Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.
Les dispositions de la Constitution représentent le point de départ de l’évaluation de la conformité du pays avec l’article 9, paragraphe 1, de de la Charte. En effet, l’article 131 de la Constitution dispose que « les collectivités locales et régionales ont le droit de percevoir leurs propres revenus et d’en disposer librement pour réaliser les tâches de leur compétence », ce qui correspond largement aux dispositions de l’article 9.1 de la Charte.
L’article 68 de la loi sur les collectivités locales et régionales reprend la disposition susmentionnée et énumère les sources de revenus des collectivités locales et régionales suivantes : (a) les impôts, surtaxes, taxes, contributions et redevances perçus par les communes, villes ou comtés ; (b) les revenus tirés des biens dont la collectivité est propriétaire et des droits de propriété ; (c) les revenus provenant de sociétés et d’autres personnes morales appartenant à la collectivité, c’est-à-dire dans lesquelles elle détient une part ou des actions ; les recettes provenant des droits de concession ; (e) les amendes et la confiscation de gains matériels découlant de la commission d’infractions mineures imposées par la collectivité conformément à la loi ; (f) une part des impôts communs nationaux ; (g) les subventions de la Croatie prévues dans le budget national ; et les autres revenus prévus par la loi.
Comme le précise le rapport explicatif de la Charte, l’autorité en droit d’exercer certaines fonctions est dépourvue de sens si les collectivités locales sont privées des moyens financiers de remplir ces fonctions, attendu que ces fonds doivent provenir de leurs propres ressources. Les tâches et fonctions que les collectivités locales sont tenues d’accomplir sont présentées dans les sections précédentes du présent rapport, auxquelles nous vous invitons à vous référer afin d’éviter des répétitions dans cette section.
À partir de 2001, la Croatie a procédé à plusieurs vagues de décentralisation administrative et a retiré des tâches et des fonctions au gouvernement central, en les confiant aux collectivités locales et régionales.
Entre 2001 et 2003, la protection contre les incendies, l’éducation élémentaire et secondaire, la protection sociale et la santé ont été déléguées aux comtés et aux collectivités locales disposant de capacités fiscales adéquates.
L’octroi des permis de construire a été décentralisé vers les comtés et les grandes villes en 2008. Des financements équivalents à la masse salariale consacrée à l’octroi décentralisé des permis de construire avaient été attribués aux comtés et aux grandes villes à l’époque, mais ont été interrompus en 2012. En 2008, l’entretien des voies publiques a également été délégué aux grandes villes, qui ont obtenu des financements correspondant à une part de la taxe d’utilisation des voies publiques. En 2020, plusieurs fonctions administratives publiques ont été transférées aux comtés, accompagnées d’une dotation globale équivalente à la masse salariale des fonctionnaires décentralisés.
Comme l’a admis le ministère des Finances, l’augmentation des normes d’offres de services pour les fonctions exercées par les collectivités locales ou l’élargissement des compétences des fonctionnaires locaux ne s’accompagnent pas toujours de financements supplémentaires, car il n’existe aucune garantie législative disposant que la décentralisation fiscale doit correspondre aux coûts de la mise en œuvre des services et des fonctions administratives décentralisés (délégués).
Le financement des besoins des collectivités locales et régionales en Croatie dépend fortement du partage de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP). Selon le ministère des Finances, les collectivités locales et régionales reçoivent respectivement 74 % et 20 % de l’IRPP perçu sur leur territoire, et, en plus de ces montants, 6 % des recettes de l’IRPP sont attribués aux collectivités locales et régionales pour l’exercice de fonctions décentralisées (déléguées). Par conséquent, les règles régissant la répartition de l’IRPP constituent également un élément important du système de transfert intergouvernemental en Croatie.
En ce qui concerne les recettes de l’impôt sur le revenu, les nouvelles dispositions des règlements adoptés par le Parlement croate en octobre 2023 entreront en vigueur le 1er janvier 2024. En ce qui concerne les budgets des collectivités locales, dont la ville de Zagreb, la loi portant modification de la loi sur les impôts locaux et la loi portant modification de la loi sur l’impôt sur le revenu revêtent une importance majeure. Le principal changement est la suppression de la surtaxe et, en parallèle, l’autorisation accordée aux collectivités locales de fixer de manière indépendante les taux d’imposition pour le paiement de l’impôt sur le revenu annuel. En d’autres termes, la loi a autorisé la compensation de la surtaxe par l’augmentation des taux d’imposition en fixant ces derniers au niveau maximum permis par la loi, maintenant ainsi le niveau actuel de recettes générées par l’impôt sur le revenu et la surtaxe ces dernières années. Le ministère des Finances a informé la délégation que cette réforme de l’IRPP avait été adoptée pour renforcer l’autonomie fiscale des collectivités locales.
Comme l’a également indiqué le ministère des Finances, la taxe communale, qui n’est pas considérée comme un impôt bien qu’elle en présente plusieurs caractéristiques, constitue une source de revenus importante pour les collectivités locales. Le taux de la taxe communale n’est pas plafonné. Son taux ainsi que les exceptions sont définis par les collectivités, elle est perçue par les collectivités et la base d’imposition est définie par la loi.
La taxe sur les opérations immobilières, d’un taux de 3 %, constitue une autre source de revenus pour les collectivités locales. Il s’agit d’un impôt commun, qui est partagé entre les collectivités locales et régionales. Par ailleurs, la délégation a été informée par le ministère des Finances que les autres impôts locaux perçus par les collectivités locales et régionales sont les suivants : droits de succession et taxe sur les donations, d’un taux de 4 %, taxe sur les véhicules à moteur, taxe sur les bateaux, taxe fixe sur les jeux de divertissement, taxe sur la consommation, allant de 0 % à 3 %, taxe sur les résidences secondaires et taxe sur l’utilisation de l’espace public (non plafonnées).
Comme indiqué dans le précédent rapport de suivi pour la Croatie – Recommandation 391 (2016) – et comme il ressort également des réponses reçues par la délégation lors de la préparation du présent rapport, le système de finances croate reste trop centralisé. Il reste fortement tributaire de l’IRPP et des modalités de répartition de ses fonds entre les collectivités locales, bien que des efforts aient été entrepris pour remédier à l’application basique de la répartition de cet impôt. Pendant la procédure de consultation, le ministère des Finances a affirmé que les collectivités locales pouvaient réduire leur dépendance envers le système de répartition de l’impôt en agissant sur leurs propres sources de revenus, par exemple en augmentant les surtaxes ou en fixant des taux maximums, et a indiqué que les revenus des collectivités locales avaient considérablement augmenté au cours des dix dernières années.
Lors de ses échanges avec les interlocuteurs rencontrés pendant la visite de suivi et dans les réponses qu’elle a reçues par la suite, la délégation a observé une inquiétude partagée notamment par les petites collectivités locales concernant le faible niveau de ressources financières dont elles disposent compte tenu de leur capacité limitée à générer des revenus, ce qui complique l’exercice de leurs compétences et fonctions. Cette observation figure dans le précédent rapport de suivi pour la Croatie, et il est évident que l’absence de financements adéquats reste un défi pour les collectivités locales, notamment pour celles qui ont moins d’habitants. Cela ne semble pas être le cas dans les grandes villes et dans la capitale du pays, qui ont une plus grande capacité à générer des revenus et ne rencontrent donc pas de difficultés financières pour exercer leurs compétences.
Enfin, comme indiqué également ci-dessous dans la section sur le niveau de conformité du pays avec l’article 9, paragraphe 7, de de la Charte, une partie des revenus perçus par les collectivités locales et régionales sont affectés à des projets spécifiques, et elles ne peuvent donc pas en disposer librement.
L’inadéquation des ressources financières contrôlées par les collectivités locales les rend encore plus tributaires des subventions de l’État/du gouvernement. En outre, cette dépendance excessive est l’une des raisons pour laquelle la réforme de décentralisation fiscale reste nécessaire et doit inclure les éléments suivants : redéfinition des compétences des collectivités locales et régionales au moyen de fusions volontaires, redéfinition des tâches des organes du gouvernement central chargés des relations fiscales, nouvelles modifications du système fiscal et modification des règles fiscales pour les collectivités de niveau inférieur.
Compte tenu de ce qui précède, les rapporteures concluent que les ressources financières dont disposent les collectivités locales dans la pratique ne sont pas adéquates pour permettre l’exercice de leurs fonctions et que par conséquent, malgré certains progrès observés dans ce domaine, la situation en Croatie n’est toujours pas conforme à l’article 9, paragraphe 1, de la Charte.