorise les villes « riches », diminue la portée de l'impôt dans les zones rurales et nécessite un système de péréquation. Les communes à dominante rurale dépendent largement des subventions de l’Etat, car le rendement de cet impôt y est faible.
Pour renforcer la base économique des collectivités locales à moyen terme, les rapporteurs proposent une politique de renforcement de la production d’énergie propre et renouvelable pourrait jouer un rôle important, mais celle-ci a été plutôt négligée en Ukraine jusqu’ici. Les énergies géothermique, solaire et éolienne, ainsi que les matériaux biologiques et la combustion des déchets, représentaient 0,71 % de la production d’énergie primaire en 2008, tandis que l’énergie nucléaire (28,8 %), le charbon (41,4 %), le gaz naturel (22,1 %) et le pétrole (5,3 %) fournissaient une partie importante de l’énergie consommée. Néanmoins, le potentiel d’augmentation des recettes des communes par une augmentation de la production d’énergies renouvelables est considérable : augmentation des bénéfices directs des entreprises locales de production d’énergie (ces bénéfices ne sont pas assujettis à la péréquation financière), augmentation des revenus des employés des unités de production, gestion des ressources au niveau local au lieu d’acheter de l’énergie à l’étranger, stabilisation des revenus des producteurs d’énergies renouvelables.
« L’économie souterraine » constitue une réalité économique en Ukraine et implique une diminution sensible des recettes fiscales. Le gouvernement examine actuellement la possibilité d’une baisse de la taxe sur le revenu individuel (de 15 % à 10 %). Une telle mesure pourrait avoir une incidence pour les collectivités locales mais sans réforme de la législation sur les pensions, elle n’aura aucun impact sur les salaires en ce qui concerne leur rapprochement à ceux de « l’économie souterraine ».
Le système budgétaire
Le système budgétaire ukrainien se caractérise par une structure à deux niveaux : le budget de l’Etat et les budgets des collectivités locales (12 086 budgets locaux au total). Un transfert interbudgétaire vertical s’opère entre ces deux niveaux et l’Etat entretient des relations interbudgétaires avec 692 systèmes budgétaires au niveau local et régional.
Les transferts interbudgétaires ont pour objectif premier d’équilibrer les budgets des collectivités territoriales. Ils sont calculés selon des critères généraux sur la base du décret n° 1149 du Cabinet des ministres du 8 décembre 2010. Pour ce calcul, l’indicateur déterminant est le coefficient d’équilibrage, qui permet de définir le montant des recettes fiscales restant à la disposition des régions et communes excédentaires. Le système précédent ne comportait aucune mesure d’incitation, que ce soit à l’intention des régions déficitaires, pour augmenter leurs ressources fiscales propres (car les déficits étaient plus ou moins couverts par des transferts étatiques), ou des régions excédentaires, pour augmenter leurs recettes fiscales, car l’excédent était écrêté par l’Etat. Malgré quelques modifications apportées à la méthode de calcul de la capacité fiscale (articles 64 et 66 du Code budgétaire de 2011), le système de coefficient et le degré élevé de centralisation des relations interbudgétaires restent inchangés.
La valeur totale des transferts interbudgétaires s’élève à 44 % du budget de l’Etat, dont 42 % pour le fonds général. Des transferts spéciaux sont opérés dans le but spécifique de garantir un niveau comparable de protection sociale et de soutenir le développement économique et social des collectivités territoriales (notamment dans les secteurs de la construction et des bâtiments). Le montant de la péréquation est calculé en partant de l’habitant (le consommateur des services locaux) et en cherchant à atteindre un équilibre entre les recettes et les dépenses des collectivités territoriales. Le Code budgétaire définit les recettes locales qui sont intégrées dans le système de transfert interbudgétaire (articles 64 et 66 (RA de Crimée)) et celles qui n’y sont pas incluses (article 69). L’Etat, grâce à ce mécanisme, a la possibilité d’augmenter ou de diminuer l'importance fiscale de ces recettes pour les collectivités, ce qui touche l'autonomie financière des collectivités locales au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la Charte, en incluant ou en excluant certaines recettes particulières des collectivités locales du système des relations interbudgétaires. De ce fait, le système est assez peu transparent et relativement complexe et instable en ce qui concerne la prévisibilité de la fiscalité locale. De plus, une collectivité n’a qu’un faible intérêt à créer une taxe « financièrement intéressante » à moyen terme si elle doit craindre l’inclusion de cette source de revenus dans le système interbudgétaire de l’Etat.
Certaines collectivités locales reprochent à l’Etat les critères de distribution des transferts, qui donnent à l’Etat un pouvoir discrétionnaire étendu, ou se plaignent même de l’absence totale de critères de péréquation. Pour ce qui concerne le fonds de développement régional (article 24-1 du Code du budget), ce fonds est doté de moyens financiers équivalant à 1 % du budget national, lequel s’élevait en 2013 à environ 400 milliards UAH. Sur ce montant, 1 % (soit 4 milliards UAH) est réservé pour la dotation du fonds. Celui-ci est réparti pour 70 % en fonction du nombre d’habitants des régions et pour 30 % selon des critères liés à leur situation économique défavorable. Trois milliards UAH seront accordés pour le développement économique et social. S’y ajoutent diverses subventions (notamment 3 milliards UAH pour les routes nationales). 1,4 milliard UAH sont réservés pour financer les projets d’importance nationale. Ces moyens ont été répartis par la Commission du budget de la Verhovna Rada de la manière suivante : 50 % ont été affectés aux régions ; huit régions n’ont rien reçu, trois régions ont reçu 70 % de cette somme et les autres régions se sont partagé le reste. Malgré les quelques critères de répartition du fonds (décision du Cabinet des ministres n° 6565 du 4 juillet 2012), les décisions ont été prises sur la base de motifs politiques. Dans le cas de l’allocation des moyens financiers au titre du fonds de développement régional, les critères d'allocation ont été modifiés au cours de la procédure parlementaire.
L’exemple du fonds de développement régional illustre une autre difficulté structurelle de la programmation budgétaire ukrainienne. Bien que l’introduction d’une planification budgétaire sur la base de programmes spécifiques permette théoriquement une allocation des moyens financiers plus précise, il est nécessaire de formuler les buts à atteindre aussi précisément que possible. Or, il y a d’une part un très grand nombre de programmes – la ville de Kyiv doit à elle seule en mettre en œuvre une trentaine – et, d’autre part, les objectifs sont très souvent définis à l’aide d’indicateurs quantitatifs et non pas qualitatifs. Il y a donc non seulement un risque de superposition des programmes (par exemple, pour les zones rurales, 40 programmes différents dont les durées coïncidaient partiellement ont été adoptés depuis 1991), mais aussi le risque d’une inadéquation entre les programmes et les objectifs fixés ou, pire encore, le risque d’une attribution de financements non justifiée.
Le fait que la majorité des oblasts n'ont pas de plan de développement stratégique, et ne peuvent donc pas définir les priorités pour l'utilisation du financement provenant du Fonds est aussi un problème. Par conséquent, les projets qui sont soumis à l'approbation du gouvernement ne sont pas des projets destinés à la résolution des questions de développement local, mais à ceux prévoyant la construction d'installations destinées à des besoins sociaux (écoles, hôpitaux).
Un autre problème touche à l’application des règles budgétaires aux petites entités locales. Celles-ci sont également soumises au Code budgétaire, mais leur situation est très différentes : elles sont faiblement peuplées, comptent un nombre élevé de retraités et, généralement, ont une faible capacité fiscale. Par conséquent, les autorités des villages et des localités, notamment en zone rurale, demandent une adaptation de la réglementation aux spécificités de ces entités. On peut espérer que le Programme pour le développement des petits villages 2011-2015 (décision du Cabinet des ministres n° 1090 du 29 novembre 2011) permettra de renforcer la situation économique et budgétaire de ce type de collectivité, tout en sachant que 75% des conseils de village ne peuvent pas exercer leurs compétences prévues par la loi.
La structure du budget au niveau local et régional est caractérisée par deux volets (article 13 du Code budgétaire) : un premier volet, « général », concerne le financement des dépenses générales obligatoires (panier 1, articles 88 à 90, 64 à 66 du Code budgétaire), un deuxième volet, « spécial », sert à financer des dépenses spécifiques (panier 2, articles 91, 69 et 71 du Code budgétaire).
Globalement, les budgets des collectivités territoriales dépendent (selon le ministère des Finances) à 40 % des transferts étatiques, tandis que 60 % proviennent de leurs ressources fixes (impôts locaux sur le revenu des personnes physiques). Les ressources fixes des collectivités territoriales ne sont pas intégrées dans le système de péréquation. En revanche, d’après les informations fournies par l’Association des villes ukrainiennes, les budgets locaux dépendent de plus en plus des transferts de l’Etat (43,3 % en 2007, 46,7 % en 2009, 52,3 % en 2011 et 53,6 % en 2012).
Pendant la visite, la délégation a été informée que 98 % des dépenses du premier volet étaient destinées à couvrir les dépenses obligatoires, résultant de l’exécution des compétences déléguées par l’Etat, et les salaires du personnel. Les collectivités locales et régionales déplorent que l’Etat ne verse en moyenne que 80 % des transferts nécessaires pour couvrir les dépenses obligatoires. Selon elles, la situation pourrait encore se dégrader en 2013, car il manque à l’Etat environ 30 milliards UAH pour couvrir ces dépenses. Il en résulte un déficit structurel de 20 % du premier volet qui contient (en tant que recette locale importante) l’impôt sur le revenu des personnes physiques (taux maximal de 15 %).
Les collectivités locales financent donc à la fois les compétences de l’Etat et ce déficit de 20 % au moyen de leurs ressources propres. Les volets I et II cumulés montrent une couverture d’environ 10 % des dépenses au moyen des ressources propres locales. La moitié (5 %) est utilisée pour le financement des compétences déléguées dans le premier volet du budget. Le deuxième volet est financé à partir de la taxe sur les entreprises communales. Les collectivités ont le droit de contracter des emprunts à court et moyen terme auprès de la Trésorerie nationale, dans les conditions fixées par l’article 73 du Code budgétaire.
Il convient de noter les modifications apportées au code du budget en 2012, pour transférer certains impôts dans le deuxième panier de recettes des budgets des oblasts et dans le budget de la République autonome de Crimée. Leur montant est estimé à UAH 1 milliard. Ils permettront d'améliorer l'état des budgets des oblasts de manière significative, principalement en termes de financement de la préparation de la documentation technique pour les projets qui sont financés par le Fonds de développement régional, et également pour le cofinancement de ces projets.
Pour ce qui concerne les problèmes de gestion des financements nationaux par les collectivités locales, la Cour des comptes constate que les collectivités territoriales ne gèrent pas toujours les fonds étatiques « convenablement ». Il y a parfois es détournements des fonds, qui peuvent prendre des formes variées, telles que l’utilisation des fonds pour d’autres buts que ceux qui sont prévus dans les documents, l’absence d’investissement efficace des fonds faute d’un planning précis et le re-transfert de moyens mis à disposition mais non utilisés.
Concernant la question du détournement de fonds nationaux par les communes, la Cour des comptes a étudié quelques exemples en 2012 en lien avec les fonds de développement liés aux investissements pour le championnat européen de football de 2012. La ville de Ternopil n’a pas agi de façon conforme aux conditions de financement et a utilisé les moyens, prévus normalement pour des investissements dans des infrastructures, pour financer les salaires des médecins, des professeurs d’école, etc. Dans de tels cas, les instruments juridiques prévoient des sanctions à l’encontre des fonctionnaires et la possibilité de demander le remboursement des fonds alloués par l’Etat. Les associations soulignent que l’incapacité des collectivités locales à respecter les obligations budgétaires découle très souvent des faiblesses du système interbudgétaire en place.
Selon la Cour de comptes, il est important que les collectivités locales utilisent plus efficacement les moyens financiers étatiques. La Cour est disposée à collaborer avec les collectivités pour une meilleure application des règles, mais jusqu’ici aucune ville ne s’est adressée à la Cour pour lui demander son aide pour améliorer les procédures internes d’audit au niveau local. En revanche, la Cour a reçu de telles demandes de la part des ministères. Une révision des lois s’impose si l’on veut augmenter l’influence de la Cour sur les collectivités territoriales dans ce sens.
Les avis divergent quant à l’efficacité de la Trésorerie nationale. Le ministre adjoint des Finances part du constat que le système de la Trésorerie ukrainienne est caractérisé par des versements quotidiens. Selon lui, le système fonctionne et garantit les opérations financières en temps réel. Pour les collectivités, le fait que toutes leurs opérations financières passent par la Trésorerie de l’Etat a un effet négatif car la Trésorerie peut retarder ou empêcher les virements à des fins de « gestion de ses liquidités » et exercer une tutelle. Les associations réclament par conséquent un amendement de la législation pour renforcer la responsabilité des services de la Trésorerie de l’Etat en cas d’irrégularité dans les opérations financières.
Par ailleurs, on dénonce aussi une certaine inefficacité de la collecte des impôts par les différentes administrations de l’Etat, qui ne seraient pas capables de garantir une imposition régulière et équitable. La ville d’Ivano-Frankivsk a mis en place une commission spéciale pour donner suite aux problèmes fiscaux, en coopération avec l’administration fiscale, l’agence de l’emploi et les services sociaux. En règle générale, ce type de « conseil consultatif » existe au sein des districts et des régions d’Ukraine.
Quant à la procédure budgétaire de l’Ukraine, les collectivités territoriales affirment qu’une plus grande coordination est nécessaire avec les services responsables de l’Etat. L’article 75 du Code budgétaire de 2011 prévoit la diffusion d’informations sur le mode de calcul, au niveau national, des financements destinés aux projets des budgets locaux. L’administration s’est dotée d’une nouvelle méthode de programmation budgétaire au niveau local qui, selon le ministère des Finances, doit faciliter la programmation à moyen terme et optimiser l’utilisation des moyens financiers. Cette méthode sera utilisée en 2013 par quelque 700 communes ukrainiennes.
Concernant les formes d’interactions entre les niveaux local et central en matière de finances publiques, le FMI a proposé en 2004 d’établir une institution intermédiaire pour analyser et préparer les décisions relatives à la politique budgétaire du pays. Les rapporteurs sont d’avis qu’il serait souhaitable d’introduire dans le processus budgétaire national la règle de consultation préalable des collectivités locales, afin de mieux associer celles-ci à l’estimation des recettes fiscales et de faciliter la préparation des budgets locaux en cours d’année. Cela permettrait de davantage répercuter les effets des réformes des taxes nationales sur les budgets locaux. De même, la publication des données fiscales au niveau régional doit être renforcée. Les rapporteurs estiment qu’une telle coordination entre les associations de collectivités locales et régionales d’une part et les ministères compétents d’autre part, sous la responsabilité du ministère des Finances, pourrait améliorer sensiblement la coordination des politiques budgétaires des deux niveaux de gouvernement. Afin d'éviter une planification constant de déficit du coût de la mise en œuvre des compétences "déléguées", il pourrait être raisonnable de définir et formaliser dans la législation, la taille globale des dépenses pour la mise en œuvre de ces compétences.
Les rapporteurs sont d’avis qu’en pratique, vu les restrictions du système des relations interbudgétaires, la réalité des finances locales ukrainiennes ne correspond pas pleinement aux exigences de l’article 9 de la Charte, en ce qui concerne la nécessité d’avoir une « base financière stable et autonome et une partie adéquate des recettes propres », et pour l’autonomie en matière de gestion budgétaires. Les rapporteurs estiment qu’un renforcement de l’autonomie financière des collectivités locales doit être inscrit dans l’agenda de la réforme des collectivités locales en Ukraine pour garantir le respect de l’article 9 de la Charte. La situation à cet égard, telle qu’observée par les rapporteurs, ne permet pas de conclure à un respect de cette disposition dans tous ses paragraphes.