Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.
L’article 9 de la Charte comprend huit paragraphes portant sur divers aspects des finances des collectivités locales. Il est essentiel pour la démocratie et l’autonomie locales que les collectivités locales disposent de ressources financières leur permettant d’exercer leurs fonctions. Les paragraphes de cet article seront examinés de manière thématique : premièrement, l’autonomie et l’accès à des ressources indépendantes et suffisantes, y compris fiscales (paragraphes 1, 2, 3 et 4) ; ensuite, les dotations et la péréquation (paragraphes 5, 6 et 7) ; enfin, les emprunts (paragraphe 8). Les conclusions des rapporteurs seront ensuite résumées.
Les collectivités locales et provinciales de Serbie sont essentiellement financées par les impôts locaux, les impôts partagés, les transferts et les dotations. En 2015, 39 % des revenus des collectivités locales provenaient des impôts partagés sur les revenus individuels, 16 % provenaient de l’impôt foncier local et 5 % d’autres taxes. Les transferts et les dotations représentaient 17 % de ces revenus, et 22 % provenaient d’autres sources. La Constitution garantit à la Province autonome de Vojvodine le droit de recevoir « au moins 7 % du budget de la République de Serbie » (Constitution, article 184). Ainsi, les transferts et les dotations sont la principale source de revenus, dont ils représentent 64 % (2015). De plus, la province autonome reçoit 9 % de ses revenus des impôts partagés sur les revenus individuels, 10 % de l’impôt foncier local et 17 % d’autres sources.
Les quatre premiers paragraphes de l’article prévoient que les collectivités locales doivent disposer de ressources propres adéquates et que celles-ci doivent être suffisantes pour couvrir les fonctions que les collectivités locales sont tenues d’assurer. Elles doivent avoir le pouvoir de fixer le taux des redevances et des impôts locaux. Les ressources doivent aussi être insensibles aux fluctuations économiques telles que l’évolution du taux d’inflation.
L’impôt sur le revenu est la principale source de revenu des collectivités locales de Serbie. Il est partagé entre les collectivités locales et l’État. La loi sur le financement des collectivités locales définit la part reçue par chaque niveau d’autorité. L’accord entre la Serbie et le Fonds monétaire international, qui vise à stabiliser les finances publiques en partie en réduisant les dépenses des collectivités locales, a conduit à une modification de la loi et à une réduction de la part allouée aux collectivités locales. Ainsi, depuis 2016, les villes reçoivent 77 % du revenu (au lieu de 80 % précédemment), les communes en reçoivent 74 % (également 80 % précédemment) et la ville de Belgrade, 66 % (70 %). Ces réductions représentent une perte annuelle de revenu de 4,8 milliards RSD, soit 40 millions EUR.
Une autre source majeure de revenus pour les collectivités locales réside dans la taxe foncière locale. Celle-ci est purement locale, ce qui veut dire que chaque assemblée locale peut décider de son montant, mais seulement jusqu’à un certain niveau défini par la loi, de sorte qu’en pratique la marge de manœuvre est très limitée.
La Province autonome de Vojvodine reçoit près des deux tiers de ses revenus sur la base de la disposition constitutionnelle selon laquelle au moins 7 % du budget de l’État revient à cette province. Cependant, la méthode exacte de calcul de ce pourcentage est interprétée différemment par la province et le gouvernement, et elle fait aussi l’objet d’une interprétation de la Cour constitutionnelle. D’après les représentants de la province que la délégation a rencontrés lors de la visite de suivi, la méthode employée par le gouvernement n’accorde pas des ressources suffisantes à la province. Cependant, un accord entre la province et le gouvernement semble en passe d’être adopté, et devrait être codifié dans une loi sur le financement de la Province autonome de Vojvodine.
Outre l’incapacité à financer convenablement les tâches des provinces et des collectivités locales, de nombreux interlocuteurs ont souligné que du fait de la réduction des financements il leur avait été plus difficile de verser des salaires concurrentiels et de conserver ou recruter des personnels administratifs spécialisés (lorsqu’ils y étaient autorisés). De faibles niveaux de salaires peuvent aussi être un terrain favorable aux comportements de corruption.
Le financement que le pouvoir central accorde aux collectivités locales fait l’objet des paragraphes 5, 6 et 7 de l’article 9 de la Charte. Ces paragraphes requièrent une transparence du processus de péréquation financière et du mode de calcul des dotations du pouvoir central. Ils prévoient que les collectivités locales doivent être consultées sur ces questions et soulignent que toutes les dotations ne doivent pas être réservées à des usages spécifiques. Les dotations sont régies par la loi sur le financement des collectivités locales. Les dotations se composent de transferts non catégoriels (le transfert de péréquation, le transfert de compensation, le transfert général et le transfert de solidarité) et de dotations catégorielles, qui sont réservées pour le financement de certaines tâches ou dépenses.
La péréquation financière se fait par le biais de plusieurs types de dotation. Le transfert de péréquation est alloué aux collectivités locales où le revenu moyen par habitant est inférieur à un certain niveau. De plus, les collectivités locales les moins développées reçoivent une part comparativement supérieure du transfert général. Dans sa réponse écrite aux rapporteurs, la Conférence permanente des villes et communes a indiqué qu’elle considère que ce système manque de transparence. Elle affirme qu’aucune commune de Serbie ne serait en mesure de calculer par elle-même le montant des transferts auxquels elle a droit.
La plupart des dotations aux collectivités locales ont un caractère général, bien que la loi sur le financement des collectivités locales (article 45) prévoie des dotations catégorielles pour des objectifs ou des projets spécifiques. Plusieurs des interlocuteurs ont évoqué des problèmes de transparence concernant les dotations catégorielles accordées par le pouvoir central. Dans le contexte économique extrêmement tendu que les collectivités locales connaissent actuellement, une solution de dernier recours serait de s’adresser au ministère des Finances pour lui demander une aide sur son fonds de réserve. Cependant, les critères d’octroi de dotations sur ce fonds semblent pour le moins imprécis. Cette situation a été critiquée pour son caractère arbitraire et son opacité, et certaines sources se sont inquiétées d’un détournement de ces dotations à des fins politiques.
Cela étant, les mécanismes de consultation concernant les dotations du pouvoir central aux collectivités locales semblent bien développés. La Commission intergouvernementale des finances joue un rôle important dans ce processus de consultation.
Les collectivités locales de Serbie ont le droit d’emprunter des capitaux sur le marché dans les limites de la loi, comme le prévoit le paragraphe 8 de la Charte. Toutefois, ce droit n’est pas absolu et le gouvernement a plafonné l’endettement local, ce qui signifie que les collectivités locales doivent obtenir l’accord du ministère des Finances avant d’augmenter leur niveau d’endettement.
Il est légitime que les collectivités locales prennent leur part des efforts de la Serbie pour parvenir à la stabilité économique. Cependant, les mesures d’austérité et les coupes budgétaires importantes dans l’ensemble du secteur public, alors que les fonctions des collectivités locales restent inchangées, posent problème pour garantir aux collectivités locales des ressources financières proportionnées à leurs tâches, comme le prévoit l’article 9, paragraphe 2, de la Charte. De plus, tant que la nouvelle loi sur le financement de la Province autonome de Vojvodine n’est pas adoptée, la province reste sous-financée par rapport à ses responsabilités. Les collectivités locales collectent leurs propres impôts, mais elles n’ont qu’une compétence limitée pour en déterminer les taux. Les rapporteurs ont aussi constaté plusieurs problèmes liés à la transparence du mode d’attribution des dotations de l’État, notamment une imprécision des critères appliqués pour l’attribution de ressources sur le fonds de réserve et un manque de transparence du système de péréquation.
En résumé, les rapporteurs considèrent que la situation en Serbie est globalement conforme aux paragraphes 3, 4, 6 et 8 de l’article 9. Cependant, elle n’est que partiellement conforme aux paragraphes 5 et 7 et elle n’est pas conforme aux paragraphes 1 et 2.