Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.
L’article 9.1 énonce les deux principes fondamentaux de la Charte relatifs à l’organisation des finances des collectivités locales : les municipalités devraient disposer de ressources propres et être libres de décider de l’utilisation qui en est faite.
L’autonomie financière des municipalités est un principe constitutionnel en Azerbaïdjan. L’article 144(I) de la Constitution autorise les conseils municipaux à lever des taxes et impôts locaux, approuver les budgets locaux et détenir, utiliser et céder des biens municipaux. Les règles relatives aux finances municipales sont énoncées plus en détail dans la loi sur le statut des municipalités (articles 32 à 46) et dans trois autres lois, portant respectivement sur le transfert d’actifs aux municipalités, les finances municipales et les territoires et terrains municipaux. La loi sur le transfert d’actifs définit des critères permettant de déterminer quels biens appartiennent aux municipalités et comment leur en transférer la propriété. La loi sur les finances municipales définit les principes du financement local, la base du budget local et la répartition des compétences entre le conseil municipal et les organes exécutifs locaux. Elle réglemente également les questions relatives à l’adoption, à l’exécution et au suivi des budgets locaux. La loi sur les territoires et terrains municipaux a une incidence sur les recettes municipales mais la question de la démarcation des limites territoriales des municipalités n’étant pas encore complètement réglée, cette loi a pour effet de réduire encore les ressources propres des municipalités. Un certain nombre d’autres lois, comme le Code fiscal, la loi sur le système budgétaire et la loi sur l’affichage, s’appliquent également.
Le système budgétaire azerbaïdjanais comporte trois niveaux, distincts les uns des autres : le budget du gouvernement central (budget de l’État), le budget de la République autonome du Nakhitchevan et le budget local (des municipalités). Les recettes municipales représentent 0,15 % du budget global de l’État : 34,97 millions de manats sur un budget de l’État de 24,1 milliards de manats en 2020. Par conséquent, si chaque niveau, y compris les municipalités, a le droit de décider de ses recettes et de ses dépenses conformément à la législation et à la nomenclature budgétaire existantes (loi sur le système budgétaire, article 3), en pratique les municipalités ne sont toujours pas autonomes en matière de fiscalité et de dépenses, malgré la légère hausse de leurs recettes annuelles par rapport au dernier suivi effectué en 2012.
Un tableau sur le budget annuel des municipalités est disponible sur la page 43 du rapport.
La tendance à la hausse a précédemment été beaucoup plus forte, comme l’indique le taux de croissance entre 2012 et 2014, mais a été considérablement ralentie par la dévaluation qui a eu lieu en 2015, ce qui a de nouveau pénalisé de façon disproportionnée les municipalités par rapport aux autres niveaux. Les données pour 2020 montrent que le budget annuel des municipalités a diminué en raison de l'effet de la pandémie COVID-19.
Le budget municipal comprend trois sources de revenus : les recettes fiscales, les autres recettes et les transferts de l’État, sous forme de dons ou de subventions préaffectées. Les projets que les municipalités mettent en oeuvre pour le compte du gouvernement ou soumettent à l’approbation du gouvernement peuvent être financés par l’État en sus du budget ordinaire.
D’après le Code fiscal, les impôts municipaux sont les suivants : 1) impôts fonciers des particuliers ; 2) impôts sur la propriété des particuliers ; 3) droit d’extraction au titre de l’exploitation des matériaux de construction d’importance locale ; 4) impôts sur le bénéfice des entreprises et autres entités détenues par les municipalités. Les recettes autres que fiscales proviennent des prélèvements que les municipalités peuvent imposer : sur les affichages urbains situés sur le territoire, les bâtiments et autres locaux des municipalités ; sur les cessions et locations de biens municipaux ; sur le commerce fixe et ambulant, la restauration publique et autres services fournis sur le territoire des municipalités ; sur les hôtels, sanatoriums et établissements de santé, et sur les personnes fournissant des services touristiques sur le territoire des municipalités ; et sur le stationnement des voitures dans des parkings dont les propriétaires sont des personnes morales ou physiques résidant sur le territoire des municipalités.
Le montant des transferts supplémentaires du budget de l’État sous forme de dons (aides financières non conditionnelles) et de subventions préaffectées (transferts destinés au financement de projets spécifiques) s’élève à 5,7 millions de manats (4,7 millions de dons et 1 million de subventions) en 2019, ce qui représente 0,02 % du montant total des dépenses inscrites au budget de l’État. Cela est dû aux modifications apportées en 2014 aux critères applicables à l’aide financière non conditionnelle et conditionnelle énoncés dans la loi sur le système budgétaire, parmi lesquels figurent dorénavant le nombre d’habitants d’une municipalité, sa capacité budgétaire, son emplacement géographique, son niveau de vie et les projets socio-économiques mis en oeuvre dans la région. D’autres modifications ont facilité l’octroi de subventions préaffectées du budget de l’État aux municipalités aux fins de la mise en oeuvre de projets dans le cadre de programmes locaux de protection sociale, de préservation de l’environnement et de développement économique et social.
La légère hausse des recettes fiscales municipales s’explique principalement par les modifications apportées en 2014 à la base de l’impôt sur la propriété des particuliers. Depuis lors, l’impôt sur la propriété n’est plus calculé en fonction de la valeur d’inventaire d’une maison détenue par des particuliers, mais de la superficie de l’ensemble de la propriété. Cela a entraîné une hausse de l’imposition des propriétés car la valeur d’inventaire ne pouvait être calculée que pour les maisons et les appartements pour lesquels il existait un certificat d’enregistrement au cadastre de l’État, ce qui empêchait d’imposer un certain nombre de propriétés qui, notamment dans les zones rurales n’avaient pas de certificat - de fait, la plupart des recettes provenaient des grandes agglomérations urbaines (Bakou, Ganja, Sumgayit, Mingachevir et Shirvan) et une infime partie, des municipalités rurales. D’après les informations qu’a reçues la délégation, ce changement n’a pas encore été entièrement mis en oeuvre mais le montant total des recettes provenant de l’impôt sur la propriété des particuliers a déjà été multiplié par deux, passant de 3,7 millions de manats en 2012 à 7,6 millions en 2019.
L’effet positif de cette nouvelle méthode de calcul de l’impôt sur la propriété a cependant été atténué par les modifications apportées en 2016 au Code fiscal (articles 206.1-1 et 206.3), selon lesquelles une partie des recettes provenant de l’impôt foncier perçu auprès des particuliers doit être déduite du budget de l’État. Selon cette méthode, si des terres agricoles détenues par des particuliers ne sont pas affectées à l’usage (agricole) escompté, les impôts perçus sur ces terres sont affectés au budget de l’État. La délégation a appris que les recettes municipales avaient ainsi diminué de 15,4 %, passant de 6,5 millions de manats en 2012 à 5,5 millions en 2020.
Comme cela a été précédemment mentionné, le montant des transferts de l’État aux municipalités (sous forme de dons et de subventions préaffectées) a dans l’ensemble augmenté, bien que cette source de financement ne suffise toujours pas non plus à répondre aux besoins des municipalités. En 2019, par exemple, des dotations d’un montant total de 4,95 millions de manats ont été versées à 1 606 municipalités, ce qui équivaut à une moyenne de 3 000 manats par municipalités. L’aide financière affectée à des projets spécifiques n’est quant à elle versée que depuis deux ans. Auparavant, seul le mécanisme de dotations existait. Comme le Conseil des ministres l’a décidé le 13 mai 2020, les stations modulaires de traitement des eaux usées installées sur les rives de la mer Caspienne qui relevaient du budget du ministère de l’Écologie et des Ressources naturelles, ainsi que les biens apparentés, ont été transférés à 5 municipalités (Buzovna, Binagadi, Bilgah, Pirshagi et Sumgayit). À cette fin, 3,8 millions de manats ont été transférés du budget de l’État pour 2020 aux municipalités susmentionnées, en coordination avec le ministère de l’Écologie et des Ressources naturelles et la société Azersu Open Joint-Stock.
Bien qu’elle ait eu des effets positifs en ce qui concerne le montant des fonds gérés par les municipalités, la hausse des transferts de l’État nuit à leur autonomie financière car elle accroît encore leur dépendance financière à l’égard du budget de l’État. Cette dépendance est nettement plus importante dans le cas de la République autonome du Nakhitchevan : de 75 à 80 % de son budget proviennent des transferts de l’État. Les budgets locaux et régionaux représentent environ 2 % du budget de l’État.
Un tableau sur les transferts du gouvernement central aux budgets locaux et régionaux est disponible sur la page 45 du rapport.
Le niveau extrêmement bas des recettes municipales ne permet même pas aux municipalités de s’acquitter des tâches et des fonctions très limitées que la loi leur a confiées. Ce manque de fonds les empêche d’améliorer leurs activités dans certains domaines qui leur sont en théorie accessibles, comme la réalisation d’initiatives publiques locales en matière d’éducation, de soins de santé et de culture ou l’entretien et l’expansion d’installations sanitaires et plus généralement d’activités socio-économiques. Les municipalités sont fortement tributaires des transferts financiers de l’État et sont également subordonnées dans les faits aux autorités exécutives locales, qui disposent de moyens d’action nettement plus importants en matière de personnel, de ressources financières et de compétences officielles. De fait, les autorités exécutives locales bénéficient de garanties financières nettement plus stables, 50 % des recettes fiscales perçues leur étant notamment réservés : en 2019, elles ont reçu à ce titre un montant total de 28 millions de manats36. Comme les autorités financières l’ont confirmé, les autorités exécutives locales peuvent tout simplement demander que le budget de l’État finance leurs dépenses lorsque leurs ressources propres n’y suffisent pas. Cette possibilité est également en principe offerte aux municipalités, qui ne s’en prévalent cependant pas du fait de leur peu d’importance sur le plan politique. Elles préfèrent demander aux autorités exécutives locales d’intervenir auprès du gouvernement, ainsi que l’ont confirmé des représentants locaux.
Un tableau sur les subventions de l’État aux municipalités est disponible sur la page 46 du rapport.
En résumé, la dépendance financière à l’égard de l’État est le principal point faible des municipalités azerbaïdjanaises. Leur autonomie financière prévue par la loi n’est pas suffisante pour garantir leur capacité à exercer leurs fonctions, car leurs ressources propres sont très restreintes, ce qui les contraint soit à ne pas fonctionner comme elles le devraient soit à dépendre de façon disproportionnée du financement de l’État. Cela constitue le principal obstacle qui les empêche de participer adéquatement à l’administration locale en Azerbaïdjan. Faute de recettes suffisantes, elles ne sont pas en mesure de jouer un rôle plus important dans la démocratie locale. En même temps, tant qu’elles n’auront pas de véritable place dans la gouvernance générale du pays, peu de pressions s’exerceront pour accroître leurs dotations et leur autonomie financières.
Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs concluent que les obligations énoncées à l’article 9.1 de la Charte ne sont pas mises en oeuvre en Azerbaïdjan.
36 https://economy.gov.az/article/regionlarin-2019-2023-cu-illerde-sosial-iqtisadi-inkishafi-dovlet-proqraminin-icrasinin-birinci-ilinin- yekunlarina-hesr-olunan/30687