Bosnie-Herzégovine

Bosnie-Herzégovine - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 20 au 22 novembre 2018 et du 19 au 21 février 2019
Date d'adoption du rapport: 31 octobre 2019

This report follows the third monitoring visit and two post-monitoring visits to Bosnia and Herzegovina since the country ratified the European Charter of Local Self-Government in 2002.

 

Overall, the report notes that little progress has been made in implementing the Congress' previous recommendations, on the situation of local and regional democracy in Bosnia and Herzegovina. It notes with satisfaction that local authorities enjoy freedom of association to promote and defend their interests and sub-state authorities actively engage in international cross-border co-operation.

 

The rapporteurs express their concern about the following points: the lack of progress in the implementation of constitutional reforms at all levels of authority, the absence of elections in Mostar since 2008, the lack of clarity in the allocation of responsibilities between the various levels of authority, the failure to respect the principle of subsidiarity and the lack of consultation of local authorities on all issues that directly concern them.

 

The authorities of BiH are invited to ensure the proper functioning of local and regional democracy by introducing the principle of local self-government in the Constitution of Bosnia and Herzegovina, strengthening political dialogue to find a viable solution to the electoral deadlock in the municipality of Mostar, revising legislation to avoid overlapping competences and ensuring the practical application of the principle of subsidiarity and the systematic consultation of local authorities on all matters affecting them, including financial resources and reforms of local autonomy.

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


Au niveau de l’État, la Constitution de la BiH ne mentionne pas le concept d’autonomie locale. La Constitution de l’État n’établit donc pas de garanties pour les relations entre les communes et les différents niveaux d’autorité publique, de même qu’aucune législation (cadre) ne régit l’autonomie locale au niveau de l’État. Les relations avec les unités d’autonomie locale sont donc des relations exclusives entre les deux Entités (et, en Fédération de Bosnie-Herzégovine, entre les cantons) et les collectivités locales. En conséquence, il existe trois systèmes parallèles d’autonomie locale : la Fédération de Bosnie-Herzégovine (et les cantons), la Republika Srpska et le district de Brčko. Les situations spécifiques des collectivités locales sont ainsi très différentes selon ses systèmes, en fonction de leur cadre législatif et de leur pratique.

 

Pour ce qui concerne la législation de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la loi sur les principes d’autonomie locale de la Fédération, adoptée en 2006, est pleinement conforme à la Charte. Les principes et définitions de base de la gouvernance locale et des collectivités locales figurent aux articles 2 à 7 de cette loi. Lors de son élaboration, le législateur de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a coopéré de manière intensive avec le Conseil de l’Europe (et le PNUD), et les villes et communes ont été associées aux consultations menées lors du processus législatif. Les compétences ont été réglementées, de même que les relations entre les maires et les conseils ainsi que le rôle (renforcé) des localités (mjesne zajednice) au sein des communes. Les autorités locales se sont opposées à une tentative d’amendement de la loi sur les principes de l’autonomie locale (2013/14) visant à renforcer les localités en vue d’améliorer la participation citoyenne.

 

En l’absence d’un ministère de l’Autonomie locale au niveau de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, le ministère de la Justice de la Fédération comprend un Département de l’administration publique qui s’occupe aussi des questions d’autonomie locale. La création d’un ministère à part entière nécessiterait d’amender la Constitution.

 

Concernant les lois des cantons relatives à l’autonomie locale, à ce jour trois cantons seulement ont harmonisé leur législation avec la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur l’autonomie locale, tandis que le canton de Tuzla a repris la loi fédérale dans son intégralité. Telle est la situation douze ans après l’échéance du délai pour l’harmonisation des législations cantonales avec celle de la Fédération, qui avait été fixé à six mois après l’adoption de la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, en 2006. Un exemple positif de ce point de vue est la Constitution du canton de Sarajevo, qui a été amendée en 2017 et contient maintenant des définitions claires du canton, de la Ville de Sarajevo et des communes, et de leurs compétences respectives. Un délai de deux ans a été fixé pour la mise en œuvre des amendements relatifs à l’harmonisation des compétences et des ressources. Ce processus est encore en cours.

 

En Republika Srpska, une nouvelle loi sur l’autonomie locale a été adoptée en novembre 2016. Après plusieurs mois d’une vaste consultation et l’expression du plein soutien de l’Association des pouvoirs locaux de Republika Srpska, la nouvelle loi, censée respecter les lignes directrices énoncées dans la Charte, est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

 

Globalement, on peut considérer que la situation législative de la Bosnie-Herzégovine est conforme à l’article 2 de la Charte, puisque le principe de l’autonomie locale est expressément reconnu dans la législation interne pertinente.

 

Cela étant, il reste regrettable que la structure constitutionnelle générale n’accorde pas une place suffisante à l’autonomie locale en tant qu’élément d’un système global. Par conséquent, en vue de garantir une norme minimale à l’échelle du pays, il serait souhaitable et utile d’introduire dans la Constitution de la Bosnie-Herzégovine a minima une définition de l’autonomie locale, en tant que niveau de gouvernance le plus proche des citoyens, et le droit des collectivités locales à l’autonomie.

 

Il y a quelques années, les associations des communes et des villes de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska ont organisé des débats publics dans tout le pays (avec l’assistance de la Direction suisse du développement). Sur la base des conclusions de ces débats publics, elles ont présenté à M. Sefik DZAFEROVIC, alors président de la commission des amendements constitutionnels de la BiH (et actuellement membre de la Présidence de la BiH), une proposition visant à inclure le concept d’autonomie locale dans la Constitution de la BiH. Aucun changement n’a toutefois été adopté.

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


La question principale est ici de déterminer si, dans la situation actuelle, les communes de Bosnie-Herzégovine règlent et gèrent « sous leur propre responsabilité (...) une part importante des affaires publiques ».

 

Pour évaluer la conformité avec cette disposition, il convient de prendre en compte à la fois les aspects législatifs et factuels. Aux termes de la législation en vigueur dans les deux Entités et dans les dix cantons, un nombre considérable de compétences sont exercées et gérées par les communes (voir l’article 8 de la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur l’autonomie locale et la loi de la Republika Srpska sur l’autonomie locale)[10]. Les problèmes qui se posent de ce point de vue seront examinés ci-dessous au sujet de l’article 4 et concernent principalement le manque de clarté quant à l’attribution des fonctions et la création de responsabilités non financées pour les communes, par le biais de la délégation de tâches.

 

Un autre indicateur important pour évaluer le rôle des collectivités locales, et leur fonctionnement concret, est la part des collectivités locales dans les recettes et dépenses publiques. En Fédération de Bosnie-Herzégovine, les villes et communes se partagent environ 10 % des recettes, en comparaison avec une part relativement faible pour le pouvoir central (environ 20 %) et les dix cantons (environ 25 %). Le reste se divise entre les fonds de pension et d’invalidité au niveau de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (environ 25 %) et les prestations d’assurance-maladie et de chômage au niveau de chaque canton (près de 20 % des recettes totales). En Republika Srpska, les villes et communes se partagent environ 14 % des recettes, en comparaison avec 44 % pour le pouvoir central et 42 % destinés principalement au financement des pensions, des prestations d’invalidité et d’assurance-maladie, de la voirie et de l’indemnisation du chômage[11]. Cette part peut être importante du point de vue de la situation politique et économique du pays, mais elle ne l’est pas si on la compare aux normes les plus fréquentes en Europe.

 

Compte tenu de ce qui précède, on peut conclure que l’article 3.1 de la Charte est globalement respecté, mais qu’il existe assurément une marge d’amélioration importante.


L’article 8 de la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les principes de l’autonomie locale (2007) énumère les compétences suivantes (traduction non officielle) :

« Les compétences des unités d’autonomie locale incluent spécifiquement :

- la garantie et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales conformément à la Constitution ;

- l’adoption du budget des unités d’autonomie locale ;

- l’adoption de programmes et de plans pour le développement de l’unité d’autonomie locale et la garantie des conditions nécessaires à sa croissance économique et à la création d’emplois ;

- la conception et la mise en œuvre de politiques d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement ;

- l’adoption et la mise en œuvre de plans régionaux et urbains, notamment pour l’occupation des sols ;

- la conception et la mise en œuvre d’une politique du logement et l’adoption de programmes pour la création de logements et d’autres types de développement immobilier ;

- la conception d’une politique et la définition du niveau de remboursement pour l’utilisation des biens publics ;

- la conception et la mise en œuvre d’une politique pour le contrôle, la gestion et l’utilisation des terrains constructibles ;

- la conception d’une politique pour le contrôle et la gestion des biens de l’unité d’autonomie locale ;

- la conception d’une politique pour la gestion des ressources naturelles de l’unité d’autonomie locale et la répartition des redevances versées pour leur utilisation ;

- la gestion, le financement et l’amélioration des opérations et des équipements des services publics locaux suivants :

· l’approvisionnement en eau et l’évacuation et le traitement des eaux usées,

· la collecte et l’élimination des déchets,

· la salubrité publique,

· les cimetières municipaux,

· les routes et ponts locaux,

· l’éclairage public,

· les parkings publics,

· les parcs ;

- l’organisation et l’amélioration des transports publics locaux ;

- la conception d’une politique d’enseignement préscolaire, l’amélioration du réseau des établissements préscolaires et la gestion et le financement des établissements publics d’enseignement préscolaire ;

- la création, la gestion, le financement et l’amélioration des établissements d’enseignement primaire ;

- la création, la gestion, le financement et l’amélioration d’établissements et la construction d’équipements pour répondre aux besoins des citoyens dans les domaines sportif et culturel ;

- l’évaluation des activités des institutions et de la qualité des services dans les domaines de la santé, de la protection sociale, de l’éducation, de la culture et du sport ; l’affectation des financements nécessaires pour améliorer leurs activités et la qualité de leurs services selon les besoins des citoyens et les moyens de l’unité d’autonomie locale ;

- la conduite d’études sur la paix et l’ordre publics et le niveau de sécurité des personnes et des biens ; la formulation de recommandations aux autorités compétentes ;

- l’organisation, la mise en œuvre et la responsabilité des mesures de protection et de secours pour les personnes et les biens contre les événements météorologiques et les catastrophes naturelles ;

- la conception et la conduite d’inspections concernant la conformité avec les réglementations relevant de la compétence des unités d’autonomie locale ;

- l’adoption de réglementations sur les taxes, les remboursements, les contributions et les redevances relevant de la compétence des unités d’autonomie locale ;

- la tenue de référendums sur le territoire d’une unité d’autonomie locale ;

- l’émission d’obligations par les unités d’autonomie locale et leur prise de décisions en matière d’endettement ;

- la conduite d’activités destinées à garantir de bonnes conditions de salubrité et de santé publiques ;

- la garantie de bonnes conditions d’activité pour les stations de radio et chaînes de télévision locales conformément à la loi ;

- la tenue et la conservation des registres d’état civil et des registres électoraux ;

- les activités ayant trait aux registres fonciers et cadastraux et aux registres des biens immobiliers ;

- l’organisation d’une gouvernance locale efficace répondant aux besoins locaux ;

- l’organisation de l’autonomie locale ;

- la protection des animaux. »

 

[11] LGI Report 2018, p. 31 and p. 65.

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


La structure des communes est analogue à celle d’autres pays d’Europe : un conseil et un maire sont élus au moyen de processus électoraux différents. Les élections ont lieu tous les quatre ans, les dernières élections locales remontant au 2 octobre 2016. Les élections sont régies par la Constitution et par le Code électoral. Tout citoyen de la Bosnie-Herzégovine, s’il a atteint l’âge de dix-huit ans et s’il est inscrit, a le droit de voter aux élections locales. Les élections locales ont fait l’objet d’une observation du Congrès et d’autres organisations et instances internationales. L’appréciation générale a été qu’elles étaient équitables et exemptes d’irrégularités.

 

Il existe une représentation ethnique, ou « nationale », spécifique : aux termes de la Constitution de l’État et des Entités, les autorités publiques doivent être « globalement représentatives » de la population, c’est-à-dire des trois peuples constitutifs et des « Autres ». Si dans le district de Brčko cette exigence est garantie au moyen de quotas (voir ci-dessous), à Banja Luka et dans les communes de Republika Srpska il n’existe pas de quotas pour l’élection directe du conseil municipal. Toutefois, si les « Autres » constituent plus de 3 % de la population locale, un siège au sein de l’assemblée leur est réservé au moyen d’un scrutin spécial (actuellement : 30 + 1).

 

Un problème découle des données de référence utilisées pour la représentation proportionnelle : elles proviennent en effet du dernier recensement effectué avant la guerre (1991), le nouveau recensement (2013) ayant été déclaré illégal par l’Assemblée nationale de la Republika Srpska. Cette situation a créé une grande incertitude. Banja Luka compte environ 190 000 habitants, mais plus de 200 000 électeurs inscrits (précisément, il s’agit du nombre de cartes d’identité délivrées), soit une différence de 30 à 40 000 personnes si l’on tient compte de l’âge du droit de vote.

 

Dans le district de Brčko, les droits collectifs sont garantis d’une autre manière que dans le reste du pays. Ce territoire était précédemment gouverné directement par le Bureau du Haut-Représentant (adjoint). Les « intérêts nationaux » sont protégés au moyen de mesures positives du gouvernement et d’un nombre minimal de voix garanti (quorum), mais le statut définit les questions spécifiques considérées comme des « intérêts vitaux » du groupe, telles que les questions d’éducation, la culture, la langue, l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Dans les faits, le pouvoir de veto n’a encore jamais été utilisé, mais la menace (politique) rend l’accord nécessaire sur presque toutes les questions importantes.

 

La participation des citoyens aux affaires locales hors des périodes électorales est garantie dans les deux Entités (et les cantons), notamment au moyen des dispositions relatives aux référendums locaux.

 

Toutefois, les rapporteures souhaitent insister sur la nécessité de remédier de toute urgence à la situation de la ville de Mostar, où il n’y a pas eu d’élection locale depuis 2008. Cette situation est contraire à l’article 3.2 de la Charte, qui dispose que le droit à l’autonomie locale doit être exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel. Eu égard à l’importance du problème de Mostar pour le fonctionnement général de la démocratie locale en Bosnie-Herzégovine, l’analyse détaillée de la situation de cette ville figure à la fin du présent rapport dans une section distincte.

 

Les rapporteures considèrent que les exigences contenues dans l’article 3.2 ne peuvent être respectées en Bosnie-Herzégovine tant qu’une solution viable n’a pas été apportée à la situation de Mostar et que les résidents de cette ville ne peuvent pas exercer leur droit de choisir leurs représentants au niveau local. De l’avis des rapporteures, il convient d’appliquer le recensement de 2013 afin de pouvoir se référer à des données claires et acceptées et de sortir ainsi d’une situation d’incertitude.

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


Les trois alinéas relatifs aux compétences, à la latitude pour leur exercice et à leur caractère plein et entier sont examinés conjointement en raison de la situation concrète, en particulier dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

 

Les compétences des communes sont réglementées dans la législation des deux Entités (et des cantons).

 

En Fédération de Bosnie-Herzégovine, l’article 8 de la loi sur les principes de l’autonomie locale prévoit un nombre considérable de compétences (il énumère 29 compétences différentes). Cependant, toutes ne sont pas encore totalement respectées ou convenablement mises en œuvre (depuis l’adoption de la loi de 2007 de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les principes de l’autonomie locale). De plus, les cantons peuvent transférer des compétences aux communes sans leur allouer les ressources correspondantes, et ceci bien que l’article 11 de la loi susmentionnée interdise cette pratique. D’après les estimations de l’Association des villes et communes de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, dans la pratique 20 % seulement des financements nécessaires sont alloués. Le système se caractérise donc par « ’une confusion et une frustration considérables du fait du partage et du chevauchement de compétences entre les deux niveaux d’autorité ; un sentiment, de la part des communes, que des responsabilités leur sont confiées sans leur transférer dans le même temps les ressources correspondantes ; une incapacité à remédier à une répartition inefficace des responsabilités » [13]. Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, les interlocuteurs ont affirmé que les compétences d’autonomie locale devraient inclure des domaines tels que la protection sociale et la santé, l’enseignement préscolaire et primaire ainsi que le maintien de l’ordre public en tant que compétences originelles (et non pas déléguées), et être accompagnées de ressources budgétaires suffisantes. La plupart des interlocuteurs ont parlé à ce sujet d’un vœu pieux, dans la mesure où chaque niveau d’autorité tenterait de « détourner » et de conserver le plus grand nombre possible de compétences.

 

Au sein de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, il semble que les cantons n’appliquent pas les décisions de la Cour constitutionnelle. Il a été indiqué aux rapporteures qu’il n’existait pas de mécanismes d’exécution ou de régimes de sanctions (suffisants) pour garantir l’application des arrêts.

 

En Republika Srpska, la répartition des compétences entre les deux seuls niveaux d’autorité publique est nettement plus claire, du fait de cette structure à deux niveaux. La « Ville de Sarajevo-Est » (Republika Srpska), composée du « rassemblement » de six communes, présente une situation spécifique : elle peut aussi exercer des compétences dans les domaines des transports publics (subventionnés), des sapeurs-pompiers, de l’enseignement secondaire, du tourisme (promotion) et de la signalisation routière.

 

Le district de Brčko peut exercer toutes les compétences dévolues aux Entités, à l’exception des pensions de retraite (voir l’article 9 du statut du district de Brčko). Ses compétences semblent clairement délimitées vis-à-vis de celles de l’État : par exemple, la santé, la protection sociale et la police sont des compétences indépendantes relevant de la responsabilité de l’Assemblée du district de Brčko. De même, le district est doté de son propre pouvoir judiciaire.

 

Bien que des progrès aient été réalisés depuis 2012, en particulier dans le secteur économique, les communes sont confrontées depuis peu à des difficultés supplémentaires, en lien notamment avec la prise en charge et l’hébergement des migrants, ce qui met en lumière certains problèmes systémiques : il semble que tous les niveaux d’autorité peuvent ajouter – et le font effectivement – des obligations aux tâches des communes et réduire leur budget. Il semble également que tous les niveaux d’autorité s’efforcent de conserver des compétences plutôt que de les transférer ou les déléguer conformément au principe de subsidiarité. Un problème spécifique est celui du partage de compétences, en Fédération de Bosnie-Herzégovine, entre l’Entité et les cantons, combiné avec le manque d’harmonisation de leurs législations.

 

Par conséquent, les rapporteures considèrent que les exigences de l’article 4.1 sont globalement respectées, tandis que des problèmes systémiques subsistent concernant les articles 4.2 et 4.4 en raison de la confusion et de l’incertitude qui entourent l’attribution des tâches et fonctions dans la pratique, en particulier en Fédération de Bosnie-Herzégovine (du fait du rôle des cantons).


[13] Initiative pour la gouvernance locale, La gouvernance locale en Bosnie-Herzégovine, Rapport sur les consultations d’une commission conjointe sur la gouvernance locale, juin 2018, p. 12 (voir Tableau I. Allocation de ressources aux collectivités locales de BiH, p. 13)

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


Voir réponse indiquée à l'article 4.1

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


Le principe de subsidiarité n’est énoncé expressément dans aucune des trois Constitutions (État, Fédération de Bosnie-Herzégovine et Republika Srpska). Il n’est mentionné expressément que dans l’article 10 de la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les principes de l’autonomie locale, au sujet du transfert de compétences. Dans la pratique, cependant, en Fédération de Bosnie-Herzégovine les cantons s’attribuent souvent les compétences des communes, en particulier en matière de services d’utilité publique (approvisionnement en eau, évacuation des eaux usées et chauffage ; dans le cas du canton de Sarajevo, également l’éducation et les transports publics), mais l’organisation centrale au niveau cantonal est rarement plus efficiente. Les nouvelles autorités cantonales de Sarajevo ont annoncé vouloir abandonner la politique centralisatrice du passé et transférer des compétences aux communes. Bon nombre d’interlocuteurs ont souligné que le plus souvent les communes ne demandaient pas de compétences supplémentaires, celles-ci s’accompagnant de coûts considérables (c’est notamment le cas des écoles élémentaires, dont le transfert est déjà prévu à l’article II.A.4 (b) de la Constitution de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et aux articles 8 et 10 de la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les principes de l’autonomie locale).

 

Lors de plusieurs de leurs réunions en Fédération de Bosnie-Herzégovine, l’attention des rapporteures a été attirée sur l’importance des mjesne zajednice, c’est-à-dire les localités qui composent les communes. Ces localités sont réglementées au niveau de la Fédération de Bosnie-Herzégovine dans les articles 24 à 32 de la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les principes de l’autonomie locale, mais elles relèvent aussi des compétences des cantons en matière d’autonomie locale. Leurs conseils sont établis au moyen d’élections directes (en plus des élections locales) et se composent d’un certain pourcentage de conseillers élus. Les mjesne zajednice sont financés sur les budgets locaux et soumettent leurs demandes de projets au niveau municipal. Depuis 2013/14, il a plusieurs fois été tenté d’amender la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les principes de l’autonomie locale, notamment en vue de renforcer les mjesne zajednice et de mieux impliquer les citoyens dans un processus de développement ascendant. Cependant, les collectivités locales se sont opposées à ce projet afin de conserver leurs compétences.

 

En Republika Srpska, le principe de subsidiarité n’est pas inscrit expressément dans la Constitution ou la législation, mais la nature des tâches ainsi que les critères d’efficience et d’économie ont été pris en considération lors de la réforme de 2017. Lors de la visite, certains interlocuteurs des rapporteures ont déploré le non-respect, dans la pratique, du principe de subsidiarité en Republika Srpska. Les rapporteures ont eu le sentiment qu’en Republika Srpska le principe de subsidiarité, bien que n’apparaissant pas expressément dans la législation, était cependant le plus souvent appliqué dans la pratique.

 

En Fédération de Bosnie-Herzégovine, le rôle autonome des cantons, qui empiètent souvent sur les compétences des communes, semble aller à l’encontre d’une approche systémique garantissant le principe de subsidiarité. Le rôle des mjesne zajednice devrait aussi être inclus dans un système général fondé sur une logique de subsidiarité.

 

Par conséquent, les rapporteures considèrent que globalement les exigences de l’article 4.3 ne sont que partiellement respectées en Bosnie-Herzégovine.

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


Voir réponse indiquée à l'article 4.1

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


Les constitutions des cantons prévoient la possibilité de déléguer des compétences aux niveaux inférieurs et d’en transférer aux niveaux supérieurs. Aux termes de la loi sur les principes de l’autonomie locale, à la suite de consultations avec la commune concernée, la délégation de compétences doit prendre en considération le principe de subsidiarité et la capacité de chaque commune (article 10) et elle doit s’accompagner de l’attribution des financements nécessaires pour remplir les nouvelles tâches (article 9). Divers interlocuteurs ont souligné que dans la pratique les obligations et responsabilités transférées aux collectivités locales ne sont généralement pas accompagnées d’un transfert de ressources financières permettant d’assumer ces obligations, ce qui va à l’encontre de l’article 9 de la Charte. En revanche, aucune plainte n’a été formulée concernant d’éventuelles ingérences abusives dans l’exercice de compétences déléguées.

 

Par conséquent, il apparaît que l’article 4.5 relatif aux compétences déléguées est respecté du point de vue de la latitude des collectivités locales pour adapter ces compétences aux besoins locaux. Les rapporteures ont cependant noté davantage de problèmes pour ce qui concerne les conditions dans lesquelles les compétences sont déléguées, notamment le fait que leur financement est insuffisant. Ce point sera exposé plus longuement en lien avec l’article 9.

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


En Fédération de Bosnie-Herzégovine, les communes semblent faire entendre leur voix dans le débat public et leur consultation au sujet des propositions de lois est prévue dans le cadre de la consultation publique obligatoire par la loi sur les principes de l’autonomie locale (articles 53 et 56) ainsi que par le Règlement du Parlement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine relatif à la rédaction des lois. L’un des 25 groupes de travail et commissions du Parlement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine est chargé des questions d’autonomie locale. Dans la pratique, cependant, les autorités supérieures ne semblent pas respecter systématiquement l’obligation de consultation, en particulier lorsqu’une nouvelle législation impose de nouvelles dépenses aux collectivités locales (par exemple pour les casernes de sapeurs-pompiers ou l’approvisionnement en électricité). À ce jour, par huit fois déjà la Cour constitutionnelle de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a conclu à des violations. Elle a notamment annulé la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur la protection contre l’incendie, qui avait imposé des dépenses aux collectivités locales sans consultation préalable. Un autre domaine important est celui de l’aménagement du territoire et des infrastructures. Par exemple, la ville de Jablanica, située sur le principal axe nord-sud menant actuellement à Mostar, n’a pas été consultée au sujet de la nouvelle autoroute (corridor 5C) qui, d’après le projet actuel, ne donnera accès à la ville qu’à une distance de 40 km, ce qui aura probablement des conséquences négatives pour toute la vie économique de la ville. De même, la consultation n’est pas toujours respectée au niveau des cantons : une loi relative aux transports scolaires (2002) avait été adoptée par le canton de l’Herzégovine de l’Ouest sans attribuer aux communes les financements nécessaires pour assumer cette nouvelle tâche et sans l’approbation de l’Association des communes. En 2012, à la suite d’un recours de cette association, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a statué en sa faveur. La question de la non-exécution des décisions de la Cour constitutionnelle à ce sujet sera évoquée dans l’analyse sur l’article 11.

 

La nouvelle loi de la Republika Srpska sur l’autonomie locale (2016) prévoit une obligation de consultation avec l’Assemblée nationale de la Republika Srpska par le biais de l’Association des pouvoirs locaux de Republika Srpska, en tant qu’ONG représentative de l’ensembles des villes et communes. Il a été indiqué aux rapporteures qu’une stratégie pour le développement de l’autonomie locale serait élaborée et qu’un groupe de travail chargé du suivi de la mise en œuvre avait été créé. Dès la préparation de cette nouvelle loi, pour laquelle la Charte a été utilisée en tant que « ligne directrice » (d’après les informations fournies par le ministère de l’Autonomie locale de Republika Srpska), de vastes consultations ont été organisées pendant plus d’un an (à partir d’octobre 2015). La loi a reçu le soutien de l’Association des pouvoirs locaux de Republika Srpska et la consultation a permis d’apporter quelques modifications au projet. Certains interlocuteurs ont toutefois souligné l’importance des canaux politiques informels pour représenter les intérêts locaux, ce qui pourrait être le signe que les canaux formels et officiels sont moins utilisés dans les faits.

 

Le district de Brčko participe par le biais d’un bureau de représentation au Conseil des ministres de la BiH, ainsi qu’au sein du mécanisme de coordination. Les pouvoirs du superviseur international sont gelés depuis plusieurs années. Le représentant du district de Brčko a indiqué aux rapporteures que la coopération et le compromis faisaient partie intégrante de la culture politique du district. La délégation n’a eu connaissance d’aucune plainte concernant la consultation avec les autorités de niveau supérieur.

 

Les rapporteures considèrent que l’article 4.6 est respecté dans la législation, mais qu’il ne l’est pas dans la pratique. La consultation effective doit être développée et améliorée, en particulier en Fédération de Bosnie-Herzégovine. La création d’un ministère de l’Autonomie locale en Fédération de Bosnie-Herzégovine, en tant qu’institution et interlocuteur central pour toutes les questions relatives aux collectivités locales, comme le recommande l’Association des villes et communes de la Fédération, pourrait être une mesure importante pour améliorer la consultation.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


Cet article pose une obligation de consultation des collectivités locales en cas de modification de leurs limites territoriales. En conséquence du compromis territorial conclu à la fin de la guerre, qui a assigné 51 % du territoire national à la Fédération de Bosnie-Herzégovine et 49 % à la Republika Srpska, le territoire de nombreuses communes a été modifié, la plupart des nouvelles limites territoriales reflétant l’évolution de la composition ethnique. Avant la guerre, il y avait 109 communes ; leur nombre a augmenté après la guerre, du fait que certaines communes ont été divisées entre les deux Entités et que les mjesne zajednice ayant des minorités ethniques sont devenus de nouvelles communes[14]. Certaines communes ayant conservé leur territoire d’avant-guerre ont changé de composition ethnique[15]. Du fait de la fragmentation du pays en deux Entités et dix cantons dotés d’un statut constitutionnel, aucune modification du territoire des communes ne s’est faite par-delà les limites territoriales des Entités ou des cantons.

 

Outre le débat sur le statut de Sarajevo (voir ci-dessus), la question de la viabilité (économique) de plusieurs petits cantons qui reçoivent des transferts du budget de la Fédération de Bosnie-Herzégovine fait aussi l’objet de discussions. Cependant, du fait que les cantons sont des structures d’origine politique et qu’ils ont été établis par l’Accord international de Washington de 1994 et, par la suite, dans la Constitution de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, leur fusion paraît difficilement réalisable.

 

Les précédents rapports de suivi du Congrès n’ont pas fait état de problème spécifique concernant la modification des limites territoriales ou la consultation préalable des autorités concernées. Lors de la visite, la délégation n’a entendu aucune plainte de la part de responsables politiques ou d’associations au sujet d’un éventuel non-respect de l’article 5 dans le contexte actuel. En l’absence de cas récents de modification des limites territoriales des collectivités locales et de plaintes à ce sujet, les rapporteures ne peuvent que se référer à la loi et partir du principe que les dispositions légales des deux Entités relatives à la consultation s’appliquent en cas de modification potentielle des limites territoriales des collectivités locales conformément à l’article 5 de la Charte.

 

Les rapporteures considèrent par conséquent que la situation actuelle en Bosnie-Herzégovine est conforme à l’article 5.


[14] Par exemple, Zvornik était à majorité bosniaque et a maintenant une majorité de Serbes de Bosnie. Avant-guerre, Doboj comptait environ 55 % de Bosniaques ; la population de Croates de Bosnie a rejoint la commune d’Usora, de sorte que la population de Doboj est aujourd’hui presque exclusivement bosniaque. Voir : Banque mondiale (ECSSD), From Stability to Performance. Local Governance and Service Delivery in Bosnia and Herzegovina, janvier 2009, p. 6.

 

[15] Huit communes ont conservé les mêmes limites territoriales : Banja Luka, Breza, Jablanica, Ljubinje, Novo Sarajevo, SÌŒ[iroki Brijeg, Tuzla et Visegrad. Parmi elles, Visegrad avait une population de Bosniaques et de Serbes de Bosnie avant la guerre et compte aujourd’hui majoritairement des Serbes de Bosnie. La majorité de Serbes de Bosnie de Banja Luka a augmenté, passant d’environ la moitié de la population à plus de 90 %. Après la guerre, Mostar a initialement été divisée en six communes (trois bosniaques et trois croates de Bosnie), mais le BHR a ultérieurement annulé ce découpage et établi Mostar en tant que ville dotée de six zones (sur le cas de Mostar, voir ci-dessous la section distincte). Voir : Banque mondiale (ECSSD), From Stability to Performance…, p. 6.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


D’une manière générale, les collectivités locales peuvent définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, dans le respect des dispositions et limitations légales. Cela requiert habituellement une décision du conseil local, sur la base d’une proposition du maire. Celui-ci, en tant que chef de l’exécutif et des personnels administratifs, dispose aussi de compétences modérées pour apporter des changements ou des ajustements dans l’administration de la collectivité locale. Cependant, dans une large majorité des collectivités locales les ressources administratives et humaines sont tellement réduites qu’en réalité très peu de choses peuvent être définies ou adaptées afin de permettre « une gestion efficace ».

 

Plus précisément, une loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les organes administratifs limite l’autonomie des communes, en instaurant une proportion entre la création de nouveaux organes et la population de la collectivité territoriale.

 

L’initiative « Sistem 48 » de la commune de Jablanica, soutenue par l’agence GIZ, offre un exemple positif d’organisation des services et d’interaction avec les citoyens. Les questions des citoyens sur tout aspect lié aux services locaux reçoivent une réponse dans les 48 heures. Les priorités en matière de services font l’objet de discussions et de décisions lors de réunions mensuelles entre le maire et tous les prestataires de services.

 

En Republika Srpska, la nouvelle loi sur la fonction publique a introduit un ensemble de critères sur les normes de recrutement des fonctionnaires et autres agents publics. Cette loi prévoit en particulier un ratio de trois employés pour 1 000 habitants (et d’un pour 1 000 dans les villes), de sorte que le nombre de personnels administratifs est limité. Ce ratio devra être atteint au 30 juin 2019. Sarajevo-Est, par exemple, devra ramener son personnel à 65 employés à la date prévue, au moyen de départs à la retraite et de licenciements. À Banja Luka, le nombre d’agents publics devra être réduit de 750 (actuellement) à 570. Les interlocuteurs se sont inquiétés de cette situation, estimant que la plupart des unités d’autonomie locale ne seront pas en mesure de respecter le nouveau ratio. Ils ont demandé à l’Association des pouvoirs locaux d’intervenir afin de faire modifier le quota. Par ailleurs, la collecte d’une nouvelle taxe foncière introduite à partir du 1er janvier 2019 pour les villes (uniquement) devrait également poser problème. Le ministère de l’Autonomie locale de Republika Srpska a souligné que la préparation de cette nouvelle loi s’était accompagnée d’une vaste consultation. Il a également indiqué que le plafonnement du nombre d’agents publics était nécessaire afin de contenir la part élevée de la masse salariale au sein des budgets locaux, affirmant que l’augmentation continue de cette masse salariale risquait de rendre impossible l’offre de certaines services locaux essentiels. Certaines communes, du fait qu’elles avaient par le passé un personnel trop nombreux, devront avoir recours à des licenciements ; pour les autres, la longue période d’adaptation devrait permettre de gérer la diminution des effectifs au moyen d’une réorganisation interne et de départs à la retraite. De plus, les services d’urgence – comme les pompiers – ne sont pas concernés par cette mesure. Un suivi et un réexamen du plafond en 2020 sont prévus, de même qu’une prolongation du délai dans certains cas dûment motivés.

 

La privatisation des entreprises et biens publics, il y a vingt ans, a privé les collectivités locales de leurs entreprises de service public, à quelques exceptions près. À Banja Luka, 65 % de l’approvisionnement en eau est assuré par la ville et 35 % par d’autres acteurs ; la ville possède aussi 49 % du système de chauffage collectif. Cependant, la quasi-totalité des services publics sont assurés par des entreprises privées : par exemple la construction et l’entretien des routes, les transports, le nettoyage et l’entretien des jardins publics. Cette situation a pour conséquences que la passation de marchés est réputée complexe, lente et exposée à la corruption. Il n’est pas rare que des procédures complexes doivent être renouvelées à la suite de plaintes de concurrents, ce qui retarde considérablement la mise en œuvre de projets importants. À Banja Luka, un nouveau projet de logement social a été lancé, impliquant trois immeubles (59 appartements) dont la ville est propriétaire et assure la gestion.

 

Le district de Brčko a une structure administrative et institutionnelle particulière adaptée à sa situation spécifique. Le district compte onze départements qui correspondent à de petits ministères. L’administration emploie quelque 3 000 personnes, pour une population de 93 000 habitants (chiffre du recensement, le nombre des résidents permanents étant estimé à 75 000). La forte présence internationale (États-Unis) et la rotation fréquente des titulaires de fonctions ont engendré une culture politique particulière, beaucoup plus ouverte au compromis et à la négociation que dans le reste du pays. Ainsi, contrairement à la situation dans les Entités, le système scolaire du district n’est pas fragmenté mais intégré, et tous les élèves sont même réunis pour les cours d’histoire (le compromis étant que la période 1992-95 est exclue du programme). Les différents groupes d’élèves ne sont séparés que pour les cours de langues.

 

La loi laisse une grande liberté aux communes, mais elle prévoit aussi d’importantes restrictions, de sorte que les rapporteures concluent que l’article 6.1 n’est que partiellement respecté. Elles s’inquiètent notamment du plafonnement du nombre d’agents publics locaux introduit en Republika Srpska. Bien que l’application temporaire de cette mesure puisse se justifier du fait de l’excédent de personnel hérité du passé et de la nécessité de garantir l’efficience des administrations municipales, ce plafonnement limite l’autonomie organisationnelle des collectivités locales en violation de l’article 6, puisqu’il détermine la taille de leur administration (et pas uniquement un effectif maximal) sans aucune marge de discrétion.

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


La délégation du Congrès n’a eu connaissance d’aucune plainte de la part des représentants des communes concernant le statut du personnel ou des difficultés particulières pour le recrutement. Cependant, d’une manière générale, l’émigration des travailleurs qualifiés vers d’autres pays européens, notamment l’Allemagne, réduit les chances des petites communes de trouver des personnels formés et qualifiés, en particulier pour les tâches spécialisées.

 

Une loi-cadre de la Fédération de Bosnie-Herzégovine encadre les salaires de l’administration municipale, mais il semble que ce texte ne serait pas très bien respecté et que de nombreuses communes fixeraient elles-mêmes les salaires de leur personnel, ce qui est dommageable pour le système budgétaire global mais ne constitue pas une violation de l’article 6.

 

Des problèmes ont été signalés concernant le recrutement des fonctionnaires, dus à plusieurs raisons : le système d’enseignement supérieur n’est pas satisfaisant, le nombre des inspecteurs est trop faible pour garantir un contrôle effectif (seulement quatre inspecteurs du travail pour le canton de Sarajevo) et le Code de règles sur la qualification professionnelle n’a pas encore été adopté. Un problème spécifique aux collectivités locales est le manque d’inspecteurs des bâtiments, qui a pour conséquence un défaut d’exécution des décisions et, plus globalement, un respect insuffisant des réglementations.

 

La loi accorde aux communes une grande marge de liberté concernant le recrutement et le statut des personnels. Si cette liberté n’est pas aussi grande dans la pratique, les rapporteures concluent cependant que l’article 6.2 est globalement respecté.

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


La base juridique pertinente se trouve dans l’article 1.1 de la loi de BiH sur les élections, qui dispose que les principes en vigueur à tous les niveaux d’autorité publique de la Bosnie-Herzégovine sont définis par cette loi. Ainsi, la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur l’élection, la destitution, la révocation et le remplacement des dirigeants de commune réglemente toutes les questions relatives aux maires élus au suffrage direct en Fédération de Bosnie-Herzégovine, tandis que l’élection des conseillers municipaux est régie par la loi de BiH sur les élections. La loi de Republika Srpska sur les élections dispose que l’élection des organes locaux (assemblées municipales) se fait conformément à la loi de BiH sur les élections, tandis qu’une loi de l’Entité régit l’élection et la révocation des maires. La loi du district de Brčko sur les élections réglemente l’élection des membres de l’Assemblée du district, et son article 1.1.(2) précise que les dispositions de la loi de BiH sur les élections s’appliquent à toute situation non expressément réglementée par la loi du district de Brčko sur les élections.

 

Les maires sont élus au suffrage direct selon un système uninominal à un tour. En BiH, les élections se déroulent sur la base d’un système de représentation proportionnel à listes ouvertes, avec un seuil de 3 %. La méthode de Sainte-Laguë est employée pour la répartition des sièges entre les partis ayant atteint le seuil requis, ce qui privilégie les petits partis.

 

Depuis 2017, une nouvelle loi sur l’autonomie locale (2016) est en vigueur en Republika Srpska, ainsi qu’une nouvelle loi sur les fonctionnaires et agents publics. D’importants changements ont ainsi été introduits, en particulier pour les assemblées confrontées à de fréquents blocages : par le passé, il était possible de révoquer le maire, mais pas les conseillers municipaux. Cela a cependant été tenté souvent (environ cinq ou six fois), y compris quelques mois seulement après les élections, à l’initiative de conseillers minoritaires ou de ceux qui avaient quitté la majorité. La nouvelle procédure de révocation prévoit la dissolution du conseil en cas d’échec à un référendum. Aucun référendum de révocation n’a été organisé à ce jour selon la nouvelle procédure. Par ailleurs, le conseil doit se réunir pour des sessions ordinaires au moins tous les deux mois.

 

De l’avis des rapporteures, la possibilité de révoquer des élus locaux peut d’une manière générale constituer une menace pour l’exercice de l’autonomie locale, eu égard aux risques liés à l’abus de cette pratique, comme dans le cas des blocages susmentionnés. Les rapporteures conviennent qu’il est nécessaire d’établir des moyens effectifs d’empêcher l’utilisation abusive de la révocation d’élus locaux, ce qui a motivé les initiatives législatives en Republika Srpska. Elles doutent cependant que la dissolution d’un conseil puisse être une mesure de protection satisfaisante du point de vue du droit des élus locaux d’exercer librement leurs fonctions, comme le prévoit l’article 7.1 de la Charte. Les rapporteures considèrent que la simple abrogation de la disposition portant sur la révocation dans la nouvelle Loi sur l’autonomie locale de 2016 pourrait être la solution la plus adéquate.

 

Des règles spécifiques s’appliquent à la représentation des groupes ethniques ou nationaux : dans les communes où plus de 80 % de la population appartient à un peuple constitutif donné, le président du conseil doit être issu d’un groupe ethnique différent. Les membres des minorités nationales peuvent être représentés au conseil proportionnellement à leur pourcentage au sein de la population totale, tel qu’établi par le dernier recensement effectué en BiH. Le nombre des membres de minorités nationales qui sont élus directement au conseil est défini par le statut de la ville ou commune concernée. Les minorités nationales qui constituent plus de 3 % de la population totale d’une circonscription donnée d’après le dernier recensement se voient garantir au moins un siège (article 13.14 de la loi de BiH sur les élections).

 

Divers interlocuteurs ont évoqué le problème du contexte permanent de campagne électorale, du fait que différentes élections ont lieu tous les deux ans en Bosnie-Herzégovine. À ce sujet, les rapporteures souhaitent rappeler la précédente recommandation du Congrès[16], qui appelait à regrouper les élections à caractère local (élections locales et élections des assemblées cantonales).

 

Les rapporteures considèrent que l’article 7.1 est globalement respecté en Bosnie-Herzégovine.


[16] Rapport CPR36(2019)02final sur les élections des assemblées cantonales de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (7 octobre 2018) adopté par le Congrès le 3 avril 2019 : https://search.coe.int/congress/pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680937715

 

 

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


Les lois spécifiques de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, de la Republika Srpska et du district de Brčko relatives aux conflits d’intérêts déterminent les fonctions ou activités incompatibles avec le mandat de maire ou de conseiller municipal. Aucun problème spécifique concernant une limitation excessive n’a été signalé lors de la visite de la délégation.

 

La situation en Bosnie-Herzégovine semble être conforme à l’article 7.3.

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


En Fédération de Bosnie-Herzégovine, les lois sur les salaires définissent les règles et plafonds (sous la forme de coefficients) applicables aux personnels et aux conseillers. Cependant, une loi différente s’applique dans chacun des dix cantons. Tous les maires exercent leur mandat à titre professionnel (aucune autre activité n’est autorisée) et leur rémunération est calculée sur la base d’un salaire minimum multiplié par un coefficient. Dans l’ensemble, les salaires sont relativement faibles (en moyenne 850 KM). Les conseillers perçoivent une indemnité fixée par le conseil municipal. À Jablanica, cette indemnité est relativement faible (300 KM par mois) et couvre la participation aux sessions du conseil et des commissions, les frais de transport (dans la commune) et les heures de présence (une fois par semaine). Dans d’autres communes, l’indemnité pourrait aller jusqu’à 800 KM.

 

En Republika Srpska, l’indemnisation des responsables locaux (le maire, le chef de l’exécutif municipal, leurs adjoints ainsi que les président et vice-président de l’assemblée) est définie conformément à la loi sur le statut des responsables de collectivités locales. La situation est analogue à celle de la Fédération de Bosnie-Herzégovine : tous les maires exercent leur mandat à titre professionnel, mais leur salaire est calculé d’après le salaire moyen dans la commune, multiplié par un coefficient fixé sur décision du conseil (1 100 KM en moyenne, pouvant aller de 750 KM jusqu’à 2 500 KM à Banja Luka et Bijelina). L’article 41 de la loi de Republika Srpska sur l’autonomie locale dispose que les conseillers locaux peuvent percevoir une indemnité, dont le montant est défini par l’assemblée locale (l’indemnité peut aller jusqu’à 50 % du salaire net moyen versé par la collectivité locale).

 

En conclusion, les exigences énoncées à l’article 7.2 semblent être respectées actuellement.

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


Aux termes de l’article 8, paragraphes 1 et 2, tout contrôle administratif des activités des collectivités locales doit être effectué conformément à des procédures préétablies et ne doit viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels.

 

En Fédération de Bosnie-Herzégovine, le ministère de la Justice exerce un contrôle sur les procédures administratives et les questions touchant à l’emploi des fonctionnaires (des cantons et des communes). Dans sa recommandation de 2012, le Congrès appelait déjà les autorités de la Fédération de Bosnie-Herzégovine à envisager la création d’un ministère de l’autonomie locale (analogue à celui de la Republika Srpska), en tant qu’interlocuteur à la fois pour les cantons et les communes. Un tel ministère n’a toujours pas été créé. Actuellement, les communes doivent s’adresser à différents ministères (au niveau de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de leur canton respectif) sur chacune de ces questions. Cela vaut également pour le contrôle des communes. La Service de l’administration publique du ministère de la Justice de la Fédération de Bosnie-Herzégovine reste l’interlocuteur pour les affaires des collectivités locales.

 

Les autorités cantonales exercent un contrôle administratif sur les communes, portant sur la légalité des actes administratifs et autres adoptés conformément à la législation cantonale ou en vue de son application. En cas de non-application, en dernier recours les autorités cantonales ont la possibilité de se substituer à la commune. Les inspections approfondies des cantons peuvent porter sur tous les aspects de l’action administrative, tels que les permis de construire et les services d’utilité publique. Elles incluent aussi un contrôle strict et fréquent (tous les six mois) de la tenue des registres d’état-civil. Le contrôle porte en outre sur les dépenses budgétaires, et notamment sur la manière dont les autorités locales gèrent les dotations qui leur sont allouées.

 

En Fédération de Bosnie-Herzégovine, le contrôle administratif des activités des communes exercé par les autorités cantonales est limité, concernant l’exécution des responsabilités propres des communes, à la légalité des activités ; dans le cas des compétences déléguées, le contrôle peut aussi porter sur l’opportunité des activités.

 

En 2018, le Bureau de contrôle des comptes des institutions en Fédération de Bosnie-Herzégovine a effectué un contrôle dans cinq villes et trois communes (budget total de 96.7 million BAM) ainsi que cinq cantons. En raison du grand nombre d'unités auditées relevant de la juridiction du Bureau de contrôle des comptes des institutions de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (plus de 2000), lorsque le Bureau planifie le nombre total d'audits chaque année, le principal facteur pris en compte est la disponibilité des ressources humaines. Ensuite, sur la base d'une évaluation des risques, les audits restants sont sélectionnés, l'accent étant mis ces deux dernières années sur les unités qui n'ont jamais été auditées auparavant.

 

Le ministère de l’Administration et de l’Autonomie locale de Republika Srpska comprend un service d’inspection qui assure un contrôle de légalité sur les activités des communes. Des inspections spécialisées peuvent être menées dans des domaines spécifiques par les services des ministères compétents (contrats publics, santé, etc.). Jusqu’en 2016 les tribunaux de Republika Srpska étaient submergés de requêtes et de plaintes, du fait que les inspections et les litiges sur tous les actes des collectivités locales devaient nécessairement être réglés par les tribunaux. La nouvelle loi de Republika Srpska (2017) prévoit un contrôle par les tribunaux pour les actes généraux et les dettes (de plus de 10 000 BAM), ainsi qu’une compétence pour les plaintes de citoyens.

 

La Cour des comptes de Republika Srpska exerce un contrôle sur la gestion financière et la performance des collectivités locales de l’Entité. Il lui faut cinq ans pour examiner le cas de chacune des 64 collectivités locales. Tous les rapports de contrôle comportant des conclusions négatives concernent des communes ou leurs entreprises. Ces communes font l’objet d’un nouvel examen afin de vérifier si la situation s’est améliorée eu égard aux recommandations formulées. Les problèmes les plus fréquents concernent la gestion comptable des biens, l’exécution des budgets, l’emprunt et la synthèse des états financiers des entreprises appartenant à la commune. Ils découlent le plus souvent, d’après les contrôleurs, d’un manque de qualification et de formation des personnels municipaux. En réponse à ce problème, le ministère des Finances de Republika Srpska a élaboré un Plan comptable à l’usage des communes.

 

Les rapporteures considèrent que le système de contrôle est conforme aux principes énoncés à l’article 8, paragraphes 1 et 2.

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.


Voir réponse indiquée à l'article 8.1

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.


Concernant les modalités concrètes de l’exercice du contrôle, du point de vue en particulier du principe de proportionnalité, les interlocuteurs de la délégation ne lui ont fourni que peu d’informations, et aucune plainte n’a été formulée.

 

L’article 47 de la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les principes de l’autonomie locale prévoit expressément la proportionnalité dans l’exercice des compétences de contrôle. Seule une juridiction compétente peut rendre une décision définitive portant sur l’annulation ou la modification d’actes adoptés par des communes dans leur domaine de responsabilités propres (article 47 de la loi susmentionnée).

 

Aucune sanction véritable ne semble être imposée en vertu de la loi de Republika Srpska. Le procureur public peut intervenir dans les cas les plus graves. Habituellement, le rapport est adressé à l’assemblée municipale concernée, qui doit présenter dans un délai de 60 jours un plan de remédiation dont l’exécution sera examinée lors du contrôle suivant ou à l’occasion d’un contrôle spécifique. L’exécution des budgets fait l’objet d’un contrôle de légalité et de conformité. C'est également le cas dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

 

En conclusion, les exigences de l’article 8.3 concernant la proportionnalité du contrôle semblent être respectées.

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


Le Gouvernement de Republika Srpska n’impose pas de limites à l’endettement, qui sont régies par la loi de Republika Srpska sur l’emprunt, les dettes et les garanties (O.G. RS, numéros 71/12, 52/14 et 114/17). Cette loi fixe un plafond à l’emprunt, qui favorise les villes, tandis que les petites communes peuvent difficilement emprunter des montants élevés, car leur budget réduit ne leur permettrait pas d’assumer le service de la dette.

 

En Fédération de Bosnie-Herzégovine, l’emprunt constitue une source supplémentaire pour les dépenses d’investissement. Les autorités de niveau inférieur s’appuient principalement sur des moyens internes (certaines émettent aussi leurs propres obligations), tandis que la Fédération de Bosnie-Herzégovine s’appuie sur l’emprunt interne et international ainsi que sur l’émission de bons du trésor et d’obligations à long terme. Cependant, du fait de l’amélioration générale de la situation économique, l’emprunt est devenu de moins en moins nécessaire.

 

Une procédure judiciaire oppose actuellement l’Association des villes et communes de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Fédération, portant sur le remboursement de prêts au FMI, dont le service prime sur la distribution de ressources aux cantons ou aux communes. L’Association affirme que le remboursement a entraîné une réduction des fonds attribués aux collectivités locales et provenant des impôts indirects.

 

Les exigences énoncées à l’article 9.8 semblent être globalement respectées. Cependant, la situation en Fédération de Bosnie-Herzégovine concernant le remboursement de prêts du FMI devrait être surveillée, eu égard aux préoccupations relatives aux conséquences de la réduction des ressources destinées aux collectivités locales.

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


En Republika Srpska, les collectivités locales n’obtiennent pas facilement des prêts sur le budget de l’Entité pour financer leurs investissements. Des ressources considérables sont destinées aux investissements des collectivités locales, sur le budget de la Republika Srpska pour 2018 (au 30 novembre 2018, 25,854 millions KM ont été distribués, soit environ 12,5 millions d’euros). Outre les ressources provenant du budget de la Republika Srpska, les collectivités locales reçoivent des ressources pour leurs projets d’investissement de la part du Gouvernement de la Republika Srpska et des ressources provenant de l’apurement de dettes. Deux types de transferts du ministère de l’Autonomie locale de Republika Srpska peuvent être distingués : les transferts ordinaires ; qui ne sont pas associés à une fin spécifique, et les transferts extraordinaires, que le ministère peut accorder sous condition.

 

En Fédération de Bosnie-Herzégovine, les dotations directes des cantons aux communes sont la règle, en tant qu’investissements partiels couvrant 40-50 % des coûts, les communes ayant l’obligation de rendre compte des dépenses. Dans de nombreux cas, des partenariats avec des organisations internationales (comme la Banque mondiale, le PNUD, GIZ) fournissent des fonds additionnels pour les investissements dans des écoles, l’efficience énergétique, etc.

 

De l’avis des rapporteures, les exigences de l’article 9.7 sont respectées.

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


En Republika Srpska, la législation comprend des garanties spécifiques qui obligent les institutions à consulter les collectivités locales sur les questions ayant trait à leur situation et à leur rôle. L’article 73, paragraphe 2, de la loi de Republika Srpska sur l’autonomie locale (O.G. RS 97/16) dispose notamment que les collectivités locales doivent être consultées sur toute question ayant trait à l’attribution et la répartition des ressources, ainsi que sur toute modification de la législation susceptible de modifier la situation financière d’une collectivité locale. L’article 151, paragraphe 2, de cette même loi précise que lors de l’élaboration d’une législation ou réglementation concernant la position, les droits ou les obligations des collectivités locales, les organes compétents sont tenus de soumettre les projets ou propositions de loi ou de tout autre acte d’application générale à l’Association des pouvoirs locaux et aux collectivités locales pour consultation. Un accord sur (les modalités de) la coopération dans le domaine du financement des collectivités locales a été signé entre le Gouvernement de la Republika Srpska et l’Association des pouvoirs locaux. Certains interlocuteurs ont toutefois souligné le trop grand nombre de changements intervenus dans le secteur fiscal, qui ont entraîné une instabilité et une incertitude des sources de recettes.

 

La situation législative est analogue en Fédération de Bosnie-Herzégovine. L’article 34 de la loi de la Fédération sur les principes de l’autonomie locale dispose ce qui suit : « le législateur est tenu de recueillir l’avis de l’Association des villes et communes sur toute question ayant trait à l’allocation de ressources financières, ainsi que sur toute modification de la législation susceptible d’avoir une incidence sur les obligations financières des collectivités locales ». Toutefois, comme les rapporteures l’ont noté au terme de l’analyse sur l’article 4.6 (voir le paragraphe 77 ci-dessus), certaines insuffisances subsistent dans la pratique de la consultation, par exemple au sujet des dépenses.

 

Par conséquent, les rapporteures concluent que la situation en matière de consultation sur l’attribution des ressources financières en Bosnie-Herzégovine semble conforme du point de vue de la législation, mais qu’il existe encore une marge de progression pour que la pratique soit pleinement conforme à l’article 9.6.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


Fondée sur l’article 76 de la loi de Republika Srpska sur l’autonomie locale, la répartition des ressources entre les communes dépend de leur niveau de développement. Ainsi, les collectivités locales de Republika Srpska sont divisées en quatre catégories en fonction de leur niveau de développement, de leurs moyens et de leur potentiel (décision de l’Assemblée nationale de Republika Srpska sur les critères d’évaluation du niveau de développement, 2016). Elles peuvent être : (a) développées (villes), (b) moyennement développées, (c) sous-développées ou (d) extrêmement sous-développées. La situation de ces dernières communes pose la question des mécanismes de péréquation : elles ne peuvent en effet résoudre par elles-mêmes leur manque de ressources, leur population ne leur permettant pas de générer des ressources suffisantes. La péréquation se fait essentiellement par le biais de dotations spécifiques transférées par le ministère de l’Autonomie locale de Republika Srpska (2,3 millions KM en 2018), suivant les critères énoncés dans un Règlement de 2015. Pour chaque commune, sont pris en compte (chiffres de l’année précédente) : (1) le revenu total par habitant des entreprises enregistrées (35 %), (2) les recettes budgétaires totales (25 %), la densité démographique (20 %) et le taux de chômage (20 %). En outre, d’autres dotations couvrent des secteurs spécifiques tels que les PME, l’agriculture, l’environnement, les infrastructures, etc.[21]

 

La Fédération de Bosnie-Herzégovine cofinance sur son budget une dotation aux niveaux subfédéraux de gouvernance, d’un montant annuel de 10-20 millions KM. Bien qu’il n’y ait pas d’obligation légale formelle ni de système de péréquation formalisé (certains interlocuteurs considèrent qu’un tel système sera nécessaire à l’avenir), le gouvernement de la Fédération accorde des dotations aux cantons qui connaissent des difficultés financières. Les collectivités locales reçoivent les dotations sous la forme d’une assistance financière, c’est-à-dire pour le cofinancement de projets (bâtiments, établissements scolaires ou dotations à vocation spécifique). Les collectivités locales doivent rendre compte des dépenses effectuées dans un délai de six mois. Pour ce qui concerne les cantons, de nombreux interlocuteurs ont déploré une gestion financière inconsidérée et, d’une manière générale, la difficulté d’établir des critères généraux. De plus, il n’y a pas de priorités ni de lignes directrices, mais une évaluation des besoins d’année en année.

 

La loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur le décaissement des fonds publics, qui définit les critères relatifs aux zones les moins développées, simplifie la répartition en s’appuyant sur 4 critères fondamentaux : (1) la population, (2) la superficie et le nombre d’élèves (3) de l’enseignement primaire et (4) de l’enseignement secondaire. D’après certains interlocuteurs, ces critères simplifiés constituent une source supplémentaire d’inégalité, en utilisant des coefficients différents pour calculer les besoins d’une population locale. Ces coefficients sont compris entre 1,1 et 2,0 (il est par exemple de 1,5 pour Sarajevo). De ce fait, la population de Sarajevo est avantagée, en termes de protection sociale et de services de santé, par rapport à celle de la périphérie. Ce système doit par conséquent être réformé (mission technique du FMI, 2018) : un nouveau projet de loi devra inclure des éléments de péréquation pour les « zones vulnérables » et des impôts indirects plus élevés (à des fins de différenciation, tandis que les impôts directs, qui sont de la compétence de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, resteront identiques partout). Il appartient maintenant au nouveau gouvernement de reprendre cette proposition et de réviser la loi en vigueur, y compris les critères (démographie, nombre d’élèves, etc.). Actuellement, les cantons s’occupent de la question des zones sous-développées.

 

Le problème des migrations rend plus urgente encore l’élaboration de nouvelles procédures et de nouveaux critères de péréquation. De nombreux interlocuteurs ont exprimé leur inquiétude à ce sujet. Ces dernières années, les gens sont (de plus en plus) nombreux à quitter le pays. Cette évolution démographique, combinée avec l’urbanisation de ces vingt dernières années concentrée sur quelques sites (notamment Sarajevo et Banja Luka), a engendré de graves difficultés, surtout pour les zones rurales et les villes situées en périphérie d’une ville plus grande. La population et sa croissance sont en effet la seule source de développement. Les grandes villes continuent à s’agrandir, mais les maires estiment que plus de 100 000 personnes quittent le pays chaque année, en raison principalement de l’incertitude (réelle ou ressentie) engendrée par le « conflit gelé ». Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement des travailleurs (“Gastarbeiter ») qui quittent le pays, mais des familles entières. À Banja Luka, le nombre des chômeurs baisse de 5 000 chaque année et on observe déjà un manque de travailleurs qualifiés dans certaines professions (par exemple les chauffeurs de bus). Si la baisse du nombre de chômeurs est assurément une bonne chose, la diminution et le vieillissement de la population ont pour conséquences une réduction de l’assiette fiscale et une hausse du coût des services essentiels (notamment en matière de santé et de prise en charge des personnes âgées).

 

Les rapporteures considèrent que l’article 9.5 n’est que partiellement respecté, du fait que les systèmes en vigueur s’appuient trop lourdement sur des dotations spécifiques (Republika Srpska) ou doivent être réformés (Fédération de Bosnie-Herzégovine). L’introduction d’une obligation juridique formelle concernant le développement et la péréquation devrait être envisagée, en même temps que la mise en place d’un système de péréquation formalisé, après un examen minutieux de la formule et des critères utilisés actuellement, afin de les adapter à un contexte qui connaît une évolution rapide (liée par exemple à l’émigration et à la démographie).


[21] Initiative pour la gouvernance locale, La gouvernance locale en Bosnie-Herzégovine, Rapport sur les consultations d’une commission conjointe sur la gouvernance locale, juin 2018, p. 69 (Encadré 20 : Système de dotation de la RS aux communes sous-développées et extrêmement sous-développées).

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


Depuis 2017, les communes de Republika Srpska sont en charge de la collecte de ses impôts et redevances. Dans cette Entité, des projets ont été élaborés (et des consultations menées) concernant de nouveaux types de recettes, par exemple une taxe sur les biens immobiliers ou fonciers. Toutefois, les représentants locaux consultés semblent s’être davantage intéressés aux exceptions et exemptions qu’à une modification de la loi qui laisserait une plus grande discrétion aux collectivités locales, par exemple en leur permettant de fixer les taux d’imposition au moyen de décisions locales.

 

En Fédération de Bosnie-Herzégovine, les avis divergent concernant le caractère suffisant ou non des finances municipales. Selon certains, le problème se poserait surtout dans les communes de petite taille et sous-développées, qui sont loin d’être autonomes financièrement. L’exemple de Celic a été cité : dans cette commune de 10 000 habitants (majoritairement des agriculteurs) située en Bosnie septentrionale, le budget ne couvre qu’un minimum de base (salaires, éclairage public et infrastructures des services collectifs) et la commune ne dispose d’aucune ressource pour le développement. Elle dépend donc totalement de dotations des autorités de niveau supérieur.

 

Les recettes des communes en Fédération de Bosnie-Herzégovine sont largement déterminées par les autorités de niveau supérieur. Les collectivités locales n’ont aucun rôle dans la collecte des recettes, qui est assurée par la Fédération ou les cantons. La part laissée à la décision des communes est marginale : les impôts et redevances collectés à l’échelle locale portent principalement sur l’occupation des sols (KGZ) et sur les services.

 

Un autre problème tient au fait que les critères relatifs au caractère proportionné des ressources financières ont été définis il y a longtemps et qu’ils peuvent difficilement être corrigés ou modifiés en raison du grand nombre d’acteurs politiques ayant des intérêts divergents. Cette observation vaut aussi pour les cantons : tandis que le canton de Sarajevo-Est, avec approximativement 350-400 000 habitants, dispose d’un budget d’environ 800 millions KM (environ 400 millions d’euros), le canton de Tuzla, qui compte 500‑600 000 habitants, ne dispose que d’un budget annuel de 350 millions KM (environ 170 millions d’euros). Malgré le surcroît de dépenses auquel une capitale doit faire face, ce déséquilibre manifeste a pour effet que les habitants de Tuzla sont défavorisés en termes d’offres de services. Les réunions des premiers ministres des cantons en vue d’une plus grande coordination n’ont abouti à aucun progrès et elles ne sont plus organisées.

 

Les rapporteures observent que les exigences énoncées à l’article 9.3 ne sont que partiellement respectées et qu’il semble nécessaire de donner plus de pouvoir aux collectivités locales pour décider des sources de revenus locales, en vue de renforcer leur autonomie budgétaire.

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.


Le caractère suffisant, proportionné et diversifié des ressources financières est examiné conjointement, puisque ces trois conditions garantissent aux collectivités locales des ressources financières leur permettant d’exercer leurs compétences.

 

Les finances publiques en Bosnie-Herzégovine

 

Il existe quatre systèmes de finances publiques en Bosnie-Herzégovine : le budget des institutions de la BiH ; le budget de la Republika Srpska ; le budget de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ; le budget du district de Brčko. Compte tenu de la taille du pays, la part des autorités infranationales sur l’ensemble des finances publiques est inhabituellement élevée : « les institutions de l’État n’utilisent que 15 % des recettes publiques, tandis que la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika Srpska en utilisent respectivement 52 et 30 % (le reste allant au district de Brčko) [17]. Un Cadre global d’équilibre et de politiques budgétaires pour la BiH assure la coordination des politiques budgétaires du pays pour les trois années à venir. Il est adopté sous la forme d’un accord entre les gouvernements de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, de la Republika Srpska et de la BiH et promulgué par le Conseil budgétaire de BiH composé des trois chefs de gouvernement et des trois ministres des Finances (le gouverneur de la Banque central et le maire du district de Brčko y ont le statut d’observateurs).

 

Si les impôts directs sont de la compétence exclusive des Entités et collectés à ce niveau, l’État (Autorité des impôts indirects) lève des impôts indirects dont les recettes sont allouées aux deux Entités. Celles-ci les distribuent elles-mêmes aux collectivités locales selon diverses méthodologies et après les étapes suivantes : après l’affectation de ressources au compte de réserve, pour le produit sur les recettes indirectes, des ressources prédéterminées sont allouées pour le financement des institutions de la BiH, suivies du montant de 3,55 % ou d’au moins 124 millions BAM par an pour le financement du district de Brčko. Les ressources restantes sont partagées entre les Entités. Les communes reçoivent la part la moins importante, par rapport aux autres niveaux d’autorité. De même que les cantons, elles dépendent lourdement des impôts indirects : « les recettes de la TVA constituent : 30 % des budgets municipaux en Fédération de Bosnie-Herzégovine ; près de 65 % des recettes des cantons ; 50 % des budgets municipaux en Republika Srpska »[18].

 

Avant que le montant des recettes des impôts indirects au sein des Entités soit partagé entre le budget de l’Entité et celui des communes (et des cantons en Fédération de Bosnie-Herzégovine), chaque Entité paie tout d’abord ses propres dettes extérieures au moyen des recettes de la TVA, ce qui engendre des différences de recettes considérables des communes (et des cantons) du fait de la variation annuelle du service de la dette[19].

 

Conformément à la loi de la Republika Srpska sur le système budgétaire, sur les recettes des impôts indirects allant à la Republika Srpska, et après l’engagement de ressources pour le service de la dette extérieure, 72 % vont au budget de l’Entité, 24 % aux budgets des collectivités locales et 4 % à l’entreprise publique « Putevi Republike Srpske » (infrastructures routières).

 

La part des recettes des impôts indirects allant aux communes est ensuite répartie en appliquant la formule suivante : 75 % selon la population, 15 % selon la superficie et 10 % selon le nombre d’élèves de l’enseignement secondaire. Cette formule (adoptée en 2005) n’établit aucune distinction entre Banja Luka, les villes et les communes, ce qui a donné lieu à des plaintes des communes situées aux frontières ou sur le Ligne-frontière inter-entités du fait des coûts supplémentaires liés aux travailleurs frontaliers.

 

Leur part sur les impôts indirects représente environ 30 % des recettes des communes de Republika Srpska. La législation de la Republika Srpska détermine la manière dont les recettes propres des collectivités locales sont structurées : taxe foncière, amendes (contraventions), frais administratifs, taxes sur les services collectifs, taxe sur l’approvisionnement en eau, jeux de hasard. La liberté de dépenses des recettes propres est garantie. Le ratio entre les recettes indirectes et propres est de 70 % pour 30 %. Les taxes partagées incluent : l’impôt sur les sociétés (70 % Republika Srpska – 25 % communes), la TVA indirecte (72 % Republika Srpska – 24 % communes), la taxe sur la conversion des terrains (70 % communes), les concessions (75 % communes), les loyers de terrains appartenant à la Republika Srpska (50 % Republika Srpska – 50 % communes), l’eau (en surface et sous-terraine, 30 % communes), l’énergie hydraulique (30 % communes).

 

En Republika Srpska, les ministères compétents (Finances, Autonomie locale) estiment que la situation financière globale des collectivités locales est satisfaisante. En 2017, les 64 collectivités locales de Republika Srpska (57 communes et 7 villes) ont réalisé un excédent de 40,43 millions BAM (environ 20 millions d’euros), et l’excédent non attribué (c’est-à-dire les fonds assignés non dépensés) s’élève à 16,96 millions BAM (environ 8 millions d’euros). Pour 2018, au 30 septembre de cette année, un excédent de 53,7 millions BAM a été réalisé, et l’excédent non attribué s’élève à 44,78 millions BAM.

 

Cependant, les maires de Republika Srpska soulignent qu’en dépit d’améliorations les budgets locaux ne se remettent que graduellement et lentement des tensions extrêmes provoquées par la crise économique et financière et qu’ils ne sont pas encore revenus à leurs niveaux d’avant la crise. De plus, le maire de Banja Luka a précisé que l’année électorale 2018 a été marquée par deux changements ayant entraîné des réductions majeures du budget de la ville : la modification de la politique d’accises au niveau de l’État et la modification relative à l’impôt sur le revenu au niveau des Entités. Cette réduction significative du budget local (2018 : -1,4 million BAM, 2019 (prévision) : -1 million BAM) aura des effets négatifs sur les projets et la passation de marchés. Ces changements ont semble-t-il été adoptés au moyen d’une procédure d’urgence, ce qui n’a pas permis la tenue de consultations. Dans les quatre prochaines années, la loi annoncée de la Republika Srpska sur le financement des collectivités locales définira des structures garanties et stables.

 

Trois catégories de communes peuvent être distinguées en Republika Srpska, selon leur situation budgétaire :

 

  • Les villes et autres grandes collectivités locales ont des budgets stables, mais connaissent parfois des problèmes de surinvestissement ;
     
  • Les petites collectivités locales ont des budgets beaucoup plus modestes et connaissent souvent des problèmes de recettes. En règle générale, ces villes secondaires sont en déclin et « ont de moins bons résultats que les zones rurales sur presque tous les indicateurs économiques »[20] ;
     
  • Les petites collectivités locales (5 000-20 000 habitants) ne sont pas nécessairement pauvres, en particulier lorsqu’elles ont la possibilité d’exploiter des ressources naturelles (mines, eau, forêts) qui, combinées à d’autres ressources, garantissent leur stabilité budgétaire. Une part importante de la population réside encore dans ces zones rurales (environ 60 %).

 

Deux exemples illustrent la situation : Sarajevo-Est en tant que ville secondaire – de facto – (bien que juridiquement la capitale de la Republika Srpska) et la capitale – de facto – de la Republika Srpska, Banja Luka.

 

  • Le budget de Sarajevo-Est est composé pour 26 % de recettes d’impôts directs et indirects et pour 74 % de recettes propres, c’est-à-dire générées dans ou par la collectivités locales (par exemple pour la délivrance de licence ou la vente de terrains). Les ressources proviennent principalement (2/3) des impôts indirects, tandis que les taxes et redevances locales (sur les biens fonciers, les services collectifs et le tourisme) en constituent environ un tiers. Le budget municipal est stable, avec un niveau d’endettement actuel de 8 % (le maximum autorisé est de 18 %). Chaque année, un excédent budgétaire limité est utilisé pour les services. En 2004, le montant total du budget était de 15 millions BAM (environ 7,5 millions d’euros) ; en 2012, il était de 50 millions BAM (25 millions d’euros). Toutefois, d’après le maire, il faudrait près de trois fois ce montant pour assumer toutes les tâches.
     
  • Le budget annuel de Banja Luka est de 132 millions BAM (60 millions d’euros), dont un tiers provient des impôts indirects (40 millions BAM / 20 millions d’euros) et 50 % de taxes locales. Les dépenses incluent les salaires (27 %), l’administration de la ville, les crèches, les équipements sportifs, l’approvisionnement en eau et les entreprises locales. Un tiers (environ 50 millions BAM) est consacré aux dépenses d’investissement.

 

La structure des ressources financières de la Fédération de Bosnie-Herzégovine est également complexe. Les recettes proviennent principalement des impôts indirects (environ 60-70 %), tandis que les impôts directs, versés pour la plupart aux cantons et aux communes, ne représentent qu’une petite portion du budget de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Des fonds supplémentaires proviennent de l’emprunt (voir ci-dessous). Pour ce qui concerne les communes de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, 30 % de leur budget provient des impôts indirects, 9 % (en moyenne) des impôts directs et plus de 11 % de la taxe foncière, le reste étant constitué de dotations et transferts des autorités centrales et d’autres sources de recettes. Les associations demandent que soit adoptée une loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur le financement des collectivités locales. Un projet a déjà été élaboré, mais un groupe de travail doit encore être établi (après la formation du gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine).

 

Le district de Brčko lève des impôts locaux (environ 60 millions d’euros) et reçoit une part de la TVA et des impôts indirects (distribuée chaque mois). Sa situation budgétaire est jugée stable. Une part de 3,55 % est garantie au district, en vertu de la législation et d’une décision du BHR pendant les cinq premières années, et actuellement en vertu d’un accord informel. Le district n’a quasiment pas d’emprunts ni de dettes. Un tiers du budget (35 millions d’euros) est dépensé en salaires, y compris pour le système judiciaire et dans le secteur de l’éducation.

 

Procédures budgétaires

 

Les compétences du ministère des Finances de Republika Srpska sont définies par la loi sur l’administration de la République (articles 18 et 34) et par l’article 7 de la loi de Republika Srpska sur la procédure fiscale. L’élaboration du budget de la Republika Srpska s’appuie sur le Document de budget-cadre présenté par le Gouvernement de la Republika Srpska pour une période de trois ans, qui définit les politiques et priorités (conformément à la loi de la Republika Srpska sur le système budgétaire). Ce document constitue un avant-projet de budget pour l’année suivante et contient des plafonds de dépenses contraignants pour toutes les entités budgétaires.

 

La Republika Srpska a conduit ces dernières années une série de réformes budgétaires en coopération avec les institutions internationales, en vue de renforcer l’administration et la planification en matière de finances publiques. La Republika Srpska est passée d’un processus traditionnel de planification budgétaire aux principes d’une planification basée sur des programmes définis en termes d’objectifs politiques et de résultats attendus.

 

D’après le Gouvernement de la Republika Srpska, son ministre des Finances ne donne pas aux collectivités locales des directives budgétaires sur les priorités, les programmes, les politiques, etc. De telles directives sont déjà présentes dans la législation : la loi de Republika Srpska sur le système budgétaire (OG RS, numéros 121/12, 52/14, 103/15 et 15/16), le Document de budget-cadre, la loi de Republika Srpska sur l’emprunt, l’endettement et les garanties (OG RS, numéros 71/12, 52/14 et 114/17), la loi de Republika Srpska sur l’autonomie locale (OG RS, 97/16), la loi sur la responsabilité budgétaire (OG RS, numéros 94/15 et 62/18), et par les Décision sur l’exécution des budgets des collectivités locales.

 

Après l’élaboration du projet de budget par les communes, le ministère des Finances (MdF) de la Republika Srpska adopte des recommandations au sujet du projet, par exemple sur la masse salariale, les recettes indirectes (partagées) ou l’allocation de ressources suffisantes pour le service de la dette (si le plafond de l’emprunt est dépassé). Les communes sont tenues de suivre ces recommandations, mais les conseils adoptent le budget et la responsabilité repose sur le maire (qui prend la décision en dernier ressort). Des rapports trimestriels sur l’exécution des budgets doivent être soumis au ministère des Finances. D’après le MdF, seulement 1 % des recommandations ne sont pas suivies. Dans ce cas, le MdF saisit l’inspection budgétaire afin d’examiner pourquoi elles n’ont pas été suivies.

 

La procédure budgétaire de la Fédération de Bosnie-Herzégovine est similaire : le ministère des Finances de la Fédération doit donner un avis sur le volet recettes des budgets des cantons et des collectivités locales avant leur adoption. Dans cet avis non contraignant, le ministère indique si les directives et projections ministérielles ont été respectées par la collectivité locale dans son projet de budget. Un Organe de coordination budgétaire, composé de représentants des ministères des Finances de la Fédération et des dix cantons, se réunit au moins deux ou trois fois par an. Il comprend également un représentant de l’Association des pouvoirs locaux de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

 

Biens municipaux

 

Chaque commune possède ses propres biens. Des problèmes se sont posés concernant les biens militaires (anciennement JNA) et le territoire alentour, qui n’était pas enregistré au cadastre. Un autre problème concerne les terrains constructibles, du fait que l’urbanisme est souvent une compétence partagée entre la collectivité locale, le canton et l’Entité. En 2003, le Haut Représentant a imposé au niveau de l’État un plan d’aménagement sur les terrains constructibles, lesquels sont de la responsabilité des communes. Les cantons s’y sont opposés.

 

Le cadastre est une institution relevant de l’Entité. Toutefois, il est très surprenant qu’une collectivité locale doive payer pour obtenir des informations dont elle a besoin pour ses propres politiques publiques (notamment d’aménagement du territoire). Une décentralisation du cadastre pourrait être envisagée.

 

La Bosnie-Herzégovine est riche en ressources naturelles (notamment : eau, forêts, mines). Les droits de propriété sont de la compétence des deux Entités, dont les ministères sont responsables de la gestion des ressources naturelles. En Fédération de Bosnie-Herzégovine, cette responsabilité est aussi partagée avec les ministères des cantons, qui sont accusés de s’ingérer fortement dans cette gestion et d’entraver l’utilisation des bénéfices. Les communes reçoivent une partie des revenus découlant de l’exploitation par des entreprises ou concessions publiques. Les Associations de collectivités locales affirment que celles-ci devraient être autorisées à délivrer des concessions dans 14 domaines.

 

De l’avis des rapporteures, les ressources naturelles devraient appartenir aux communes. En 2002, la Fédération de Bosnie-Herzégovine a adopté une loi sur les forêts, qui a transféré la gestion des forêts aux ministères de canton (en Republika Srpska, il existe un service spécifique des forêts au sein du ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Gestion des eaux). En 2009, cependant, la Cour constitutionnelle de la Fédération a annulé cette loi au motif qu’elle constituait une violation de la Charte et de la loi de la Fédération sur les principes de l’autonomie locale. À ce jour, aucune nouvelle loi n’a été adoptée au niveau de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Aussi huit cantons ont-ils adopté leur propre législation à ce sujet. De l’avis des rapporteures, la législation relative aux forêts devrait être adoptée afin d’appliquer la décision de la Cour constitutionnelle.

 

En Republika Srpska, les ministères considèrent que les ressources financières dont disposent les collectivités locales sont conformes aux responsabilités qu’elles doivent assumer. Lorsque les ressources financières ne sont pas suffisantes, les collectivités locales effectuent un audit destiné à identifier des solutions pour remédier à cette situation. Par ailleurs, six villes se partagent 70 % des biens, ce qui expliquent qu’elles ne soient pas endettées. Les controverses au sujet des biens municipaux sont relativement fréquentes. Les communes sont en conflit avec des écoles et d’autres institutions, ainsi qu’avec des coopératives (qui gèrent d’immenses terrains agricoles) concernant la propriété de biens qui étaient anciennement publics.

 

Les rapporteures considèrent que les exigences énoncées à l’article 9, paragraphes 1 et 2, ne sont pas respectées. Elles s’inquiètent du manque de ressources financières suffisantes et proportionnées aux tâches que les collectivités locales doivent exercer.

 

Les rapporteures suggèrent en outre de suivre la situation législative dans les deux Entités : tandis qu’en Republika Srpska une loi sur le financement des collectivités locales sera adoptée dans les prochaines années, instaurant des structures sures et stables, en Fédération de Bosnie-Herzégovine un groupe de travail doit encore être créé afin d’examiner le projet de loi de la Fédération sur le financement des collectivités locales. Les rapporteures appellent les autorités compétentes à veiller à ce que cette législation nécessaire soit adoptée le plus tôt possible, afin d’améliorer la situation financière des collectivités locales des deux Entités et de garantir la conformité avec l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la Charte.

 

Par ailleurs, une plus grande diversité des sources de revenus des collectivités locales de Bosnie-Herzégovine, en particulier pour les petites communes, semble indispensable pour que la situation soit conforme à l’article 9.4.


[18] Chiffres provenant de l’Initiative pour la gouvernance locale, La gouvernance locale en Bosnie-Herzégovine, Rapport sur les consultations d’une commission conjointe sur la gouvernance locale, juin 2018, p. 18.

 

[19] Initiative pour la gouvernance locale, La gouvernance locale en Bosnie-Herzégovine, Rapport sur les consultations d’une commission conjointe sur la gouvernance locale, juin 2018, p. 18.

 

[20] Initiative pour la gouvernance locale, La gouvernance locale en Bosnie-Herzégovine, Rapport sur les consultations d’une commission conjointe sur la gouvernance locale, juin 2018, p. 18

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


Il existe diverses formes de coopération intercommunale au sein des Entités, en particulier pour l’organisation et l’entretien des infrastructures (voirie locale, gestion des eaux et des déchets et écoles). Cependant, la plupart des projets plus importants ou de dimension plus vaste sont gérés directement par les cantons (en Fédération de Bosnie-Herzégovine) ou par le Gouvernement de la Republika Srpska.

 

Bien qu’il n’y ait pas de mesures spécifiques d’incitation pour les promouvoir, il existe aussi certaines formes de coopération inter-entités entre les collectivités locales, souvent mises en œuvre dans un objectif de développement économique et dans le cadre de projets financés par des donateurs internationaux (par exemple le PNUD ou le Conseil de l’Europe). Toutefois, diverses réglementations des Entités doivent être respectées et créent souvent des obstacles considérables, d’autant plus que la coopération inter-entités n’est pas soutenue ni encouragée activement et qu’elle est donc difficile à mettre en pratique. La coopération est donc possible, mais elle demeure relativement rare.

 

Par conséquent, les services ordinaires par-delà la Ligne-frontière inter-entités sont le plus souvent inefficaces ou totalement inexistants. Le ministère de la Republika Srpska a souligné qu’il était difficile de trouver le bon interlocuteur du côté de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, du fait que celle-ci n’a pas de ministère de l’Autonomie locale (le ministère de la Justice s’y substitue parfois). Il semble que la coopération par-delà la Ligne-frontière ne puisse se développer que lorsque des donateurs étrangers la soutiennent financièrement (par exemple le système d’approvisionnement en eau de la région Una-Sana, financé par la Suisse). Un exemple parlant à cet égard est celui des déplacements pendulaires entre Sarajevo-Est (Republika Srpska) et la ville de Sarajevo (canton de Sarajevo, Fédération de Bosnie-Herzégovine) situées dans deux vallées adjacentes et voisines. Les chauffeurs taxis qui traversent la Ligne-frontière inter-entités (séparant les deux villes) doivent s’arrêter et retirer leur enseigne de taxi s’ils ne veulent pas encourir une amende pour exercice d’un service public non reconnu par la législation et les autorités de l’autre Entité. Cela vaut aussi pour les transports publics, qui d’un côté comme de l’autre s’arrêtent juste avant la Ligne-frontière. Les rapporteures ont été étonnées que certains interlocuteurs trouvent cette situation normale et puissent déclarer : « évidemment, il n’y a pas de liaison directe par bus entre les deux villes ». Les interlocuteurs ont justifié cette situation en indiquant que des législations différentes régissent les transports publics dans les deux Entités. Bien que les transports publics soient de la compétence des communes, la loi de Republika Srpska sur les transports généraux semble faire obstacle à l’organisation de transports publics inter-entités pour les personnes qui résident d’un côté de la Ligne-frontière et travaillent de l’autre côté. Cette situation – et cette position – stupéfiantes le sont davantage encore si l’on sait que l’article I.6 de la Constitution de Dayton prévoit l’instauration d’un Marché commun en BiH. Pour le moins, cette disposition n’est pas pleinement appliquée, ce qui a un effet dissuasif pour les citoyens et les entreprises. Contrairement aux informations reçues de la part des collectivités locales concernées, le ministère de l’Autonomie locale de Republika Srpska a indiqué à la délégation que les deux villes pouvaient régler le problème en se rencontrant et en concluant un accord. De fait, un tel accord a été conclu après la guerre concernant l’approvisionnement en eau. Là encore, il apparaît que la bonne volonté suffirait à rendre possible une coopération insufflée à l’échelle locale.

 

Les problèmes de coordination entre les Entités concernent aussi les forces de police, la difficulté étant de garantir la continuité des poursuites en voiture par-delà la Ligne-frontière inter-entités dans les cas (fréquents) de vols de voitures, en particulier à Sarajevo, proche de la Ligne-frontière. Une autre difficulté concerne la garantie des services de santé pour les citoyens d’autres territoires (cette garantie pose même problème entre certains cantons).

 

Les communes elles-mêmes ont pris des initiatives importantes en organisant la coopération et en s’accordant sur ses modalités. Citons par exemple la coopération entre les communes de Tesanj, Teslic et Zepce, ainsi que l’accueil conjoint, par Sarajevo et Sarajevo-Est, des Jeux européens d’hiver de la jeunesse en février 2019. Cette grande manifestation sportive internationale organisée conjointement de part et d’autre de la Ligne-frontière inter-entités, et financée principalement par le canton de Sarajevo (4,5 millions KM en plus des infrastructures), offre un bon exemple de ce qui peut être fait si la volonté politique est présente des deux côtés.

 

Le ministère de la Justice de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et le ministère de l’Administration publique et de l’Autonomie locale de la Republika Srpska ont suspendu la mise en œuvre du programme de pratiques d’excellence (« Beacon Scheme »), qui permettait aux communes de concourir dans diverses catégories et sur des thèmes divers et d’être récompensées pour leurs bonnes pratiques. Le projet encourageait la coopération intercommunale de toutes les collectivités locales de BiH, dans un esprit de compétition. Après sept années d’existence, le projet a été suspendu récemment faute des financements nécessaires (35 000 euros par ministère et par an).

 

L’Union européenne et le Conseil de l’Europe encouragent (et soutiennent financièrement) la coopération transfrontalière, par exemple dans le cadre du programme trilatéral Interreg (lancé en 2007). Divers projets ont ainsi été menés en Serbie, en Croatie et au Monténégro. Dans le bassin de la Drina, les domaines de coopération sont notamment l’enseignement secondaire, l’hôpital et les transports, ainsi que les accords de jumelage. Un Plan d’action entre la Serbie et la Republika Srpska définira des priorités. Le canton d’Herzégovine-Neretva est l’un des cofondateurs de l’Eurorégion adriatique-ionienne établie en 2006.

 

Les rapporteures se félicitent de la participation à des projets de coopération transfrontalière et considèrent que les exigences énoncées à l’article 10.1 et 10.3 sont respectées. Cependant, elles appellent les autorités des deux Entités à promouvoir et soutenir la coopération des communes situées de part et d’autre de la Ligne-frontière inter-entités en créant l’environnement nécessaire à ces activités afin de faciliter l’offre de services et de favoriser le développement économique.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


La Bosnie-Herzégovine compte deux Associations indépendantes de communes et de villes : l’une pour et en Fédération de Bosnie-Herzégovine, l’autre pour et en Republika Srpska. L’Association des pouvoirs locaux de Republika Srpska rassemble 64 collectivités locales, tandis que l’Association des villes et communes de la Fédération de Bosnie-Herzégovine en représente 80, auxquelles s’ajoute le district de Brčko. Les associations jouent un rôle crucial, pour le compte des communes, dans l’action en faveur de modifications de la législation et du financement. Elles se réunissent régulièrement et organisent fréquemment des discussions, à la fois pour leurs membres et pour le grand public. Elles proposent des services professionnels aux communes, principalement dans les domaines du soutien juridique et budgétaire et de l’intégration européenne. Un projet financé conjointement par les gouvernements suisse et suédois renforcera les capacités et les activités au cours de trois phases allant de janvier 2016 à décembre 2027, pour un investissement total de 5 000 000 CHF. Ce projet sera mis en œuvre en partenariat avec la Direction du développement et de la coopération de la Confédération suisse et l’Agence suédoise de coopération internationale au développement.

 

L’Association des villes et communes de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a critiqué à de multiples reprises les autorités, affirmant qu’elle n’avait pas été suffisamment associée aux processus de réforme, contrairement à la plus récente recommandation du Congrès.

 

La situation des associations est conforme à l’article 10.2. Leur rôle de représentation devrait être mis à profit de manière continue et constructive dans les processus de consultation, en particulier lorsque des réformes sont planifiées.

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


Voir réponse indiquée à l'article 10.1

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


Le droit de recours légal et juridictionnel effectif des communes, en tant que garantie de l’autonomie locale, dépend du domaine concerné. Sur de nombreuses questions, la juridiction ordinaire est compétente. Les communes ont qualité pour agir devant les tribunaux afin de défendre leurs droits, leurs biens et leurs intérêts, exactement au même titre que n’importe quelle autre personne morale. Les villes et communes ont donc accès aux juridictions ordinaires, devant lesquelles elles peuvent défendre leurs intérêts et leurs droits. La délégation n’a eu connaissance à ce sujet d’aucune doléance de la part de ses interlocuteurs.

 

Les communes peuvent porter d’autres questions devant les cours constitutionnelles des Entités, dont les arrêts peuvent être « définitifs et contraignants » (pour les collectivités locales, voir par exemple les articles IV.C.3 et 10 (3) de la Constitution de la Fédération de Bosnie-Herzégovine). Les cours constitutionnelles des Entités sont en permanence saisies de litiges impliquant des collectivités locales, qui portent le plus souvent sur l’obligation de consultation au sujet des propositions législatives ayant trait aux collectivités locales. En particulier, de nombreuses lois de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ont été déclarées inconstitutionnelles en raison d’une violation des obligations de consultation. Du fait de la compétence des cours constitutionnelles des Entités, la Cour constitutionnelle de la BiH s’est déclarée incompétente dans dix affaires qui concernaient aussi, entre autres sujets, des questions liées à l’autonomie locale.

 

De fait, en cohérence avec l’absence de toute disposition relative à l’autonomie locale dans la Constitution de BiH, la Cour constitutionnelle du pays n’est pas compétente dans ce domaine. Toutefois, certaines de ses décisions en matière électorale peuvent influer sur la situation des collectivités locales. C’est notamment le cas de l’affaire Ljubic du 1.12.2016 (U 23/14), qui pèse lourdement sur la situation de Mostar. Après l’expiration du délai de six mois sans action du législateur, les dispositions inconstitutionnelles ont été abrogées, créant un vide juridique et faisant d’une action du législateur une condition préalable pour la tenue d’élections locales à Mostar (voir la section 6 ci-dessous).

 

Entre 2009 et 2019, 99 affaires portées devant la Cour constitutionnelle de la Fédération de Bosnie-Herzégovine concernaient l’autonomie locale : dans 57 cas, la Cour a conclu à une violation du droit à l’autonomie locale ; dans 14 autres elle a conclu qu’il n’y avait pas eu violation ; neuf affaires ont été déclarées irrecevables ou les recours retirés ; onze affaires sont encore en instance. La plupart de ces affaires concernent une violation de l’article 4 de la Charte ou le manque de consultation. Un autre groupe important concerne l’attribution d’obligations et de tâches non accompagnées d’un financement suffisant, ce qui est contraire au principe du financement proportionné. Un exemple à ce sujet concerne l’octroi d’indemnités aux pompiers, qui a été inscrit dans la législation des cantons sans que les communes soient consultées afin de s’assurer qu’elles pouvaient assumer cette charge et sans leur fournir des ressources supplémentaires. Enfin, un dernier groupe d’affaires porte sur la non-harmonisation de la législation des cantons relative à l’autonomie locale avec la loi de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sur les principes de l’autonomie locale. Par exemple, le canton de Sarajevo n’a pas encore adopté sa propre loi sur l’autonomie locale et, après un recours des maires et de l’Association des communes, en 2011 la Cour constitutionnelle de la Fédération de Bosnie-Herzégovine a conclu qu’une telle législation était nécessaire. Cette décision n’a cependant pas encore été appliquée.

 

Des problèmes subsistent concernant le manque de respect et d’exécution des arrêts de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Bosnie-Herzégovine relatifs à la protection des droits à l’autonomie locale : 44 décisions de la Cour constitutionnelle de Fédération de Bosnie-Herzégovine rendues jusqu’en décembre 2017 n’ont pas été exécutées. Par exemple, malgré un arrêt de 2009 en faveur de l’Association des villes et communes de la Fédération et de la commune de Konjic, les amendements à la loi sur les forêts doivent encore être adoptés. L’arrêt obligeait le ministère compétent à harmoniser, dans un délai de six mois, la loi en question en coopération avec l’Association des villes et communes de la Fédération. Ce délai est arrivé à échéance sans qu’aucune action ne soit entreprise. Les forêts étant une ressource importante des communes et une source de revenus, cette situation est extrêmement préoccupante.

 

Les cours constitutionnelles ne peuvent pas faire exécuter leurs propres arrêts. Bien que des dispositions pénales sanctionnent la non-exécution des décisions judiciaires, aucune action n’a été intentée sur la base de ces dispositions, car des éléments d’intentionnalité devraient être démontrés, ce qui – vis-à-vis du législateur – serait interprété comme limitant les principes de la liberté de mandat et de la séparation des pouvoirs. Le véritable problème réside dans la dimension politique de ces affaires, qui nécessiteraient des changements plus vastes et plus profonds pour lesquels il n’existe pas de consensus politique, en particulier pour ce qui concerne le système actuel de représentation ethnique. Par conséquent, même le vide juridique semble plus acceptable (du fait qu’il garantit le statu quo) que des réformes qui remettraient en cause et modifieraient nécessairement les équilibres. Le vide juridique peut cependant avoir des conséquences financières considérables : un recours de 2009 contre le canton de Sarajevo concernant l’enseignement préscolaire s’est conclu en 2011 par un arrêt en faveur des communes. La non-exécution de cette décision s’explique assurément par le coût de la mesure pour le budget du canton de Sarajevo, qui devrait alors allouer 300 millions KM aux collectivités locales.

 

Les rapporteures soulignent qu’il est extrêmement préoccupant que la protection juridictionnelle assurée par la Cour constitutionnelle de la Fédération soit dans de nombreux cas inefficace, les décisions n’étant pas mises en œuvre.

 

À la différence de la situation en Fédération de Bosnie-Herzégovine, très peu de recours portés devant la Cour constitutionnelle de Republika Srpska concernent un conflit de compétence. Il est en revanche fréquent que des citoyens contestent devant les juridictions ordinaires des décisions locales portant atteinte à leurs droits. Ces litiges portent le plus souvent sur les services collectifs, les infrastructures, les terrains publics ou les décisions d’aménagement (développement et occupation des sols). Le problème semble souvent découler d’erreurs dans la mise en œuvre de la législation, les plaignants obtenant souvent gain de cause pour des raisons de procédure. Si aucune violation n’a été constatée concernant la constitutionnalité de la loi de Republika Srpska sur l’autonomie locale, certaines violations ont toutefois été identifiées dans des décisions ou des actes généraux de contrôle administratif (ministère de l’Autonomie locale) et des tribunaux ordinaires.

 

Suivant le modèle allemand, il existe aussi une procédure de recours direct des communes auprès de la Cour constitutionnelle de Republika Srpska pour les violations présumées du droit à l’autonomie locale. La Cour a cependant indiqué à la délégation que ce recours n’était pas utilisé dans les faits. Les communes semblent préférer les canaux politiques par le biais de leur Association et l’harmonisation spontanée remplace souvent un recours devant une juridiction. De même, les moyens juridictionnels permettant de faire respecter l’autonomie locale vis-à-vis du ministère, par exemple concernant l’exercice des pouvoirs d’inspection, ne sont pas utilisés dans les faits. Là encore, il semble que les collectivités locales préfèrent le dialogue politique avec le ministère. La position dominante du même parti aux deux niveaux – communes et gouvernement de la Republika Srpska – peut jouer un rôle.

 

À la lumière des considérations ci-dessus, les exigences énoncées à l’article 11 semblent être formellement respectées.

ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

Au niveau de l’État, la Constitution de la BiH ne mentionne pas le concept d’autonomie locale. La Constitution de l’État n’établit donc pas de garanties pour les relations entre les communes et les différents niveaux d’autorité publique, de même qu’aucune législation (cadre) ne régit l’autonomie locale au niveau de l’État.



30Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
0 Disposition(s) non ratifiée(s)
19Disposition(s) conforme(s)
5Articles partiellement conformes
5Disposition(s) non conforme(s)