Italie

Italie - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 9 au 12 octobre 2023
Date d'adoption du rapport: 26 mars 2024

Il s’agit du quatrième rapport sur l’application de la Charte en Italie depuis sa ratification en 1990.

 

L’Italie a une longue tradition d’autonomie locale et régionale qui a façonné un État caractérisé par le régionalisme, qui a été développé au cours des dernières décennies.

 

Les rapporteurs relèvent avec satisfaction que les autorités italiennes ont dûment pris en considération la recommandation du Congrès de 2017. Le rapport souligne également que les recettes locales et régionales augmentent, que les processus de consultation se sont améliorés et que des progrès ont été observés dans le recrutement du personnel. De plus, la base juridique pour la réintroduction d’élections directes dans les provinces est en cours d’élaboration, le système de péréquation a été amélioré et le pays a signé et ratifié le Protocole additionnel à la Charte européenne de l'autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales (STCE n° 207).

 

Toutefois, les rapporteurs soulignent certains aspects qui méritent une attention particulière, entre autres, l’absence de reconnaissance juridique de la Charte par la Cour constitutionnelle, la portée limitée de l’action des villes métropolitaines et des provinces, l’absence de ressources adéquates et proportionnées pour les provinces et l’absence de possibilité d’exprimer un vote de révocation ou de censure des conseils provinciaux et métropolitains envers leurs dirigeants. En outre, ils notent l’absence de système de rémunération équitable et adéquate pour les représentants des provinces et des villes métropolitaines, la pénurie persistante de personnel dans les collectivités locales et régionales et les menaces et violences existantes à l’encontre des élus.

 

Par conséquent, il est recommandé en particulier, que les autorités italiennes reconsidèrent la force juridique de la Charte pour s’assurer que les autorités locales puissent bénéficier de sa protection. Les autorités nationales sont également invitées à élargir le champ d’action des villes métropolitaines et des provinces, à la suite de la réintroduction d’organes élus au suffrage direct. Les rapporteurs recommandent également d’assurer une rémunération juste et appropriée aux élus des provinces et des villes métropolitaines ; de mettre en place un mécanisme qui renforce l’action en justice et qui étend le délai de prescription afin d’offrir une meilleure protection pénale aux représentants élus qui font l’objet d’attaques et d’agressions. Enfin, il est recommandé de mettre en œuvre des mesures supplémentaires pour renforcer la capacité des administrations locales et régionales à recruter du personnel hautement qualifié.

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


 D’après le Commentaire contemporain (2020) sur la Charte, l’article 2 requiert des Parties qu’elles reconnaissent « le principe » de l’autonomie locale, ce qui signifie qu’il est jugé suffisant de reconnaître les éléments essentiels de l’autonomie locale dans des règles écrites, sans qu’une réglementation détaillée soit nécessaire. Reste donc à savoir quels sont ces « éléments essentiels ». Le Préambule et l’article 3 de la Charte jouent un rôle crucial à cet égard, sachant que tous deux évoquent les aspects de l’autonomie locale qui ont toujours été considérés comme les caractéristiques essentielles de ce concept dans la tradition européenne moderne. Comme indiqué dans le préambule de la Charte, lesdits éléments sont les suivants : a)« des collectivités locales dotées d’organes de décision démocratiquement constitués » ; b) « une large autonomie quant [à leurs] compétences » ; c) « les modalités d’exercice de ces dernières et [les] moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission ». Par conséquent, afin d’apprécier le respect de l’article 2, il paraît nécessaire de vérifier non seulement la reconnaissance formelle du principe dans le droit interne, mais aussi la présence de ces éléments essentiels dans la législation. 

 

 S’agissant des sources de droit dans lesquelles le principe de l’autonomie locale doit être consacré, la Charte prévoit deux niveaux de reconnaissance. Le premier repose sur la « législation interne», une notion qui doit être interprétée comme équivalent à des textes législatifs (« lois » ou « statuts »). Ce niveau de reconnaissance revêt un caractère obligatoire. Le deuxième niveau a trait à la reconnaissance du principe de l’autonomie dans la Constitution. Cette mesure est considérée comme « souhaitable [de plus] » par le rapport explicatif, sachant qu’elle doit être mise en œuvre « autant que possible ».

 

 La Constitution italienne dispose (dans la partie « Principes fondamentaux ») à l’article 5 que : « la République, une et indivisible, reconnaît et favorise les autonomies locales ; elle met en œuvre la plus large décentralisation administrative dans les services qui dépendent de l’État ; elle adapte les principes et les méthodes de sa législation aux exigences de l’autonomie et de la décentralisation ». En d’autres termes, l’Italie n’est pas un pays fédéral mais un pays unitaire qui, dans le même temps, s’engage à adapter les principes et les méthodes de sa législation aux exigences de l’autonomie et à mettre en œuvre la plus large décentralisation possible.

 

 Le titre V de la Constitution régit le statut des régions, des provinces et des communes. L’article 114 établit clairement que la République, bien qu’ « indivisible » (article 5), se compose « des communes, des provinces, des villes métropolitaines, des régions et de l’État ». Les quatre types d’entités locales et régionales sont des entités autonomes, « dotées de statuts, pouvoirs et fonctions propres, conformément aux principes établis par la Constitution ». À cet égard, d’après la jurisprudence du Conseil d’État italien, qui est la plus haute instance de juridiction administrative, les communes et les provinces sont totalement autonomes d’un point de vue « administratif », une autonomie qu’il convient d’opposer à celle, « politique », des régions. Cette dernière comprend une part importante de compétences législatives et est réglementée de façon très précise par le droit constitutionnel. Sans avoir le statut de Länder, d’États ou de Cantons qui caractérise les républiques fédérales, les régions italiennes disposent d’une autonomie bien plus grande que les collectivités territoriales. Par conséquent, elles seront examinées dans une autre partie du présent rapport.

 

 La Constitution mentionne également (art. 117, par. 6) le pouvoir réglementaire dont jouissent les communes, les provinces et les villes métropolitaines pour « organiser et exercer les fonctions qui leur sont attribuées ». Par ailleurs, en ce qui concerne les fonctions administratives, l’article 118, paragraphe 1 pose le principe de subsidiarité, les tâches et responsabilités pertinentes revenant aux communes, à l’exception des fonctions « qui, afin d’en assurer l’exercice unitaire, sont attribuées aux provinces, aux villes métropolitaines, aux régions et à l’État sur la base des principes de subsidiarité, de différenciation et d’adéquation ». D’une manière générale, l’attribution de fonctions administratives à des organismes supérieurs à la municipalité a lieu «lorsqu’il est nécessaire d’assurer leur exercice unitaire».

 

 Le principe de différenciation transparaît également dans les différents statuts des régions et des deux provinces autonomes établis par la Constitution. L’article 116, paragraphe 1, stipule que des formes et des conditions particulières d’autonomie sont attribuées à cinq régions (Frioul-Vénétie Julienne, Sardaigne, Sicile, Trentin-Haut Adige/Tyrol du Sud et Vallée d’Aoste) selon les statuts spéciaux respectifs adoptés par loi constitutionnelle ; il précise en outre que la région autonome du Trentin-Haut Adige/Tyrol du Sud se compose des provinces autonomes de Trente et de Bolzano. L’autonomie différenciée de manière asymétrique peut également résulter d’ententes entre d’autres régions (les 15 régions non dotées d’un statut spécial) et l’État, qui prévoient des formes et des conditions particulières d’autonomie supplémentaires (l’art. 116, par. 3, limitant cette possibilité aux matières qui font l’objet de législation concurrente ; aux exigences liées à l’organisation de la justice de paix, aux dispositions générales en matière d’éducation et à la protection de l’environnement, de l’écosystème et du patrimoine culturel concernant les matières de législation exclusive en vertu de l’art. 117). Le principe de différenciation s’applique également depuis peu pour les îles en vertu de l’article 119, paragraphe 6 de la Constitution, qui dispose que « la République reconnaît les particularités des Îles et promeut les mesures nécessaires pour éliminer les désavantages résultant de l’insularité »[21].

 

 Outre la « large autonomie quant aux compétences », le Commentaire contemporain sur la Charte mentionne comme autre élément essentiel du principe de l’autonomie locale, les modalités d’exercice de ces compétences et les moyens nécessaires à leur accomplissement. De fait, la Constitution italienne évoque « les exigences de l’autonomie et de la décentralisation » (art. 5) et le principe selon lequel « les fonctions administratives sont attribuées aux communes » à moins qu’elles ne soient conférées à des niveaux supérieurs en vertu des principes de subsidiarité, de différenciation et d’adéquation (art. 118, par. 1, voir ci-dessus). 

 

 En ce qui concerne les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission, l’article 119 énonce que « les communes, les provinces, les villes métropolitaines et les régions disposent de l’autonomie financière pour les recettes et les dépenses » (par. 1) ; en outre, « elles disposent de ressources autonomes » et « elles établissent et appliquent des impôts et des recettes propres », tout en bénéficiant « de coparticipations aux recettes fiscales du Trésor public relatives à leur territoire » (par. 2). Les recettes provenant des collectivités locales et régionales leur permettent « de financer intégralement les fonctions de nature publique qui leur sont attribuées » (par. 4). Elles ont également un patrimoine propre, « qui leur est attribué selon les principes généraux établis par la loi de l’État » (par. 7). Cependant, la Constitution ne mentionne pas expressément les ressources humaines nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions de nature publique.

 

 En ce qui concerne l’autre élément essentiel du principe de l’autonomie locale, énoncé dans le Commentaire contemporain sur la Charte, à savoir que les collectivités locales devraient être « dotées d’organes de décision démocratiquement constitués » (voir ci-dessus), la Constitution italienne n’y fait pas mention. S’agissant des régions, elle fait uniquement référence au président du gouvernement régional qui « sauf si le statut régional en dispose autrement, est élu au suffrage universel direct » (art. 122, par. 5), tandis que, selon le même article (par. 1) : « le système électoral, les cas d’inéligibilité et d’incompatibilité du Président et des autres membres du Gouvernement régional ainsi que des conseillers régionaux sont régis par une loi de la région dans le cadre des principes fondamentaux déterminés par une loi de la République, qui fixe également la durée des organes électifs ».

 

 La constitution démocratique des collectivités locales est régie par le « Testo Unico delle leggi sull´ordinamento degli enti locali » (« Texte unique des lois sur l’organisation des collectivités locales » ou Testo Unico) qui est le texte de loi le plus important concernant les collectivités locales, promulgué par le décret législatif n° 267 en 2000[22]. Les articles 71 à 75 du Testo Unico régissent le système électoral qui prévoit l’élection directe au suffrage universel des conseils et, respectivement, des maires et des présidents pour les communes et les provinces. En 2001, la réforme constitutionnelle a ajouté les villes métropolitaines aux entités qui composent la République. L’article 114 inscrit les régions, les villes métropolitaines, les provinces et les communes dans la Constitution, les plaçant à côté de l’État, en tant qu’entités constitutives de la République. En 2009, une nouvelle loi-cadre a amorcé la transformation du pays visant à renforcer le fédéralisme et à faire de l’Italie un « pays régionalisé ».

 

 En 2014, la loi n° 56/2014 (« loi Delrio ») a introduit de profonds changements concernant les provinces et les villes métropolitaines qui ont déjà été présentés dans la partie 2.1. du présent rapport, notamment l’abolition du système d’élection directe dans les provinces. En décembre 2016, une réforme constitutionnelle pertinente a été rejetée par référendum. Celle-ci prévoyait, entre autres, la transformation du Sénat en un organe consultatif représentant les collectivités régionales et la suppression du niveau des provinces - l’échelon administratif intermédiaire entre les régions et les communes. De plus, l’échec de la réforme constitutionnelle signifie que le système d’élections directes dans les provinces viole la Constitution (inchangée). Par conséquent, la Cour constitutionnelle, plus récemment dans l’arrêt n° 240/2021, a appelé le législateur à mettre en place une intervention visant à résoudre le système électif actuel de l’organisme métropolitain, qui a été jugé ne pas suivre les canons constitutionnels de l’exercice de l’activité politico-administrative. En particulier, la Cour a noté que «le système actuellement prévu pour la désignation du maire métropolitain n’est pas en accord avec les coordonnées qui peuvent être obtenues à partir du texte constitutionnel, tant en ce qui concerne le contenu essentiel de l’égalité de vote, qui «reflète la dignité égale de tous les citoyens et [...] contribue également à suggérer comme correspondant pleinement à la souveraineté populaire l’investiture de ceux qui sont directement appelés par l’organe électoral à exercer des fonctions publiques représentatives» (arrêt n° 429 de 1995), ainsi qu’à l’absence d’instruments appropriés pour garantir «des mécanismes de responsabilité politique et le pouvoir de contrôle des électeurs locaux» (arrêt n° 168 de 2021 »).

 

 Les provinces n’ont pas été supprimées, mais au moment de la mission de suivi menée en 2023, leur nouveau système électoral était toujours en vigueur. En d’autres termes, les autorités italiennes n’avaient pas jusqu’alors donné suite à la suggestion formulée dans la Recommandation 404 (2017) visant à rétablir des élections directes pour les organes dirigeants des provinces et des villes métropolitaines. À la lumière du Commentaire contemporain (voir ci-dessus), un élément essentiel du principe de l’autonomie locale, à savoir des organes de décision démocratiquement constitués, ferait toujours défaut dans le cas des provinces et des villes métropolitaines. Cependant, des interlocuteurs italiens de haut rang ont déclaré qu’ils attendaient avec intérêt le rétablissement des élections directes pour les provinces et les villes métropolitaines, qui ne serait qu’une question de temps, sachant que les projets de loi correspondants sont en cours d’examen au parlement et qu’un niveau de consensus suffisant a été atteint. Par conséquent, les rapporteurs considèrent que le système italien est conforme aux exigences de l’article 2 de la Charte, sous réserve que le rétablissement légal susmentionné des élections directes dans les provinces et les villes métropolitaines ait effectivement lieu.

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


 Les collectivités locales disposent du droit légal à l’autonomie, et peuvent notamment régler et gérer, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques. Comme le souligne le Commentaire contemporain sur la Charte, ce droit reconnu par la loi est pleinement protégé par la Charte (voir à l’article 11: droit de recours juridictionnel. Les collectivités locales doivent aussi être en mesure d’exercer effectivement ce droit légal à l’autonomie par les moyens institutionnels et réglementaires appropriés prévus dans d’autres articles de la Charte (article 9 : ressources financières suffisantes ; article 6 : moyens administratifs et ressources humaines, etc.).

 

 Les collectivités locales doivent régler et gérer « une part importante des affaires publiques », mais les questions relevant du domaine naturel ou intrinsèque des collectivités locales varient considérablement selon les traditions et les cadres constitutionnels des États parties à la Charte. Le Commentaire contemporain souligne que la limitation du domaine d’action des collectivités locales risquerait de les reléguer dans un rôle marginal, mais il est toutefois accepté que les Parties puissent souhaiter réserver au gouvernement central certaines fonctions (telles que le maintien de l’ordre ou l’enseignement supérieur). Ainsi, la Charte laisse aux États une certaine marge d’appréciation pour fixer « le cadre de la loi » et définir le champ d’action des collectivités locales.

 

 Cependant, la Charte insiste également sur le fait que la part des affaires publiques gérée par les collectivités locales doit être « importante » et non résiduelle. En d’autres termes, les entités locales ne devraient pas être cantonnées à des tâches secondaires et à des missions de routine, mais exercer un éventail de responsabilités leur permettant d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques publiques locales véritables et pertinentes au profit de leurs populations (dans des domaines tels que la protection de l’environnement, la culture et l’éducation, les infrastructures de base, l’urbanisme, le logement, la gestion des transports, etc.).

 

 En ce qui concerne les communes, il est largement admis qu’elles sont responsables d’une part importante des affaires publiques, comme l’a notamment affirmé la section italienne du Conseil des communes et régions d’Europe (AICCRE). Plus précisément, selon l’article 13 du décret législatif n° 267/2000, les communes ont entre autres compétences administratives :

 la protection sociale, en particulier les services sociaux à la personne et l’aide de proximité ;

 l’éducation, y compris les services périscolaires tels que les cantines, le ramassage scolaire, les auxiliaires de vie scolaire, les crèches et les jardins d’enfants ;

 la culture et les loisirs, incluant les musées, les salles d’exposition, les activités culturelles et le théâtre ;

 l’urbanisme, notamment les plans d’urbanisme locaux, le logement et le cadastre ;

 les transports, en particulier la gestion des transports locaux et l’entretien de la voirie communale ;

 le développement économique, incluant l’élaboration de plans commerciaux, la planification, la programmation et la réglementation des activités commerciales ainsi que la mise en place et la gestion de zones industrielles et commerciales ;

 l’environnement, incluant la gestion des déchets ; et

 la police locale.

 

Les compétences déconcentrées/déléguées qui incombent aux communes (article 14 du décret législatif n° 267/2000) sont les suivantes :

 la tenue de l’état civil, y compris du registre des naissances, des mariages et des décès ;

 les élections ;

 le service militaire ; et

 les statistiques.

 

Les communautés de montagne (Comunità Montane) sont dotées de compétences spécifiques dans les domaines suivants :

 la planification, en particulier la promotion des zones montagneuses ;

 l’exécution conjointe de quelques missions communales ;

 les tâches qui leur sont confiées par les lois et politiques communautaires, nationales ou régionales ;

 le développement économique, y compris les plans pluriannuels de travail et de fonctionnement ; et

 les instruments pour la réalisation d’objectifs de développement socioéconomique, notamment ceux fixés par l’UE, l’État ou la région.

 

 Au niveau infracommunal, les grandes communes de plus de 250 000 habitants, peuvent mettre en place des arrondissements (Circoscrizione di Decentramento Comunale). Ces entités, reconnues officiellement en 1976, disposent parfois d’un comité élu et d’un président. Les compétences des arrondissements varient d’une ville à l’autre. Les écoles, les services sociaux et la collecte des déchets peuvent faire partie de leurs attributions.

 

 Comme le souligne le Commentaire contemporain, les collectivités locales ne peuvent pas véritablement régler et gérer une « part importante des affaires publiques » dès lors que ces entités sont trop petites et/ou qu’elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour assumer leurs tâches. Elles bénéficieraient du « droit » légal d’agir conformément à la Charte mais n’en auraient pas la « capacité » effective. Par conséquent, des fusions de communes peuvent s’avérer souhaitables (dans le respect des règles relatives à la modification des limites territoriales prévues à l’article 5). Une autre possibilité consiste à recourir à la coopération intercommunale en vue d’une prestation conjointe des services (art. 10.1, voir les commentaires correspondants du présent rapport). 

 

 Depuis la loi n° 142/1990, qui fixe un seuil minimal pour la création d’une commune (10 000 habitants). Le décret législatif n° 267 du 18 août 2000, à l’article 1er, dispose que, sauf dans le cas de fusions entre plusieurs municipalités, aucune nouvelle commune ne peut être établie avec une population inférieure à 10 000 habitants ou dont l’établissement entraînerait d’autres municipalités en dessous de cette limite. Toutefois, le nombre de communes reste relativement stable en Italie. Le niveau municipal est cependant fragmenté. Alors que la population moyenne des communes avoisinait les 7 500 habitants en 2021 (inférieure à la moyenne de l’OCDE qui s’élevait à 10 250 habitants et supérieure à celle de l’UE établie à 5 960 habitants), la population médiane était proche de 2 410 habitants. En 2021, près de 70 % des communes italiennes comptaient moins de 5 000 habitants et 45 % moins de 2 000 habitants. Afin de réduire la fragmentation, la loi n° 56/2014 encourage la fusion des communes grâce à des incitations financières accordées par les autorités centrales et régionales. 

 

 Le décret législatif n° 267/2000 régit les compétences des provinces. Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 56/2014, les provinces ne constituent plus des instances électives et sont considérées comme de vastes entités territoriales (Enti di area vasta) dotées de fonctions limitées à celles nécessaires pour répondre aux besoins de zones territoriales étendues et/ou pour soutenir les communes. Aux termes de cette loi, les fonctions précédemment assurées par les provinces ont été dévolues pour l’essentiel aux régions et chaque région était censée légiférer sur les modalités de leur exercice.

 

 Les provinces exercent des compétences dans les domaines suivants (art. 1,85 de la loi n° 56/2014) :

 la coordination de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement, au niveau provincial ;

 la planification des transports relevant des attributions provinciales, l’autorisation et le contrôle des transports privés en accord avec les programmes régionaux, ainsi que la construction et la gestion du réseau routier provincial et la réglementation du trafic routier concerné ;

 la collecte et l’analyse de données en vue d’apporter une assistance technique et administrative aux organes locaux ;

 la gestion des bâtiments et des installations de l’enseignement public (au niveau de l’enseignement secondaire) ;

 le contrôle de la discrimination dans le domaine de l’emploi et la promotion de l’égalité des chances au niveau provincial.

 

En outre, les provinces assument également les fonctions fondamentales suivantes (art. 1,86 – 88 de la loi n° 56/2014) :

 le développement territorial stratégique et la gestion des services liés aux spécificités de la zone territoriale ;

 la gestion des relations institutionnelles avec les autres provinces à statut ordinaire, les provinces autonomes, les régions dotées d’un statut spécial et les organes territoriaux des États limitrophes dont le territoire est montagneux ;

 en accord avec les communes, l’élaboration d’appels d’offres, le suivi des prestataires de services et l’organisation de procédures sélectives dans le cadre de la passation de marchés de services.

 

Les régions peuvent attribuer aux provinces des compétences supplémentaires dans des secteurs spécifiques relevant de leur responsabilité. Ainsi, toutes les régions d’Italie ont adopté des textes portant application de la loi Delrio, en assignant des compétences aux provinces ou aux communes.

 

 Le décret législatif n° 267/2000 régit les compétences des villes métropolitaines, qui doivent être interprétées avec les modifications introduites par la loi n° 56/2014. Sont ainsi définis le statut et les fonctions des villes métropolitaines, ainsi que leurs relations avec les communes. Les villes métropolitaines assument les responsabilités suivantes :

 le développement métropolitain stratégique ;

 le développement et la gestion intégrés des services, des infrastructures et des réseaux de communication qui présentent un intérêt pour la ville ;

 la gestion des relations institutionnelles avec les autres villes métropolitaines, tant au niveau national qu’européen.

Les villes métropolitaines exercent les compétences qui incombaient aux anciennes provinces sur leur territoire :

 la mise à jour annuelle et la mise en œuvre du plan directeur triennal de la zone métropolitaine ;

 l’aménagement territorial en général, y compris les réseaux de communication, de services et d’infrastructures, ainsi que la coordination et la supervision des fonctions des communes qui relèvent de la zone métropolitaine ;

 la structuration des services publics intégrés et, en collaboration avec les communes intéressées, la coordination et la gestion des procédures de passation des marchés locaux (appel à services, suivi et critères de sélection) ;

 la mobilité des transports, en veillant à la compatibilité et à la cohérence du plan d’urbanisme communal au niveau métropolitain ;

 la promotion et la coordination des activités de développement économique et social, en appuyant les activités économiques et la recherche innovante qui s’inscrivent dans le plan directeur métropolitain.

 

 En ce qui concerne les communes, elles s’acquittent d’une part importante des affaires publiques. Pour ce qui est des provinces et des villes métropolitaines, il y a lieu d’élargir leur champ d’action, parce que les élections directes des organes dirigeants seront bientôt rétablies et que les provinces/villes métropolitaines devraient constituer un deuxième niveau de l’autonomie locale à part entière. Par conséquent, les rapporteurs concluent que la situation en Italie est partiellement conforme à l’article 3, paragraphe 1.

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


 D’après le Commentaire contemporain, ce paragraphe est la principale expression du principe démocratique dans les dispositions de la Charte. Le droit à l’autonomie locale doit être exercé par des autorités démocratiquement constituées. Cette autonomie n’implique pas un simple transfert de pouvoirs et de responsabilités des autorités centrales à une collectivité locale. Elle exige également que cette dernière exprime la volonté de la population locale.

 

 Ce paragraphe met également en exergue le choix d’une démocratie représentative au niveau local dans laquelle le pouvoir de décision revient à des conseils ou assemblées élus au suffrage universel direct. L’assemblée représentative est l’organe compétent pour traiter des questions de la plus haute importance pour la collectivité locale, s’agissant par exemple des questions budgétaires ou fiscales[23]. En vertu de ce principe, « le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques » mentionné dans le préambule de la Charte s’exerce principalement au niveau local en élisant des représentants locaux. Les élections locales tiennent donc une place essentielle dans la démocratie locale : les élus locaux doivent être désignés au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel. Par conséquent, l’élection au second degré ou au suffrage indirect de conseils ou d’assemblées locaux est incompatible avec la Charte.

 

 Ce paragraphe définit les organes exécutifs comme étant « responsables » devant les conseils ou assemblées élus. D’après le Commentaire contemporain, cette « responsabilité » implique que l’organe exécutif, s’il n’est pas directement élu, doit l’être (de jure ou de facto) par le conseil. La responsabilité de l’exécutif envers le conseil élu apparait comme la principale forme de reddition de comptes « politique », même si elle n’exclut pas totalement la possibilité d’une révocation de l’exécutif directement élu par les citoyens, comme une forme de responsabilité politique directe. Par ailleurs, la Commission de Venise a estimé que la révocation populaire d’un maire « ne peut être considérée comme un instrument démocratique admissible qu’à titre exceptionnel »[24].

 

 En Italie, le maire peut être démis de ses fonctions par le conseil, lequel est dans ce cas dissous de plein droit. De nouvelles élections sont alors organisées afin d’élire à la fois le maire et le conseil. Les experts évoquent le principe « simul stabunt, simul cadent » pour qualifier cette révocation simultanée. La procédure prévoit également la possibilité de destituer un maire en recourant à un vote de défiance. La motion de censure doit être motivée et signée par au moins deux cinquièmes des conseillers attribués à la commune, abstraction faite du maire. Elle est mise en délibération au plus tôt dix jours et au plus tard trente jours après sa présentation. En cas d’approbation de la motion à l’issue d’un vote public, le conseil est dissous (art. 52.2 Testo Unico Enti Locali : TUEL).

 

 En ce qui concerne le système électoral au niveau communal, l’Italie a opté depuis 1993 pour un système maire (sindaco)-conseil (consiglio). Les conseillers municipaux et le maire sont élus séparément et directement par les citoyens lors d’élections qui ont lieu normalement tous les cinq ans (la dernière fois en 2022). Ce système d’élection au suffrage direct confère au maire des pouvoirs importants en matière de politique communale (une caractéristique fondamentale du régime présidentiel), quand bien même le conseil conserve le pouvoir d’écarter le maire par un vote de défiance (une caractéristique essentielle du régime parlementaire).

 

 Selon le nombre d’habitants que compte la commune, deux systèmes différents régissent l’élection du maire et du conseil municipal. Le premier s’applique aux communes jusqu’à 15 000 habitants (appelées ici « petites » communes), tandis que le second est réservé à celles de plus de 15 000 habitants (appelées « grandes » communes). Dans les petites communes, le système électoral est assez simple : chaque candidat à la fonction de maire est associé à une liste de candidats aux sièges du conseil municipal. Les électeurs sont habilités à voter pour un candidat à la mairie et peuvent, s’ils le souhaitent, exprimer un vote de préférence pour un candidat spécifique au conseil municipal. Le candidat à la mairie qui recueille la majorité relative des suffrages exprimés est élu maire.

 

 Dans les grandes communes, le système électoral est un scrutin majoritaire à deux tours. Chaque candidat à la mairie est associé à une liste (ou à une coalition de listes) de candidats à la fonction de conseiller municipal. Au premier tour de scrutin, les électeurs ont la possibilité de voter pour un candidat à la mairie et, s’ils le souhaitent, pour la liste associée, ou pour une autre liste (le vote disjoint est autorisé). Chaque candidat à la mairie doit déclarer officiellement son rattachement à une ou plusieurs listes en lice pour l’élection au conseil municipal. Cette déclaration n’est jugée recevable que si elle coïncide avec des déclarations similaires faites par les candidats figurant sur les listes en question. En d’autres termes, une coalition de partis est proposée aux électeurs. Est élu maire au premier tour de scrutin le candidat qui remporte la majorité absolue des suffrages exprimés.

 

 Si, au premier tour du scrutin, aucun candidat à la fonction de maire n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, il est procédé à un deuxième tour de scrutin entre les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de voix. Lors de ce deuxième tour, les électeurs peuvent voter pour un candidat à la mairie, tandis que les membres du conseil municipal sont ceux ayant été élus au premier tour. Est élu maire le candidat qui remporte la majorité absolue des suffrages exprimés.

 

 Le maire est généralement un dirigeant politique puissant. Très souvent, l’élection à la fonction de maire, en particulier dans les grandes communes, est la première étape pour briguer une carrière politique au niveau national. Parfois, des responsables politiques de renom se lancent dans la campagne pour devenir maires de grandes villes.

 

 Le conseil municipal (consiglio comunale) est chargé de la planification et du contrôle des questions de gouvernance. Il adopte notamment le budget de la ville. Toutes les autres compétences relèvent du maire et de son exécutif (giunta comunale). Les membres de cet exécutif communal (assessori) sont nommés et révoqués par le maire (ils peuvent être désignés parmi les membres du conseil municipal ou en dehors de celui-ci).

 

 Dans les provinces, le président de la province (presidente della provincia) reste le principal responsable exécutif, et il possède le même profil institutionnel et les mêmes champs de compétence que les maires des communes. Le président n’est plus élu par les habitants de la province au suffrage universel direct, mais par les maires et les conseillers municipaux des communes de la province lors d’un vote au scrutin secret et au suffrage restreint. Seuls les maires sont éligibles à la fonction de président de la province, ce qui signifie qu’un président qui cesse d’être maire de sa ville doit renoncer à son mandat de président de la province. Le président peut nommer parmi les conseillers provinciaux un vice-président chargé de l’aider et de l’assister dans l’accomplissement de ses fonctions. Les réformes ont supprimé l’ancien « comité provincial ».

 

 Les membres du conseil provincial (consiglio provinciale) sont également élus au moyen d’un vote au scrutin secret et au suffrage restreint par et parmi les maires et les conseillers municipaux de la province. Les compétences du conseil provincial sont, mutatis mutandis, identiques à celles du conseil municipal. Il convient toutefois de préciser qu’aucune disposition spécifique ne permet au conseil d’exprimer un vote de renvoi ou de défiance à l’encontre du président, ce qui est contraire à l’article 3, paragraphe 2, de la Charte. Au cours de la procédure de consultation, le ministère des Affaires régionales et des Autonomies a indiqué que le texte de réforme provinciale susmentionné aborde expressément ces questions cruciales.

 

 La ville métropolitaine, en tant que « nouveau » type d’entité locale intermédiaire était déjà envisagée dans la loi du 8 juin 1990 (loi 142/1990), mais il a fallu attendre près d’un quart de siècle avant que cette institution ne voit le jour, la loi Delrio ayant « acté » la mise en place concrète de ces organes. Les principaux organes de la ville métropolitaine sont le maire métropolitain, le conseil métropolitain et la conférence métropolitaine.

 

 Le maire métropolitain (sindaco metropolitano) possède un profil administratif et institutionnel plus ou moins similaire à celui d’un président de province. Ce dernier élu par les maires et les conseillers municipaux. En revanche, le maire métropolitain n’est pas élu à cette fonction spécifique par un corps électorat quel qu’il soit. Le maire d’un chef-lieu de province (capoluogo) devient automatiquement et de plein droit le maire métropolitain de la ville métropolitaine (article 19, loi Delrio), et cumule donc les deux mandats. Le maire métropolitain peut nommer un vice-maire.

 

 Le conseil métropolitain (consiglio metropolitano) possède un profil et des compétences presque identiques à ceux du conseil provincial. Il se compose du maire métropolitain et d’un certain nombre de conseillers qui varie en fonction de la population de la « ville métropolitaine » : ces derniers sont élus (entre eux) pour un mandat de cinq ans par les maires et par les conseillers municipaux des communes. Le sindaco metropolitano ne peut pas être révoqué par le consiglio metropolitano (ce qui constitue une violation de l’article 3, paragraphe 2 de la Charte).

 Enfin, la conférence métropolitaine (conferenza metropolitana) est un autre organe, qui se compose du maire métropolitain (qui préside les réunions) et des maires des communes rattachées à la ville métropolitaine (c’est-à-dire, à « l’ancienne » province). Elle est principalement chargée d’approuver et de modifier les règlements (statuto) de la ville métropolitaine.

 

 En ce qui concerne la participation des citoyens aux affaires publiques locales (article 3, paragraphe 2, dernière phrase), la Constitution prévoit, au quatrième paragraphe de l’article 118, que « l’État, les régions, les villes métropolitaines, les provinces et les communes encouragent l’initiative autonome des citoyens, agissant à titre individuel respectifs ou en tant que membres d’une association, pour l’exercice d’activités d’intérêt général, sur la base du principe de subsidiarité ». En 2023, l’Italie a ratifié le Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales. De nombreuses communes italiennes ont leur statut spécial régissant la participation des citoyens (par exemple, la ville de Forli, où les rapporteurs ont rencontré des fonctionnaires locaux au cours de la mission de suivi) et la société civile est très active dans de nombreuses régions du pays.

 

 Au cours de la mission de suivi, plusieurs interlocuteurs issus de différentes institutions ont précisé que l’élection directe des conseils et des présidents/maires allait être rétablie au niveau des provinces et des villes métropolitaines et que les projets de loi correspondants étaient en cours d’examen devant les commissions parlementaires, mais que les résultats se font encore attendre. Les représentants de la Conférence des régions et des provinces autonomes d’Italie ont mis en avant le fait que le débat de longue date autour de la réforme et de la réintroduction des organes directement élus au niveau des provinces et des villes métropolitaines crée une situation d’incertitude qui a des effets paralysants et perturbe également les activités, la planification et les procédures de prise de décision au niveau régional. Au cours de la réunion avec le Sénat, les responsables italiens se sont montrés optimistes : les projets de rétablissement des élections démocratiques et des compétences politiques des provinces doivent recevoir l’aval des deux chambres et la majorité au pouvoir a exprimé l’espoir que cette approbation intervienne avant les élections européennes et que des élections provinciales et métropolitaines puissent avoir lieu en 2024.

 

 Les responsables politiques locaux ont soulevé un autre problème concernant la démocratie locale, à savoir la réduction du nombre de conseillers qui a eu des effets négatifs, en particulier dans les petites communes. À Fontana Liri (région Latium), par exemple, leur nombre est passé de 16 à 11, alors qu’ils ne « couteraient » qu’une centaine d’euros chacun à leur collectivité locale, à laquelle ils consacreraient beaucoup de temps et de travail, sans compter les connaissances et les compétences qu’ils mettraient à son service. Selon plusieurs de ces responsables locaux, la réduction du nombre de sièges dans les deux chambres du Parlement italien est un autre changement qui a des conséquences néfastes pour les petites localités moins bien loties. En effet, en septembre 2020, les citoyens ont approuvé par référendum constitutionnel une diminution du nombre de parlementaires, passant de 630 à 400 à la Chambre des députés et de 315 à 200 au Sénat. Ladite réduction a été mise en œuvre pour la première fois lors des élections législatives de 2022 et, d’après ces responsables politiques locaux, les répercussions négatives de cette réforme sur la voix des petites localités et leur accès aux décideurs se font de plus en plus sentir au fil du temps.

 

 Une évaluation du cadre juridique italien, toujours en vigueur lors de la visite de suivi, conclurait à la non-conformité de celui-ci à l’article 3, paragraphe 2 de la Charte, en ce qui concerne les provinces et les villes métropolitaines, dans la mesure où leurs instances dirigeantes ne sont pas élues par le peuple. De plus, le double rôle du maire de la capitale, qui devient de plein droit et sans aucune forme d’élection ciblée le maire de la ville métropolitaine, constitue une violation flagrante de la Charte. De même, l’absence d’une responsabilité significative des maires métropolitains et des présidents de province vis-à-vis de leurs conseils respectifs est en contradiction avec les exigences de l’article 3, paragraphe 2. Néanmoins, compte tenu de la nouvelle réforme en cours visant à re-démocratiser les provinces et les villes métropolitaines, les rapporteurs sont disposés à considérer que le système italien satisfait aux exigences de l’article 3, paragraphe 2 de la Charte, sous réserve que le rétablissement susmentionné des élections directes pour les organes dirigeants des provinces et des villes métropolitaines ait bien lieu dans les mois à venir.  

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


 Le Commentaire contemporain précise que l’article 4, paragraphe 1 énonce une exigence de clarté et de sécurité juridique concernant les dispositions fixant les « compétences de base » des organes des collectivités locales. Ces compétences doivent être définies par la Constitution ou par la loi, afin de garantir leur prévisibilité, leur permanence et leur protection dans l’intérêt de l’autonomie locale. Par conséquent, les tâches des collectivités locales ne doivent pas leur être attribuées de manière ad hoc mais doivent être suffisamment ancrées dans la législation. Le processus législatif au sein du Parlement facilite la mise en œuvre d’autres principes et garanties de la Charte, tels que la consultation préalable (article 4, paragraphe 6 et article 9, paragraphe 6) et la proportionnalité (article 9, paragraphe 2).   

 

 L’attribution de compétences locales par le biais de réglementations administratives devrait ainsi être évitée. Cependant, cette règle générale n’est pas incompatible avec l’attribution aux collectivités locales de compétences « à des fins spécifiques » (par exemple, l’application du droit de l’UE), conformément à la loi (article 4, paragraphe 1, dernière phrase). Cette exception permet l’affectation de tâches spécifiques qui ne sont pas déjà incluses dans le cadre juridique national relatif aux collectivités locales. Cela peut se faire au moyen d’une réglementation administrative, à condition qu’il s’agisse d’un mécanisme exceptionnel. En Italie, les compétences de base des collectivités locales sont, en principe, fixées par la loi au niveau national ou régional, sachant que ces entités disposent d’une certaine marge de manœuvre en matière d’autoréglementation (voir ci-dessous). Il n’y a ainsi pas de texte législatif global qui énumère les principales compétences des collectivités locales.

 

 La Constitution italienne (article 117, paragraphe 6) reconnaît les pouvoirs réglementaires des communes, des provinces et des villes métropolitaines « ayant trait à l’organisation et à l’exécution des fonctions qui leur sont attribuées ». Elle reconnaît également certaines compétences budgétaires aux collectivités locales, qui « établissent et appliquent des impôts ». Mais il n’existe pas de liste ni même de « noyau dur » de « compétences » fondamentales ou explicitement nommées dans la Constitution et le législateur semble jouir d’un grand pouvoir discrétionnaire concernant l’attribution des tâches entre les différents niveaux de gouvernance. L’article 118 introduit toutefois le principe de subsidiarité, parallèlement aux principes de proportionnalité et d’adéquation. Il y a une nette préférence constitutionnelle en faveur des communes dans le rôle de l’instance la plus compétente pour remplir des fonctions administratives. Cela ne signifie pas pour autant que les autres niveaux de gouvernance (par exemple les provinces) peuvent être dépourvus de fonctions adéquates et cantonnés à des rôles marginaux et/ou résiduels. 

 

 En vertu de l’article 117, paragraphe 2 de la Constitution, l’État dispose d’une compétence législative exclusive concernant, notamment, la législation électorale, les organes de gouvernement et les fonctions fondamentales des communes, des provinces et des villes métropolitaines. Dans le même temps, les régions exercent des compétences législatives concurrentes dans un grand nombre de domaines (voir art. 117, par. 3) ainsi qu’un pouvoir législatif autonome « dans toutes les matières qui ne sont pas expressément réservées à la législation de l’État » (article 117, paragraph 4). En outre, il est précisé à l’article 117, paragraphe 6 que « le pouvoir réglementaire revient à l’État dans les matières de compétence législative exclusive, sauf délégation aux régions. Le pouvoir réglementaire appartient aux régions dans toute autre matière ».  

 

 Lorsque les régions légifèrent dans ces domaines, rien ne les empêche de confier des compétences aux collectivités locales de leur territoire. Il peut en découler une certaine diversité d’une région à l’autre en matière d’attribution des tâches, comme l’a déjà confirmé le précédent rapport de suivi sur l’Italie (2017), qui évoquait en particulier la région de la Vénétie. Les principes de différenciation et d’adéquation semblent encourager la mise en place d’un cadre juridique différencié et une répartition des tâches selon un modèle à « géométrie variable » non seulement entre les régions, mais aussi à un même niveau de gouvernance, s’agissant par exemple des communes de tailles et de capacités différentes.

 

 Par ailleurs, l’article 116 de la Constitution prévoit, comme cela a déjà été mentionné, des accords spéciaux entre l’État et la ou les régions « après avis des collectivités locales » sur « d’autres formes et conditions particulières d’autonomie » concernant les matières faisant l’objet de législation concurrente (article 117, paragraphe 3) ou certaines matières spécifiques pour lesquelles l’État dispose d’une compétence législative exclusive (organisation de la justice de paix, dispositions générales relatives à l’éducation, protection de l’environnement et du patrimoine culturel).  

 

 Cette différenciation ne doit cependant pas nuire à l’unité et à la cohérence du pays. La Constitution prévoit, à l’article 120, paragraphe 2, que le Gouvernement peut agir, « quand cela est requis afin de protéger l’unité juridique ou l’unité économique et, notamment, afin de protéger les niveaux essentiels des prestations en matière de droits civiques et sociaux, indépendamment des limites territoriales des gouvernements locaux ». 

 

 Le Comité chargé de déterminer les niveaux essentiels de performance (CLEP), présidé par le professeur émérite Sabino Cassese (ancien ministre de l’Administration publique et juge à la Cour constitutionnelle), a été créé à cet égard. Il s’agit d’un corps technique composé de 61 experts - personnalités institutionnelles, professeurs de droit constitutionnel et administratif et des économistes – qui ont pour mission de soutenir et d’accompagner la réforme de l’autonomie différenciée (cela permettra aux régions d’être presque totalement autonomes sur 23 sujets mentionnés par la Constitution et de signer des accords pertinents avec l’État central qui doivent être approuvés par les deux chambres du Parlement). Le Comité a récemment conclu une grande partie de ses travaux et a déterminé les « LEP » (Livello Essenziale delle Prestazioni), à savoir les niveaux essentiels de performance se rapportant aux droits civils et sociaux qui doivent être garantis sur l’ensemble du territoire national dans le cadre du projet de réforme de l’autonomie différenciée en tant que préalable obligatoire, « Dispositions pour la mise en œuvre de l’autonomie différenciée des régions à statut ordinaire, selon à l’article 116, paragraphe 3 de la Constitution ».

 

 Dans un deuxième temps, la « salle de contrôle », établie dans le cadre de la loi de finances 2023, présidée par la Presidente du Conseil des Ministres et composée des ministres détenant les pouvoirs qui entrent en question en vue d’une décentralisation ou d’une délégation, est censée prendre des mesures. Les travaux du Comité Cassese ayant été menés à leur terme le 30 octobre 2023, donc dans les délais impartis par le Gouvernement, la « salle de contrôle » devra se prononcer d’ici le 31 décembre pour déterminer de façon certaine les LEP.[25] S’engageront ensuite les négociations concernant la décentralisation, comme le prévoit l’article 116 de la Constitution. Le Comité Cassese a établi, entre autres choses, les normes en matière d’instruction, afin de veiller à l’uniformité des services sur l’ensemble du territoire national ; dans le domaine de la santé, les LEA (“Livelli Essenziali di Assistenza” ou niveaux essentiels de soins) ont été définis de manière systématique. Des niveaux appropriés ont également été déterminés pour l’urbanisme, la protection de l’environnement ainsi que plusieurs autres paramètres.

 

 Les rapporteurs ont examiné avec attention ces évolutions et en particulier le concept d’« autonomie différenciée » (« Autonomie Differenziate »), qui pourrait également présenter un intérêt pour d’autres pays. Au vu des éléments pertinents et des discussions tenues avec les interlocuteurs locaux, il ne fait aucun doute que les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la législation et que par conséquent l’Italie respecte l’article 4, paragraphe 1, de la Charte.

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


 Les collectivités locales doivent avoir le droit d’exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas explicitement exclue de leur compétence par la loi. Dans ce domaine, les traditions juridiques nationales vont du principe de l’« ultra vires », qui exige une base légale pour toute action des collectivités locales, à celui de « la compétence générale » dont jouissent les communes en France ou du « Aufgabenerfindungsrecht » propre aux systèmes de droit germanique. L’article 4, paragraphe 2 de la Charte prévoit le droit des collectivités locales à agir en amont et à être considérées comme investies d’une compétence générale et dotées du pouvoir de traiter toute question, c’est-à-dire tout type d’affaires publiques, comme mentionné à l’article 3, paragraphe 1, de manière à promouvoir le bien-être général de leur population[26].

 

Nombreux sont les pays qui ont adopté la clause dite de compétence générale des collectivités locales, laquelle peut également se combiner avec le principe de subsidiarité. En Italie, l’amendement constitutionnel adopté en 2001 a introduit la clause de compétence générale et le principe de subsidiarité (voir en particulier, les articles 117 et 118). Selon l’article 2, paragraphe 4, alinéa b), de la loi n° 131/2003 concernant la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle de 2001 (loi « La Loggia »), l’État doit déterminer les compétences de base des communes et des provinces, en tenant compte également de celles qu’elles ont historiquement exercées sur leur territoire[27].

 

Le Commentaire contemporain sur la Charte souligne que les restrictions à « toute latitude » qu’ont les collectivités locales « pour exercer leur initiative » peuvent également découler de règles administratives, financières et budgétaires requérant une base légale solide pour engager des dépenses. En raison de la dernière crise financière, les règles de gestion budgétaire et financière se sont considérablement durcies et offrent moins de souplesse pour les collectivités locales de plusieurs pays, dont l’Italie. Ces règles peuvent subordonner les « initiatives » locales à la preuve que l’entité concernée dispose de fonds suffisants pour mener à bien ces « nouvelles » tâches d’une manière financièrement viable. Cependant, l’amélioration de la situation économique et les efforts déployés après la pandémie pour relancer l’économie européenne grâce à l’octroi de fonds supplémentaires ont donné aux collectivités locales de nouvelles possibilités pour exercer leur initiative.

 

Compte tenu du cadre juridique et de la pratique des collectivités locales, qui a également été examinée lors de la mission de suivi en Italie, les rapporteurs estiment qu’à l’exception des petites communes confrontées à un manque de moyens, les collectivités locales italiennes ont la possibilité d’agir à leur propre initiative. Ils concluent donc que l’Italie respecte l’article 4, paragraphe 2, de la Charte.

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


Le paragraphe 3 de cet article introduit le « principe de subsidiarité », selon lequel l’exercice des responsabilités publiques incombe « de préférence » aux autorités ou instances les plus proches des citoyens. Il s’agit ici essentiellement d’un principe politique, puisque son objectif est de rapprocher le plus possible la prise de décision du citoyen. Le Commentaire contemporain précise que, appliqué aux collectivités locales, le principe de subsidiarité repose sur une logique double : d’une part, il accroît (par la proximité) la transparence et la base démocratique de la prise de décision par la collectivité ; d’autre part, il renforce l’efficacité des actes du gouvernement, les collectivités locales étant les mieux placées pour remplir certaines tâches (comme l’aide sociale ou le logement) grâce à leur connaissance directe des besoins des citoyens.

 

Par ailleurs, le Commentaire contemporain souligne que le principe de subsidiarité transcende tous les niveaux de l’organisation territoriale et introduit la proximité avec les citoyens comme critère principal pour l’attribution des compétences. Les collectivités locales peuvent également invoquer le principe de subsidiarité lorsqu’une fonction locale est transférée aux régions. En d’autres termes, ce principe revêt une importance capitale pour la protection des collectivités locales contre les tendances à la remontée et la recentralisation des compétences qui menacent de vider l’autonomie locale de sa substance.

 

En Italie, les communes ne sont pas soumises à de telles menaces. En effet, la Constitution italienne a introduit en 2001 le principe de subsidiarité, en mettant l’accent sur les communes pour lesquelles elle établit une présomption de compétence en leur faveur : « Les fonctions administratives sont attribuées aux communes, à l’exception de celles qui sont attribuées aux provinces, aux villes métropolitaines, aux régions et à l’État, sur la base des principes de subsidiarité, de différenciation et d’adéquation ».

 

Le principe de subsidiarité, au sens de la Charte, doit également être mis en œuvre au profit des collectivités locales de deuxième niveau que sont, en Italie, les provinces et les villes métropolitaines. Un transfert de leurs compétences au niveau régional serait contraire à la Charte. La réforme en cours visant à re-démocratiser cet échelon de l’administration en Italie et à rétablir les provinces et les villes métropolitaines en tant que collectivités locales de deuxième niveau à part entière devrait prévoir la décentralisation des tâches du niveau régional.

 

Outre la réforme susmentionnée, on ne peut contester le fait que, selon la loi et dans la pratique, l’exercice d’une part importante des responsabilités publiques incombe de préférence aux communes, qui sont les autorités les plus proches des citoyens. Un contrôle plus approfondi du respect du principe d’adéquation, associé à un système de consultation plus formel et considérablement élargi (voir ci-dessous concernant l’article 4.6), serait le moyen le plus efficace de garantir la pérennité d’un niveau élevé de décentralisation des compétences en Italie. Par conséquent, les rapporteurs concluent que la situation en Italie est conforme à l’article 4, paragraphe 3, de la Charte.

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


D’après la Recommandation CM/Rec(2007)4[28] du Comité des Ministres aux États membres sur les services publics locaux et régionaux, le législateur devrait établir une définition claire des responsabilités des divers niveaux de gouvernement et un partage équilibré des rôles entre ces niveaux dans le domaine des services locaux. Un tel partage des rôles, compris et acceptable pour les acteurs concernés, doit permettre d’éviter à la fois les situations de carence de compétences et les duplications de compétences. En outre, cette répartition devrait favoriser la prévisibilité et garantir la continuité des prestations de certains services publics locaux jugés essentiels pour la population.

 

Au cours de la visite de suivi, les représentants de l’AICCRE ont confirmé l’existence de lois régionales faisant état de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales (régions, villes métropolitaines, provinces, communes). D’autres interlocuteurs ont affirmé que le partage des responsabilités entre les régions et les provinces constituerait un problème important et ont suggéré l’établissement d’une commission spéciale chargée de clarifier les choses et de rédiger une législation nationale en la matière. Certaines des fonctions dévolues aux provinces ont été supprimées compte tenu de la disparition attendue de ces dernières, qui n’a finalement pas eu lieu. Les provinces se trouvent aujourd’hui dans une situation incertaine. Elles devraient se voir confier des responsabilités importantes à l’échelle territoriale supra-communale, notamment en matière de planification.

 

De l’avis des rapporteurs, la délimitation des compétences semble plus précise pour les communes. En revanche, un problème manifeste se pose au deuxième niveau de l’autonomie locale, compte tenu de l’incertitude à laquelle font face les provinces depuis le référendum de 2016 et tant que leur rétablissement et leur redémarrage ne seront pas effectifs. Les rapporteurs encouragent les autorités italiennes à adopter dans les meilleurs délais la législation nécessaire, maintenant qu’un consensus a été atteint, comme l’ont souligné de nombreux interlocuteurs. Partant du principe que cette adoption aura lieu dans les prochains mois et que la situation au niveau des communes a été qualifiée de positive à cet égard par la quasi-totalité des interlocuteurs, les rapporteurs concluent que l’Italie respecte l’article 4, paragraphe 4, de la Charte.

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


L’article 118, paragraphe 2 de la Constitution italienne précise que les « communes », les provinces et les villes métropolitaines sont titulaires de fonctions administratives propres et de celles attribuées par une loi de l’État ou de la région, selon leurs compétences respectives ». La Charte exige que ces dernières (les fonctions attribuées aux communes par une loi de l’État ou de la région) laissent également aux collectivités locales la liberté d’en adapter l’exercice aux besoins locaux.

 

En vertu de la Recommandation CM/Rec(2007)4[29] du Comité des Ministres aux États membres sur les services publics locaux et régionaux, la proximité des services publics locaux de la population est une nécessité fondamentale et les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer dans la prestation de ces services. Afin d’assurer que les services sont adaptés aux besoins et aux attentes des citoyens, le degré de décentralisation et d’autonomie des collectivités locales dans la prestation de ces services devrait être élevé. Les autorités de délégation devraient adopter des normes minimales pour la protection des usagers des services délégués et créer les mécanismes nécessaires de suivi du respect de ces normes.

 

Selon l’AICCRE, les communes, en particulier les petites et moyennes qui font face à une situation spécifique au niveau local, ne disposeraient d’aucune marge de manœuvre dans l’exercice des tâches qui leur sont déléguées. Il en va ainsi, par exemple, concernant la mise en œuvre du plan national pour la relance et la résilience (PNRR), marquée par le manque de flexibilité et la bureaucratisation des procédures internes concernées qui accablent les fonctionnaires et entraînent dans certains cas des charges de travail excessives et insensées.

 

Les interlocuteurs du gouvernement central ont admis l’existence de lourdes contraintes réglementaires et d’un excès de bureaucratie à certains égards (notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du PNRR et d’autres projets) et ont fait part de leur volonté de résoudre ces problèmes, en coopération avec les associations des pouvoirs locaux. Compte tenu de ces déclarations, les rapporteurs concluent que la situation en Italie est partiellement conforme à l’article 4, paragraphe 5, de la Charte.

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


D’après le Commentaire contemporain, la consultation est un principe-clé de la Charte et les collectivités locales devraient être consultées par les organes de l’État (ou régionaux) lors de l’examen et de l’approbation des lois, réglementations, projets et programmes ayant une incidence sur le cadre juridique et opérationnel de la démocratie locale. Ce principe assure la participation réelle des acteurs locaux au processus décisionnel des entités du gouvernement central (ou régional) ayant le pouvoir de définir le cadre des collectivités locales. Une telle consultation contribue aussi à renforcer la démocratie, en ce sens que les responsables politiques du gouvernement central doivent écouter l’avis des représentants locaux et de leurs associations. De plus, elle répond aussi au principe de transparence de l’action publique et au principe de subsidiarité[30].

 

En Italie, un système composé de différentes instances ou commissions bilatérales/multilatérales, également appelées conférences, garantit la consultation et la participation des collectivités locales au processus décisionnel. Les trois commissions bilatérales principales (Conferenze) sont les suivantes : (a) la Conférence permanente pour les relations entre l’État, les régions et les provinces autonomes de Trente et de Bolzano (Conferenza Stato-Regioni), présidée par le ministre des Affaires régionales et des Autonomies ; (b) la Conférence État-villes et collectivités locales (Conferenza stato-città), présidée par le ministre de l’Intérieur ; et c) la Conférence unifiée (Conferenza Unificata), présidée par le ministre des Affaires régionales et des Autonomies.

 

La Conférence permanente pour les relations entre l’État, les régions et les provinces autonomes de Trente et de Bolzano (conferenza Stato-Regioni) a été instaurée par le décret du Premier ministre du 12 octobre 1983 et vise à promouvoir la coopération entre l’activité de l’État et celle des régions et des provinces autonomes. Dans le cadre de cette conférence, le gouvernement prend connaissance des attentes et préférences des régions concernant les actes administratifs et réglementaires les plus importants eu égard aux intérêts régionaux. En outre, la conférence vise à instaurer une collaboration pleine et entière entre l’administration centrale et les administrations régionales ; elle dédie également une réunion spécifique à l’examen des aspects de la politique européenne qui présentent un intérêt particulier pour les régions.

 

La Conférence État-villes et collectivités locales (conferenza Stato-Citta) a été établie par le décret législatif n° 281 du 28 août 1997. Ses compétences sont les suivantes : coordonner les relations entre l’État et les collectivités locales ; analyser, informer et débattre des questions liées aux orientations de politique générale qui peuvent avoir une incidence sur les fonctions spécifiques ou déléguées des provinces, des communes et des villes métropolitaines ; examiner et débattre des problèmes liés à  l’organisation et au fonctionnement des collectivités locales, notamment en ce qui concerne les aspects relatifs aux politiques financières et budgétaires, aux ressources humaines et matérielles ainsi que les initiatives législatives et les actes du gouvernement qui y sont liés. En outre, la conférence est chargée : de débattre et d’examiner les problèmes relatifs à la gestion et à la fourniture des services publics ainsi que toute autre question qui peut lui être soumise pour avis par le Premier ministre ou le président délégué, également à la demande des collectivités locales ; de relayer des informations et des initiatives visant à améliorer l’efficacité des services publics locaux ; d’encourager les activités relatives à l’organisation d’événements réunissant plusieurs communes ou provinces et susceptibles d’être célébrés au plan national.

 

La Conférence unifiée (conferenza unificata), qui se compose des représentants des deux conférences précédentes, exerce les compétences suivantes : promouvoir la coopération entre le niveau national et le système des autonomies dans sa globalité ; examiner les actes réglementaires et tout autre aspect d’intérêt commun. Cette conférence est compétente dans tous les cas où les régions, les provinces, les villes métropolitaines, les municipalités et les communautés de montagne sont appelées à exprimer leur avis sur un même sujet. Siégeant en son sein, la Conférence permanente pour la coordination des finances publiques (conferenza permanente per il coordinamento della finanza pubblica) est chargée de débattre de l’harmonisation et de la coordination des questions liées aux finances publiques à plusieurs niveaux.

 

Le système des conférences peut notamment aboutir aux résultats suivants :

 des accordi contraignants. Ils sont conclus en tant qu’expression d’un consentement mutuel entre les autorités centrales, les présidents des régions et des provinces autonomes de Trente et de Bolzano et les représentants des collectivités locales ;

 des intese contraignants. Ils reposent sur le principe d’une collaboration en vue de réaliser les objectifs de fonctionnalité, d’efficience et d’efficacité de l’action administrative, et servent à coordonner l’exercice des compétences respectives et à mettre en œuvre des activités d’intérêt général ;

 des avis non-contraignants (pareri) : Il s’agit d’avis exprimés par les régions et les autorités locales sur les initiatives législatives nationales.

 

Selon l’AICCRE, le gouvernement central consulte l’Anci (Association nationale des communes italiennes), l’Upi (Union des provinces italiennes) et l’Uncem (Union nationale des communautés de montagne). Bien que représentant l’ensemble des pouvoirs locaux et régionaux italiens au niveau européen, l’AICCRE ne figure pas parmi les associations consultées. Par conséquent, elle fait valoir que toutes les associations dont le rôle est établi par le droit italien (comme dans le TUEL-Testo Unico Degli Enti Locali) devraient faire partie des organes sollicités, pour avis, par le gouvernement central au sujet des projets de loi et de toutes les autres questions qui les concernent directement, y compris celles de nature financière et budgétaire. En particulier, l’AICCRE devrait être associée au même titre que l’Anci, l’Uncem et l’Upi, et être ainsi en mesure d’exprimer une vision européenne sur les questions nationales.

 

Les représentants de la région d’Émilie-Romagne ont précisé qu’en plus des fonctions de nature consultative, des fonctions délibératives sur des questions et thématiques prévues par la législation sont en place, de même que les pouvoirs de désignation et/ou de nomination des dirigeants des instances et des organes qui réalisent des activités ou fournissent des services utiles à l’exercice des compétences concurrentes du gouvernement central, des régions et des provinces autonomes. Cet aspect est d’autant plus important que, souvent, les résultats des consultations menées dans le cadre des conférences ne sont pas suffisamment pris en compte dans les décisions finales.

 

En ce qui concerne la coopération au niveau territorial, la Constitution prévoit (à l’art. 123, par. 4) la mise en place dans chaque région (du moins dans celles à statut ordinaire) d’un Conseil des autonomies locales (CAL) en tant qu’organe de représentation, de consultation et de coordination entre la région et les collectivités locales dotées d’une compétence générale, qui exerce ses fonctions et participe aux processus décisionnels de la région concernant le système des collectivités et autonomies locales, en soumettant des propositions et des avis selon les modalités prévues par le statut et les lois régionales.

 

Il est à noter que de nombreuses fonctions administratives sont du ressort des autorités locales, conformément au principe de subsidiarité énoncé à l’article 118 de la Constitution. Par conséquent, il y a besoin d’établir un cadre institutionnel qui donne aux communes la possibilité d’exprimer leur point de vue au sujet des actions politiques et administratives de la région dont elles dépendent.

 

Pour ce qui est des fonctions, le statut des Conseils des autonomies locales varie d’une région à l’autre, mais ces derniers présentent deux caractéristiques communes. Premièrement, cet organe est conçu pour représenter expressément les collectivités locales, même si les critères qui déterminent sa composition diffèrent (il est parfois composé de représentants des exécutifs locaux, parfois de représentants des conseils locaux, ou encore des deux à la fois). Deuxièmement, tous les CAL sont censés émettre des avis obligatoires sur certaines questions, telles que les modifications des statuts régionaux et l’approbation des budgets et des états financiers.

 

Dans son arrêt 370/2006, la Cour constitutionnelle a décidé que les régions à statut spécial n’étaient pas tenues de mettre en place cette institution, compte tenu de leur compétence exclusive en matière d’organisation et de fonctionnement des collectivités locales. Néanmoins, les cinq régions dotées d’un statut spécial ont toutes établi un tel Conseil des autonomies locales, alignant ainsi leurs structures institutionnelles intergouvernementales sur celles des régions à statut ordinaire[31].

 

En ce qui concerne les possibilités offertes aux collectivités locales de défendre leur statut et d’interagir avec les institutions nationales, il est également intéressant de noter que, malgré la reconnaissance des entités locales par la Constitution (voir commentaires sur l’article 2), aucune disposition légale ne leur donne les moyens de saisir directement la Cour constitutionnelle pour faire valoir leurs prérogatives (voir commentaires sur l’article 11).

 

Cette lacune a conduit, au fil du temps, à une recherche accrue de moyens de protection « intermédiés » avant tout par l’État, plus rarement par les régions, qui sont ainsi devenus les acteurs de la protection de l’autonomie communale (et provinciale)[32]. La Cour constitutionnelle a esquissé une solution dans son arrêt 196/2004 : le quatrième paragraphe de l’article 123 de la Constitution a défini le Conseil des autonomies locales en tant qu’organe essentiel de la Région et l’article 32. 2 de la loi n° 87 de 1953 (remplacé par l’article 9.2 de la loi n° 131 de 2003) a expressément conféré à cet organe la capacité de soumettre des propositions au Conseil régional en ce qui concerne la promotion de jugements de légitimité constitutionnelle allant directement à l’encontre des lois de l’État.

 

Outre le Conseil des autonomies locales, la législation régionale d’Émilie-Romagne prévoit plusieurs autres forums de consultation et de coopération - parfois de nature politique et dotés de fonctions de planification stratégique et d’élaboration de politiques, parfois de nature technique et investis de pouvoirs réglementaires - avec les collectivités locales actives dans des secteurs essentiels allant de la protection de la santé à la voirie, en passant par l’environnement et la gestion des déchets, pour ne citer que les exemples les plus pertinents (cf. les activités du Conseil régional de l’agriculture ou des Conférences territoriales socio-sanitaires).

 

D’autres interlocuteurs se sont plaints de « l’insécurité législative » qui constituerait un problème important en dépit du système de conférences, et dont la réforme des provinces, en suspens depuis longtemps, serait un bon exemple. Il semble particulièrement difficile de consulter le parlement, et la réduction du nombre de députés a eu des incidences négatives sur l’accès des petites localités au parlement et au pouvoir central en général. Les représentants de la commune de Fontana Liri ont également souligné que le système de conférences actuellement en vigueur présente un inconvénient, à savoir que les petites communes ne bénéficient pas d’un accès direct et ne peuvent pas faire entendre leur voix lors de la prise de décisions les concernant. Au cours de la procédure de consultation, la Conférence des régions et des provinces autonomes s’est plainte du manque d’implication dans la définition des interventions à financer, lors de l’élaboration du plan de réforme et d’investissement pour le pays. Une telle participation aurait permis une meilleure mise en œuvre des mesures prévues, générant un impact plus réactif aux besoins des territoires et un meilleur équilibre de croissance.

 

Malgré ces critiques (qui devraient être prises en compte dans la perspective de futures réformes), les rapporteurs ont le sentiment que l’Italie a mis au point un véritable système de consultation qui répond généralement aux exigences de la Charte.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


D’après le Commentaire contemporain, la Charte n’interdit pas les fusions, de même qu’elle n’impose pas de modèle spécifique de structure territoriale ou institutionnelle. En outre, l’article 5 n’introduit pas de critères impératifs quant à la forme et à la mise en œuvre des changements dans les limites territoriales, par exemple les critères sociaux, démographiques ou économiques qui sont souvent utilisés en matière d’aménagement du territoire. En revanche, la Charte propose des règles de procédure pour les modifications des limites territoriales des collectivités locales. Par conséquent, il est exclu, sur le plan de la procédure, qu’une quelconque modification desdites limites puisse être adoptée sans consultation. Cette dernière doit avoir lieu en temps utile, c’est-à-dire avant l’adoption d’une décision définitive sur la question. Cette condition vise à garantir le caractère effectif de la consultation, c’est-à-dire que les collectivités locales aient réellement la possibilité d’être entendues et d’exprimer leur avis à un moment où elles peuvent vraiment peser sur les décisions de fusion et leurs différents aspects, afin que la consultation ne soit pas de nature purement formelle et symbolique. Par conséquent, toute modification de telles limites effectuée en l’absence de consultation de la collectivité locale concernée serait contraire à l’article 5.   

 

En vertu de la Constitution italienne, les fusions peuvent être décidées après « consultation des populations intéressées » (article 133). Elles représentent l’étape la plus avancée de la rationalisation des fonctions municipales et sont un bon moyen de réduire les coûts de gestion et de réaliser des économies d’échelle au sein de la commune. La création de la nouvelle entité et les procédures de fusion relèvent de la compétence régionale, telle qu’établie par la loi. Des contributions de l’État sont prévues pour les communes concernées, notamment l’allocation de ressources extraordinaires pendant les dix années suivantes ainsi que diverses mesures de facilitation ou préférentielles déjà accordées à une ou plusieurs des municipalités initiales avant la fusion. La région peut également, en application de son droit, prévoir l’attribution de contributions. Par ailleurs, des mesures de protection et de simplification, susceptibles de varier d’une région à l’autre, s’appliquent également à la nouvelle entité.

 

Depuis la loi n° 142/1990, la stratégie suivie par l’Italie en matière de fusions repose traditionnellement sur le principe du volontariat, assorti d’une série de mesures d’incitations financières et de solutions réglementaires différenciées visant à garantir la représentativité des communes concernées par l’opération. Par la suite, et en particulier avec la crise économique, les fusions ont fait l’objet de nombreuses interventions législatives de la part de l’autorité nationale, qui voyait là notamment un moyen efficace de lutter contre les effets de la crise proprement dite. Ainsi, après 2010, différentes dispositions législatives ont proposé des mesures incitatives visant à encourager les fusions de communes, celles-ci étant perçues comme une solution efficace pour réduire les dépenses publiques.

 

La loi n° 56/2014 a profondément fait évoluer le sujet en modifiant l’article 15 du Testo Unico relatif à la procédure de réorganisation territoriale. En particulier, la loi prévoit le versement par l’État, pendant une période de dix ans à compter de la fusion, de contributions extraordinaires correspondant à un pourcentage des transferts auxquels chaque commune fusionnée a droit. En outre, comme nous l’avons déjà mentionné, chaque région peut décider de favoriser les fusions en accordant d’autres incitations financières. Ces mesures ont produit certains effets en entraînant une contraction du nombre total de communes, qui n’a cessé de diminuer au cours des dernières années. Depuis 2014, on compte en moyenne vingt communes de moins par an (principalement parmi celles de moins de 5 000 habitants), cette baisse atteignant un pic de quarante-cinq communes entre 2015 et 2016. À l’heure actuelle, le législateur national cherche à encourager et à multiplier les fusions dans toute la mesure du possible, afin d’atteindre l’objectif ultime d’une réorganisation du territoire à même de renforcer l’offre et l’efficacité des services fournis aux citoyens[33].

 

Selon les données les plus récentes du ministère de l’Intérieur, 107 fusions de communes avaient été réalisées en 2020 dans les régions à statut ordinaire et 34 dans les régions à statut spécial, soit un total de 141 opérations de ce type. L’analyse par région et zone géographique fait apparaître une concentration marquée du phénomène (environ 82 %) dans le nord de l’Italie (115 des 141 fusions), par rapport à son importance mineure dans le sud du pays (4 des 141 fusions). En termes de dimension démographique, ce sont les entités dont la population est inférieure à 5 000 habitants qui ont le plus souvent été touchées. Les opérations de fusion ont entraîné une diminution du nombre d’autorités municipales, qui s’élève aujourd’hui à 7 896.

 

Comme l’ont souligné les interlocuteurs, les fusions en Italie obéissent à un processus ascendant, qui prévoit notamment la tenue d’un référendum local. Compte tenu du cadre juridique et de ces éléments, les rapporteurs concluent que l’article 5 de la Charte est pleinement respecté dans la République italienne.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


D’après le Commentaire contemporain, ce paragraphe confère aux collectivités locales toute latitude pour définir leurs structures ou organisations administratives internes. Cette compétence relève de l’autonomie accordée aux entités locales (pouvoir auto-organisationnel). La latitude dont il est question, comme les autres éléments de l’autonomie locale, n’est pas absolue, mais doit respecter le cadre légal général de l’organisation gouvernementale. L’objectif ultime de cette disposition est de protéger l’autonomie locale en permettant aux collectivités locales de se doter d’une structure et d’une organisation administratives qui leur permettent de répondre aux besoins divers de la population et de proposer un éventail complet de services publics. Par conséquent, la législation nationale sur les collectivités locales, si elle peut établir les lignes directrices fondamentales concernant l’organisation administrative interne de ces entités, doit néanmoins leur laisser une marge d’appréciation afin qu’elles puissent choisir et mettre en place leur structure organisationnelle.

 

En Italie, l’autonomie organisationnelle des collectivités locales est explicitement prévue par la Constitution elle-même (art. 117, par. 6, dernière phrase) : « les communes, les provinces et les villes métropolitaines disposent du pouvoir réglementaire pour organiser et exercer les fonctions qui leur sont attribuées. ». Les collectivités locales peuvent approuver leurs règlements, qui définissent à la fois la structure organisationnelle de leurs services internes et les compétences précises des organes locaux. Ces règlements sont regroupés dans un document final appelé « statuto », régi de manière exhaustive par l’article 6 du Testo Unico. Le statuto doit être approuvé par le conseil à la majorité des deux-tiers.

 

Compte tenu de ces informations, les rapporteurs concluent que l’article 6, paragraphe 1, de la Charte est respecté en Italie.

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


Le recrutement de personnel constitue, selon le Commentaire contemporain, un aspect essentiel de l’administration et de l’autonomie des collectivités locales. Ces dernières doivent en effet disposer des ressources humaines nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches, sous peine de former une simple structure gouvernementale vide et impuissante. De plus, elles sont censées avoir la capacité de définir et de mettre en œuvre leur propre politique de ressources humaines pour attirer, recruter, former et retenir un personnel administratif qualifié.

 

Dans sa Recommandation 404 (2017), le Congrès exprime sa préoccupation concernant « la capacité réduite des collectivités locales à employer du personnel qualifié pour exercer leurs responsabilités, du fait du manque de perspectives de carrière, des coupes budgétaires et du « gel » intersectoriel des recrutements appliqué ces dernières années » ; en outre, il recommande de « renforcer le processus entamé en juin 2017 concernant les ressources humaines locales et la possibilité de nouveaux recrutements, afin que les collectivités locales puissent disposer d’un personnel hautement qualifié, essentiel pour le bon exercice de leurs responsabilités ».

 

Selon la documentation pertinente, et les interlocuteurs locaux (par exemple l’AICCRE), les communes, les provinces et les villes métropolitaines jouissent d’une autonomie importante en matière de ressources humaines et peuvent nommer et révoquer librement leurs employés. Chaque commune est responsable du recrutement, de la gestion et de la rémunération de ses employés, dans le cadre de la législation, des règlements et de la réglementation applicables adoptés par chaque ville et des conventions collectives applicables signées avec les syndicats. Le statut juridique du personnel administratif local a changé au fil des réformes visant à privatiser les effectifs de l’administration publique (à partir de 1993). Aujourd’hui, la plupart des agents des collectivités locales sont encadrés par le Code civil[34].

 

Les interlocuteurs d’Émilie-Romagne ont mis en avant le caractère limité de cette autonomie et l’ampleur de l’intervention du gouvernement central dans les phases les moins favorables du cycle économique. D’après les informations fournies par le maire de Fontana Liri, au cours de la même période, notamment pendant la crise, les communes ont perdu en moyenne 35 % de leurs effectifs. D’autres interlocuteurs de l’AICCRE ont souligné la pénurie de personnel, due à des années de gel des embauches et au départ à la retraite de cadres supérieurs et moyens, qu’il n’est pas facile de remplacer et dont les connaissances historiques et du terrain se perdent. La situation serait particulièrement difficile dans les petites communes. Les représentants de la région d’Émilie-Romagne ont fait part d’une augmentation des financements, tout en précisant que la mise en œuvre des projets du nouvel instrument de relance de la Commission européenne (Next Generation EU) ainsi que du plan national pour la relance et la résilience (PNRR), au niveau sous-régional était vouée à l’échec en cas de persistance de la grave pénurie de personnel.      

 

En ce qui concerne les provinces, les interlocuteurs du Sénat ont fait remarquer que la réaffectation des compétences aux provinces ne saurait être accompagnée de la restitution du personnel correspondant. Ce dernier a été transféré aux régions après la réforme introduite par la loi Delrio, qui a associé la remontée des compétences anciennement dévolues aux provinces à un transfert des effectifs concernés. Ces agents bénéficient désormais du statut prévu par les conventions collectives des régions conclues par leurs syndicats et ne souhaitent pas réintégrer les provinces. Une somme d’environ 900 millions d’euros sera nécessaire pour fournir à ces dernières les ressources humaines qui s’imposent. 

 

Lors de leur visite à la Cour des comptes (Corte dei Conti), les rapporteurs ont appris qu’aux fins de la mise en œuvre du PNRR, l’embauche de 2 800 employés avait été approuvée. Au cours des diverses réunions avec les ministères et autres institutions centrales de l’État, les interlocuteurs ont admis que les collectivités locales souffraient d’une grave pénurie de personnel, en particulier d’employés hautement qualifiés (informaticiens, comptables, ingénieurs, etc.) et ont fait part de leur volonté de s’attaquer au plus vite à ce problème. Au cours de la procédure de consultation, la préfecture de Rome a souligné plusieurs initiatives prises pour faciliter et promouvoir le recrutement de personnel, telles que, notamment, le financement spécial prévu pour les dépenses du personnel engagé pour la mise en œuvre des projets PNRR, visé à l’article 31 bis, paragraphe 1, du décret-loi n° 152/2021. Ces recrutements ne sont pas soumis aux limites réglementaires strictes prévues pour le personnel. En outre, le décret-loi no 113/2016, tel que modifié par le décret-loi n° 176 du 18 novembre 2022 (au Journal officiel n° 270 du 18 novembre), prévoyait que même les entités en opération provisoire ou qui n’ont pas approuvé les comptes de gestion ou qui n’ont pas respecté la transmission des données peuvent continuer à engager des agents temporaires nécessaires pour assurer la mise en œuvre du PNRR.

 

En conclusion, les rapporteurs ont le sentiment que les collectivités locales italiennes sont toujours confrontées à un manque de personnel. Ils en concluent que puisque les projets visant à résoudre ce problème n’ont pas été menés à bien, l’Italie satisfait partiellement aux exigences de l’article 6, paragraphe 2, de la Charte.

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


D’après le rapport explicatif de la Charte, « cet article a pour objet de garantir […] que les représentants élus ne soient pas empêchés par l’action d’une tierce partie de s’acquitter de leur mission ». Le Commentaire contemporain souligne que le premier paragraphe exige des collectivités locales qu’elles fournissent à tous les élus les installations, l’équipement et le soutien technique nécessaires à l’exécution de leurs tâches. Cette exigence doit être respectée sans considération de l’appartenance politique du représentant élu. Par conséquent, les collectivités locales ne sauraient discriminer, au niveau matériel, les différentes factions ou formations politiques siégeant au Conseil.  

 

Le libre exercice des mandats est garanti en Italie, malgré des différences non négligeables dans les conditions matérielles (équipement, soutien technique, etc.), en fonction de la taille et de la situation économique de chaque collectivité locale. Selon l’AICCRE, la complexité du cadre juridique est un autre problème qui empêche l’élu local d’exercer son mandat de manière réfléchie et efficace. Les conseillers seraient en position d’infériorité par rapport aux autres élus, car ils manquent d’informations, de moyens de compensation financière et d’assistance. Néanmoins, ils ne sont pas pénalement responsables des avis et votes exprimés dans le cadre de leurs fonctions, et le libre exercice de leur mandat est garanti par la loi. Dans la pratique, les pressions exercées par le crime organisé et le ciblage d’élus par des agresseurs violents nuisent au libre exercice et constituent un problème particulièrement grave dans les régions du sud de l’Italie (voir la partie 6.2 du présent rapport).

 

En se basant sur différentes sources, les rapporteurs concluent qu’il existe d’importantes lacunes liées aux menaces et à la violence dont font l’objet des élus, en particulier dans certaines régions du sud de l’Italie.

 

Par conséquent, l’Italie ne remplit que partiellement les exigences de l’article 7, paragraphe 1 de la Charte.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


D’après le Commentaire contemporain, les restrictions à l’exercice d’un mandat électif doivent être aussi limitées que possible et définies dans la législation nationale. Elles doivent porter essentiellement sur les conflits d’intérêts potentiels ou sur une activité qui empêche l’élu local d’exercer professionnellement ses fonctions pour la collectivité locale.

 

En Italie, le Testo Unico(articles 63 à 65) et la législation électorale fixent les fonctions et les activités jugées incompatibles avec le mandat d’élu local. De ce fait, les rapporteurs concluent que l’Italie satisfait aux exigences de l’article 7, paragraphe 3, de la Charte.

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


D’après le Commentaire contemporain, ce paragraphe concerne lui aussi le statut des élus locaux et plus précisément l’aspect financier de leurs activités. Il vise à s’assurer que les élus locaux reçoivent une « compensation financière adéquate » et à éviter que leur statut ne dissuade, ne limite voire n’exclue les candidatures potentielles, ou ne les empêchent de s’acquitter efficacement de leurs tâches, en raison de considérations financières.

 

Dans la Charte, le terme « compensation financière adéquate » doit être compris comme recouvrant plusieurs éléments : tout d’abord la « compensation financière adéquate des frais entraînés par l’exercice du mandat » ; deuxièmement, « le cas échéant », la compensation financière du manque à gagner résultant de l’engagement auprès de la collectivité locale ; troisièmement, la « rémunération du travail accompli », c’est-à-dire un « salaire » décent pour les fonctions remplies ; et, enfin, une couverture sociale.

 

Dans le passé, le « caractère honorifique » du mandat d’élu était perçu différemment. En Italie, le célèbre Statut Albertin (Statuto Albertino), une Constitution libérale adoptée en 1848, soulignait ce caractère honorifique de toutes les fonctions électives[35]. Mais cette ancienne tradition a été abandonnée par la suite au profit d’une autre, qui s’est traduite par la mise en place d’un système de rémunération et de compensation relativement généreux. À la suite de la récente crise financière, les indemnités des conseillers provinciaux et métropolitains ont été supprimées, suscitant de vives protestations de la part des intéressés. Cependant, la Cour constitutionnelle avait déjà conclu, il y a quelques années, que la suppression de la compensation accordée en cas de cumul d’un mandat politique ou d’élu (à l’instar des conseillers qui ne percevraient pas d’indemnité de fonction pour leur activité au sein d’associations municipales) ne violait pas le principe de base d’une compensation financière adéquate des fonctions électives[36].

 

Au terme de la précédente mission de suivi, le Congrès a adopté la Recommandation 404(2017), dans laquelle il exprime sa préoccupation à propos de « l’absence de rémunération ou d’indemnisation appropriée pour les élus des provinces et des villes métropolitaines, en contrepartie de l’exercice de leurs fonctions, cette situation pouvant aussi affecter l’engagement politique des citoyens à l’échelle des provinces (article 7, paragraphe 2) ». Par ailleurs, le Congrès a recommandé que le Comité des Ministres appelle les autorités italiennes à « établir un système de rémunération raisonnable et appropriée des élus des provinces et des villes métropolitaines pour l’exercice de leurs fonctions ».

 

Ces problèmes ne seront pas réglés tant que des élections directes pour les organes dirigeants des provinces et des villes métropolitaines n’auront pas été rétablies. Comme l’ont souligné les interlocuteurs de la municipalité de Forli, le statut actuel des responsables politiques locaux des communes qui sont également membres d’organes provinciaux ou qui exercent les fonctions de président de province pose un problème particulier. Ces personnes (et en particulier les présidents de province) font face à des contraintes supplémentaires et à une double charge de travail, mais elles ne bénéficient d’une indemnisation qu’au titre d’une seule fonction élective. Leur situation n’est pas comparable à celle des élus dans les municipalités qui sont également membres de structures de coopération intercommunale (comme dans l’affaire jugée par la Cour constitutionnelle en 1997). Cette dernière n’exige généralement pas des élus qu’ils exercent leur mandat à plein temps, contrairement aux présidents de province qui sont tenus de se consacrer intégralement à leurs activités.

 

Selon le ministère des Finances, le système de rémunération des maires/élus locaux (sindaci) des communes et des villes métropolitaines situées dans les régions à statut ordinaire a été récemment modifié par la loi n° 234/2021 (legge di Bilancio 2022, article 1, c. 583), pour harmoniser le traitement des présidents de région. Plus précisément, l’article 1, c. 584 de cette loi établit le taux de revalorisation à 45 % en 2022 et à 68 % en 2023. Quant au système de rémunération des autres élus locaux (vicesindaciassessoripresidenti dei consigli comunali), l’article 1, c. 585 prévoit un alignement de leur rémunération sur celle des maires (sindaci) et, par conséquent, une actualisation et une revalorisation basée sur le régime précédent.

 

Afin de couvrir le financement supplémentaire des mesures susmentionnées, un fonds spécial géré par le ministère de l’Intérieur a été créé et doté des ressources suivantes : 100 millions d’euros pour l’année 2022 ; 150 millions d’euros pour l’année 2023 et 220 millions d’euros à compter de 2024. En outre, à partir de 2024, le système de rémunération des maires/élus locaux (sindaci) pour les communes et les villes métropolitaines situées dans les régions à statut ordinaire sera défini en fonction de la rémunération fixée par la Conférence permanente pour les relations entre l’État, les régions et les provinces autonomes de Trente et de Bolzano (conferenza Stato-Regioni) pour les présidents des régions, à concurrence d’un montant maximum de 13 800 euros par mois pour un total de 12 mois. Ce taux dépendra de la population de la commune, selon le barème suivant :

 100 % pour les maires des villes métropolitaines ;

 80 % pour les maires des communes spécifiques (comuni capoluogo di regione e di provincia) de plus de 100 000 habitants ;

 70 % pour les maires des communes spécifiques (comuni capoluogo di provincia) comptant jusqu’à 100 000 habitants ;

 45 % pour les maires des communes de plus de 50 000 habitants ;

 35 % pour les maires des communes de 30 001 à 50 000 habitants ;

 30 % pour les maires des communes de 10 001 à 30 000 habitants ;

 29 % pour les maires des communes de 5 001 à 10 000 habitants ;

 22 % pour les maires des communes de 3 001 à 5 000 habitants ;

 16 % pour les maires des communes comptant jusqu’à 3 000 habitants.

 

La rémunération des maires pour les années 2022-2023 a été revue à la hausse selon les barèmes définis précédemment, tout en veillant à assurer le budget structurel de la commune. De plus, en vertu de la loi n° 234/2021, les rémunérations des autres élus locaux (vicesindaci, assessori, presidenti dei consigli comunali) sont calquées sur l’évolution de celle des maires, en se fondant sur les taux définis dans le décret ministériel n° 119 du 4 avril 2000.

 

Au vu de ce qui précède, les rapporteurs considèrent que l’article 7, paragraphe 2, n’est pas respecté en Italie, s’agissant des provinces.

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


Le Commentaire contemporain précise que l’article 8 de la Charte porte sur le contrôle « administratif » des actes des collectivités locales. Le rapport explicatif limite le champ d’application de cet article au contrôle mené par « les autorités d’autres niveaux » c’est-à-dire par les autorités ou organes du pouvoir central (ministères de tutelle, ministère de l’Intérieur, etc.) ou les autorités régionales. L’article 8, paragraphe 1, dispose qu’aucune forme de contrôle administratif ne peut être exercée sur les collectivités locales si elle n’est pas expressément prévue par la législation, c’est-à-dire dans une loi ou dans une disposition constitutionnelle. Un contrôle de légalité et d’opportunité doit donc reposer sur une base législative ou constitutionnelle, tandis que les procédures de contrôle ad hoc doivent être exclues[37].

 

Dans sa Recommandation phare sur le contrôle des actes des collectivités locales adressée en 2019 aux États membres[38], le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a mis en avant certains principes et lignes directrices essentiels dans le domaine du contrôle. Il a également établi une distinction entre trois types de contrôle : administratif, financier et démocratique, sachant que seul le premier est visé par l’article 8 de la Charte. L’existence d’un contrôle administratif se justifie par la nécessité de respecter les « principes de l’État de droit et [l]es rôles attribués aux divers pouvoirs publics ainsi que la protection des droits des citoyens et la bonne gestion des biens publics ».

 

En Italie, les interlocuteurs du ministère des Finances ont précisé que le système de contrôle des entités territoriales repose sur le principe de l’égalité constitutionnelle de ces entités avec les autres niveaux d’autorité (voir en particulier l’article 114 de la Constitution). Au fil des ans, ce principe a entrainé un recul du contrôle administratif externe exercé par le pouvoir central, avec la suppression des contrôles préventifs de légitimité. Ces derniers sont en effet caractérisés par une approche hiérarchique et nuisent donc à l’autonomie des entités territoriales.

 

Des contrôles inter-administratifs sont toutefois menés. Ils sont encadrés par la Constitution, par la législation générale sur les collectivités locales et par la législation sectorielle, sachant que cette dernière peut définir d’autres types de contrôles. La législation prévoit plusieurs méthodes et types de contrôle. En vertu de l’article 120 de la Constitution, le gouvernement peut intervenir dans certaines mesures adoptées par les collectivités locales et régionales. Ce pouvoir (appelé « pouvoir de substitution ») ne peut être exercé que dans trois situations :

 en cas de non-respect des règles et des traités internationaux ou de la règlementation de l’Union européenne par les autorités territoriales infranationales ;

 en cas de danger grave pour la sûreté et la sécurité publiques ;

 dès lors que cela est requis afin de protéger l’unité juridique ou l’unité économique du pays, et, notamment, afin de protéger les niveaux essentiels des prestations en matière de droits civiques et sociaux de la population.

 

Un autre type de contrôles inter-administratifs est consacré dans la législation générale relative aux collectivités locales. En vertu de l’article 138 du TUEL, le gouvernement central peut, sur proposition du ministère de l’Intérieur, annuler les décisions illégales adoptées par les collectivités locales. Ce dispositif est appelé « annulation extraordinaire » (anullamento straordinario) et appelle le déroulement d’une procédure précise. Un décret du Président de la République doit être pris, après délibération du Conseil des ministres et avis du Conseil d’État. Au cours de la visite de suivi du Congrès, aucun interlocuteur ne s’est plaint d’un éventuel abus de cette forme extraordinaire de contrôle. Les garanties procédurales et juridiques mises en place laissent à penser que ce contrôle ne s’exerce qu’en cas de nécessité de protéger l’ordre juridique.

 

Les rapporteurs concluent que les dispositions relatives au contrôle administratif sont inscrites dans la Constitution et dans la loi, et que par conséquent, l’Italie respecte l’article 8, paragraphe 1, de la Charte.

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.


D’après le rapport explicatif de la Charte, le contrôle administratif doit normalement se limiter à la question de la légalité des actes des collectivités locales et non à celle de leur opportunité. Une exception particulière, mais non la seule, est prévue dans le cas des fonctions déléguées où l’autorité à l’origine de la délégation peut souhaiter exercer un certain contrôle sur la manière dont la tâche est exécutée. Cela ne devrait pas, toutefois, avoir pour résultat d’empêcher la collectivité locale en question d’exercer un certain pouvoir d’adaptation aux conditions locales conformément à l’article 4, paragraphe 5 (voir ci-dessous).

 

Comme le souligne le Commentaire contemporain, dans le cadre de ce contrôle de légalité, l’organe de contrôle peut vérifier, par exemple, si la collectivité locale a agi dans le cadre de ses compétences, si les normes ou exigences réglementaires de fond ont été respectées, si la compétence a été exercée selon les procédures légales et dans les délais applicables, etc. En revanche, il ne peut pas substituer son propre pouvoir d’appréciation à celui de la collectivité locale.

 

La légalité des décisions des collectivités locales est contrôlée par les tribunaux. Contrairement à de nombreux autres pays, l’Italie ne dispose pas à l’heure actuelle d’un système de contrôle administratif général et complet des collectivités locales. Les quelques cas de contrôle prévus par la législation sectorielle sont principalement limités au contrôle de légalité.

 

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs concluent que l’Italie respecte l’article 8, paragraphe 2 de la Charte.

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.


Dans les cas de substitution en vertu de l’article 120, paragraphe 2 de la Constitution, il est stipulé expressément que « la loi définit les procédures visant à garantir que les pouvoirs substitutifs sont exercés dans le respect des principes de subsidiarité et de coopération loyale ». Le principe d’adéquation est ainsi implicitement introduit. En outre, selon l’interprétation donnée par la Cour constitutionnelle (arrêt n° 43, 2004), la Constitution accorde à l’État ce pouvoir de substitution inter-administrative en tant que dispositif extraordinaire, qui ne peut être utilisé qu’en cas d’urgences institutionnelles majeures portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la République.

 

De même, les dispositions et les procédures relatives à ladite « annulation extraordinaire » (voir ci-dessus) semblent refléter l’attachement à une mise en œuvre proportionnée du contrôle administratif. Par conséquent, les rapporteurs concluent au respect par l’Italie de l’article 8, paragraphe 3, de la Charte.

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


D’après le commentaire contemporain, la loi peut établir des conditions, procédures, critères, limites ou plafonds concernant les activités financières des collectivités locales, mais dans tous les cas, ces normes ne doivent pas les dissuader d’emprunter sur le marché national des capitaux ni rendre de tels emprunts extrêmement difficiles en pratique. Certaines des restrictions imposées par les gouvernements nationaux (ou régionaux) aux emprunts des collectivités locales visent à prévenir l’endettement de ces entités, à assurer leur viabilité financière et à assainir leur trésorerie. Les entités publiques ayant de faibles dettes et des revenus élevés sont plus à même d’exécuter les tâches qui leur reviennent, voire des tâches assumées à titre volontaire, tandis que les communes très endettées et disposant de faibles revenus sont moins viables à long terme.

 

Dans sa Recommandation (2005)1 relative aux ressources financières des collectivités locales et régionales[49], le Comité des Ministres invitait les autorités centrales à n’offrir des garanties pour les emprunts levés par les collectivités locales que dans des situations exceptionnelles. Dans les lignes directrices énoncées dans la partie II de cette Recommandation, le Comité des Ministres appelait les États à renoncer aux « renflouements financiers masqués, qui risqueraient de déresponsabiliser les (membres des) collectivités locales et de provoquer un gaspillage de ressources publiques ». En Italie, les responsabilités des entités en état d’insolvabilité ne s’étendent pas à l’État. Toutefois, l’État fournit des mesures de soutien aux entités en difficulté, telles que le Fonds d’avances de trésorerie. Ce fonds vise à garantir que les entités publiques respectent les délais de paiement de la dette fixés par les directives européennes.

 

Concernant les dettes des communes italiennes, la Cour européenne des droits de l’homme a, pour sa part, jugé que les dettes municipales devaient être payées y compris à partir de ressources étatiques, en particulier lorsque les demandes des créanciers avaient été reconnues par une décision de justice. En Italie s’est posé en effet le problème des communes surendettées, et a fortiori en cessation de paiements, devant remplir leurs obligations à l’égard de tiers. En pareil cas, les acteurs privés leur ayant octroyé des prêts devraient pouvoir se tourner vers l’État italien, étant donné que les collectivités locales sont des organes de l’État. Si cette possibilité n’est pas garantie, il y a violation du droit à la protection juridictionnelle, énoncé à l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et du droit à la protection de la propriété, couvert par l’article 1 du premier Protocole additionnel à la Convention[50].

 

Lors de la visite de suivi, les représentants de la Cour des comptes ont souligné que les collectivités locales pouvaient être déclarées en faillite. Dans ses décisions sur le sujet, la Cour constitutionnelle a considéré que le budget des collectivités locales était un bien public (ce qui peut avoir des conséquences sur les procédures d’exécution) et considéré que le surendettement violait le principe de justice intergénérationnelle. Le niveau d’endettement et la viabilité de la dette sont également surveillés au travers des contrôles de conformité aux règles de comptabilité publique réalisés par la Cour des comptes.

 

Lors de la réforme constitutionnelle de 2001, il a été ajouté au texte de la Constitution l’article 119, paragraphe 7, qui dispose que les collectivités locales (et les régions) « ne peuvent avoir recours à l’endettement que pour le financement de dépenses d’investissement, moyennant la définition concomitante de plans d’amortissement et sous réserve que l’équilibre budgétaire soit respecté pour l’ensemble des entités de chaque région. Toute garantie de l’État sur les emprunts qu’elles contractent est exclue[51] ». Depuis 2001, les communes sont aussi soumises au pacte de stabilité interne, qui est mis à jour et approuvé chaque année. Le pacte leur fixe des objectifs en matière d’équilibre budgétaire, des limites à l’augmentation de leurs dépenses et un plafond d’emprunts. Depuis 2003, les communes non conformes sont soumises à un système de sanctions, sous forme de réduction des transferts et de gel des embauches de personnel au niveau local.

 

La loi constitutionnelle n° 1/2012 a instauré le principe de l’équilibre structurel des budgets et interdit de financer un déficit par l’endettement. Elle a donné aux régions une certaine latitude leur permettant de compenser les déséquilibres temporaires entre les communes situées sur leur territoire. En outre, la capacité d’emprunt de chaque entité est plafonnée à un montant déterminé, afin que le remboursement reste supportable dans la durée. Pour les collectivités locales, cette limite correspond à l’incidence des coûts d’intérêts sur les recettes ordinaires de collectivités, qui ne doit pas dépasser 10 %. Dans le cas des régions, il s’agit de l’incidence des remboursements annuels (intérêts et principal) sur le montant total des recettes fiscales hors celles affectées aux dépenses de santé, qui ne doit pas dépasser 20 %.

 

Depuis 2019, les arrêts constitutionnelles n° 247/2017 et 101/2018 ont simplifié les règles en matière de finances publiques : les régions, les provinces autonomes de Trente et de Bolzano, les villes métropolitaines et les communes doivent contribuer à l’objectif d’emprunt net fixé au niveau national, conformément au pacte de stabilité interne. De ce fait, depuis 2019, toutes les collectivités territoriales doivent observer les règles d’équilibre budgétaire au niveau de chaque institution et au niveau sectoriel (pas de montants négatifs au niveau des comptes courants et définitifs et des soldes définitifs de trésorerie). Pour les régions ordinaires, l’application de ces règles a été reportée à 2021, sur décision de la Conférence des pouvoirs locaux et nationaux tenue en octobre 2018.

 

En Italie, l’encours de la dette des collectivités territoriales en part du PIB (11,2 %) et de la dette publique (6,1 %) est inférieur à la moyenne de l’OCDE (27,9 % du PIB et 20,2 % de la dette publique) et à celle des 27 de l’UE (13,9 % du PIB et 15,4 % de la dette publique). La plus grande part de l’endettement financier des collectivités territoriales prend la forme de prêts bancaires, largement contractés auprès d’institutions financières italiennes, en particulier la banque publique Cassa Depositi e Prestiti (Caisse des dépôts et prêts ou CDP, dont 82 % du capital social est détenu par le ministère de l’Économie et des Finances). La part des prêts intergouvernementaux s’est accrue ces dernières années du fait des taux d’intérêt favorables et des échéances longues, tandis que le recours au marché obligataire a décru, passant d’environ 30 % de la dette des collectivités territoriales en 2006 à 6,5 % en 2020.

 

Tandis que le gouvernement se félicitait de l’amélioration de la situation financière et des règles en matière d’emprunt, les représentants de l’AICCRE ont déploré que les diverses réglementations aient empêché les collectivités locales de recourir au crédit pendant plusieurs années, y compris lorsqu’elles avaient de bonnes capacités financières et administratives. Concernant les pouvoirs régionaux, la situation actuelle n’est évidemment positive que pour les régions bien notées.

 

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs estiment que les restrictions imposées à la liberté d’emprunt des collectivités locales sont raisonnables et conformes aux politiques de l’UE. Il serait envisageable d’adopter des mesures pertinentes destinées aux collectivités locales rencontrant des difficultés sur le marché des capitaux, à condition que ces mesures ne produisent pas d’effets indésirables sur les efforts de consolidation budgétaire. La situation en Italie, pour conclure, est conforme à ce paragraphe de l’article 9.

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


Selon le rapport explicatif de la Charte, du point de vue de la liberté d'action des collectivités locales, les subventions globales ou même celles par secteur sont préférables aux subventions affectées à des projets spécifiques. Il ne serait toutefois pas réaliste d’attendre que toutes les subventions pour des projets spécifiques soient remplacées par des subventions globales, en particulier lorsqu’il s’agit d’investissements importants ou de projets financés par des échelons supérieurs de pouvoirs publics. Comme le souligne le commentaire contemporain, l’attribution des subventions spécifiques devrait se fonder sur des critères objectifs et transparents justifiés par les besoins en matière de dépenses. La tendance à l’octroi de subventions affectées à des projets spécifiques pourrait limiter le pouvoir discrétionnaire des collectivités locales ; en outre, ces subventions font l’objet d’un contrôle gouvernemental plus strict, ce pourquoi elles sont préférées aux subventions globales lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des politiques de l’UE ou du gouvernement central.

 

Comme indiqué au sujet de l’article 9, paragraphe 1, les communes italiennes dépendent principalement de leurs ressources propres et de subventions globales. Les subventions spécifiques sont certes importantes, mais leur part n’est pas jugée supérieure au niveau acceptable en vertu de la Charte. Cette seconde catégorie de subventions paraît plus importante pour les provinces. Les représentants de la Cour des comptes ont souligné ce point, et noté que la loi de finances de 2022 a augmenté le financement destiné aux provinces (pour l’aménagement de ponts et de tranchées couvertes) et prévu une augmentation de 3 % pour les villes métropolitaines. Cependant, la part des subventions spécifiques ne s’avère pas non plus excessive dans le cas des provinces.

 

Les rapporteurs concluent que la situation en Italie est conforme à ce paragraphe de l’article 9 de la Charte.

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


D’après le rapport explicatif de la Charte, lorsque les ressources redistribuées sont attribuées d’après des critères spécifiques définis par la loi, les dispositions de ce paragraphe seront respectées si les collectivités locales sont consultées au moment de l’élaboration de la législation en question. Selon le commentaire contemporain, la consultation évoquée à l’article 9.6 n’est pas simplement une procédure obligatoire devant se dérouler en temps opportun avant la décision finale,car elle porte non seulement sur la décision elle-même, mais également sur les modalités et les critères applicables au processus décisionnel. Prenant en considération les questions récurrentes figurant dans les rapports de suivi, le Congrès a demandé une plus grande implication des collectivités locales ou de leurs représentants dans les questions financières, y compris l’estimation des coûts impliqués par toute nouvelle législation interne censée être mise en œuvre au niveau local.

 

Dans la Recommandation 404 (2017), le Congrès se disait préoccupé par « le fait que, dans la pratique, les collectivités locales ne sont pas consultées concernant l’adoption du budget, en particulier en cas d’application de coupes budgétaires de la part du pouvoir central (article 9, paragraphe 6) »  ; le Congrès appelait les autorités italiennes « à veiller à ce que les collectivités locales soient véritablement consultées, en droit et en pratique, par le biais de représentants des associations nationales, sur les questions financières qui les concernent directement ».

 

S’agissant des aspects budgétaires, le décret législatif n° 118/2011 a créé (article 3-bis) une commission pour l’harmonisation des collectivités locales (« commission Arconet »). Cette commission a reçu pour mission de promouvoir l’harmonisation des systèmes comptables et des mesures budgétaires des collectivités territoriales et de leurs organes et entités opérationnels – à l’exclusion des entités chargées de gérer les dépenses de santé, financées via le Service national de santé. De plus, la commission Arconet met à jour les sources de réglementation sur le suivi et la consolidation des comptes publics et améliore les connexions entre les comptes publics généraux et le Système européen des comptes nationaux.

 

En 2016, comme prévu par la loi n° 208/2015, la commission technique pour les besoins standards (CTFS) a été créée, avec pour mission d’analyser et d’apprécier les activités, méthodologies et dispositifs relatifs à la détermination des besoins standards des collectivités infranationales. La CTFS se compose de 11?membres, dont trois représentants des associations nationales de collectivités locales et un représentant des régions[48]. La loi de finances de 2022 a nettement élargi son champ d’intervention puisque désormais, l’attribution des ressources afférentes aux fonctions qui relèvent des niveaux essentiels de performance (« LEP ») des collectivités locales est soumise à l’avis/examen préalable de la CTFS, complété par celui des représentants des ministères compétents.

 

La CTFS a été mise en place pour favoriser une plus étroite coordination entre les interventions menées par les différents échelons de pouvoirs publics, en particulier dans le domaine social, et pour éviter les doublons et les éventuelles incohérences entre les ressources ordinaires et la multiplicité des fonds spéciaux. La CTFS est aussi chargée de valider la méthode de calcul de la capacité financière des régions ordinaires. En outre, elle définit la base nécessaire au calcul des versements annuels depuis le fonds de solidarité municipale, et assure un rôle similaire auprès des provinces et des villes métropolitaines.

 

Dans le système italien de conférences dévolues à la consultation, il existe aussi une Conférence permanente pour la coordination des finances publiques (Conferenza permanente per il coordinamento della finanza pubblica), chargée de l’harmonisation/coordination des questions de finances publiques touchant à plusieurs échelons. Cette Conférence permanente opère dans le cadre de la Conférence unifiée, conformément aux termes des articles 33 à 37 du décret législatif du 6 mai 2011, n° 68. Elle doit compter des représentants des différents échelons de pouvoirs publics. Ses multiples missions peuvent être réparties selon les grands thèmes suivants :

 objectifs des finances publiques par secteur : la Conférence contribue à leur définition, assure des fonctions de contrôle de leur mise en œuvre et propose des interventions visant la conformité à ces objectifs. Dans ce domaine, elle agit en particulier dans le cadre de la procédure du pacte de convergence visé à l’article 18 de la loi n° 42/2009 ;

 fonds de péréquation : la Conférence est chargée de proposer des critères d’utilisation pertinente de ces fonds. Elle est habilitée à vérifier l’application de ces critères ;

 fonctionnement du nouveau régime financier des entités territoriales et relations financières entre les différents niveaux de pouvoirs publics : la Conférence assure régulièrement des vérifications. Elle s’assure en particulier que les impôts pris pour référence pour la couverture des besoins standards et le calcul des « dépenses essentielles » des régions (loi n° 42/2009, art. 10.1d) revêtent un caractère adéquat, et que les ressources financières de chaque échelon sont suffisantes au regard des tâches à accomplir. La Conférence est habilitée à proposer tout changement qu’elle jugerait utile ;

 concrétisation du processus de convergence entre les besoins standards, leurs coûts et les objectifs de services, et promotion de la conciliation des intérêts entre les différents échelons de pouvoirs publics participant à la mise en œuvre des règles de fédéralisme fiscal, que la Conférence vérifie régulièrement. Les coûts, les besoins et les objectifs feront l’objet d’une comparaison et d’une évaluation dans le cadre de la Conférence conjointe ;

 avis sur le Document économique et financier en vue de l’élaboration de la loi de finances de l’État, conformément à la loi n° 196 du 31 décembre 2009, article 10, paragraphe 5.

 

À Bologne, nos interlocuteurs ont confirmé que des « voies de dialogue » avec l’État et la région étaient disponibles et accessibles, mais que les procédures pertinentes étaient « extrêmement chronophages ». Par ailleurs, les représentants de la Conférence des régions et provinces autonomes d’Italie ont souligné la nécessité de davantage de consultations dans le cadre du PNRR.

 

Compte tenu de ce qui précède ; considérant qu’après une période de mesures urgentes imposées par la crise dans la zone euro, la situation est revenue à la normale, et que des procédures de consultation s’appliquent ; et même si des améliorations seraient nécessaires sur certains aspects, comme le PNRR, les rapporteurs concluent que la situation en Italie est conforme au paragraphe 6 de l’article 9.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


D’après la définition de l’OCDE, « la péréquation fiscale est un transfert de ressources fiscales entre juridictions dans le but de compenser les différences inhérentes à la capacité fiscale ou au coût du service public[46] ». Le commentaire contemporain sur la Charte précise que la péréquation fiscale est propre à chaque pays, puisqu’elle est déterminée par le contexte institutionnel plus large (tel que la taille, le nombre et la répartition géographique des collectivités locales) ainsi que par les responsabilités et les ressources fiscales attribuées à chaque type d’autorité. Certains accords de péréquation impliquent une simple redistribution des ressources fiscales tandis que d’autres aident les gouvernements centraux à façonner et à adapter étroitement la prestation des services publics au niveau local. La Charte utilise le terme « procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes » dans le but d’englober un ensemble d’institutions, mécanismes et arrangements divers visant à corriger les effets d’une répartition inégale des finances.

 

Le commentaire contemporain précise que les transferts de péréquation doivent être considérés comme des ressources propres, dont les collectivités locales « peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences ». Même si, dans les législations internes, les méthodes de calcul des systèmes de péréquation financière intègrent fréquemment les paramètres de dépenses dans des secteurs donnés (par exemple, les besoins éducatifs et les charges environnementales), les communes doivent pouvoir utiliser librement les sommes ainsi transférées (comme l’article 9.5 le requiert explicitement). Qualifier les transferts de péréquation de « ressources propres » implique que ces moyens financiers couvrent uniquement les coûts encourus pour l’exécution des tâches locales et obligatoires, à l’exception de ceux engagés pour l’exercice des compétences déléguées. Pour ces tâches déléguées, un mécanisme distinct – et vertical – de transfert des moyens financiers doit être mis en place, conformément au paragraphe 2 du même article (principe de proportionnalité).

 

Dans la Recommandation 404 (2017), le Congrès exprimait sa préoccupation concernant « l’inefficacité du système de péréquation pour compenser les différences de ressources financières entre les régions (article 9, paragraphe 5) ». Il appelait en outre les autorités italiennes « à réviser la formule actuelle du système de péréquation afin de compenser les différences de ressources financières entre les régions, sur la base du principe de solidarité territoriale ». La situation financière des régions italiennes sera traitée dans une autre partie du rapport ; cependant, la Recommandation 404 (2017) est également pertinente pour les pouvoirs locaux, puisque les disparités régionales les affectent eux aussi.

 

Aux termes de l’article 119, paragraphe 3 de la Constitution, « la loi de l’État établit un fonds de péréquation, sans obligation d’affectation à une destination déterminée, pour les territoires ayant une moindre capacité fiscale par habitant ». Le fondo perequativo, instrument de péréquation fiscale créé par la loi constitutionnelle n° 3/2001, distingue les différents échelons (régions, provinces et communes) et la nature des dépenses.Dans le cas de services essentiels, le fondo doit compenser tout déséquilibre dans les recettes fiscales des régions et permettre à ces dernières d’assurer les services relevant de leurs compétences de manière homogène sur l’ensemble du territoire national ; dans le cas des autres dépenses, son but est d’apporter une compensation aux collectivités locales ayant une moindre capacité fiscale.

 

Le fonds de solidarité municipale (fondo di solidarietà comunale), défini par la loi n° 42/2009 et par le décret législatif n° 23/2011, est destiné à octroyer des ressources aux communes. Il est alimenté par une part de l’IMU (imposta municipale propria, taxe foncière municipale), c’est-à-dire par des revenus de nature municipale. Les ressources sont réparties de manière à compenser et ajuster les moyens attribués par le passé, en vue d’abandonner progressivement les critères « historiques » appliqués jusqu’ici aux dépenses. L’application de critères de péréquation à la répartition des ressources, fondée sur la différence entre capacité financière et besoins standards en dépenses (fabbisogni standard), a commencé en 2015 par l’attribution – conformément aux critères de péréquation – de parts de plus en plus importantes du fonds, pour atteindre une péréquation de 100 % en 2030. Pour 2022, le pourcentage des ressources du fonds à attribuer suivant les critères de péréquation s’élevait à 60 %.

 

Concernant les critères de répartition des montants issus du fonds de solidarité municipale, tels que définis par la loi n° 232/2016 (paragraphe 449), on distingue deux composantes : la « traditionnelle », qui vise à rééquilibrer les ressources historiques, et la « restaurative », confirmée par la loi de finances de 2016. La composante « restaurative », d’un montant de 3 767,45 millions d’euros, est répartie entre les communes sur la base des montants collectés au titre de l’IMU et de la TASI (taxe sur les biens et services) pour l’année 2015, du fait de l’application d’un nouveau système d’exemptions créé par la loi de stabilité de 2016. De plus, le quota de reconstitution a été ultérieurement réduit d’environ 14,2 millions d’euros par an à compter de la loi de finances de 2020.

 

L’autre composante des ressources du fonds, dite « traditionnelle », a été fixée par la loi de finances de 2017 à 1 885,6 millions d’euros pour les communes des régions ordinaires et à 464,1 millions d’euros pour les communes de Sicile et de Sardaigne. Pour les premières, la composante traditionnelle est distribuée en deux temps : d’abord selon la formule historique de calcul de la péréquation des ressources, puis selon des critères du même type, mais fondés sur la différence entre la capacité financière de la commune et ses besoins standards.

 

Les critères de péréquation ne sont appliqués qu’aux communes des régions ordinaires. Pour celles des deux régions spéciales (la Sicile et la Sardaigne), où le financement des collectivités locales est toujours assuré par le gouvernement central, la répartition s’effectue uniquement selon la formule de péréquation historique.

 

Les coupes entraînées par les mesures en matière de finances publiques pendant la période d’austérité[47] ont affecté le fonctionnement du fonds de solidarité municipale, en particulier au niveau de la répartition des ressources, qui provenaient exclusivement des communes via leur part de l’IMU (« péréquation horizontale »). Les trois dernières lois de finances ont entraîné une augmentation du fonds, qui comporte désormais une dimension verticale puisqu’il est désormais aussi alimenté par des moyens de l’État.

 

L’augmentation du fonds de solidarité municipale visait spécifiquement à soutenir – en tenant obligatoirement compte des besoins standards – l’exercice de quelques fonctions essentielles dans le domaine social, en particulier le renforcement des services sociaux et l’élargissement des services de garde de jour et de transport scolaire pour les élèves handicapés. Concernant les critères de péréquation, un processus de révision des besoins standards s’est déroulé en 2020 et 2021. Ces besoins vont être dissociés des niveaux quantitatifs historiquement fournis par chaque entité afin de correspondre au niveau standard de services qui doivent être garantis sur tout le territoire national. Pour veiller à ce que les moyens supplémentaires servent effectivement à améliorer les services susmentionnés, les règles pertinentes prévoient la définition d’objectifs spécifiques de niveau de services pour les communes et l’activation d’un système de suivi et de reporting sur l’usage des ressources.

 

Il convient de noter qu’à titre expérimental, les besoins standards et la capacité budgétaire des communes de Sicile et de Sardaigne ont également été estimés. La définition du niveau essentiel de performance (LEP) pour toutes les fonctions n’est, pour l’instant, pas opérationnelle, mais des objectifs ont déjà été identifiés en 2021 dans le secteur social et devraient être affinés pour les fonctions suivantes : services sociaux, enseignement et garde d’enfants.

 

Afin de remédier aux écarts dans la redistribution des ressources, plusieurs mécanismes correctifs ont été appliqués. Une « correction statistique » a ainsi été adoptée afin de limiter les variations, à la hausse comme à la baisse, entre les montants attribués à chaque commune par rapport aux niveaux historiques.Le mécanisme correctif a été redéfini par la loi de finances de 2017 ; il s’applique désormais si les critères déterminant la répartition entraînent une variation excédant un certain pourcentage, à la hausse ou à la baisse, dans les moyens alloués à chaque commune par rapport aux montants de référence d’une année sur l’autre. Ce pourcentage a été fixé à 8 % en 2017 et 4 % en 2018, en vertu de la loi n° 50/2017 (article 14), afin d’atténuer les effets résultant de l’application du mécanisme correctif, en particulier pour les communes dont la capacité financière excède leurs besoins standards.Le mécanisme correctif est activé lorsqu’il existe un écart de 4 % entre les ressources à la disposition des communes, tels qu’ils découlent de l’application des critères de péréquation, et ceux découlant des ressources de référence historiques.

 

La loi n° 124/2019 (art.?57, par. 1-bis) a ajouté un correctif à l’attention des petites communes (moins de 5 000 habitants) qui obtiennent toujours une valeur négative au regard du fonds de solidarité après l’application des critères de répartition. Pour ces communes, le fonds va être augmenté à compter de 2020 jusqu’à un maximum de 5,5 millions d’euros. Concernant là encore les petites communes, comptant moins de 5 000 habitants ou issues de la fusion de communes qui comptaient moins de 5 000 habitants chacune, la loi n° 158/2017 a défini des mesures spécifiques destinées à promouvoir le développement durable et l’équilibre démographique et à réduire la perte d’habitants.Ces mesures visent également à protéger et à mettre en valeur le patrimoine naturel, rural, historique, culturel et architectural et l’ensemble des services essentiels.

 

Dans ce domaine, il faut signaler en particulier la création d’un fonds pour le développement structurel, économique et social des petites communes, destiné à financer des investissements dans la protection de l’environnement et du patrimoine culturel, la réduction des risques hydrogéologiques et la préservation et rénovation des centres anciens. Le fonds a également pour but de garantir la sécurité des infrastructures routières et des écoles, la promotion du développement économique et social et la création de nouvelles activités productives.Initialement doté de 10 millions d’euros pour l’année 2017 et de 15 millions de 2018 à 2023, ce fonds devrait augmenter chaque année de 10 millions d’euros jusqu’à atteindre 160 millions d’euros au total.

 

On trouve des mesures supplémentaires dans la loi n° 158/2017, qui encadre le déploiement des infrastructures de haut débit et des programmes d’administration en ligne sur le territoire des petites communes, l’usage des services postaux à des fins de paiement et la consommation et commercialisation en circuits courts de produits agricoles et alimentaires.

 

S’agissant du système de péréquation pour les provinces et les villes métropolitaines, la définition des besoins standards a commencé en 2021. Le fonds de péréquation a commencé à fonctionner en 2022, sur la base de l’estimation des besoins standards et des capacités financières. Il s’élève à 1 062,2 millions d’euros pour les provinces et 271,1 millions d’euros pour les villes métropolitaines. Les deux fonds devaient être augmentés de 80 millions d’euros en 2022, 100 millions en 2023 et 130 millions en 2024, à partir de ressources du gouvernement central. Ces ressources supplémentaires versées depuis le niveau central seront réparties entre les deux fonds sur la base d’une pondération obtenue en comparant le total des besoins standards à celui des capacités financières, moins la différence entre les financements actuels et la contribution aux financements publics.

 

Le fonds de péréquation est un mécanisme supplémentaire de rééquilibrage horizontal et d’intégration verticale des ressources (600 millions d’euros). Les besoins standards et les capacités financières ont fait l’objet d’une estimation adéquate ; une péréquation satisfaisante sera réalisée par la redistribution de la contribution des provinces aux finances publiques, sur la base des critères de péréquation.

 

Le principe du fédéralisme fiscal, décidé en 2008, sera pleinement opérationnel en 2029, et à?compter de 2030, le système de péréquation mettra l’accent sur la prise en charge des enfants, celle des personnes handicapées, les services sociaux et la politique à l’égard des réfugiés. Cela étant, le volume actuel de ressources financières des régions et des collectivités locales ne tient pas pleinement compte de leurs besoins standards en dépenses et de leur capacité financière, puisqu’il est toujours calculé sur la base des critères « historiques ». De ce fait, les ressources sont actuellement octroyées via une mise à jour des montants antérieurs.

 

Compte tenu de ce qui précède et des discussions tenues avec les représentants de l’État et des collectivités locales, les rapporteurs concluent qu’après quelques années de revers pendant la période d’austérité, les mécanismes de péréquation sont en passe d’être élargis et renforcés. Par conséquent, la situation en Italie est conforme à l’article 9, paragraphe 5 de la Charte.

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


Comme le précise le rapport explicatif de la Charte, « l’exercice d’un choix politique dans l’évaluation des avantages des services fournis par rapport au coût pour le contribuable local ou l’usager est un devoir fondamental des élus locaux. Il est reconnu que les législations centrales ou régionales peuvent fixer des limites globales aux pouvoirs des collectivités locales en matière fiscale ; elles ne doivent pas, toutefois, empêcher le fonctionnement effectif de la responsabilité politique au niveau local ».

 

D’après le commentaire contemporain, le pouvoir de prélever des impôts et des redevances au niveau local est non seulement une importante source de financement pour les pouvoirs locaux, mais aussi une preuve directe de leur autonomie financière, là où les pouvoirs locaux peuvent percevoir des recettes en fonction de leur contexte (c’est-à-dire des conditions sociodémographiques et socio-économiques des habitants) et opérer des choix politiques afin d’influencer le comportement de la population et des entreprises locales et de favoriser le développement économique local. À la lumière de l’article 9.3, un impôt ne peut être qualifié de purement local que si la collectivité concernée a le pouvoir d’en fixer le taux, dans les limites de la loi.

 

Comme déjà indiqué au sujet du paragraphe 1, les communes et les provinces prélèvent plusieurs impôts et redevances locaux dont elles peuvent librement fixer le taux, dans des limites fixées par la législation fiscale en vigueur. La plus grande part du budget des communes est constituée de ressources propres (voir plus haut). Les représentants de l’AICCRE ont souligné que les pouvoirs locaux pouvaient déterminer, dans les limites imposées par la législation nationale, leur fiscalité. Dans de nombreux cas, les impôts et redevances locaux atteignent déjà les plafonds fixés par la loi. Ces plafonds semblent raisonnables, étant donné qu’une fiscalité locale plus lourde pourrait aggraver les inégalités.

 

À la lumière de ce qui précède, les rapporteurs concluent que la situation en Italie est conforme au paragraphe 3 de l’article?9.

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


Le paragraphe prévoit que les recettes et les tâches obligatoires des collectivités locales doivent s’équilibrer afin de garantir la disponibilité de ressources financières suffisantes par rapport aux tâches que leur assigne la loi. Toute nouvelle tâche assignée ou transférée aux collectivités locales doit être accompagnée d’un financement ou d’une source de revenus correspondant pour couvrir les dépenses supplémentaires. Comme indiqué dans le commentaire contemporain, tout transfert de compétences ou de tâches doit s’appuyer sur un calcul minutieux des coûts réels de la prestation des services qui devront être assumés par les collectivités locales. Le coût des services locaux devrait être régulièrement calculé et actualisé, dans la mesure où, tel qu’il est estimé au moment du transfert ou de l’attribution de compétences, il pourrait différer de celui encouru lors de la prestation effective ou de la création des services idoines.

 

La Constitution italienne affirme à l’article 119, paragraphe 4, le principe de proportionnalité : « Les recettes provenant des sources visées aux alinéas précédents permettent aux communes, aux provinces, aux villes métropolitaines et aux régions de financer intégralement les fonctions de nature publique qui leur sont attribuées ». Ainsi la Cour constitutionnelle a-t-elle jugé qu’en déléguant des tâches aux autorités locales sans les assortir des ressources correspondantes, la législation de la région du Piémont avait porté atteinte à ce principe[45].

 

L’AICCRE a affirmé aux rapporteurs qu’en général, les ressources des pouvoirs locaux n’étaient pas proportionnelles à leurs responsabilités. Bien que cette situation puisse poser problème, elle contraint aussi les administrations à mener des politiques vertueuses et prudentes. Dans tous les cas, le montant actuel de ressources financières des régions et des pouvoirs locaux ne tient pas totalement compte des besoins en dépenses standards et de la capacité budgétaire de ces collectivités, puisqu’il est toujours calculé sur la base de critères de dépenses « historiques ». Les ressources sont donc actuellement attribuées par mise à jour des dotations financières précédentes. L’AICCRE a souligné que la délégation de nouvelles tâches ne s’accompagnait pas toujours de ressources suffisantes non plus, en particulier dans le secteur environnemental.

 

Le fonds de solidarité municipale est alimenté par la part de l’IMU (imposta municipale propria, taxe foncière locale) qui revient aux communes, avec une répartition des moyens qui vise à la fois à compenser et à ajuster les montants attribués par le passé de manière à abandonner progressivement les critères historiques. L’application de critères de péréquation à la répartition des ressources, fondée sur la différence entre capacité financière et besoins standards, a commencé en 2015 par l’attribution de parts de plus en plus importantes du fonds, pour atteindre une péréquation de 100 % en 2030. Pour 2022, le pourcentage des ressources du fonds à attribuer suivant les critères de péréquation s’élevait à 60 %.

 

Les coupes entraînées par les mesures en matière de finances publiques ont affecté le fonctionnement du fonds de solidarité municipale, alimenté exclusivement par les communes via leur part de l’IMU. En vertu des trois dernières lois de finances, le fonds a également été alimenté par l’État, dans le cadre du système de péréquation.Cette augmentation du fonds municipal de solidarité visait spécifiquement l’exercice de plusieurs fonctions essentielles dans le domaine social, en particulier le renforcement des services sociaux et l’élargissement des services de garde de jour et de transport scolaire pour les élèves handicapés, à attribuer en tenant compte des besoins standards. Pour veiller à ce que les moyens supplémentaires servent effectivement à améliorer les services susmentionnés, les règles prévoient la définition d’objectifs spécifiques de niveau de services pour les communes et l’activation d’un système de suivi et de reporting sur l’usage des ressources.

 

Néanmoins, les moyens des pouvoirs locaux ne sont pas encore proportionnels à leurs responsabilités. Là encore, ce sont les provinces qui se trouvent en plus grande difficulté. Leur association (l’UPI) a fourni aux rapporteurs des calculs indiquant qu’il leur manquait 850 millions d’euros pour s’acquitter de leurs missions.

 

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs concluent que la situation en Italie est partiellement conforme à ce paragraphe de la Charte.

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.


Comme le fait remarquer le rapport explicatif de la Charte, l’autorité, en droit, d’exercer certaines fonctions perd son sens si les collectivités locales sont privées des moyens financiers de remplir ces fonctions. Le paragraphe 1 tend à garantir que les collectivités locales ne soient pas privées de leur liberté de fixer les priorités en matière de dépenses. D’après le commentaire contemporain sur la Charte, ce paragraphe ouvre l’article 9 en établissant deux principes de base dans le domaine financier : premièrement, les autorités locales doivent disposer de leurs propres ressources financières ; deuxièmement, elles doivent rester libres de décider comment dépenser lesdites ressources.

 

Ce droit à des ressources « suffisantes » est étroitement lié au paragraphe 2 (principe de proportionnalité des finances locales) et au paragraphe 4 (qui impose des finances locales diversifiées et évolutives). L’expression « ressources propres suffisantes » implique l’obligation de garantir la proportionnalité entre les fonctions obligatoires des collectivités locales et les ressources financières dont elles disposent. Le droit à des ressources « suffisantes » n’est pas absolu, dans la mesure où il doit s’exercer « dans le cadre de la politique économique nationale ».

 

Le second principe est celui de la liberté des collectivités locales de disposer (au minimum) de leurs « ressources propres » dans le cadre de leurs compétences. En conséquence, l’article 9.1 consacre à la fois un droit (celui d’avoir des ressources propres) et une liberté (celle d’en disposer comme elles l’entendent). Cette liberté se cristallise dans différentes décisions engageant des dépenses, la plus importante étant l’adoption du budget annuel. Cette liberté n’est pas illimitée, puisque soumise à des restrictions imposées par les politiques nationales pertinentes, par les principes comptables et par les contrôles applicables aux dépenses publiques. Les pouvoirs locaux font également l’objet d’un contrôle financier (à distinguer du contrôle administratif, voir ci-dessus, article 8, paragraphe 1), le plus souvent exercé par la Cour des comptes (voir plus loin).

 

Depuis la réforme de 2001, plusieurs dispositions de la Constitution italienne sont consacrées aux finances des collectivités locales. L’article 119, paragraphe 1 dispose qu’en plus des régions, les communes, les provinces et les villes métropolitaines « disposent de l’autonomie financière pour les recettes et les dépenses, dans le respect de l’équilibre de leurs budgets respectifs, et concourent à assurer le respect des contraintes économiques et financières résultant de la réglementation de l’Union européenne[39] ». Les collectivités locales (par. 2) « disposent de ressources autonomes. Elles établissent et appliquent des impôts et des recettes propres, conformément à la Constitution et aux principes de coordination des finances publiques et du système fiscal ». Les collectivités locales ont aussi « un patrimoine, qui leur est attribué selon les principes généraux décrits par la loi de l’État » (article 119, paragraphe 7).

 

Les collectivités locales disposent aussi « de coparticipations aux recettes fiscales du Trésor public » (paragraphe 2, dernière phrase). D’autre part, il est prévu (article 119, paragraphe 5) que l’État « alloue des ressources supplémentaires et procède à des interventions spéciales » en faveur de collectivités locales spécifiques « afin de promouvoir le développement économique, la cohésion et la solidarité sociale, d’éliminer les déséquilibres économiques et sociaux, de faciliter l’exercice effectif des droits de la personne, ou bien d’assurer l’accomplissement de missions autres que l’exercice normal de leurs fonctions[40] ».

 

Il faut aussi souligner que depuis la réforme constitutionnelle de 2001, les finances locales font l’objet de législation concurrente (article 117, paragraphe.3) : « la coordination des finances publiques et du système fiscal » fait partie des matières couvertes. Comme le précise le même paragraphe, « dans les matières faisant l’objet de législation concurrente le pouvoir législatif échoit aux régions, sous réserve de la détermination des principes fondamentaux, qui relève de la législation de l’État ». Cela signifie que les régions peuvent lever des impôts locaux, sous réserve qu’ils ne concernent pas des éléments déjà taxés par l’État. La législation régionale peut également prévoir des taux d’imposition variables et d’autres mesures de participation conjointe des collectivités locales dans les impôts régionaux. Par conséquent, la situation financière des collectivités locales présente des disparités à l’échelle du pays, en particulier dans les régions spéciales, puisque ces dernières gèrent presque entièrement leurs propres ressources et ont des compétences accrues en matière d’autorité locale.

 

La réforme constitutionnelle de 2001 et, ultérieurement, la loi n° 42 de 2009 sur le fédéralisme budgétaire (voir plus loin) ont marqué un tournant dans la progression de l’Italie vers la décentralisation financière. L’objectif de la réforme était d’accroître l’autonomie, l’efficacité et la capacité à rendre des comptes des collectivités territoriales en matière financière, ainsi que d’assurer un niveau suffisant de services décentralisés dans tout le pays. Elle a entraîné une augmentation des ressources propres et des impôts partagés, pour couvrir les dépenses obligatoires. En outre, une part des dotations du pouvoir central a été remplacée par des versements de péréquation sur les recettes fiscales. Dans le cadre du PNRR, le gouvernement central a adopté une nouvelle réforme fiscale visant à soutenir les économies régionales et à améliorer les mécanismes de collecte des impôts (voir plus loin). Cela va accentuer la dépendance des régions à l’égard des transferts du pouvoir central, et ce malgré les efforts constants engagés pour promouvoir l’autonomie financière au niveau régional.

 

Le cadre juridique en matière de finances locales est constitué de diverses lois et réglementations, dont l’épine dorsale aurait dû être la loi de 2009 sur le fédéralisme budgétaire (loi n° 42 du 5 mai 2009). Cette loi de première importance permet d’approuver des mesures réglementaires supplémentaires et énumère des principes directeurs aussi bien généraux que spécifiques. Parmi ces derniers figurent les principes de coordination des dépenses publiques, de cohérence, de discipline financière, de rationalisation et d’équilibre budgétaire. A cause de la crise des dernières années, cette loi n’a cessé d’être modifiée et ajustée. En 2023, le Parlement italien a adopté les grandes lignes d’une vaste réforme fiscale. La loi n° 111 du 9 août 2023 (loi d’habilitation) est entrée en vigueur le 29 août 2023. À compter de cette date, le gouvernement dispose d’environ 24 mois pour appliquer la réforme en adoptant un ou plusieurs décrets législatifs. La loi d’habilitation (article 8) prévoit la disparition progressive de la taxe régionale sur les activités de production (IRAP, généralement fixée à 3,9 %), en commençant par les partenariats et les autres entités sans personnalité juridique, jusqu’à l’éventuel remplacement total de cette taxe par une majoration calculée de la même manière que l’IRES (imposta sul reddito delle società, impôt sur le revenu des personnes morales). Au cours de la procédure de consultation, le ministère des Affaires régionales et des Autonomies a souligné que le plan national de redressement et de résilience (plan de redressement - PNRR) pour l'Italie comprend, parmi ses étapes, l'achèvement du fédéralisme fiscal prévu par la loi n° 42 de 2009 (à achever d'ici le premier trimestre de 2026) dans le but d'améliorer la transparence des relations fiscales entre les différents niveaux de gouvernement, d'allouer des ressources aux administrations infranationales sur la base de critères objectifs et d'encourager l'utilisation efficace des ressources.

 

Concernant les collectivités territoriales, les transferts entre échelons restaient en 2020 leur principale source de revenus. La part de ces transferts a fortement augmenté, passant de 47 % en 2016 à 60,8 % en 2020 (contre une moyenne de 41,2 % dans les pays de l’OCDE en 2020) du fait du soutien massif du gouvernement central aux collectivités territoriales pendant la pandémie, notamment pour couvrir les dépenses de santé régionales. En conséquence, la part des recettes fiscales dans les recettes totales des collectivités se situait bien en deçà de la moyenne de l’OCDE en 2020 (à 42,4 %), tandis que les autres sources de revenus (droits et redevances : 10,6 %) restaient proches de la moyenne des 27 de l’UE (10,3 %) et légèrement supérieures à la moyenne de l’OCDE (13,3 %). En 2020, 67 % des recettes totales des collectivités territoriales venaient des régions, tandis que seulement 30 % venaient des communes et une part infime (3 %) des provinces et des villes métropolitaines.

 

En 2020, les ressources fiscales propres des collectivités territoriales en Italie représentaient 4,1 % du PIB (contre 7,2 % dans l’OCDE) et 14,1 % des recettes fiscales publiques (contre 32,3 % dans l’OCDE). Les recettes fiscales des collectivités territoriales comprennent les impôts partagés et la fiscalité propre. S’agissant des impôts partagés, les communes reçoivent une part (compartecipazione) de l’impôt sur le revenu (IRE), mais n’ont pas la main dessus. Le gouvernement central partage également avec les régions plusieurs impôts nationaux, notamment l’impôt sur le revenu des personnes morales et les droits d’accise et de timbre.

 

Pour les communes, la principale entrée fiscale vient de la taxe foncière périodique, qui représentait 25,8 % des recettes fiscales en 2020. Elle a été réformée en 2013 par la création d’un impôt municipal unique (imposta unica comunale, IUC) regroupant trois impôts : 1) l’IMU (imposta municipale propria), taxe foncière uniquement due par les propriétaires de résidences secondaires ; 2) la TASI, ou « taxe sur les services indivisibles », taxe foncière supplémentaire conçue pour couvrir les dépenses d’éclairage, de nettoyage des rues, d’entretien des espaces verts et autres services fournis par la commune à l’ensemble de ses habitants ; et 3) la TARI (taxe sur les ordures ménagères), qui doit couvrir les frais de collecte et de traitement des déchets. L’IMU et la TASI ont été supprimés pour les résidences principales (à l’exception des biens immobiliers de luxe) en 2014 et 2015. En 2020, la taxe foncière périodique représentait 1,1 % du PIB, chiffre proche de la moyenne de l’OCDE (1,0 % du PIB). Les recettes fiscales propres municipales comprennent également une surtaxe sur l’impôt sur le revenu (imposta addizionale comunale), dont les communes peuvent ajuster le taux dans une certaine mesure, une taxe sur la publicité et une taxe touristique.Le taux de la surtaxe sur l’impôt sur le revenu va voir son seuil révisé dans le cadre de la réforme fiscale.

 

Les communes italiennes collectent un éventail varié de droits et redevances, notamment sur l’installation de panneaux publicitaires (CIMP), l’occupation d’espaces publics pour les activités économiques (TOSAP et COSAP), et sur les dépenses engagées par la commune pour la réalisation de certains ouvrages publics (ISCOP). Les municipalités collectent également les amendes perçues pour les infractions au code de la route ou aux règles de stationnement. Au cours de la procédure de consultation, le ministère de l’Économie et des Finances a souligné que la loi budgétaire 2020 a introduit une taxe patrimoniale unique (Canone Unico Patrimoniale) en remplacement des impôts dits mineurs (TOSAP, COSAP et CIMP), rationalisant et rendant plus efficace la perception de ces recettes.

 

Conformément au caractère patrimonial de la redevance, le cadre juridique se limite à ne réglementer que les caractéristiques fondamentales, laissant la concrétisation normative à la quasi-totalité de la taxe à la discrétion des municipalités.

 

Comme le montre la chronologie suivante[41], les recettes fiscales propres sont la principale source de revenus des communes, puisqu’elles représentent environ 30 % du total des budgets locaux. Depuis 2014, la première source de revenus des communes est l’imposta unica comunale (IUC), constitué de trois taxes locales : sur le foncier (IMU), sur les ordures ménagères (TARI) et sur les services généraux assurés par les communes (TASI). La legge di Bilancio 2020 a créé un « nouvel IMU », qui intègre désormais la TASI. Le nouvel IMU et la TARI restent la principale source de revenus des communes italiennes, avec l’IRPEF, surtaxe sur les revenus individuels dont chaque commune peut fixer le taux sans dépasser un maximum de 0,8 % (seulement pour Rome Ville Capitale : 0,9%). On peut en conclure que les budgets municipaux italiens sont principalement composés de recettes propres : droits et redevances (2021 : 15 %) et fiscalité propre (2021 : 34 %[42]).

 

Image

Part de chaque type de recette dans le total des recettes municipales en Italie,

2013-2021

Fiscalité propre / Impôts partagés / Transferts courants

Transferts de capitaux / Droits et redevances / Autres recettes

 

Source : Base de données AIDA PA ; Bureau van Dijk – A Moody’s Analytics Company ; Big Data Analysis Platform-BDAP, ministère de l’Économie et des Finances et ministère de l’Intérieur

 

Les dotations, quant à elles, sont réparties en deux systèmes distincts : l’un pour les régions (RSO) et l’autre pour les communes. La réforme constitutionnelle de 2001 et la loi de fédéralisme budgétaire de 2009 ont posé les principes de ces systèmes. Aux termes de la loi de 2009, pour calculer les montants des transferts de péréquation, les fonctionnaires concernés tiennent compte à la fois des besoins en dépenses types et de la capacité financière. Ce nouveau système de péréquation vise à couvrir le coût des services publics essentiels et à lisser les différences de potentiel fiscal.

 

Au niveau municipal, l’instrument de péréquation le plus important est le fonds de solidarité municipale (Fondo di solidarietà comunale, FSC), mis en place par la loi n° 228/2012. Géré par le ministère de l’Intérieur, il est alimenté par une part de la taxe foncière locale et par des contributions du gouvernement central. Les dotations de péréquation, exclusivement de nature générale, sont attribuées selon une formule complexe qui tient compte à la fois de la capacité financière et des besoins en dépenses en vue de permettre aux communes d’assurer leurs « fonctions essentielles ». Le reste du FSC continue d’être attribué sur la base du niveau historique de transferts à chaque commune. Depuis le pacte de stabilité de 2014, une part du FSC est utilisée comme incitation pour promouvoir la fusion de communes. Les communes fusionnées peuvent toucher, pour cinq ans maximum, des dotations jusqu’à cinq fois plus élevées que les autres. En 2020, pendant la pandémie, la première tranche du FSC a été versée en avance aux communes afin de leur donner davantage de latitude. Le fonds est augmenté chaque année. Les communes italiennes peuvent aussi recevoir ponctuellement des transferts spécifiques, ciblés sur des besoins précis, comme des projets d’investissement.

 

A côté des municipalités, les régions peuvent collecter des droits et redevances (par exemple sur la concession de biens du domaine public régional, sur le droit d’étudier à l’université, sur les activités phytosanitaires, etc.). La part des droits et redevances dans les recettes totales des collectivités territoriales est inférieure à la moyenne de l’OCDE (en 2020, 10,6 % contre 13,3 %). Les collectivités territoriales peuvent aussi tirer des recettes des entreprises et autres activités commerciales, des biens dont elles sont propriétaires (vente de biens meubles et immeubles) et des intérêts et dividendes d’entreprises publiques. Des textes législatifs ont été adoptés, en particulier, concernant l’attribution aux communes d’une part des biens de l’État (« fédéralisme en matière de biens publics »).

Le tableau ci-dessus montre, entre 2017 et 2021, une série d’évolutions. Le montant total des recettes des communes a augmenté (environ +5,9 %) et la structure des recettes (en parts du total) est restée assez stable ; le fonds de péréquation depuis l’État central représente quelque 6 % du total des recettes. Concernant les différentes sources de recettes municipales, on note par exemple une forte augmentation de la taxe foncière (IMU) et une forte baisse de la taxe sur les services indivisibles (TASI).

 

S’agissant de la situation financière des provinces, il convient de noter qu’avant le référendum de 2016, qui a notamment abouti au rejet de la suppression des provinces (deuxième échelon d’autonomie locale), plusieurs mesures négatives pour la situation financière des provinces avaient été adoptées. Premièrement, les lois de finances adoptées entre 2013 et 2016, la réforme institutionnelle prévue par la loi n° 56 du 7 avril 2014 et la réduction des recettes fiscales avaient eu

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


Selon le commentaire contemporain, le principe de la diversification des sources de revenus est essentiel pour que les collectivités locales puissent conserver leur autonomie en période de fluctuations économiques. La diversification des sources de revenus constitue un aspect clé de l’autonomie financière et reflète une capacité à générer ou « moduler » les recettes. De cette façon, même si les différentes sources de revenus locales peuvent être déterminées par la politique économique nationale, les communes jouissent d’une certaine marge de manœuvre pour compenser les difficultés économiques touchant une source spécifique.

 

Le second principe mentionné dans ce paragraphe est le « dynamisme », c’est-à-dire la capacité des finances locales à s’adapter aux nouvelles circonstances, aux nouveaux besoins et aux nouveaux scénarios macroéconomiques et à couvrir la prestation des services. L’application de ce principe peut revêtir de très nombreuses formes. Premièrement, les transferts provenant d’organes régionaux et nationaux devraient être actualisés et si possible augmentés au fil des années afin de prendre en compte la hausse des prix ou divers facteurs liés à la prestation des services. Deuxièmement, les collectivités locales devraient aussi avoir le droit d’augmenter leurs taux d’imposition lorsque cela est nécessaire en raison de l’inflation. Enfin, toute décision des autorités supérieures imposant des coûts supplémentaires aux collectivités locales devrait garantir la couverture desdits coûts par de nouvelles ressources financières (c’est-à-dire de nouveaux transferts financiers, des subventions supplémentaires, etc.) ou par une augmentation des ressources existantes. Dans cet esprit, la délégation de tâches sans indication de la source de financement censée couvrir le coût inhérent à l’exercice de ces nouvelles responsabilités est contraire au principe de dynamisme des recettes.

 

Le système italien de finances locales respecte le premier principe (la diversification), car les communes et les provinces tirent leurs recettes de sources diversifiées. Concernant le principe du « dynamisme », des problèmes de non-conformité se sont clairement posés pendant la crise, du fait des politiques d’austérité strictes qui ont dû être appliquées. Aujourd’hui, l’Italie s’éloigne progressivement de cette période. Le pays s’efforce d’introduire non seulement de nouvelles ressources, mais aussi des critères de répartition de ces ressources plus réalistes, actuels et fondés sur les coûts, comme on l’a vu dans les commentaires sur les paragraphes 1 et 2 de cet article. Cependant, les rapporteurs souhaitent souligner que plusieurs interlocuteurs (dont les personnes en charge des INDC, par exemple) ont déploré que certaines collectivités locales manquent des occasions de financement et de développement (par exemple via le PNRR) faute des moyens financiers nécessaires pour être en mesure de saisir ces occasions. Les représentants des autorités de l’État reconnaissent ces problèmes, mais assurent travailler à leur sujet et annoncent la mise en place prochaine de solutions adaptées.

 

Les rapporteurs concluent par conséquent que la situation en Italie est conforme à ce paragraphe.

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


Selon le Commentaire contemporain, la coopération locale est une autre expression de l’autonomie locale, car il s’agit de l’un des nombreux moyens que les collectivités locales peuvent choisir pour surmonter leur manque de ressources ou leur petite taille. La décision de coopérer ou non, ou bien d’élaborer une stratégie distincte, est alors l’expression de l’autonomie fonctionnelle de ces collectivités. La coopération locale peut revêtir différentes formes allant de l’assistance mutuelle « de facto » ou de simples accords bilatéraux a? la création d’organisations administratives communes, mais distinctes. Même si la Charte mentionne uniquement l’« association », le droit spécifique de créer des structures mixtes « organiques », distinctes des collectivités locales participantes, peut revêtir diverses formes telles que la création de fondations et d’entreprises de droit privé, ou d’organismes de droit public comme des agences, groupements, fédérations, unions ou coopératives.

 

La coopération entre communes est souvent perçue comme une alternative (et, parfois, comme un prélude) à la fusion. Des stratégies de réforme axées sur la coopération intercommunale ont aussi été engagées dans le but de trouver la taille optimale pour l’exercice des fonctions locales. Ce type de coopération a été promu aux fins de la mise en œuvre de la loi 142/1990, qui prévoit notamment la création d’associations de communes (Unione dei Comuni) et de communautés montagnardes, et de la loi 56/2014, qui a renforcé les associations de communes et instauré des incitations financières pour les communes. En Italie, la loi en vigueur (le TUEL) prévoit trois grands types de structures de coopération pour les communes, à savoir les groupements (consorzi, art. 31 du TUEL), les conventions (convenzioni, art. 30 du TUEL) et les associations de communes (unioni di comuni, art. 32 du TUEL). Les régions, en particulier celles qui sont dotées d’un statut spécial, sont habilitées à réglementer en détail ces instruments et entités de coopération.

 

Les groupements de communes sont pleinement reconnus en tant qu’entités locales et doivent posséder à ce titre leur propre assemblée et leur propre comité de direction. Ils sont formés par des communes et d’autres entités dans le but de gérer un ou plusieurs services publics ensemble (généralement, il s’agit d’un seul service). Les groupements ont néanmoins perdu leur vitalité et seront bientôt obsolètes. Ils n’ont pas été officiellement supprimés, mais leur utilisation est limitée. Les conventions, quant à elles, sont des accords entre deux ou plusieurs communes concernant la prestation de services ou la réalisation d’une tâche. Elles doivent avoir une durée minimale de trois ans, et la création d’autres organes n’est pas prévue. En principe, l’une des communes parties à la convention doit être désignée comme coordinatrice de l’accord[52].

 

Composées de deux communes ou plus, les associations de communes ont pour but de permettre à leurs membres d’exercer leurs fonctions conjointement. Elles sont reconnues en tant qu’entités locales à part entière, avec leurs propres règlement et organes et, contrairement aux groupements, peuvent assurer toute une gamme de fonctions et de services. Les associations n’ont pas de recettes propres. Elles tirent leurs ressources financières des communes dont elles sont constituées, ces ressources étant dérivées d’impôts, de taxes et d’autres contributions dues au titre des services assurés. Les associations sont l’option privilégiée par le législateur étant qu’il s’agit de celle qui offre le plus de stabilité et le niveau d’intégration le plus élevé pour les communes participantes ; en outre, les associations sont généralement perçues comme l’étape précédant une fusion potentielle[53]. D’après des informations communiquées par l’AICCRE, en novembre 2022, on dénombrait 559 associations en Italie. Les régions qui comptaient le plus d’organes de ce type étaient le Piémont (116), la Lombardie (75) et la Sicile (50), et les deux régions qui en comptaient le moins étaient l’Ombrie (4) et la province autonome Trento (2). En moyenne, les associations de communes italiennes comptent 5 membres.

 

Dans un premier temps, l’exercice conjoint de fonctions avait été conçu comme une option pour les communes, reposant sur la base du volontariat, mais la nécessité urgente de réduire les dépenses publiques a poussé l’État à faire usage de ses compétences en matière de coordination des finances publiques et à imposer le recours aux associations et aux conventions. Ainsi, le système prévoit actuellement deux types de coopération intercommunale pour l’exercice conjoint de fonctions : une coopération volontaire, pour l’exercice de fonctions librement définies par les communes concernées, et une coopération obligatoire, qui concerne les petites communes (moins de 5000 habitants), pour l’exercice de fonctions fondamentales telles que définies dans le décret législatif n° 78/2010[54] et réaffirmées, par la suite, dans les documents[55] régissant cette question[56]. Dans un arrêt connexe, la Cour constitutionnelle (Corte Costituzionale, arrêt n° 33/2019) a confirmé, en principe, la légitimité constitutionnelle de l’obligation, pour les petites communes, d’exercer conjointement les fonctions fondamentales[57].

 

Cependant, dans ce même arrêt, elle a reconnu que la disposition générale de la loi instaurant l’obligation de « gestion conjointe » des fonctions fondamentales pour les petites communes se caractérisait par une « rigidité excessive ». C’est effectivement le cas lorsque la loi ne tient pas compte des situations où, en raison de la localisation géographique et des caractéristiques démographiques et socio-environnementales des entités concernées, l’obligation d’association ne permet pas de gagner en efficacité ni en efficience dans la prestation des services concernés à la communauté.

 

Le recours ayant abouti à l’arrêt n° 33/2019 de la Cour constitutionnelle avait été déposé par 5 communes et l’ « Association pour la subsidiarité et la modernisation des autorités locales » (ASMEL). Les requérants invoquaient le fait que l’obligation d’exercer conjointement les fonctions fondamentales portait sur toutes les fonctions fondamentales de ces communes sauf une, ce qui entraînerait une disparition importante des entités concernées, qui seraient privées de leur « noyau minimum d’attributions », un point sur lequel il y aurait une réserve constitutionnelle d'exercice individuel. Selon le juge de renvoi (tribunal administratif régional du Latium), en transférant toutes les responsabilités à une entité distincte, le décret n° 78/2010 entraînerait la disparition des entités locales concernées par leur fusion ou leur incorporation, ainsi que l’application de l’article 133, paragraphe 2, de la Constitution (réformes territoriales) et la nécessité de consulter les populations concernées. La Cour constitutionnelle a rejeté cette idée d’association obligatoire pour la gestion des fonctions.

 

Cependant, en l’espèce, elle a conclu à la violation, par les parties des dispositions pertinentes de la loi régionale de Campanie et du décret législatif n° 78/2010, des articles 3, 5, 97, 114 et 118 de la Constitution qui ne permettent pas aux administrations concernées de prouver qu’en raison des caractéristiques particulières des territoires concernés, il n’est pas possible de réaliser les économies d’échelle qui constituent l’objectif déclaré des « gestions conjointes ». La loi régionale applicable ne contenait qu’une référence générique aux systèmes de développement du territoire prévus dans le plan territorial régional, qui n’avait, par essence, qu’une portée limitée. En outre, il n’était pas fait mention d’un processus de concertation au sein du Conseil des autonomies locales, ni d’aucune autre méthode. Cependant, dans des décisions « d’ordonnance » régionales telles que celles qui concernent l’attribution de fonctions concernant les communes, la participation des autorités locales est essentielle, et, dans le processus d’attribution de telles fonctions, il convient de garantir, en premier lieu, l’établissement de synergies entre les divers acteurs institutionnels pour mieux répondre aux besoins de la communauté.

 

Il a été souligné, dans des observations pertinentes sur l'arrêt n° 33/2019, que pour la configuration de la coopération intercommunale en Italie, il était nécessaire de prendre en compte les spécificités des collectivités locales, en appliquant le principe de la différenciation. Depuis qu’il a été défini par la loi (à l’article 4, alinéa 3, de la loi n° 59 de 1997), ce principe (désormais également inscrit à l'article 118, paragraphe 1, de la Constitution, parallèlement aux principes de la subsidiarité et d’adéquation) exige du législateur qu'il tienne compte des différentes caractéristiques démographiques, territoriales et structurelles des entités, c'est-à-dire, pour ce qui nous intéresse ici, qu'il se concentre sur la réalité factuelle, sur la situation concrète dans laquelle se trouvera l'entité engagée dans les processus d'exercice obligatoire de la gestion conjointe des fonctions. Aussi le fait de donner aux administrations la possibilité de montrer qu’en raison de conditions géographiques, démographiques et environnementales particulières, il leur est impossible de réaliser des économies d'échelle et des améliorations en termes d'efficacité et d'efficience semble être une première étape pour assouplir une réglementation trop rigide au sein du système des autonomies locales, qui, par définition, exige au contraire de la souplesse et une certaine adaptabilité pour tenir compte des caractéristiques particulières propres aux territoires, que l’on ne saurait ignorer[58].

 

L’arrêt n° 33/2019 de la Cour constitutionnelle n’a pas permis la mise en œuvre de la Charte (même si l’article 3 de la Charte était inclus dans la « question constitutionnelle » adressée au juge de renvoi). Du point de vue de la Charte, cependant, il est évident que les cas de coopération intercommunale obligatoire exigeraient des consultations préalables efficaces avec les autorités locales concernées, avant que des décisions définitives ne soient prises (article 4, paragraphe 6).

 

S’agissant de la réorganisation des fonctions et des territoires, la répartition des pouvoirs entre l’État et les régions est particulièrement complexe et a été à l’origine de nombreux litiges entre ces deux niveaux de gouvernement. Bien que les régions ordinaires aient des compétences relativement limitées en matière de réglementation des communes (voir la section 3), elles sont dotées de pouvoirs plus étendus en ce qui concerne la réglementation législative des fusions et les associations de communes, du moins en théorie. C’est pourquoi, après la réforme constitutionnelle de 2001, la Cour constitutionnelle n’a eu aucun doute au sujet de l’inclusion de la compétence relative à la réglementation de la réorganisation territoriale des entités locales dans la clause résiduelle qui confère des pouvoirs législatifs exclusifs aux régions (article 117, paragraphe 4, de la Constitution[59]). Cependant, la crise économique qui a touché l’Italie de plein fouet à partir de 2009 a fortement influencé l’orientation de la jurisprudence, réduisant pratiquement à néant le rôle des régions dans ce domaine, les compétences concurrentes en matière de coordination des finances publiques ayant été largement interprétées, reconnaissant à l’État une grande marge de manœuvre législative[60].

 

Il existe assurément un lien entre ce contexte et la demande de certaines régions (à commencer par l’Émilie-Romagne, la Vénétie et la Lombardie) pour la reconnaissance de l’autonomie différenciée telle que prévue à l’article 116, paragraphe 3, de la Constitution, qui englobe des pouvoirs législatifs concernant l’organisation et l’exercice des fonctions administratives locales. La situation diffère en partie dans les régions dotées d’un statut spécial, où les compétences législatives relatives à la gouvernance locale sont exclusives ; cependant, il convient de noter que les lois adoptées plus récemment dans ces régions ont, dans certains cas, repris les réformes adoptées au moyen de lois nationales dans les régions ordinaires[61].

 

Il est important d’aborder, dans ces observations sur l’article 10, paragraphe 1, de la Charte, la tentative effectuée en 2015 de faire des provinces des unités de coopération intercommunale. À l’époque, les provinces, qui constituaient des unités d’autonomie locale, ont été supprimées en tant que telles et transformées en des « organes de coopération intercommunale », ou en des « villes métropolitaines », dans chacune des 14 régions métropolitaines définies par la loi. Ces villes métropolitaines et organes de coopération intercommunale sont gouvernés par des maires, des présidents et des membres du conseil. L’État central nomme, dans chaque organe provincial de coopération intercommunale, un préfet (prefetto) en tant que représentant d’unité administrative déconcentrée. Comme mentionné précédemment, dans sa Recommandation 404 (2017), le Congrès avait dénoncé l’absence d’élections directes dans les provinces et les villes métropolitaines, et, en fin de compte, critiqué cette réforme, qui a été rejetée lors du référendum de 2016. Cependant, entre temps, les provinces ont pris quelques mesures pour aider les communes, et, d’après les représentants de la région d’Émilie-Romagne, quelque 2 000 accords spéciaux de coopération ont été établis, ce qui constitue une bonne pratique qui devrait s’inscrire dans la durée. 

 

Comme mentionné plus haut, le Sénat examine actuellement un projet de loi soutenu par tous les partis qui prévoit la réintroduction de l’élection directe de présidents et de conseils provinciaux, ainsi que le rétablissement de provinces et de villes métropolitaines en tant qu’unités d’autonomie locale à part entière, qui constitueraient le deuxième niveau d’autonomie locale en Italie. Le texte a encore un long chemin à parcourir étant donné qu’il doit être approuvé par la commission des Affaires constitutionnelles du Sénat puis par les deux chambres parlementaires, le Sénat et la Chambre des députés.

 

Pendant les réunions avec les associations de collectivités locales, les rapporteurs ont eu l’impression que leurs représentants étaient assez satisfaits de la situation relative à la coopération intercommunale en Italie. Certains ont aussi fait part de leurs préoccupations au sujet de l’absence de vision, dans les petites communes, concernant la coopération intercommunale dans certains domaines urgents, comme les politiques écologiques/le changement climatique. D’autres interlocuteurs (comme les représentants de la région Émilie-Romagne) ont suggéré que la mise en commun des ressources devrait être imposée par la loi en tant que forme de coopération intercommunale.

 

Compte tenu des possibilités offertes par le cadre juridique de coopération intercommunale et les pratiques pertinentes, les rapporteurs ont conclu que l’Italie respectait le premier paragraphe de l’article 10. Ils soulignent cependant qu’en cas de coopération intercommunale obligatoire, il est nécessaire de consulter préalablement les communes directement concernées (article 4, paragraphe 6, de la Charte).

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


Selon le Commentaire contemporain, l’article 10.2 est singulièrement péremptoire puisqu’il dispose que les droits en question « doivent être reconnus dans chaque État » (ayant ratifie? la Charte et n’ayant pas juge? bon de faire une réserve concernant ce paragraphe). Il s’agit la? du seul passage de la Charte utilisant cette formule, laquelle renforce le caractère applicable du paragraphe. La reconnaissance de ces droits dans une Partie donnée revêt généralement la forme d’une modification de la législation générale relative aux collectivités locales. Bien que la Charte parle uniquement du droit « d’appartenir » ou « d’adhérer » a? une association (déjà existante), il est clair que ce paragraphe reconnait également, de manière implicite, le droit connexe de créer une telle association. Dans le cas contraire, la possibilité même de créer de telles associations serait gravement compromise.

 

Le droit susmentionné est pleinement reconnu en Italie, et les associations les plus importantes au niveau national (sachant qu’il existe également d’autres associations au niveau régional) sont les suivantes :

-    l’ANCI (associazione nazionale di Comune d’Italia) : fondée en 1901, il s’agit de la plus grande association, et de la plus importante. En janvier 2022, elle comptait 7 134 communes membres, représentant 94,7% de la population. Cette association est aussi dotée de chambres ou sections « régionales » ;

-    l’UPI (unione delle provincie italiane) : l’UPI est l’association des provinces italiennes, dont elle relaie actuellement avec force et clarté les positions, dans un contexte politique changeant. Cette association représente toutes les provinces italiennes, à l’exception de celles de Trente et de Bolzano ;

-    l’UNCEM : l’UNCEM est une association représentant les villes et communes de montagne ;

-    l’AICCRE (Associazione italiana per il Consiglio dei Comuni e delle Regioni d’Europa) : il s’agit de la section italienne du CCRE (Conseil des Communes et des Régions d’Europe).

 

Ces associations sont particulièrement actives et jouent un rôle de premier plan dans la défense et la promotion des intérêts des collectivités locales qu’elles représentent. Leur participation active aux procédures de consultation et leurs liens étroits avec les autorités nationales et les responsables politiques ont été confirmés par plusieurs interlocuteurs.

 

Les rapporteurs en concluent que ce paragraphe est pleinement respecté en Italie.

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


Comme souligné dans le Commentaire contemporain, bien que la coopération transfrontalière soit décrite comme un droit des collectivités locales, deux conditions spécifiques sont à prendre en considération. La première est que la législation interne sur les collectivités locales peut établir des mesures, procédures ou exigences concernant l’exercice de ce droit (comme l’obligation de signaler toute coopération envisagée avec des organismes locaux étrangers). Cette exigence peut être considérée comme légitime, à moins qu’elle n’entrave sérieusement la possibilité d’une coopération transfrontalière fructueuse. La deuxième condition vise les cas où cette activité locale pourrait empiéter sur la conduite des affaires étrangères ou entrer en conflit avec elle, sachant que cette dernière relève de la responsabilité du gouvernement central. En de telles circonstances, l’exercice des compétences de l’État ne doit pas se traduire par une restriction arbitraire de ce droit des collectivités locales ; en tout état de cause, des mécanismes de dialogue et de négociation devraient être mis en place pour résoudre tout litige éventuel[62].

 

Comme souligné dans l’introduction du présent rapport, l’Italie a signé et ratifié la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales. Cependant, elle a signé mais n’a pas encore ratifié le Protocole additionnel à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales du 9 novembre 1995 (STE n° 159). Et elle n’a pas encore signé les Protocoles n° 2 (1988) et n° 3 (2009) à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière. La délégation n’a pas eu connaissance de la position officielle de l’Italie concernant la ratification de ces protocoles. Aussi, s’agissant de ces traités internationaux, la situation reste la même que lors du cycle de suivi précédent (2017).

 

Les rapporteurs n’ont toutefois pas eu vent de critiques concernant d’éventuelles limites ou contraintes imposées par l’État aux collectivités locales souhaitant mettre en place une coopération transfrontalière. Ce type de coopération est particulièrement fructueux dans certains territoires limitrophes du nord de l’Italie, et la plupart des communes italiennes ont instauré des partenariats, des accords ou des jumelages avec des communes et des villes étrangères.

 

Des représentants d’Émilie-Romagne ont déclaré aux rapporteurs que leur région avait toujours beaucoup participé à d’importants processus de coopération, non seulement au niveau national, mais aussi avec les régions voisines de l’Italie, pour mener des activités d’intérêt commun. Ainsi, l’Émilie-Romagne est très active le long des frontières italiennes, en particulier avec les pays de l’Union européenne : elle prend part à de nombreux programmes de coopération territoriale transfrontaliers, transnationaux et interrégionaux au niveau européen, mais aussi mondial.

 

Au vu de ce qui précède, l’article 10, paragraphe 3, de la Charte est respecté en Italie, et les rapporteurs ne voient aucune raison de ne pas ratifier les trois protocoles additionnels à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales dans un futur proche.

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


Selon le Commentaire contemporain relatif à la Charte, par « recours juridictionnel », on entend l’accès d’une collectivité locale soit à un tribunal dûment constitué, soit à un organe légal équivalent et indépendant. Lorsque l’autonomie locale est privée de garanties judiciaires efficaces, son contenu et sa mise en œuvre deviennent largement tributaires de la bonne volonté ou du pouvoir discrétionnaire des branches politiques du gouvernement, à savoir le législatif et l’exécutif.

 

Dans le Commentaire contemporain, il est également souligné qu’un pays qui a ratifié la Charte aura normalement transposé ou « incorporé » la Charte dans son droit interne. Par conséquent, en invoquant les lois et règlements nationaux, les autorités locales invoquent indirectement la Charte elle-même. Concernant les types de tribunaux dans lesquels les autorités locales devraient avoir la capacité d’agir, l’article 11 doit d’abord être mis en œuvre dans les recours constitutionnels. À la lumière de l’expérience pratique, le pourvoi devant la Cour constitutionnelle est le recours qui protège le mieux l’autonomie locale contre toute atteinte ou réduction de sa portée par des actes législatifs. C’est donc le meilleur mécanisme de « contrôle abstrait » de la conformité des législations internes à la Charte. À cet égard, le Congrès a découvert au cours de ses exercices de suivi que, dans certains pays, les collectivités locales jouissent du droit de saisir la Cour constitutionnelle en alléguant qu’un certain texte législatif ignore ou viole le principe de l’autonomie locale, alors que dans d’autres pays une telle voie de recours n’est pas envisageable, soit parce qu’il n’existe pas de Cour constitutionnelle, soit parce que la législation interne n’autorise pas les collectivités locales à saisir cette juridiction.

 

Dans le rapport de suivi précédent du Congrès (2017), il avait été conclu que l’article 11 de la Charte était « globalement respecté en Italie ». Les collectivités locales, en tant que personnes morales, ont accès aux tribunaux ordinaires et administratifs pour défendre leurs droits légaux, leurs intérêts, leurs actifs et leurs propriétés. Elles peuvent également saisir des tribunaux administratifs pour défendre leurs droits légaux et intérêts, ainsi que leur autonomie si celle-ci a été niée ou restreinte par une décision, un projet ou une mesure politique du gouvernement central, ou par des entités régionales. De plus, les associations de collectivités locales ont qualité aux yeux de la justice pour former des recours devant les tribunaux administratifs au nom des collectivités locales qu’elles représentent.

 

Dans ce domaine, les tribunaux administratifs régionaux, et surtout le Conseil d’État, jouent un rôle décisif. Conformément à l’article 113 de la Constitution italienne, « [l]a protection juridictionnelle des droits et des intérêts légitimes devant les organes de la juridiction ordinaire ou administrative est toujours admise contre les actes de l’administration publique. » Cette forme de protection est également assurée à l’égard des citoyens et des institutions publiques elles-mêmes (y compris les institutions publiques locales) étant donné que la Constitution italienne ne prévoit aucune forme de « réserve administrative ».

 

En vertu de la Constitution italienne (art. 134), la Cour constitutionnelle juge (notamment)
« des conflits d’attribution entre les pouvoirs de l’État, entre l’État et les régions, et entre les régions ». De la même manière, face à des actes de nature non législative qu’ils estiment empiéter sur le domaine de compétence que leur garantit la Constitution, l’État et les régions peuvent saisir la Cour constitutionnelle afin qu’elle tranche le conflit présumé de compétence entre l’État et les régions, ou entre les régions. En outre, dans le système juridique italien, comme c’est généralement le cas dans les systèmes fédéraux ou régionaux les plus avancés, pour garantir les prérogatives de chaque niveau de gouvernement en matière d’autonomie, des formes spécifiques de protection juridique sont prévues au niveau de la Cour constitutionnelle de la République.

 

Cette forme de protection est expressément reconnue par la Constitution à l’État et aux régions, qui se voient réciproquement garantir la possibilité de contester la légitimité des lois et des décrets qu’ils estiment empiéter sur leurs domaines de compétence respectifs. Ainsi, l’institution juridique du conflit de compétence représente pour les régions un instrument fondamental de protection juridique, dont ne disposent pas les collectivités locales (communes, provinces et villes métropolitaines). D’après les informations communiquées par le Conseil d’État, les litiges entre l’État et les régions sont relativement fréquents, au point qu’il serait nécessaire de prendre des mesures pour en réduire le nombre.

 

Les collectivités locales sont toujours exclues de ces litiges constitutionnels ; la loi ordinaire leur donne la possibilité de demander à l’État ou à la région, par le biais de ce que l’on appelle le système de conférence, de contester une loi qui empiète sur leur domaine de compétence. Toutefois, il est rarement fait usage de cette possibilité, dont les chances d’aboutir sont considérablement amoindries par le fait qu’elle est assortie d’une condition selon laquelle, lorsqu’une collectivité locale demande à une région de contester la légitimité d’une loi promulguée par l’État, la loi en question doit porter atteinte aux compétences tant de la collectivité locale que de la région concernée.

 

Dans le rapport de suivi précédent (2017), il a été souligné que l’absence de locus standi et d’accès direct à la Cour constitutionnelle privait les collectivités locales de la possibilité de demander directement des contrôles de la constitutionnalité par les voies de recours à leur disposition. Bien que les collectivités locales (communes, provinces, villes métropolitaines) soient reconnues par la Constitution (art. 114) en tant que composantes de la République et entités autonomes, au même titre que les régions, seules ces dernières ont accès direct à la Cour constitutionnelle et qualité pour agir devant elle.

 

En outre, contrairement à certaines vieilles démocraties parlementaires qui ne sont pas dotées d’une Cour constitutionnelle (comme la Suède et d’autres pays nordiques dans lesquels l’examen juridique de la constitutionnalité est concrètement assuré par les tribunaux), en Italie, aucun tribunal n’est habilité à prononcer l’inconstitutionnalité d’une loi parlementaire et à abroger un texte de loi donné au motif qu’il pourrait être contraire à la Constitution ou à un traité international ordinaire. Si une juridiction, quelle qu’elle soit, doute de la constitutionnalité d’une règle de droit donnée, elle doit adresser un recours ou une décision préliminaire à la Cour constitutionnelle, ce qui signifie qu’un tel recours est à la discrétion de la juridiction concernée, qui peut aussi rejeter la demande de la collectivité locale qui l’a saisie à cette fin si elle estime qu’un tel recours n’est pas raisonnable, ni justifié. Comme mentionné dans le rapport de suivi précédent du Congrès (2017), ces conditions empêchent, dans une large mesure, de demander l’application directe de la Charte dans les litiges administratifs auxquels les collectivités locales sont parties.

 

Cette possibilité a pratiquement disparu après que la Cour constitutionnelle a rejeté, dans l’un de ses arrêts, l’« interposition » de la Charte entre la Constitution et la législation, affirmant ainsi sa « nature […] de document d’orientation », tandis qu’elle a accepté en tant que « normes interposées » (norme interposte) entre la Constitution et la législation ordinaire les dispositions d’autres traités internationaux (tels que le Protocole de Kyoto des Nations Unies) (voir le point 2.3[63]). Bien que la Constitution italienne instaure un cadre particulièrement bien élaboré et exhaustif de normes et de principes pour les collectivités locales, le fait que la Charte soit considérée, en vertu de cet arrêt de la Cour constitutionnelle, comme un instrument juridique non contraignant a des répercussions extrêmement négatives sur la protection juridique des collectivités locales en Italie.

 

On a pu le constater, par exemple, dans l’affaire ayant abouti à l’arrêt n° 50/2015 de la Cour portant sur certaines dispositions de la loi Delrio. L’abolition de l’élection directe des organes des provinces n’avait pas été effectuée conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la Charte, qui exige expressément et spécifiquement l’élection directe des membres des conseils des collectivités locales au suffrage universel. En considérant que les dispositions de la Charte n’étaient pas des « normes interposées », la Cour a fait en sorte que cette règle ne soit pas mise en œuvre et effectué une interprétation conforme à la Constitution, considérant qu’une élection indirecte des membres des organes provinciaux serait suffisante pour une « représentation efficace » des sociétés locales. Cette privation des garanties juridiques et normatives offertes par la Charte réduit la portée et l’efficacité de la protection juridique que peuvent solliciter les collectivités locales italiennes par l’intermédiaire des voies de recours judiciaires. 

 

Au vu des éléments ci-dessus, on peut conclure que l’article 11 de la Charte est partiellement respecté en Italie : les collectivités locales ont bien accès à des juridictions ordinaires et administratives pour défendre leurs droits légaux, mais elles n’ont pas directement accès à la Cour constitutionnelle qui, en outre, ne reconnaît pas la Charte comme un traité international dont les dispositions ont la force juridique de « normes interposées », contrairement à d’autres traités internationaux.

Article 12.1
Engagements - Non ratifié

Toute Partie s'engage à se considérer comme liée par vingt au moins des paragraphes de la partie I de la Charte dont au moins dix sont choisis parmi les paragraphes suivants:

 

– article 2,

– article 3, paragraphes 1 et 2,

– article 4, paragraphes 1, 2 et 4,

– article 5,

– article 7, paragraphe 1,

– article 8, paragraphe 2,

– article 9, paragraphes 1, 2 et 3,

– article 10, paragraphe 1,

– article 11.


177. Comme indiqué au point 1 du présent rapport, la République italienne a ratifié la Charte sans formuler la moindre réserve ni la moindre restriction territoriale ou organique vis-à-vis de son application. La « déclaration » annexée à l’instrument de ratification indique clairement que l’Italie est liée par tous les articles de la Charte.

Article 12.2
Engagements - Non ratifié

Chaque Etat contractant, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, notifie au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe les paragraphes choisis conformément à la disposition du paragraphe 1 du présent article.


177. Comme indiqué au point1  du présent rapport, la République italienne a ratifié la Charte sans formuler la moindre réserve ni la moindre restriction territoriale ou organique vis-à-vis de son application. La « déclaration » annexée à l’instrument de ratification indique clairement que l’Italie est liée par tous les articles de la Charte.

Article 12.3
Engagements - Non ratifié

Toute Partie peut, à tout moment ultérieur, notifier au Secrétaire Général qu'elle se considère comme liée par tout autre paragraphe de la présente Charte, qu'elle n'avait pas encore accepté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article. Ces engagements ultérieurs seront réputés partie intégrante de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la Partie faisant la notification et porteront les mêmes effets dès le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.


177. Comme indiqué au point 1 du présent rapport, la République italienne a ratifié la Charte sans formuler la moindre réserve ni la moindre restriction territoriale ou organique vis-à-vis de son application. La « déclaration » annexée à l’instrument de ratification indique clairement que l’Italie est liée par tous les articles de la Charte.

ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

En Italie, le principe d’autonomie locale est explicitement reconnu et proclamé dans la Constitution. Aux termes de cette dernière, la République est « une et indivisible » mais, comme le dispose le même article, elle reconnaît et encourage également les autonomies locales et régionales, ce afin de réaliser « la plus large décentralisation administrative » (article 5).



30Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
3 Articles non ratifiés
22Disposition(s) conforme(s)
7Articles partiellement conformes
1Article non conforme