Islande

Islande - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 23 au 25 janvier 2024
Date d'adoption du rapport: 26 septembre 2024

Le présent rapport fait suite à la troisième visite de suivi en Islande depuis la ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale en 1991. Il salue le haut niveau d'autonomie fiscale du gouvernement local et de l'augmentation des subventions publiques, tout en notant positivement l'intention du gouvernement de réviser les procédures de consultation sur les finances publiques et les systèmes de péréquation, qui ne semblent actuellement pas efficaces. En outre, les communes islandaises se placent au premier rang mondial en termes de vote et de représentation des femmes.
Cependant, le rapport attire une attention particulière sur la répartition floue des responsabilités entre le gouvernement central et les autorités locales, l'absence de force juridique de la Charte dans le système juridique national malgré les recommandations précédentes du Congrès, l’insuffisance des ressources financières allouées aux autorités locales pour leur permettre de s'acquitter efficacement de leurs tâches, et une coopération intercommunale (IMC) principalement à objectif unique. De plus, Reykjavik ne s’est pas vu accorder de statut spécial pour répondre à ses besoins spécifiques en tant que capitale, par rapport aux autres municipalités.
Ainsi, le Congrès recommande que l'Islande clarifie la répartition des responsabilités, adopte une législation pour donner une valeur juridique à la Charte, garantisse des ressources financières adéquates aux autorités locales, modernise le mécanisme de péréquation, promeuve davantage les fusions municipales, améliore la coopération intercommunale, accorde à Reykjavik un statut spécial en tant que capitale, et renforce la consultation sur les questions financières.

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


Selon le Commentaire contemporain (2020) de la Charte, l’article 2 exige que les Parties reconnaissent « le principe » de l’autonomie locale, ce qui signifie qu’il est jugé suffisant de reconnaître les éléments fondamentaux de l’autonomie locale dans des règles écrites, sans qu’une réglementation détaillée soit nécessaire. Reste donc à savoir quels sont ces « éléments fondamentaux ». Dans cette perspective, le préambule et l’article 3 de la Charte jouent un rôle clé. Tous deux se réfèrent aux aspects de l’autonomie locale ayant toujours été considérés comme des caractéristiques essentielles de ce concept dans la tradition européenne moderne. Comme l’indique le préambule, ces éléments fondamentaux sont les suivants : l’existence de « collectivités locales dotées d’organes de décision démocratiquement constitués » et « une large autonomie quant aux compétences » et « aux modalités d’exercice de ces dernières et aux moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission ». Par conséquent, pour évaluer la conformité à l’article 2, il convient de vérifier non seulement la reconnaissance formelle du principe dans la législation interne, mais aussi la présence desdits éléments fondamentaux dans les textes de loi pertinents.

Quant aux sources de droit dans lesquelles le principe de l’autonomie locale doit être consacré, la Charte prévoit un double niveau de reconnaissance. Le premier repose sur la « législation interne », un concept qui doit être interprété comme équivalent à des textes de loi d’origine parlementaire (« lois » » ou « règlements »). Ce niveau de reconnaissance est obligatoire. Le deuxième niveau consiste en la reconnaissance du principe de l’autonomie locale dans la Constitution, une mesure considérée comme « souhaitable [de plus] » par le rapport explicatif de la Charte ; pourtant cette mesure doit être mise en oeuvre « autant que possible ». En Islande, la Constitution17 comporte une disposition plutôt laconique sur l’autonomie locale, à savoir l’article 78 : « Les communes gèrent leurs affaires de manière indépendante conformément à la loi. Les sources de revenu des communes, et leur droit de décider de la manière dont elles souhaitent utiliser leurs sources de revenu, sont définis par la loi. »

La loi de 2011 sur les collectivités locales, qui comprend 25 chapitres et un total de 134 articles, réglemente de manière approfondie les différents aspects de l’autonomie locale. Les principes fondamentaux sont énoncés au chapitre I (Dispositions générales relatives aux communes) :
Article premier (Autonomie des communes) :
1. « Le pays est divisé en communes, qui sont responsables de la gestion de leurs propres affaires ».
2. « L’administration des communes est exercée par les autorités locales qui sont élues démocratiquement par leurs résidents conformément à la loi sur les élections des autorités locales ».
Article 2 (Administration générale des affaires locales) :
2. « Le ministre responsable des affaires locales prend en compte et respecte l’autonomie des communes, des tâches qu’elles assurent et de leurs finances ».
Article 3 (Objet et fondement de la loi) :
1. « Les communes sont des collectivités indépendantes administrées par des autorités locales démocratiquement élues agissant au nom de la population locale ».
4. « L’intervention d’autres autorités publiques dans les affaires des communes doit toujours se faire en considération de l’autonomie des communes garantie par la Constitution et de la Charte européenne de l’autonomie locale ».
Article 7 (Obligations générales des communes) :
1. « Les communes sont tenues d’accomplir les tâches qui leur sont assignées par la loi [...] ».
2. « Les communes oeuvrent pour le bien-être commun de leur population, dans la mesure où elles le peuvent à un moment donné ».
3. « Les communes peuvent entreprendre toute tâche relative à leur population, à la condition que cette tâche ne soit pas assignée à d’autres par la loi ».

Étant donné que le principe de l’autonomie locale est reconnu dans la Constitution et réglementé de manière très détaillée dans la législation nationale, les rapporteurs concluent que la situation en Islande est conforme à l’article 2 de la Charte. Toutefois, ils souhaitent souligner que la disposition succincte de la Constitution, associée à la possibilité d’amendements défavorables aux lois pertinentes déterminées par le Parlement, constitue une raison supplémentaire d’incorporer la Charte, ainsi que toutes ses dispositions protégeant divers aspects de l’autonomie locale, dans la législation nationale.

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


La Charte souligne que la part des affaires publiques gérée par les collectivités locales doit être « importante » et non résiduelle. En d’autres termes, les collectivités locales ne devraient pas être cantonnées à des tâches secondaires et à des missions de routine, mais exercer un éventail de responsabilités suffisant leur permettant d’élaborer et de mettre en oeuvre des politiques publiques locales véritables et pertinentes au profit de la population locale (dans des domaines tels que la protection de l’environnement, la culture et l’éducation, les infrastructures de base, le développement urbain, le logement, la gestion des transports, etc.).

Dans les faits, cependant, les questions considérées comme relevant du domaine naturel ou intrinsèque des collectivités locales varient considérablement selon les traditions des États parties à la Charte. Il est admis que les États peuvent souhaiter réserver certaines fonctions (telles que la police ou l’enseignement supérieur) au gouvernement central. Ainsi, la Charte accorde une certaine marge d’appréciation aux États pour fixer « le cadre de la loi » et identifier le domaine d’action des collectivités locales.

Le Commentaire contemporain de la Charte souligne que le droit légal à l’autonomie locale est néanmoins pleinement protégé par la Charte (article 11). Les collectivités locales doivent aussi être en mesure d’exercer effectivement ce droit légal à l’autonomie par les moyens institutionnels et réglementaires appropriés prévus dans d’autres articles de la Charte (article 9 : Ressources financières adéquates ; article 6 : Ressources organisationnelles et humaines, etc.).

Contrairement aux autres pays nordiques, où la décentralisation des tâches au niveau local a commencé dès les années 1960, le système islandais était encore fortement centralisé au début des années 1990. Les diverses municipalités avaient évolué de manière divergente, et comme elles n’étaient pas en charge des principales responsabilités sociales telles que l’enseignement primaire, beaucoup avaient adopté des pratiques entrepreneuriales, investissant massivement dans les entreprises locales ou menant des projets volontaires tels que des équipements de loisirs et des services d’accueil préscolaire. Toutefois, cela a également entraîné une disparité importante dans les niveaux de service entre les communes rurales et urbaines. Dans une commune rurale moyenne, au début des années 1990, il n’y avait pas de gestion des déchets, de services préscolaires ou d’installations sportives ; les services offerts aux personnes âgées étaient minimes, voire inexistants, et l’approvisionnement en eau (chaude ou froide) n’était pas organisé de manière centralisée. Pour l’essentiel, chaque commune rurale/ferme fonctionnait de manière indépendante et le maire local assurait la comptabilité et une gestion quotidienne limitée de la commune. À l’inverse, les grandes agglomérations urbaines disposaient déjà de services municipaux ayant des horaires d’ouverture structurés, d’une gestion professionnelle, d’installations de loisirs, d’un approvisionnement en eau organisé, d’une gestion des déchets et d’autres services. Ainsi, les agglomérations urbaines avaient mis en place des structures administratives de base dotées de bureaux et d’heures d’ouverture, tandis que les collectivités rurales ne disposaient que rarement de telles installations.

Au début des années 1990, le gouvernement central a entrepris la décentralisation des tâches sociales. Le processus a commencé avec les services sociaux, tels que l’aide économique en 1991, puis l’enseignement primaire en 1996. Parallèlement, l’aménagement municipal obligatoire et l’aménagement local ont été mis en oeuvre pour tous les terrains ruraux et urbains. La plus haute autorité en matière d’aménagement a été décentralisée au niveau local, obligeant les autorités locales à créer des plans municipaux. Auparavant, les terres agricoles et les terres inhabitées des régions montagneuses étaient exemptées de la réglementation en matière d’aménagement et de construction.

Le dernier transfert important a eu lieu en 2011, lorsque la responsabilité des services aux personnes handicapées a été transférée au niveau local. Contrairement aux autres pays nordiques, les collectivités locales islandaises ne sont pas responsables des soins de santé primaires. Néanmoins, elles assurent diverses tâches, quoique sans obligation légale, telles que la création d’infrastructures de loisirs. Au cours des 30 dernières années, les responsabilités des collectivités locales islandaises ont connu des changements sans précédent. Elles sont devenues des acteurs majeurs de l’offre des services sociaux et du bien-être général des citoyens, représentant environ 13 à 14 % du PIB et employant environ 12 % de la main-d’oeuvre islandaise. Il ne fait aucun doute que les communes islandaises gèrent aujourd’hui une part importante des affaires publiques.

Dans le domaine de l’éducation préscolaire, les communes sont responsables des services de maternelle. La législation, en particulier la loi n° 90/2008, n’oblige pas explicitement les communes à fournir ce service, qui en théorie demeure facultatif. Dans la pratique, cependant, il est socialement inacceptable qu’une commune n’offre pas ce service. Environ 90 % des enfants islandais sont inscrits dans des écoles maternelles municipales. Il s’agit probablement du principal facteur contribuant au pourcentage exceptionnellement élevé (79 %) de femmes islandaises présentes sur le marché du travail et il a aussi potentiellement une incidence sur le taux de natalité élevé (1,95 enfant) par rapport à l’Europe continentale. Traditionnellement, les services étaient destinés aux enfants âgés de 2 à 5 ans, mais depuis peu les jardins d’enfants accueillent de plus en plus d’enfants plus jeunes, même en dessous de l’âge d’un an. Les organismes privés ou les ONG doivent obtenir l’autorisation des autorités locales pour offrir ces services, et des institutions municipales sont chargées de les superviser. Le service est financé par une combinaison de contributions des communes et des parents.

Les communes assument l’entière responsabilité de l’enseignement primaire pour les enfants de 6 à 15 ans, comme le prévoit la loi sur l’enseignement primaire (n° 91/2008 § 5). Cette responsabilité inclut la construction et l’entretien des bâtiments scolaires, ainsi que le recrutement et la rémunération des enseignants. Bien que l’enseignement secondaire relève de la compétence de l’État, les communes ont le droit de nommer des membres du conseil d’administration de ces établissements.

En ce qui concerne la protection de l’enfance, la loi pertinente (Barnaverndarlög 80/2002) charge les communes de garantir la disponibilité et l’organisation des services de première ligne, y compris leur personnel et leurs installations. Toutefois, les institutions de placement permanent/de garde relèvent de la responsabilité de l’État.

La loi sur les questions relatives aux personnes âgées (Lög um málefni aldraðra 125/1999) dispose que les communes sont responsables de l’aide à domicile et de l’organisation de rencontres sociales pour les personnes âgées. L’aide à domicile ne comprend pas l’assistance médicale, qui relève de la compétence de l’État.

Les communes sont chargées de fournir des services aux personnes handicapées et à celles qui ont besoin d’un soutien de longue durée (Lög um þjónustu við fólk með langvarandi stuðningsþarfir, n° 38/2018). Les personnes ont droit à un plan d’aide privé (article 12). Toutefois, il existe des zones grises concernant les personnes âgées handicapées et des litiges sont apparus entre l’État et les communes au sujet de la responsabilité des personnes handicapées et âgées.

La loi sur les services sociaux des communes (Lög um félagsþjónustu sveitarfélaga 40/1991) impose aux communes des obligations en matière d’aide économique aux personnes démunies, y compris l’accès à un logement abordable. Bien que le logement ne soit pas une fonction municipale importante en Islande, les communes sont tenues, en vertu de la loi n° 44/1998 relative au logement, de fournir des logements à loyer modéré aux personnes confrontées à de graves difficultés économiques ou atteintes d’un handicap.

L’intégration des réfugiés ne relève généralement pas de la responsabilité des autorités locales. Toutefois, dans le cas des réfugiés contingentés (réfugiés invités par l’État à s’installer en Islande), certaines autorités locales ont conclu un contrat avec l’État pour intégrer les réfugiés en question. Toutefois, cette mesure est volontaire et ne concerne pas toutes les communes. Par conséquent, la question des réfugiés concerne spécifiquement ce groupe de communes.

Les organes nationaux n’ont qu’une capacité très limitée à s’opposer aux plans d’occupation des sols des communes, cette capacité concernant principalement des questions de grande échelle telles que les centrales hydroélectriques et s’appuyant essentiellement sur des litiges liés à l’environnement. Les organes nationaux ne peuvent pas s’opposer aux plans d’occupation des sols des communes au motif qu’ils entrent en conflit avec des objectifs nationaux. Toutefois, ils peuvent suggérer qu’un plan municipal d’occupation des sols devrait être rejeté sur certaines bases techniques ; en pratique, cela signifie que la commune doit résoudre les problèmes posés par le plan et le soumettre à nouveau. Toutefois, l’État est de plus en plus vigilant et l’utilisation des sols par les communes fait de plus en plus l’objet d’un contrôle public approfondi.

Les transports publics ne sont pas une fonction obligatoire des communes ; cependant, en 2010, l’Agence nationale des routes a signé un contrat avec des associations régionales sur l’organisation et la fourniture de services publics d’autobus. Les associations régionales sont des associations facultatives créées par les communes et placées sous leur responsabilité exclusive. Le niveau local n’est cependant pas le seul à proposer des transports publics. En outre, en vertu de la loi sur les personnes handicapées, les communes sont tenues de fournir des services de transport aux personnes handicapées. Toutefois, en 2020, la plupart des associations régionales ont renoncé à leurs responsabilités en matière de transport public (hormis le transport des personnes handicapées), à deux exceptions près (l’association régionale de la grande zone urbaine de Reykjavík et celle de la partie orientale de l’Islande).

Parmi les responsabilités des communes, les secteurs de l’éducation, de la protection sociale, des loisirs et de la culture représentent plus de 70 % des dépenses totales des collectivités locales. Ce pourcentage souligne le rôle des communes islandaises en tant que pierre angulaire de l’action sociale.

Comme le souligne le Commentaire contemporain, aucune collectivité locale n’est en mesure de régler et gérer efficacement « une part importante des affaires publiques » dès lors qu’elle est trop petite et/ou ne dispose pas des ressources nécessaires à l’accomplissement de son mandat. En pareil cas en effet, la collectivité jouira d’un « droit » sur le plan juridique, mais n’aura pas la « capacité » réelle d’agir comme l’exige la Charte. Par conséquent, des fusions de communes/municipales peuvent s’avérer souhaitables (dans le respect des règles relatives à la modification des limites territoriales, voir l’article 5). Une autre possibilité consiste à recourir à la coopération intercommunale pour la fourniture de services communs (article 10.1, voir les commentaires correspondants du présent rapport).

En Islande, il existe des différences de taille considérables entre les communes (voir ci-dessous les commentaires relatifs à l’article 5), mais il convient de mentionner que certaines communes sont petites mais riches du fait qu’elles disposent d’installations de production d’énergie ou d’usines ou qu’elles ont un attrait touristique. En outre, la coopération intermunicipale est assez développée (voir ci-dessous les commentaires relatifs à l’article 10).

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs concluent que la situation en Islande est conforme à ce paragraphe.

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


Selon le Commentaire contemporain, c’est dans ce paragraphe de la Charte que se trouve la principale affirmation du principe démocratique. Le droit à l’autonomie doit être exercé par des autorités démocratiquement constituées et une préférence est exprimée pour la démocratie représentative au niveau local. Dans ce cadre, le pouvoir de décision est confié à des conseils ou à des assemblées directement élus par la population. Par conséquent, les élections locales tiennent une place essentielle dans la démocratie locale : les responsables locaux doivent être élus au suffrage direct lors d’élections libres, au scrutin secret basé sur le suffrage direct, égalitaire et universel. L’assemblée est en effet l’organe représentatif en charge des questions les plus importantes pour la collectivité locale, telles que les questions budgétaires et fiscales.

Ce paragraphe définit les organes exécutifs comme étant « responsables » devant les conseils ou assemblées élus. Selon le Commentaire contemporain, cette « responsabilité » implique que l’organe exécutif, s’il n’est pas élu au suffrage direct, doit être élu (en droit ou en fait) par le conseil. La responsabilité de l’exécutif devant le conseil élu semble être la principale forme de responsabilité « politique ». Toutefois, cela n’exclut pas la possibilité d’une destitution directe de l’exécutif élu par le peuple, en tant que forme de responsabilité politique directe. En outre, la Commission de Venise a estimé que la révocation des maires était un « instrument de responsabilité politique admissible, quoiqu’à titre exceptionnel ».

La loi n° 83/2022 a modifié les dispositions de la loi sur les collectivités locales relatives aux élections au sein des communes. Auparavant, ces élections se déroulaient conformément à la loi sur les élections, tandis qu’aujourd’hui elles se déroulent sur la base d’un règlement ministériel. La loi comprend diverses modifications relatives à la conduite des élections au sein des communes, portant par exemple sur le vote par correspondance et la possibilité d’utiliser des bureaux de vote mobiles, ce qui est une nouveauté dans la pratique électorale islandaise. Les communes sont également autorisées à abaisser l’âge du droit de vote de 18 à 16 ans et à accorder le droit de vote aux ressortissants étrangers pour les votes portant sur certaines questions.

Le taux de participation aux élections locales a toujours été exceptionnellement élevé dans le contexte islandais ; toutefois, cette tendance ne s’est pas toujours vérifiée lors des récentes élections. Le taux de participation est descendu en dessous de 80 % pour la première fois en 2006 et il a continué de baisser en 2010 (73,4 %) et à nouveau en 2014 (66,4 %). Il a ensuite connu une légère augmentation en 2018, atteignant 67,6 %, mais a ensuite chuté à nouveau, avec 62,7 % en 2022, son plus bas niveau jamais enregistré (voir le tableau ci-dessous). Le déclin est particulièrement prononcé dans les grandes communes, tandis que dans les petites communes (moins de 1 000 habitants) le taux de participation reste en moyenne supérieur à 80 %. Les jeunes et les citoyens d’origine étrangère sont nettement moins susceptibles de participer au vote dans les bureaux de vote que les personnes âgées et les citoyens islandais25. D’autre part, il convient de noter que le taux de participation électorale des femmes a toujours été plus élevé depuis 1992, tandis que lors des dernières élections de 2022 la différence par rapport aux électeurs masculins a atteint un record de 2,8 %.

La participation des femmes à la vie politique a une longue histoire en Islande. L’année 1908 a été marquée par un événement notable à cet égard, lorsqu’un groupe de quatre femmes s’est présenté sur une liste exclusivement féminine, et toutes les quatre ont été élues au conseil urbain de Reykjavík. Toutefois, ces cas sont exceptionnels et la présence des femmes au niveau local n’a commencé à augmenter de manière significative qu’à partir des années 1970. Les femmes étaient plus souvent présentes dans les conseils des agglomérations urbaines, mais largement absentes dans les communes plus petites ou plus rurales. En 1980, la proportion des conseillères municipales était de 12 %, et ce chiffre a augmenté régulièrement lors des élections locales suivantes, atteignant 28 % en 1998 et un pourcentage important de 47 % en 2018. Parallèlement, le nombre de femmes maires a également augmenté, bien que de façon moins spectaculaire, atteignant 34 % après les élections locales de 2018. Il est à noter que lors des élections municipales de 2022 en Islande, les conseillères municipales ont pour la première fois été plus nombreuses que leurs homologues masculins (voir la figure ci-dessous).

En Islande, les conseils locaux sont élus au suffrage direct depuis la mise en place du système actuel d’administration locale en 1872, de sorte que les conseillers locaux ont disposé d’une autorité politique significative tout au long de cette période. Traditionnellement, les collectivités locales islandaises disposent d’une grande latitude et d’un large accès au pouvoir national et à l’administration centrale, tandis que les fonctions qui leur sont assignées par la loi sont relativement peu nombreuses. Toutefois, depuis les années 1990, la décentralisation fonctionnelle a étendu les pouvoirs des conseils locaux et renforcé leur autonomie.

La division politique au sein du conseil est structurée selon la règle de la majorité, de sorte que les conseillers peuvent appartenir à des partis majoritaires et minoritaires. Les coalitions sont fréquentes dans les grandes communes, tandis que dans les plus petites d’entre elles une majorité de liste unique est la norme. Chaque conseil détermine de manière indépendante le nombre de ses membres dans les limites prévues par la loi. Toutefois, les conseils optent le plus souvent pour la limite inférieure. Il a été avancé que les partis au pouvoir au sein d’un conseil préfèrent souvent limiter le nombre de ses membres, car il est alors plus difficile pour de nouveaux partis d’y être représentés, ce système constituant une forme de seuil informel.

Par rapport aux conseils locaux d’autres pays nordiques, les conseils locaux islandais sont nettement plus petits. Tandis que les conseils nordiques fonctionnent généralement comme des assemblées, le conseil local islandais fonctionne davantage comme un conseil de gestion. Dans ce contexte, les membres du conseil sont souvent directement responsables de tâches et domaines spécifiques. Des études indiquent que les membres des conseils locaux consacrent un grand nombre d’heures à leur mandat, avec une moyenne de 70 % des conseillers assumant des rôles de responsabilité au sein de comités politiques au niveau local. Cette tendance se vérifie indépendamment du fait qu’ils soient en position minoritaire ou majoritaire au sein du conseil.

Conformément à l’article 8 de la loi sur les collectivités locales (LCL), le conseil municipal (désigné comme « la plus haute autorité au sein de chaque commune » dans l’article 10, paragraphe 1) dirige la commune conformément à la législation. Les autorités locales disposent de pouvoirs décisionnels concernant l’utilisation des bases de revenus, les emprunts et l’affectation des actifs, ainsi que l’exécution des tâches de la commune. Le conseil municipal peut adopter des résolutions sur toutes les questions qu’il juge pertinentes pour les intérêts de la commune. Selon l’article 9, les conseils municipaux doivent élaborer une ordonnance spéciale sur la gouvernance et l’administration de la commune et sur les procédures applicables aux questions relevant de sa gestion. Cet instrument doit également définir les règles de fonctionnement des autorités municipales et de leurs organes.

Selon l’article 13 de la LCL, le conseil élit un chef et un ou plusieurs chefs-adjoints lors de la première réunion. La durée du mandat du chef et des chefs-adjoints est la même que celle du conseil, à moins que le conseil n’en décide autrement. Si le chef ou son adjoint ne bénéficie plus du soutien du conseil, une nouvelle élection est organisée pour ces postes.

Selon l’article 35 de la LCL, un conseil composé de plus de cinq membres peut décider, dans l’ordonnance sur la gouvernance de la commune, qu’un comité exécutif municipal doit être élu. Le conseil élit le président et le vice-président du comité exécutif parmi les membres élus de ce dernier (LCL 36, paragraphe 5). Le comité exécutif et le directeur général détiennent les pouvoirs exécutifs et budgétaires au sein de la commune, dans la mesure où ils ne sont pas attribués à d’autres parties. L’article 37 de la LCL dispose que le conseil élit les membres des commissions conformément à la loi et à l’ordonnance sur la gouvernance de la commune. Ces commissions sont considérées comme des organes permanents du conseil. Selon l’article 40 de la LCL, le conseil détermine les compétences des commissions et des comités qu’il élit, sauf si elles sont définies par la loi. En vertu de la loi n° 96/2021, les communes peuvent permettre aux membres de l’autorité locale ou d’autres commissions municipales de participer aux réunions des commissions par des moyens électroniques.

Selon l’article 54 de la LCL, le conseil emploie un administrateur municipal chargé de mettre en oeuvre les décisions du conseil et d’assurer les tâches incombant aux communes. Deux ou plusieurs communes peuvent nommer un administrateur municipal commun. L’administrateur municipal est la plus haute autorité parmi les employés municipaux. Il est chargé de veiller à ce que l’administration de la commune soit conforme à la loi, aux ordonnances et aux instructions appropriées des organes de niveau supérieur (article 55 de la LCL).

Il convient de souligner que la loi sur les collectivités locales comprend une série de dispositions prévoyant plusieurs formes de participation des citoyens, telles que les « droits d’influence » (article 102 : consultation, désignation de comités d’utilisateurs et de résidents, collaboration, etc.), l’« information sur les questions municipales » (article 103), la « publication de contenus sur les finances municipales » (article 104), les « réunions publiques » (article 105), les « assemblées de résidents » (article 106, adoption de résolutions non contraignantes), les « votes des résidents » (article 107, référendums sur des questions spécifiques), l’« Initiative des habitants d’une commune » (article 108, pour demander des réunions publiques ou des référendums).

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs concluent que l’Islande respecte pleinement ce paragraphe.

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


Le Commentaire contemporain souligne que l’article 4.1 exige que les dispositions fixant les « compétences de base » des collectivités locales répondent aux normes de clarté et de sécurité juridique. Ces compétences doivent être fixées par la Constitution ou par la loi, de manière à garantir leur prévisibilité, leur permanence et leur protection dans l’intérêt de l’autonomie locale. Par conséquent, les tâches des collectivités locales ne doivent pas leur être attribuées de manière ad hoc mais doivent être suffisamment ancrées dans la législation. Les processus législatifs du Parlement facilitent la mise en oeuvre d’autres principes et garanties de la Charte, comme la consultation préalable (articles 4.6, 9.6) et la proportionnalité (9.2).

L’établissement de compétences et de pouvoirs locaux par le biais d’une réglementation administrative doit par conséquent être évité. Cette règle générale n’est cependant pas incompatible avec l’attribution aux autorités locales de pouvoirs et de responsabilités « à des fins spécifiques » (par exemple la mise en oeuvre du droit de l’UE) conformément à la loi (article 4.1, dernière phrase). Cette exception permet d’affecter des tâches spécifiques qui ne sont pas déjà prévues dans le cadre juridique national relatif aux collectivités locales. Il est notamment envisageable de procéder au moyen d’un règlement administratif, même si ce mécanisme doit de toute façon revêtir un caractère exceptionnel. En Islande, les pouvoirs et responsabilités de base des collectivités locales sont, par principe, prescrits par la loi, bien qu’une certaine marge d’autorégulation soit accordée aux collectivités locales.

Si les communes islandaises exercent des pouvoirs et des responsabilités importants dans divers domaines locaux, il est essentiel de noter que l’ordre juridique islandais n’énonce pas de manière complète ou codifiée un ensemble de compétences des communes. Une telle liste ne figure pas dans la LCL et le ministère publie et actualise régulièrement la liste des responsabilités légales des communes. Les compétences spécifiques des communes dans les différents secteurs d’action publique sont définies dans les lois et réglementations applicables à chacun de ces secteurs. Par conséquent, on ne trouve dans la législation aucun « noyau dur » de compétences essentielles ou « naturelles » des communes. On ne peut pas davantage déduire ce « noyau dur » d’une interprétation de l’article 78 de la Constitution, qui fait référence aux « affaires » des communes sans les définir.

D’une manière générale, cependant, aucune plainte significative n’a été formulée lors des réunions concernant l’étendue des fonctions assignées aux autorités locales par le législateur. De fait, comme il a déjà été souligné, l’étendue des responsabilités municipales s’est considérablement élargie depuis le début des années 1990. Les représentants des collectivités locales d’Islande considèrent d’une manière générale que les communes du pays exercent actuellement – en nombre et en importance – une part « équitable » ou « raisonnable » des compétences et responsabilités.

Par conséquent, les rapporteurs concluent que l’article 4, paragraphe 1, est respecté en Islande, mais ils encouragent néanmoins les autorités islandaises à élaborer un texte législatif qui présenterait systématiquement les compétences et les tâches des communes dans les différents secteurs.

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


Les autorités locales doivent avoir le droit de prendre des initiatives sur les questions qui ne sont pas explicitement exclues de leur compétence par la loi. Dans ce domaine, les traditions juridiques nationales vont du principe de l’« ultra vires », qui exige une base légale pour toute action des collectivités locales, à celui de « la compétence générale » dont jouissent les communes en France ou du « Aufgabenerfindungsrecht » propre aux systèmes de droit germanique. L’article 4, paragraphe 2, de la Charte énonce le droit d’initiative des collectivités locales et celui d’être considérées comme ayant une compétence générale étendue à toute question ou tout type d’affaires publiques tels que définis à l’article 3, paragraphe 1, et d’« oeuvrer pour le bien-être commun des résidents, dans la mesure où elles le peuvent à un moment donné » (article 7, paragraphe 2, de la LCL).

Le droit des communes d’exercer leur initiative est explicitement reconnu par l’article 7, paragraphe 3, de la LCL, qui précise que les communes peuvent entreprendre toute tâche liée à leur population si cette tâche n’est pas assignée par la loi à une autre autorité. Cependant, la législation en vigueur peut décourager les initiatives ou favoriser la confusion lorsqu’elle contient des « zones grises » où on ne sait pas précisément si une question spécifique est exclue de la compétence des collectivités locales ou attribuée à une autorité de l’État (par exemple, certaines questions ayant trait à la santé des personnes handicapées, les responsabilités en matière d’aménagement, etc.). Des représentants des autorités locales ont soulevé cette question lors de la visite de suivi, ce qui souligne une fois de plus la nécessité d’une législation complète et systématique sur les responsabilités des collectivités locales, comme indiqué précédemment dans le présent rapport.

En dépit de ces insuffisances, les rapporteurs concluent que, sur le principe, ce paragraphe est respecté en Islande.

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


Le paragraphe 3 de cet article introduit le « principe de subsidiarité », selon lequel les responsabilités publiques doivent être exercées « de préférence » par les autorités ou organes les plus proches du citoyen. Il s’agit ici essentiellement d’un principe politique, dont l’objectif est de rapprocher le plus possible la prise de décision des citoyens. Le Commentaire contemporain note que le principe de subsidiarité a une double raison d’être lorsqu’il est appliqué aux autorités locales : d’une part, il renforce la transparence et le fondement démocratique de la prise de décision publique du fait de la proximité ; d’autre part, il améliore l’efficacité de l’action publique puisque les organes locaux sont les mieux à même de remplir certaines tâches (telles que l’offre d’une assistance sociale ou d’un logement) en raison de leur connaissance directe des besoins des citoyens.

Des représentants du ministère des Infrastructures ont souligné qu’au cours des trois dernières décennies des efforts ont été déployés pour transférer la prestation des services de proximité de l’État vers les autorités locales. L’enseignement en école primaire et au collège a été transféré en 1996, tandis que l’action publique et les services pour les personnes handicapées l’ont été en 2011. Toutefois, les services aux personnes âgées et les soins de santé restent sous la responsabilité de l’État. Le transfert des services aux personnes handicapées aux autorités locales, qui fournissaient déjà des services sociaux généraux à l’époque, a éliminé les zones grises qui existaient entre ces deux domaines.

Le principal obstacle à de nouveaux transferts de services de proximité aux autorités locales tient au faible niveau de population de nombreuses communes du pays, malgré un nombre considérable de fusions municipales au cours des dernières années. Peut-être peut-on considérer que certaines communes islandaises sont trop petites pour fournir les services actuellement attribués au niveau municipal.

À l’inverse, des représentants de la ville de Reykjavik se sont plaints du fait que depuis quelques années le gouvernement central s’emploie, d’une certaine manière, à réduire les pouvoirs des communes en matière d’aménagement. Par exemple, une loi relative à l’aménagement d’Austurvöllur (devant le parlement et à l’intérieur des limites municipales de Reykjavik) n’a pas été adoptée. En outre, en vertu d’une nouvelle loi sur l’aviation, la compétence de planification des autorités locales concernant les aéroports a été transférée au pouvoir central. Cela a pour effet de modifier la législation relative à l’aménagement, qui était en place depuis des décennies. En conséquence de ces changements, les communes ne décident pas pleinement de l’occupation des terres sur leur territoire, ce qui limite la génération de revenus et le développement des terres. À ce sujet, les représentants de la ville de Reykjavik ont souligné que la compétence de planification est la pierre angulaire de l’autonomie des communes.

Les rapporteurs reconnaissent que, ces dernières années, de nombreuses responsabilités supplémentaires ont été transférées aux communes. Cependant, le fait que le principe de subsidiarité ne figure pas explicitement au niveau constitutionnel ou, au moins, législatif présente des risques d’évolution défavorable vers une recentralisation des tâches. L’argument selon lequel il existe des zones faiblement peuplées et de très petites communes ne devrait pas être invoqué contre l’établissement explicite du principe de subsidiarité, car ce principe inclut intrinsèquement les critères de faisabilité et de capacité. Par conséquent, les rapporteurs concluent que ce paragraphe est partiellement respecté en Islande.

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


D’après la Recommandation CM/Rec(2007)429 du Comité des Ministres aux États membres sur les « services publics locaux et régionaux », le législateur devrait établir une définition claire des responsabilités des divers niveaux de gouvernement et un partage équilibré des rôles entre ces niveaux dans le domaine des services publics. un tel partage des rôles, accepté par les acteurs concernés, doit permettre d’éviter à la fois les situations de carence de compétences et les duplications de compétences. En outre, cette attribution de compétences doit favoriser la prévisibilité et garantir la continuité de l’offre de certains services publics locaux essentiels pour la population.

Des représentants des autorités locales ont souligné que la délégation de responsabilités peut introduire une ambiguïté ou certaines zones grises dans la prestation des services. Plus précisément, la délimitation entre le rôle de l’État et des communes dans l’offre de certains services peut entraîner un chevauchement des compétences. Les domaines de responsabilité « hybride » comprennent la protection civile, les affaires culturelles, la protection sociale (où la part municipale est plus importante) et les soins aux personnes âgées (les soins de santé aux personnes âgées sont une responsabilité de l’État). Un exemple notable est la distinction entre l’aide aux personnes handicapées, qui est une mission des communes, et les soins de santé, qui relèvent de la responsabilité du pouvoir central. Cette délimitation devient particulièrement complexe lorsqu’une personne handicapée a besoin d’une assistance médicale continue, car ces services se recoupent fréquemment. La complexité de ces distinctions était peut-être moins prononcée lorsque les deux tâches relevaient du domaine exclusif et de la responsabilité financière du pouvoir central.

Le ministère des Infrastructures a noté qu’un travail considérable avait été effectué pour analyser la portée et les dépenses liées au transfert du domaine d’action des personnes handicapées. Un groupe de travail relevant du ministère des Affaires sociales a récemment achevé son travail d’analyse sur cette question. En conséquence, en décembre, un accord a été conclu avec les autorités locales sur des contributions supplémentaires aux services destinés aux personnes handicapées. L’accord comprend des dispositions sur les activités des groupes de travail pour réduire les zones grises, notamment dans le domaine des services pour les enfants présentant divers problèmes et dans celui de l’internement sécurisé pour les adultes souffrant de troubles mentaux.

Le ministère espère que ce travail permettra d’obtenir des résultats ciblés en délimitant les domaines de responsabilité entre les niveaux d’autorité publique et en supprimant les zones grises plus efficacement que ne l’ont fait les travaux du Comité du livre gris (Grábókarnefnd) au cours des dernières années. Pour supprimer les zones grises, il faut saisir à la fois l’occasion immédiate de clarifier la délimitation entre l’État et les autorités locales et adopter une vision prospective concernant l’opportunité ou non, pour clarifier la délimitation, de transférer des domaines d’action supplémentaires aux autorités locales. Des actions à cet effet sont incluses dans le plan d’action de la résolution parlementaire récemment adoptée sur un plan stratégique relatif aux communes (2019-2023). Lors de la procédure de consultation, le ministère a ajouté que des travaux étaient menés afin de clarifier la délimitation des compétences entre l’État et les communes à court et à long terme, d’une part au moyen du plan d’action de la loi sur les collectivités locales relatif à la révision du partage des tâches entre l’État et les communes, et d’autre part au moyen des travaux menés actuellement afin d’éliminer les zones grises concernant les services destinés aux personnes handicapées.

Les rapporteurs saluent les efforts déployés pour résoudre le problème des zones grises et la volonté de mettre en oeuvre des initiatives plus systématiques à l’avenir, comme indiqué dans le plan stratégique. Compte tenu de ces développements et de la persistance de zones grises, les rapporteurs concluent que l’Islande respecte partiellement ce paragraphe.

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


D’après la Recommandation CM/Rec (2007)4 du Comité des Ministres aux États membres30 « sur les services publics locaux et régionaux », la proximité entre les services publics locaux et régionaux et la population est une nécessité fondamentale. Il est reconnu que les collectivités locales et régionales ont un rôle essentiel à jouer dans la prestation de ces services. Afin d’assurer que les services sont adaptés aux besoins et aux attentes des citoyens, le degré de décentralisation et d’autonomie des collectivités locales et régionales dans la prestation de ces services devrait être élevé.

L’article 8, paragraphe 8, de la LCL dispose que les autorités locales ont un pouvoir de décision concernant l’exécution de leurs tâches. Les représentants des autorités locales ont toutefois souligné que, ces dernières années, le gouvernement central s’est orienté vers une législation détaillant les droits individuels à des services spécifiques d’une certaine qualité ou quantité, plutôt que de laisser aux communes la liberté d’ajuster les services en fonction de leurs politiques. Le pouvoir central a mis en oeuvre ces changements sans évaluer correctement les effets de coût que ces améliorations auront sur les finances des collectivités locales, bien que la loi l’exige. Il en résulte des problèmes de financement de ces services, qui affectent la capacité d’autonomie des communes. En conséquence, des tensions sont apparues dans la communication entre les deux niveaux de gouvernance. Un exemple notable est la loi n° 38/2018 sur les services aux personnes handicapées, dont l’article 3 dispose expressément qu’une personne handicapée doit bénéficier d’au moins 15 heures de services sociaux par semaine. Toutefois, cette obligation n’a pas été mentionnée lorsque la tâche a été transférée aux communes.

Les rapporteurs reconnaissent que le législateur est disposé, de bonne foi, à élargir la gamme des services offerts aux citoyens et à en améliorer les normes, ainsi qu’à accorder des droits et des prestations supplémentaires aux usagers. Toutefois, ces initiatives devraient être abordées avec plus de prudence, en particulier lorsque les communes sont chargées de fournir ces services, de répondre aux droits pertinents et de respecter le niveau de qualité requis et les normes imposées par la loi. Cela nécessite une consultation préalable et efficace des autorités locales chaque fois que de telles décisions sont prises par des organes de l’État. Par conséquent, les rapporteurs concluent que ce paragraphe est partiellement respecté en Islande.

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


Selon le Commentaire contemporain, la consultation est un principe-clé de la Charte et les collectivités locales devraient être consultées par les organes de l’État (ou de la région) lors de l’examen et de l’approbation des lois, réglementations, projets et programmes ayant une incidence sur le cadre juridique et opérationnel de la démocratie locale. Ce principe assure la participation réelle des acteurs locaux au processus décisionnel des entités du pouvoir central (ou régional) habilitées à définir le cadre des collectivités locales. Il renforce également la démocratie, en ce sens que les responsables politiques du pouvoir central doivent écouter les voix des représentants locaux et de leurs associations. En outre, ce principe s’impose en vertu de l’obligation de transparence de l’action gouvernementale et de l’application du principe de subsidiarité.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, de la LAL, « aucune question engageant spécifiquement l’intérêt d’une commune ne peut être réglée sans consultation du conseil municipal ». Le paragraphe 4 du même article dispose que « le ministère, l’Association islandaise des pouvoirs locaux et les communes doivent être consultés lors de l’élaboration de stratégies, de calendriers et de plans d’action ». L’article 98.3 dispose que « lorsque le ministre établit des directives administratives générales fondées sur la présente loi, il consulte toujours l’Association islandaise des pouvoirs locaux sur leur contenu ».

Le chapitre XIII de la loi porte sur « les relations et la concertation entre le pouvoir central et les communes ». Aux termes de l’article 128, paragraphe 1, « le gouvernement doit garantir une collaboration formelle et régulière avec les communes concernant les questions publiques importantes liées au statut et aux responsabilités des communes. Une collaboration formelle a lieu concernant, entre autres, la préparation de projets de loi ayant une incidence sur les communes et sur le contrôle des finances publiques, la répartition des responsabilités entre le pouvoir central et les communes et d’autres questions importantes touchant aux intérêts ou aux finances des communes ».

Deux organes principaux ont été créés en vertu de l’article 128 : un comité de consultation entre l’État et les communes (paragraphe 2) et un comité de collaboration de l’État et des communes (paragraphe 3). Le premier, qui se réunit au moins une fois par an, comprend le ministre des Infrastructures et le président de l’Association islandaise des pouvoirs locaux. D’autres ministres assistent aux réunions du comité de consultation si l’occasion s’en présente à un moment donné. Le comité de collaboration se compose des sous-secrétaires permanents du ministère des Infrastructures et de trois représentants nommés par le comité de l’Association des pouvoirs locaux. Le cas échéant, le comité de collaboration peut décider de convoquer des représentants d’autres ministères. Le comité de collaboration opère sous l’égide du comité de consultation et sert de forum de discussion et de communication régulières entre l’État et les communes. L’accord de collaboration (paragraphe 4) entre l’Association des pouvoirs locaux et le gouvernement établit des structures pour la consultation et la collaboration entre l’Association et les ministères.

Comme l’admet le ministère des Infrastructures, la consultation est plus ou moins efficace selon que le gouvernement est obligé ou non de consulter l’Association islandaise des pouvoirs locaux, les représentants d’autres parties prenantes ou directement les autorités locales lors de l’élaboration de la législation et d’autres politiques ayant trait aux communes. Dans tous les cas, le gouvernement veille à ce que les autorités locales soient dûment consultées lors de l’élaboration de la législation et d’autres initiatives politiques. La seule exception concerne des questions politiques telles que la fiscalité et le budget.

Habituellement, l’État et les autorités locales élaborent les politiques ensemble dès le début du processus. L’Alþingi a adopté le 5 décembre une résolution parlementaire relative à un plan stratégique sur les questions ayant trait aux communes pour les quinze prochaines années et à un plan d’action pour les cinq prochaines années. Un groupe de travail sur l’élaboration des politiques était composé du président et du vice-président de l’Association islandaise des pouvoirs locaux, ainsi que de deux représentants du ministre (dont l’un était le président du groupe). Jamais la consultation des autorités locales n’a été aussi directe que lors de l’élaboration de cette stratégie et l’on peut affirmer que la plupart des projets inclus dans le plan d’action seront mis en oeuvre dans le cadre d’une coopération étroite entre les niveaux administratifs. Parmi ces projets, on peut citer la coopération permanente entre l’État et les autorités locales concernant l’examen des lois relatives aux collectivités locales et l’estimation des coûts. Le gouvernement met l’accent sur la consultation dans l’élaboration des politiques et les projets de loi sont presque sans exception soumis à un portail de consultation publique en ligne.

Le plus haut comité de collaboration de l’État et des autorités locales (Jónsmessunefnd) se réunit chaque mois pour discuter de questions communes aux différents niveaux administratifs. Les trois représentants des autorités locales sont le président et le directeur de l’Association islandaise des pouvoirs locaux et le maire de Reykjavík. Les deux représentants de l’État sont les secrétaires permanents du ministère des Infrastructures et du ministère des Finances et de l’Économie. Trois sous-comités ont pour domaines les questions financières, le développement numérique et les zones grises dans les services. Une large consultation existe avec les autorités locales sous l’égide de différents ministères, sur des domaines tels que la durabilité, les questions climatiques et les plans d’action régionaux.

Les représentants de la ville de Reykjavik ont souligné que les mécanismes formels et juridiques de consultation, conformément aux articles 128 et 129, fonctionnent à l’interface entre le gouvernement central et l’Association des pouvoirs locaux, laquelle représente les communes. Il est important de noter que toutes les communes n’ont pas les mêmes intérêts ou ne sont pas confrontées aux mêmes difficultés. Par conséquent, l’Association doit souvent adopter une position diplomatique conciliant les différentes opinions des communes.

Un accord de coopération est en vigueur entre le gouvernement central et les communes, signé le 2 avril 2008. L’accord promeut la compréhension mutuelle des problèmes et des besoins de chacune des parties en matière sociale et économique. Il repose sur la nécessité d’établir une communication régulière entre les parties, de promouvoir une vision commune du développement, du statut et de l’avenir de l’administration locale et de coordonner, dans la mesure du possible, les politiques de l’État et des communes en matière de finances et d’opérations publiques, afin d’atteindre les objectifs économiques que le gouvernement et l’Alþingi déterminent à un moment donné. L’accord vise également à promouvoir la modération et la responsabilité dans les activités publiques et à favoriser un débat éclairé sur les questions relatives aux collectivités locales.

Sur la base de l’accord de coopération en vigueur, un comité de coopération a été nommé, au sein duquel siège le maire de Reykjavik. En outre, les autorités centrales invitent parfois la ville de Reykjavik à participer aux travaux législatifs et politiques en lui donnant le droit de nommer un représentant au sein des comités et des groupes, mais cela n’est pas précisé dans la loi comme une obligation. Par ailleurs, les autorités centrales sollicitent généralement l’avis formel de la ville sur les projets législatifs susceptibles d’avoir une incidence sur ses intérêts. Toutefois, il n’existe pas d’obligation légale spécifique d’informer la ville au sujet des projets législatifs et de toutes les questions qui la concernent directement, et cette notification n’est pas garantie.

Des interlocuteurs d’autres communes ont reconnu que les mécanismes de consultation fonctionnent pour le compte des communes, mais ils ont également souligné que toutes les communes n’ont pas accès à ces mécanismes et que les procédures pertinentes ne laissent pas suffisamment de temps pour préparer, formuler et soumettre des solutions de substitution suffisamment élaborées.

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs notent que des mesures importantes ont été prises en vue de mettre en place un système de consultation inclusif et efficace, mais que des améliorations peuvent encore être apportées, notamment en ce qui concerne les décisions ayant un impact particulier sur certaines communes. Par conséquent, les rapporteurs concluent que ce paragraphe est partiellement respecté en Islande.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


L’Islande est un pays où il existe des différences extrêmes de densité de population entre les régions. Au 1er janvier 2019, la densité de population dans la ville-région de Reykjavík était de 218 personnes par km2 (228 000 habitants), suivie de la péninsule de Reykjanes avec 33 personnes par km2 (27 000 habitants), tandis qu’Eastfjords, avec 0,7 personne par km2 (10 700 habitants), et le Nord-Ouest, avec 0,6 personne par km2 (7 200 habitants), étaient les régions les moins densément peuplées. La ville-région de Reykjavík et la péninsule de Reykjanes ne comportent pas de grandes zones inhabitées, contrairement aux autres régions.

En 1993, le ministre des Collectivités locales a lancé un référendum local de grande ampleur sur la question des fusions, dans le but de réduire le nombre des communes, qui était alors de 200 environ, à 44. Les résultats ont été maigres, une seule fusion ayant été effectuée en conséquence directe du référendum. Une autre tentative effectuée en 2005 a eu des résultats similaires. Néanmoins, le nombre des communes a considérablement diminué depuis 1990.

Du fait de la décentralisation croissante, les collectivités locales islandaises sont aussi de plus en plus incitées à fonctionner à une échelle plus vaste. On peut considérer qu’il s’agit là d’une certaine forme de recentralisation par le bas, puisqu’il est attendu des collectivités locales que leur population augmente afin que l’organisation soit plus cohérente et systématique au niveau local. Par conséquent, les conflits entre les partisans de la manière traditionnelle de faire les choses et ceux qui prônent des approches plus « modernes » sont fréquents, prenant souvent la forme d’un débat basé sur les clivages entre les zones urbaines ou rurales ou entre la capitale et la périphérie.

La loi 138/2011 consacre son chapitre XII à la « fusion de communes », énonçant des règles détaillées sur la procédure de fusion. Son article 120, paragraphe 1, dispose qu’« une commune ne peut être fusionnée avec d’autres communes que si, lors d’un référendum, davantage de voix s’expriment en faveur de la fusion que contre elle ». Le deuxième paragraphe du même article dispose que les conseils municipaux des communes dont la population approuve un projet de fusion peuvent décider de fusionner ces communes, même si la proposition du comité mixte n’est pas approuvée par la majorité des électeurs de toutes les communes concernées.

L’Alþingi a adopté en 2020 une résolution parlementaire sur un plan stratégique relatif aux communes pour l’année 2019-2033 et un plan d’action pour les années 2019-2023. L’accent a été mis sur la politique gouvernementale visant à ce que chaque commune compte au moins 1 000 habitants. Depuis lors, l’Alþingi a décidé, par le biais de la loi n° 96/2021, d’ajouter à la loi sur les collectivités locales une disposition selon laquelle l’objectif politique serait que chaque commune compte au moins 1 000 habitants. Toute commune comptant moins d’habitants est tenue de soumettre au ministère, en deux étapes selon la taille de sa population, un avis sur la capacité de la commune à exercer les tâches qui lui sont confiées par la loi et sur les avantages d’une fusion avec d’autres communes. Lorsque l’autorité locale en question a reçu les observations du ministère sur son avis, elle est tenue de présenter ces observations à ses habitants et d’organiser deux débats au sein du conseil local sur l’opportunité ou non de chercher une fusion avec une ou plusieurs autres communes.

Lors de la visite de suivi, les rapporteurs se sont rendus dans la ville d’Arborg (11 850 habitants). En 1998, trois communes de la ville ont fusionné. Après des décennies de stagnation démographique, les autorités de la ville visent aujourd’hui à augmenter la population, et des logements sont offerts pour attirer de nouveaux habitants. Après la fusion, le plus grand défi était de « ne faire qu’un », ce qui reste encore à faire. Des secteurs importants comme l’économie de la pêche ont disparu et, par conséquent, de nombreuses personnes ont le sentiment d’avoir perdu leur identité en même temps que leur ancienne commune incluse dans une fusion. Il s’est avéré plus coûteux d’incorporer trois villes et de proposer des écoles et des services à une grande région. La nouvelle commune avait les coûts les plus élevés du pays. En ce qui concerne les procédures de consultation, la maire a noté que la consultation concernant les nouveaux projets de loi est trop courte, mais qu’elle se fait en ligne et qu’il est possible de la mettre sur leur plateforme. L’expérience a montré que l’avis des communes est pris en compte.

Par conséquent, compte tenu du cadre juridique et de la pratique, les rapporteurs concluent que l’article 5 est pleinement respecté en Islande.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


Selon le Commentaire contemporain, ce paragraphe indique que les collectivités locales doivent pouvoir définir librement leurs propres organisation et structures administratives internes. Ce pouvoir d’organiser leurs propres affaires fait partie de l’autonomie dont jouissent les collectivités locales. Toutefois, la latitude dont il est question, comme les autres éléments de l’autonomie locale, n’est pas absolue, mais doit respecter le cadre légal général de l’organisation gouvernementale. L’objectif de ce paragraphe est de sauvegarder l’autonomie locale en permettant aux collectivités locales de créer une structure et une organisation administratives internes leur permettant de répondre aux différents besoins des résidents et de fournir une gamme complète de services publics. Par conséquent, la législation interne sur les collectivités locales, si elle peut établir les lignes directrices fondamentales de l’organisation administrative interne des collectivités locales, doit néanmoins leur laisser une marge d’appréciation afin qu’elles puissent choisir et mettre en place leur propre structure organisationnelle.

Selon l’article 9 de la LCL, les conseils municipaux doivent élaborer une ordonnance spéciale sur la gouvernance et l’administration de la commune et sur les procédures applicables aux questions relevant de sa gestion. Cet instrument doit également définir les règles de fonctionnement des autorités municipales et de leurs organes. Des dispositions doivent aussi être prises dans l’ordonnance sur les procédures des réunions du conseil municipal et de ses commissions. D’importants aspects de l’organisation municipale, tels que les commissions, les conseils, les comités (y compris un comité exécutif à établir), ainsi que la désignation et les compétences du directeur exécutif, sont laissés à la discrétion du conseil municipal. Cette latitude explique la variété des modèles d’organisation administrative qui existe parmi les communes d’Islande.

Compte tenu de ces informations, les rapporteurs concluent que l’article 6, paragraphe 1, de la Charte est respecté en Islande.

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


Le recrutement de personnel est, selon le Commentaire contemporain, un aspect essentiel de l’administration et de l’autonomie des collectivités locales. Les collectivités locales doivent disposer des ressources humaines nécessaires pour accomplir leurs tâches, faute de quoi l’autorité locale ne serait qu’une structure gouvernementale vide et impuissante. Les collectivités locales sont censées être capables de définir et de mettre en oeuvre leur propre politique de ressources humaines afin d’attirer, de recruter, de former et de conserver un personnel administratif qualifié.

Fondamentalement, la capacité administrative est une question de gestion des ressources. Pour que les élus et les autres décideurs soient en mesure de faire des choix éclairés dans l’élaboration de leurs politiques, l’administration locale doit avoir la capacité de soutenir cette prise de décision. Il en découle une définition selon laquelle la capacité du secteur public réside essentiellement dans l’aptitude (« connaissance et expertise ») de l’appareil gouvernemental permanent à mettre en oeuvre des politiques (« compétence technique »), à assurer des services (« ressources en personnel et qualification des personnels administratifs de terrain ») et à fournir des conseils stratégiques aux décideurs (niveau de « professionnalisme »).

Une analyse antérieure du cas islandais a mis en évidence de nombreux problèmes souvent attribués à l’administration publique des petits États, tels que le manque d’expertise, le manque de personnel, le manque de formalisation et la faible capacité globale du système de l’administration locale, combinés à un niveau élevé d’influence politique sur les fonctionnaires municipaux et à des rumeurs largement répandues de clientélisme. L’analyse du cas islandais indique également que l’argument de la « masse critique » a une certaine incidence sur la situation dans le pays, du fait de la faible capacité du pouvoir central à fournir une expertise et une assistance aux autorités locales. À cet égard, le cas de l’Islande est un exemple d’un petit État qui a réussi à décentraliser des tâches au niveau local « en dépit, et non en raison de leur petite taille ». En outre, la taille disproportionnée de la capitale Reykjavík complique encore la situation, la capacité administrative de la capitale pouvant dans certains cas dépasser celle de l’administration centrale.

Aujourd’hui, les communes d’Islande ont le pouvoir et l’autonomie nécessaires pour un recrutement de qualité fondé sur le mérite et la compétence. Il n’existe pas de système centralisé de recrutement, au sens d’une fonction publique territoriale de portée nationale, sur le modèle français. L’article 56 de la LCL dispose que le conseil nomme les membres du personnel aux principaux postes de direction de la commune et qu’il peut mettre fin à leurs fonctions. Le recrutement des autres personnels est du ressort du directeur municipal, sauf si le conseil en décide autrement dans l’ordonnance sur la gouvernance de la commune ou au moyen d’instructions générales. D’après l’article 57 de la LCL, le statut, le salaire, les droits et les obligations des employés municipaux doivent être conformes aux dispositions des conventions collectives en vigueur à un moment donné et aux clauses de leur contrat de travail.

À l’exception de quelques très petites communes, où le recrutement de personnel hautement qualifié n’est généralement pas possible, les communes islandaises ont la possibilité d’offrir des conditions d’emploi adéquates à leur personnel et ce paragraphe est respecté en Islande.

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


Selon le rapport explicatif de la Charte, « cet article a pour objet de garantir que les représentants élus ne seront pas empêchés par l’action d’une tierce partie de s’acquitter de leur mission ». Le Commentaire contemporain souligne que ce premier paragraphe requiert que les collectivités locales fournissent à tous les élus les installations, l’équipement et le soutien technique nécessaires à l’exécution de leurs tâches. Cela doit se faire indépendamment de l’affiliation politique des élus. Par conséquent, il ne peut y avoir, de la part des autorités locales, de discrimination matérielle entre les différentes factions ou formations politiques siégeant au conseil.

L’article 25 de LCL énonce le principe de l’« indépendance des travaux » et souligne que les conseillers sont indépendants dans leurs activités. Ils ne sont liés que par la loi et par leurs convictions personnelles sur différentes questions. L’article 26 de la LCL garantit la liberté d’expression, le droit de présenter des propositions et le droit de vote. « Les conseillers ont le droit de s’exprimer lors des réunions du conseil, selon les modalités prévues par le règlement intérieur. Ils ont le droit de soumettre des propositions et ont le droit de voter lors des réunions du conseil. Les personnes habilitées à participer aux débats du conseil ont le droit de faire inscrire au procès-verbal de brefs commentaires sur leur position à l’égard de la question examinée. Si un conseiller municipal est en désaccord avec une décision du chef du conseil ayant trait au règlement intérieur, cette décision peut être contestée devant le conseil, qui statue sans débat préalable ». L’article 27 de LCL énonce le « droit de soulever des questions » et son article 28 prévoit un accès à l’information pour les conseillers. Enfin, l’article 29 dispose que le conseil doit se doter d’un code de conduite.

Le renouvellement des élus semble être un phénomène important. Une étude sur le départ volontaire à la retraite des conseillers islandais a mis un évidence une forte mobilité au sein des conseils locaux. Après les élections locales de 1990, quatre conseillers élus sur dix étaient en moyenne de nouvelles recrues, contre six sur dix après les élections locales de 2018. De plus, les femmes partent souvent plus rapidement que les hommes et le renouvellement augmente à mesure que la taille de la commune diminue. Il convient également de noter que les menaces contre les responsables politiques locaux ne sont pas rares en Islande. Lors de la visite de suivi, une maire a indiqué qu’elle avait été placée sous protection policière à la suite de telles menaces.

D’autre part, l’expérience politique au niveau local est souvent une passerelle vers la politique nationale. En 2016, on estimait qu’environ 40 % des parlementaires avaient précédemment été conseillers municipaux.

Le cadre juridique et la pratique semblent offrir les conditions requises par la Charte pour les élus locaux et la situation en Islande est donc conforme à ce paragraphe. Cependant, la vigilance vis-à-vis des menaces ou même des violences potentielles contre les responsables politiques locaux ne doit être négligée.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


Selon le Commentaire contemporain, les restrictions à l’exercice d’une fonction élective doivent être aussi limitées que possible et énoncées dans la législation interne. Elles doivent porter essentiellement sur les conflits d’intérêts potentiels ou sur une activité qui empêche l’élu local d’exercer ses fonctions pour la collectivité locale d’une manière professionnelle.

La loi sur les collectivités locales prévoit une interdiction de participer à l’examen de questions précises et aux décisions définitives les concernant (article 20). Dans de tels cas, un suppléant doit être convoqué pour l’examen de la question et la décision définitive. À la connaissance de la délégation, il n’existe pas de règles concernant l’interdiction d’exercer un mandat électif local.

D’après l’article 2 de la loi n° 112/2021, du 25 juin 2021, sur les élections, toute personne de nationalité islandaise ayant atteint l’âge de 18 ans au moment du scrutin et domiciliée dans la commune est habilitée à voter aux élections municipales. Cet article autorise aussi certaines personnes de nationalité étrangère à voter lors des élections municipales sous certaines conditions. L’article 6 dispose que toute personne habilitée à voter dans une commune en vertu de l’article 4, et jouissant de ses pleins droits civiques, est autorisée à se porter candidate à l’élection au conseil municipal. Si un conseiller municipal perd son droit d’éligibilité, il doit démissionner du conseil (loi 138/2011, article 30), et son siège échoit alors à son suppléant (article 31).

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d’élu local sont fixées par la loi (LCL) et les rapporteurs concluent que l’Islande satisfait aux exigences de ce paragraphe.

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


Il est largement reconnu que la complexité de la prise de décision au niveau des collectivités locales s’est accrue au cours des trois dernières décennies, ce qui a nécessité un niveau d’expertise plus élevé de la part des conseillers locaux. Cette évolution a créé une distinction croissante entre les conseillers ordinaires, souvent qualifiés de conseillers de second plan, et ceux qui occupent des postes de pouvoir. Une étude à ce sujet a également indiqué que les conseillers locaux islandais ont en général une charge de travail élevée. Cela est d’autant plus remarquable que le système islandais est fondamentalement un système non professionnel traditionnel. L’ajout des tâches de conseiller local à leurs horaires quotidiens leur impose des contraintes importantes. Le taux élevé de renouvellement en est une preuve supplémentaire : en moyenne, 60 % des conseillers municipaux accèdent à leur premier mandat à chaque élection locale. C’est pourquoi, depuis quelque temps, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer une augmentation de la rémunération des conseillers locaux, ou même pour faire de la fonction de conseiller une activité à plein temps. Cela semble indiquer que le travail des conseils locaux islandais est hautement managérial et demande beaucoup de temps, ce qui va à l’encontre du principe du non-professionnalisme selon lequel il s’agit d’une activité exercée sur le temps de loisirs et ouverte à tous les citoyens.

L’article 32 de la LCL définit les obligations des autorités locales en ce qui concerne la rémunération des conseillers pour leur travail. Si un conseiller doit parcourir une distance considérable entre son domicile et le lieu de réunion du conseil, celui-ci peut déterminer un paiement raisonnable pour les frais de déplacement et d’hébergement. De même, tout déplacement pour le compte de la commune, en vertu d’une décision du conseil, ouvre droit à un remboursement approprié des frais de déplacement et d’hébergement. L’article habilite également le conseil à établir des dispositions détaillées sur les droits des conseillers, y compris les fonds de pension, le congé parental et les indemnités de départ. Il est important de noter que les conseillers ne peuvent pas renoncer aux paiements qui leur sont alloués en vertu de cet article.

En outre, l’autorité locale est chargée de déterminer la rémunération appropriée des élus siégeant au sein des commissions et comités de la commune, conformément à l’évaluation et aux règles du conseil prévues à l’article 51 de la LCL. Le conseil peut également décider de rémunérer les personnes ayant le statut d’observateur auprès des commissions et comités de la commune.

Il convient de noter que le licenciement au motif d’une candidature ou d’une élection à un poste de conseiller municipal est interdit par la loi. Si un tel licenciement se produit, l’employeur doit prouver qu’il n’est pas lié à ces événements. Les conseillers ont le droit de s’absenter de leur travail pour assister aux réunions du conseil ou des commissions ou à tout autre événement connexe obligatoire. Toutefois, les employeurs peuvent refuser les demandes d’absence si la présence de l’employé est nécessaire en raison de circonstances particulières et justifiées.

Bien que le ministère des Infrastructures n’évalue pas la rémunération des autorités locales, il a conscience du large éventail de systèmes salariaux en vigueur dans les différentes communes. Les salaires sont variables : les élus des petites communes sont généralement payés pour chaque réunion, ceux des grandes communes reçoivent un montant mensuel fixe et un paiement supplémentaire par réunion, et seuls les élus du conseil urbain de Reykjavík travaillent à temps plein pour la commune. Une enquête sur les salaires moyens réalisée par l’Association islandaise des pouvoirs locaux en 2021 a indiqué une fourchette de 100 000 à 149 000 ISK par mois (700 à 1 000 EUR) pour les collectivités locales. Lors d’une enquête réalisée à la fin de l’année 2020, 43 % des personnes interrogées ont exprimé un mécontentement à l’égard des salaires au sein des collectivités locales.

En réponse au niveau élevé de renouvellement au sein des collectivités locales, le ministre des Infrastructures a nommé à l’automne 2021 un groupe de travail qui a présenté en septembre 2021 un rapport final contenant onze propositions destinées à améliorer les conditions de travail et les droits sociaux des élus. Une analyse des propositions du groupe de travail, incluant une réflexion sur l’augmentation du nombre des élus, la compensation de la perte de revenus et l’introduction d’allocations familiales, est menée dans le cadre de la révision de la loi sur les collectivités locales. Le ministre souhaite présenter un projet de loi révisée au parlement à l’automne 2024.

Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs concluent que l’article 7, paragraphe 2, est respecté en Islande.

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


Le Commentaire contemporain souligne que l’article 8 de la Charte porte sur le contrôle « administratif » des activités des collectivités locales. Le rapport explicatif circonscrit son champ d’application au contrôle exercé « par les autorités d’autres niveaux », c’est-à-dire par les autorités ou organes du pouvoir central (ministères sectoriels, ministère de l’Intérieur, etc.) ou les autorités régionales. Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, toute forme de contrôle administratif des autorités locales ne peut être exercée que si elle est explicitement établie par le droit, soit dans une loi, soit dans une disposition constitutionnelle. Tant le contrôle de la légalité que celui de l’opportunité devraient reposer sur une base législative ou constitutionnelle, ce qui exclut les procédures ad hoc.

Dans sa recommandation influente de 2019 aux États membres sur le contrôle des actes des collectivités locales, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a souligné certains principes et lignes directrices essentiels concernant le contrôle. Il distingue trois types de contrôles : administratif, financier et démocratique. L’article 8 de la Charte ne porte que sur le premier. L’existence du contrôle administratif se justifie par la nécessité de respecter « [les] principes de l’État de droit et [les] rôles attribués aux divers pouvoirs publics ainsi que [de protéger les] droits des citoyens et la bonne gestion des biens publics ».

En Islande, le contrôle des autorités locales est légalement établi et exercé de manière à la fois spécifique et générale. Le contrôle spécifique est effectué par diverses autorités, telles que des groupes chargés d’examiner des plaintes spécifiques ou des organes de réglementation et des ministères. Ces entités sont chargées de superviser des aspects particuliers de l’administration des collectivités locales, tels que les marchés publics, les questions environnementales, l’aménagement et la construction, la protection sociale, etc. Parmi les exemples d’organes de contrôle spécifiques, on peut citer notamment la Commission des plaintes en matière de marchés publics, le Comité de recours pour les questions relatives à l’environnement et aux ressources naturelles, le Comité de recours en matière de protection sociale, l’Autorité islandaise de la construction, l’Agence nationale de planification, l’Inspection de la qualité du travail social, l’Agence de la concurrence ou l’Autorité nationale de l’énergie.

S’il n’y a pas d’autorité désignée pour assurer le contrôle sur une question spécifique, le ministère des Infrastructures, qui est responsable des questions municipales, assure un contrôle administratif général des collectivités locales (à l’exclusion des questions relatives à l’emploi) conformément au chapitre XI de la LCL. Aux termes de son article 110, « avant de prendre une décision sur l’application de mesures en vertu du présent chapitre, le ministre donne au conseil la possibilité de présenter ses avis ». Dans ce même chapitre, l’article 111 réglemente la possibilité de contester auprès du ministère les décisions prises par les autorités locales concernant les droits et les devoirs des individus. Selon son paragraphe 2, « les instructions relatives aux plaintes, les délais et le traitement des plaintes » sont régis par les dispositions de la loi sur les procédures administratives.

Le ministère a également le pouvoir d’entreprendre un examen de l’administration d’une autorité locale en vertu de l’article 112 de la LCL. Dans ce cas, le ministère peut émettre des avis ou des recommandations, donner des directives pour modifier l’administration afin de se conformer aux exigences légales, annuler des décisions prises par les autorités locales « ou mettre la situation en conformité avec la loi » (paragraphe 2, alinéa 3). Si une collectivité locale ne se conforme pas aux directives du ministère, ce dernier peut imposer des astreintes ou suspendre les paiements du fonds de péréquation des autorités locales.

L’article 114 de la LCL habilite le ministère à « invalider partiellement ou totalement des décisions » lorsqu’il traite des affaires en vertu des articles 111 (recours administratif) et 112 (initiative du ministère). Le ministère ne peut toutefois pas prendre de nouvelles décisions au nom d’une commune (la substitution n’est pas autorisée), mais dans des « circonstances spéciales » il peut décider de « différer les effets juridiques d’une décision prise par la commune » (décider d’un effet suspensif) pendant le traitement du dossier.

Les cas et les procédures du contrôle administratif en Islande sont régis par le droit statutaire, principalement par la loi sur les collectivités locales (LCL). Les rapporteurs concluent que l’Islande respecte pleinement ce paragraphe de la Charte.

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.


Selon le rapport explicatif de la Charte, « le contrôle doit normalement se limiter à la question de la légalité des actes des collectivités locales et non de leur opportunité ». Une exception particulière, mais non la seule, est prévue dans le cas des fonctions déléguées où l’autorité à l’origine de la délégation peut souhaiter exercer un certain contrôle sur la manière dont la tâche est exécutée. Ce contrôle ne devrait pas, toutefois, avoir pour résultat d’empêcher la collectivité locale d’exercer un certain pouvoir d’adaptation tel que le prévoit l’article 4, paragraphe 5, pour les tâches déléguées (voir ci-dessous).

Comme le souligne le Commentaire contemporain, dans le cadre de contrôle de légalité, l’organe de contrôle peut vérifier par exemple si la collectivité locale a agi dans le cadre de ses compétences, si les normes ou exigences réglementaires de fond ont été respectées, si la compétence a été exercée conformément aux procédures légales et dans les délais applicables, etc. Dans le cadre d’un contrôle de légalité, l’organe de contrôle ne peut pas substituer son propre pouvoir d’appréciation à celui de la collectivité locale.

Les dispositions pertinentes du chapitre XI de la LCL portent principalement sur le contrôle de la légalité et excluent explicitement les mesures de substitution (article 114, paragraphe 1). Bien que les rapporteurs n’aient pas eu l’occasion d’établir si les cas de « contrôle spécifique » sont également soumis au contrôle de légalité, ils concluent, sous cette réserve, que l’Islande respecte ce paragraphe.

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.


L’article 8, paragraphe 3, énonce le principe de proportionnalité concernant le contrôle administratif des activités des collectivités locales par des organes de niveau supérieur. Selon ce principe, largement reconnu dans divers contextes juridiques, l’intervention de l’autorité de contrôle doit être proportionnée à l’importance des intérêts qu’elle vise à protéger. En 2019, le Comité des Ministres a recommandé que les gouvernements des États membres mettent en oeuvre des mesures appropriées pour établir un cadre juridique, institutionnel et réglementaire pour le contrôle des activités des collectivités locales qui soit proportionné, en droit et en pratique, à l’importance des intérêts qu’il vise à préserver.

L’article 110, paragraphe 2, de la LCL précise que « lorsque le ministre doit prendre des mesures en vertu de la présente loi en lien avec le suivi de l’administration des communes, il doit choisir les mesures qui sont les plus susceptibles d’atteindre les objectifs souhaités en tenant compte de l’autonomie municipale ». L’intégration du principe de proportionnalité dans le cadre juridique régissant le contrôle administratif, associée à l’absence de plaintes de représentants des autorités locales concernant des pratiques de contrôle excessives, conduit les rapporteurs à conclure que l’Islande respecte ce paragraphe.

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


Selon le Commentaire contemporain, la loi peut établir des conditions, procédures, critères, limites ou plafonds concernant les activités financières des collectivités locales mais dans tous les cas ces normes ne doivent pas dissuader les collectivités locales d’emprunter sur le marché national des capitaux ni rendre de tels emprunts extrêmement difficiles en pratique. Certaines restrictions imposées par les pouvoirs nationaux (ou régionaux) concernant les emprunts des collectivités locales visent à prévenir l’endettement de ces entités, à assurer leur viabilité financière et à assainir leur trésorerie. Les entités publiques peu endettées et disposant de revenus élevés ont une plus grande capacité à accomplir des tâches obligatoires, voire des tâches assumées à titre volontaire, tandis que les communes très endettées et disposant de faibles revenus sont moins viables à long terme.

En raison des investissements réalisés dans les années précédant la crise, de nombreuses communes ont dû faire face à une dette importante libellée en devises étrangères indexées sur l’inflation. Lors de l’effondrement de la króna en 2008, la dette locale a fortement augmenté, créant lourde charge financière pour les communes. Néanmoins, la politique budgétaire a permis de réaliser des progrès substantiels dans la réduction de la dette publique. En 2001, la loi sur les collectivités locales a réglementé l’endettement, plafonnant le total des dettes et des engagements des collectivités infranationales à 150 % des recettes totales (article 64 de la LCL). Les collectivités locales qui dépassent cette limite doivent ramener le taux d’endettement sous ce plafond dans un délai de dix ans. En 2020, les niveaux de dette locale étaient inférieurs à la moyenne de l’OCDE à la fois pour la part du PIB (27,9 %) et pour la dette publique (20,2 %). L’encours total de la dette se compose de la dette financière (65 %), des frais d’assurance (21 %) et d’autres comptes créditeurs (14 %). La dette financière comprend des emprunts qui en représentent 52,6 %. Le Municipality Credit Iceland (MCI), un fonds de prêt de capitaux détenu par les autorités locales, couvre 25 à 30 % des besoins de financement des communes islandaises.

Les collectivités locales ont accès au marché national (et international) des capitaux, dans les limites de la loi (le taux d’endettement d’une commune ne doit pas dépasser 150 % de ses revenus).

Les rapporteurs concluent que l’article 9, paragraphe 8, de la Charte est respecté en Islande.

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


Selon le rapport explicatif de la Charte, du point de vue de la liberté d’action des collectivités locales les subventions globales ou même celles par secteur sont préférables aux subventions affectées à des projets spécifiques. Il ne serait cependant pas réaliste de s’attendre à ce que toutes les subventions pour des projets spécifiques soient remplacées par des subventions générales, particulièrement lorsqu’il s’agit d’investissements importants et de projets financés par des niveaux de gouvernance plus élevés. Le Commentaire contemporain souligne que l’attribution de subventions spécifiques doit s’appuyer sur des critères objectifs et transparents justifiés par des besoins de dépenses. Une tendance à privilégier les subventions affectées à des projets spécifiques pourrait limiter le pouvoir discrétionnaire des collectivités locales.

Les autorités locales islandaises disposent de sources de revenus indépendantes, provenant principalement de l’impôt sur le revenu. En outre, les subventions réservées sont pratiquement inexistantes et les collectivités locales islandaises disposent d’un pouvoir discrétionnaire important sur leurs ressources financières. Bien qu’elles n’aient pas le pouvoir de lever des impôts, elles jouissent d’une autonomie budgétaire substantielle qu’elles doivent en partie à la nature inconditionnelle des ressources financières et des transferts.

Les rapporteurs concluent que la situation en Islande est conforme à l’article 9, paragraphe 7, de la Charte.

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


Selon le rapport explicatif de la Charte, lorsque les ressources redistribuées sont attribuées d’après des critères spécifiques définis par la loi, les exigences de ce paragraphe seront respectées si les collectivités locales sont consultées au moment de l’élaboration de la législation en question. Le Commentaire contemporain sur la Charte précise qu’au sens de l’article 9.6 la consultation n’est pas seulement une procédure obligatoire devant être menée en temps utile avant l’adoption d’une décision finale, et qu’elle doit porter non seulement sur la décision elle-même mais aussi sur la manière dont celle-ci est prise et sur les critères utilisés pour ce faire. Compte tenu des problèmes récurrents identifiés dans les rapports de suivi, le Congrès a appelé à une plus grande implication des collectivités locales ou de leurs représentants dans les questions financières, y compris l’estimation des coûts engendrés par toute nouvelle législation nationale devant être mise en oeuvre au niveau local.

Concernant la consultation spécifique en matière financière, un accord de coopération, signé le 2 avril 2008, est encore en vigueur entre le gouvernement central et les communes. Il promeut la compréhension mutuelle des problèmes et des besoins de chacune des parties en matière sociale et économique, et repose sur la nécessité d’établir une communication régulière entre les parties, de promouvoir une vision commune du développement, du statut et de l’avenir de l’administration locale et de coordonner, dans la mesure du possible, les politiques de l’État et des communes en matière de finances et d’opérations publiques, afin d’atteindre les objectifs économiques que le gouvernement et l’Alþingi déterminent à un moment donné. L’accord vise également à promouvoir la modération et la responsabilité dans les activités publiques et à favoriser un débat éclairé sur les questions relatives aux collectivités locales.

L’article 129 de la LCL prévoit une procédure formalisée pour l’évaluation des coûts. S’il est prévisible qu’une proposition de loi, une proposition d’instructions administratives ou toute autre décision politique formulée par les autorités de l’État aura un impact financier sur les communes, une évaluation spéciale de cet impact est effectuée. Les ministres concernés sont chargés de veiller à leur réalisation, après quoi l’évaluation doit immédiatement être soumise à l’Association des pouvoirs locaux pour commentaires. Une évaluation de l’impact financier sur les communes doit être réalisée avant l’élaboration d’un projet de loi par le gouvernement pour être soumis à l’Althingi ou avant une décision définitive de la part des autorités sur un projet d’instruction administrative ou d’autres actions. En cas de désaccord concernant les résultats de l’étude d’impact financier d’un projet de loi, une étude des coûts doit être jointe au projet de loi lorsqu’il est soumis à l’Althingi. Le ministère chargé des affaires locales établit chaque année une synthèse des évaluations de coûts, incluant les désaccords éventuels. Des discussions formelles concernant la synthèse et ses conclusions sont menées par le comité de consultation conformément à l’article 128 (voir supra les commentaires sur l’article 4.6).

D’après les informations fournies par les représentants de l’État lors de la mission de suivi, une commission temporaire composée de délégués des ministères des Infrastructures, des Finances et des Affaires économiques et de la Justice, ainsi que de l’Association des pouvoirs locaux, examine actuellement les règles relatives à l’évaluation des coûts de la législation concernant les communes. L’objectif est d’évaluer les coûts pour les communes le plus tôt possible dans le processus afin d’éviter le transfert inattendu de groupes de coûts de l’État vers les communes ou la création de nouveaux groupes de coûts pour les communes.

Compte tenu de ce qui précède et eu égard au fait que les différences de calcul des besoins et des coûts des services semblent constituer un problème majeur dans les relations entre les collectivités locales islandaises et le gouvernement central, les rapporteurs concluent que la consultation sur les questions financières n’est ni suffisante ni efficace et que le cadre institutionnel pertinent doit donc être considérablement amélioré, conformément aux principes et lignes directrices en matière de consultation adoptés par le Congrès et en tenant compte des bonnes pratiques en vigueur dans d’autres pays. Ce paragraphe est partiellement respecté en Islande.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


D’après la définition de l’OCDE, « la péréquation budgétaire est un transfert de ressources budgétaires entre les territoires destiné à compenser les différences en matière de capacité à lever des revenus ou concernant le coût des services publics ». Le Commentaire contemporain de la Charte souligne que la péréquation budgétaire est propre à chaque pays, puisqu’elle est déterminée par le contexte institutionnel général (tel que la taille, le nombre et la répartition géographique des collectivités locales) et par les responsabilités et les ressources budgétaires attribuées à chaque type d’autorité. Certains accords de péréquation impliquent une simple redistribution des ressources budgétaires tandis que d’autres aident les autorités centrales à définir et adapter étroitement la prestation des services publics au niveau local. La Charte utilise le terme « procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes » dans le but d’englober un ensemble d’institutions, de mécanismes et de dispositifs divers visant à corriger les effets d’une répartition inégale des financements.

En Islande, le Fonds de péréquation vise à égaliser les recettes fiscales des communes, afin que toutes soient en mesure de fournir des services. Le pouvoir central verse un montant annuel équivalent à 2,12 % de ses recettes fiscales totales et à 0,264 % de l’assiette de l’IRPP de l’année précédente. Les collectivités locales contribuent également à hauteur de 0,77 % de leur assiette de l’IRPP (affectés aux dépenses de l’école primaire) et de 0,95 % de l’assiette de l’IRPP (dépenses pour les personnes handicapées). Les revenus du Fonds sont répartis entre les communes selon une formule complexe qui tient compte des dépenses et des ressources municipales. Le Fonds est géré par le ministre avec l’aide d’un comité consultatif composé de sept membres.

Selon le ministère des Infrastructures, la situation financière des communes varie de très bonne à mauvaise. Les communes qui ont été confrontées à des difficultés financières ces dernières années l’ont toutes été après avoir connu une croissance démographique excessive. Il convient de noter que chaque collectivité locale peut agir sur sa croissance démographique, car elle est compétente sur les questions d’utilisation des sols, les permis de construire, etc. Les catastrophes naturelles constituent une autre source potentielle de difficultés financières. Bien que cela ne se soit pas concrétisé dans l’histoire moderne, cet aspect est préoccupant en cette période d’activité sismique dans la péninsule de Reykjanes.

Le projet de loi du ministre des Infrastructures sur une loi globale relative au Fonds de péréquation des autorités locales, proposant un nouveau système de péréquation, est actuellement devant l’Alþingi. Le projet de loi prévoit une réduction potentielle des contributions versées à certaines communes, et les collectivités locales concernées ont soumis des observations sur le projet de loi. Lors de la procédure de consultation, le ministère a indiqué que le ministre actuel des Infrastructures avait insisté sur la nécessité pour l’Althingi d’adopter le plus tôt possible le projet de loi sur une péréquation mieux ciblée du Fonds de péréquation municipal.

Selon les représentants des autorités locales, le Fonds de péréquation devrait soutenir les petites communes. À l’heure actuelle, il semble que la péréquation soit plutôt verticale. Les règles applicables devraient être rendues plus transparentes et davantage axées sur les besoins. L’accent ne devrait pas être mis sur la péréquation des effets de taille, mais sur l’aide aux communes pour proposer les services et la prise en compte de leurs besoins concrets (également en fonction du nombre de bénéficiaires, etc.). Selon le projet de loi sur la péréquation, une commune qui n’utilise pas tout le potentiel fiscal ne pourra bénéficier du fonds de péréquation. Reykjavik a utilisé tout son potentiel fiscal (la ville ne peut introduire de nouvelles taxes, par exemple une taxe de séjour, en raison de la Constitution), mais la ville a besoin de davantage en raison des besoins spécifiques des usagers des services de sa région. À ce jour, le Fonds de péréquation ne prend pas en compte des situations comme celle de Reykjavik. Dans d’autres cas, la péréquation est un frein aux fusions.

Compte tenu des insuffisances du système de péréquation actuel et du fait qu’un nouveau système n’a pas encore été introduit, les rapporteurs concluent que la situation en Islande est partiellement conforme à ce paragraphe de la Charte.

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


Le rapport explicatif de la Charte précise que « l’exercice d’un choix politique dans l’évaluation des avantages des services fournis par rapport au coût pour le contribuable local ou l’usager est un devoir fondamental des élus locaux. Il est reconnu que les législations centrales ou régionales peuvent fixer des limites globales aux pouvoirs des collectivités locales en matière fiscale ; elles ne doivent pas, toutefois, empêcher le fonctionnement effectif de la responsabilité politique au niveau local. »

Selon le Commentaire contemporain, le pouvoir de lever des impôts et des taxes au niveau local n’est pas seulement une source importante de financement pour les autorités locales, mais aussi une preuve directe de leur autonomie financière. Les autorités locales ont le droit de percevoir des revenus en fonction de la situation locale, y compris les conditions socio-démographiques et socio-économiques, et de faire des choix politiques qui influencent le comportement des résidents et des entreprises, favorisant ainsi le développement économique local. À la lumière de l’article 9.3, un impôt ne peut être qualifié de purement local que si la collectivité concernée a le pouvoir d’en fixer le taux dans les limites éventuellement fixées par la loi.

Les communes islandaises jouissent d’un degré d’autonomie important dans la détermination de leurs recettes fiscales indépendantes. Les collectivités locales sont libres de choisir le niveau de l’impôt sur le revenu et de l’impôt foncier, bien que dans certaines limites. Seules quelques communes appliquent le plus haut niveau autorisé pour les deux impôts, ce qui leur permet d’augmenter leurs revenus au-delà du niveau usuel. Il convient de noter que certaines communes, bien que de petite taille, sont prospères en raison de facteurs tels que le tourisme, des centrales énergétiques ou des usines. Depuis les années 1990, l’Islande s’aligne sur les pays scandinaves et s’éloigne du centralisme traditionnel. Environ 65 % des recettes municipales proviennent de sources fiscales propres, en particulier de l’impôt sur le revenu et de l’impôt foncier.

L’Islande est le pays de l’OCDE où la part des recettes fiscales au sein des recettes des collectivités territoriales est la plus élevée, la moyenne de l’OCDE s’établissant à 42,4 %. Logiquement, l’Islande affiche également le pourcentage le plus faible de transferts entre niveaux d’autorité publique (10,1 %, contre une moyenne de 41,2 % pour l’OCDE). Les droits et redevances représentent une part relativement faible des recettes des administrations infranationales par rapport à la moyenne de l’OCDE (13,3 %). Toutefois, les recettes infranationales, qui représentent 13,8 % du PIB et 32,9 % des recettes publiques, sont inférieures à la moyenne de l’OCDE (17,1 % et 36,6 %, respectivement).

Du fait que les communes d’Islande disposent d’une part très importante des recettes fiscales et qu’elles ont également le pouvoir de déterminer les taux d’imposition, les rapporteurs concluent que l’Islande respecte pleinement ce paragraphe.

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


L’article 9, paragraphe 2, souligne la nécessité d’un équilibre entre les recettes et les tâches obligatoires des collectivités locales afin de garantir qu’elles disposent de ressources financières suffisantes pour assumer les responsabilités qui leur sont assignées par la loi. Lorsque de nouvelles tâches sont déléguées ou transférées aux collectivités locales, elles doivent s’accompagner de sources de financement ou de revenus correspondantes pour couvrir les dépenses supplémentaires. Le Commentaire contemporain souligne l’importance d’un calcul précis des coûts de la prestation des services assumés par les collectivités locales lors du transfert de compétences et de tâches. Il est essentiel de vérifier et d’actualiser régulièrement les coûts des services locaux, car les coûts estimés initialement lors du transfert d’une fonction peuvent différer des dépenses réelles engagées pour la prestation et le développement des services.

Les représentants des communes ont souligné qu’au cours des trois dernières décennies les communes islandaises se sont vu confier dans la loi des responsabilités complexes et coûteuses qui étaient auparavant gérées par le pouvoir central, telles que l’administration des écoles primaires locales et la prestation de services aux personnes handicapées. Initialement, ces responsabilités ont été transférées sur la base d’hypothèses précises concernant leurs coûts, financées par une augmentation de la taxe d’habitation et des contributions provenant du Fonds de péréquation municipale. Malheureusement, les hypothèses initiales ou les estimations des coûts associés à ces tâches s’avèrent souvent mal calculées ou sous-estimées. Par conséquent, une fois le transfert des tâches achevé, des obligations supplémentaires liées à l’exécution des tâches ou à l’amélioration des droits des bénéficiaires des services sont introduites par la législation, sans estimation adéquate des coûts et sans accorder aux communes une compensation suffisante de l’extension du service.

En outre, l’attribution des responsabilités peut créer une incertitude et une confusion des domaines de compétence pour la prestation de services. En particulier, la répartition de certains services entre la collectivité locale et le gouvernement central peut entraîner des chevauchements de compétences. Un exemple notable est la difficulté de différencier l’aide aux personnes handicapées, qui est une mission des communes, et les soins de santé, qui relèvent de la responsabilité du pouvoir central. Cette différenciation devient complexe, en particulier, dans les cas où les personnes handicapées ont besoin d’un soutien médical continu, ce qui entraîne de fréquents chevauchements entre ces services. La complexité de ces distinctions était peut-être moins évidente lorsque les deux tâches étaient exclusivement gérées et financées par le pouvoir central.

Ces dernières années, le gouvernement central est allé de plus en plus vers une législation qui détaille les droits individuels à certains services d’un certain calibre ou d’une certaine quantité, plutôt que de laisser aux communes la liberté d’adapter les services dans le cadre de leur politique. Le pouvoir central a suivi cette voie sans évaluer correctement les effets de coût que ces améliorations auraient sur les finances des collectivités locales, bien que la loi l’y oblige. Il en est résulté des problèmes de financement de ces services, qui affectent la capacité d’autonomie des communes. Cette situation a entraîné des tensions dans la communication entre les niveaux d’autorité publique. Un exemple notable est la loi n° 38/2018 sur les services aux personnes handicapées, dont l’article 3 dispose expressément qu’une personne handicapée doit bénéficier d’au moins 15 heures de services sociaux par semaine. Cette obligation n’a pas été mentionnée lorsque la tâche a été transférée aux communes.

Du côté du ministère, les représentants ont souligné l’ajustement des recettes municipales provenant de l’impôt sur le revenu, qui en Islande est partagé entre l’État et les communes. Dans la plupart des cas, cette répartition a été ajustée, lors de la délégation de la prestation de services publics, pour refléter le transfert des groupes de coûts correspondants. Cette approche a été utilisée en 1996 lorsque l’enseignement élémentaire a été transféré aux communes, puis en 2011 lorsque les services aux personnes handicapées ont été transférés. Dans ce dernier cas, il est apparu que le financement était insuffisant, compte tenu de la demande croissante de qualité de service. En conséquence, le gouvernement central a réévalué le coût et transféré une part supplémentaire de l’impôt sur le revenu de l’État aux communes.

Lors de la procédure de consultation, le ministère des Infrastructures a également souligné que les fonds dont disposent les communes ont connu une augmentation notable ces dernières années, reconnaissant dans le même temps que dans certains cas les petites communes ont plus de difficultés financières que les plus grandes d’entre elles. Le ministère a souligné que l’objectif gouvernemental d’un minimum de 1 000 habitants vise à favoriser une amélioration des services et un fonctionnement plus efficient au sein des communes concernées. De plus, en lien avec les services aux personnes âgées, les collectivités locales ont été autorisées à accroître le taux des impôts locaux de 0,21 % en 2023 et ensuite de 0,23 % en 2024, ce qui selon le gouvernement a eu pour résultat d’améliorer la performance budgétaire des communes en 2023.

Actuellement, une commission temporaire, composée de délégués des ministères des Infrastructures, des Finances et des Affaires économiques et de la Justice, ainsi que de l’Association des pouvoirs locaux, examine les règles relatives à l’évaluation des coûts de la législation concernant les communes. L’objectif est d’évaluer les coûts pour les communes le plus tôt possible dans le processus afin d’éviter le transfert inattendu de groupes de coûts de l’État vers les communes ou la création de nouveaux groupes de coûts pour les communes. Cet examen vise aussi à garantir l’harmonie entre l’État et les collectivités locales lors du processus professionnel d’évaluation de l’impact des propositions législatives et autres politiques publiques, en particulier lorsque les coûts peuvent être supportés par les communes.

Lors de la procédure de consultation, le ministère a aussi souligné que la plus haute commission de consultation entre l’État et les collectivités locales (Jónsmessunefnd) avait été chargée d’examiner les sources de revenus des collectivités locales. De plus, le ministère des Finances prépare actuellement un projet de loi visant à supprimer l’exonération de la taxe foncière pour les structures de production d’énergie situées sur le territoire d’une commune. Dans le même temps, le ministère a souligné que seulement quelques communes tirent pleinement parti de leur capacité à lever la taxe foncière. Un autre objectif du projet de loi est de contribuer à la recherche d’un accord sur le mode de résolution des litiges lorsque différents niveaux d’administration ne peuvent pas s’entendre sur l’impact final d’une politique publique sur les finances des collectivités locales.

Les représentants des communes déplorent quant à eux que des problèmes de financement apparaissent toujours lors de transferts de tâches, comme c’est le cas pour l’immigration. Le gouvernement central améliore en permanence les normes des services, mais les communes sont chargées de les fournir sans recevoir de financement proportionnel, ce qui donne lieu à des discussions permanentes sur le calcul correct des coûts des services. Dans certains cas, les coûts augmentent pour des raisons externes et sociales, comme les coûts du tutorat en islandais dans les écoles élémentaires en raison de l’augmentation des migrations ou les coûts des soins aux personnes handicapées qui sont également âgées, reflétant les évolutions démographiques.

L’absence de financement proportionné accroît également la pression sur les communes pour qu’elles augmentent les taux d’imposition jusqu’à la limite maximale, ce qui n’est pas bénéfique pour l’économie locale et peut déclencher un cercle vicieux. Dans certains cas, les communes tentent des approches innovantes, telles que l’offre gratuite des six premières heures de garderie par jour et la facturation des heures supplémentaires de ce service, ce qui entraîne une diminution de la demande de services de garderie. En ce qui concerne le service de maternelle, un problème majeur tient au fait qu’il ne s’agit pas d’un service formellement obligatoire pour les communes et que l’État ne fournit pas de financement, bien que ce service réponde à une attente et une demande des citoyens et qu’il ait un impact bénéfique sur divers objectifs politiques de l’État, tels que l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail ou l’accroissement du taux de natalité dans une société vieillissante.

Compte tenu du fait que les interlocuteurs du niveau local affirment que certains services essentiels fournis par les communes ne bénéficient pas de ressources financières suffisantes, les rapporteurs encouragent vivement les autorités islandaises à poursuivre et intensifier leurs efforts visant à élaborer des définitions des services (ainsi que des demandes d’indemnisation correspondantes des usagers) et des méthodes de calcul des coûts qui soient acceptées par toutes les parties. Cette étape est cruciale pour garantir que le financement correspond bien aux services fournis.

En outre, les rapporteurs souhaitent mettre l’accent sur la situation concernant le service de l’école. Bien qu’il ne s’agisse pas formellement d’une tâche obligatoire pour les communes, ce service en réalité indispensable pour les sociétés locales modernes et devrait donc recevoir un financement proportionné.

Les rapporteurs concluent que la situation actuelle ne répond pas aux exigences de l’article 9, paragraphe 2.

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.


Le rapport explicatif de la Charte souligne que l’autorité en droit d’exercer certaines fonctions est dépourvue de sens si les collectivités locales sont privées des moyens financiers de remplir ces fonctions. Le paragraphe 1 vise à garantir que les collectivités locales ne soient pas privées de leur liberté de fixer les priorités en matière de dépenses. Selon le Commentaire contemporain de la Charte, il établit au début de l’article 9 deux principes de base dans le domaine des finances : premièrement, les collectivités locales doivent disposer de ressources financières propres suffisantes ; deuxièmement, elles doivent pouvoir décider librement de la manière dont elles dépensent ces ressources.

Cette disposition relative aux ressources « suffisantes » est étroitement liée au paragraphe suivant (principe de proportionnalité des finances locales) et au paragraphe 4 (qui requiert que les finances locales soient diversifiées et évolutives). L’expression « ressources propres suffisantes » implique l’obligation de garantir la proportionnalité entre les fonctions obligatoires des collectivités locales et les ressources financières dont elles disposent. Le droit à des ressources « suffisantes » n’est pas absolu, dans la mesure où il doit s’exercer « dans le cadre de la politique économique nationale ».

Le second principe est celui de la liberté des collectivités locales de disposer (au minimum) de leurs « ressources propres » dans le cadre de leurs compétences. En conséquence, l’article 9.1 consacre à la fois un droit (celui d’avoir des ressources propres) et une liberté (celle d’en disposer librement). Cette liberté prend la forme de diverses décisions concernant les dépenses, la plus importante étant l’adoption d’un budget annuel. Cette liberté n’est pas illimitée, puisqu’elle est soumise à des restrictions découlant des politiques nationales pertinentes, des principes comptables et des contrôles appliqués aux dépenses publiques. Les collectivités locales sont également soumises à un contrôle financier. En outre, certaines communes sont contraintes de se limiter à l’accomplissement des tâches obligatoires du fait d’une marge de manoeuvre financière insuffisante pour leurs propres initiatives et préférences en matière de dépenses. Le rôle de ces communes se limite alors souvent à celui d’un organe de prestation des services pour le pouvoir central.

L’article 77 de la Constitution islandaise dispose que « les questions relatives aux impôts sont réglées par la loi. Le pouvoir de décision pour lever un impôt, le modifier ou l’abolir ne peut être confié à un organe administratif ». L’article 78, paragraphe 2, de la Constitution dispose que « les sources de revenu des communes, et leur droit de décider de la manière dont elles souhaitent utiliser leurs sources de revenu, sont réglés par la loi ». Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, alinéa 5, de la LCL, « les communes doivent disposer de bases de revenus indépendantes et d’une autodétermination en ce qui concerne les barèmes de prix qu’elles sont autorisées à établir ». Les dispositions pertinentes figurent dans la loi sur les finances des collectivités locales (loi n° 4 de 1995).

Les communes islandaises disposent d’un degré considérable d’autonomie financière ; néanmoins, la petite taille de bon nombre d’entre elles limite leurs capacités en matière de dépenses et de recettes. Dans les grandes communes, comme la capitale Reykjavik (voir la partie 2.2. ci-dessus), la demande de services spécifiques est particulièrement élevée, ce qui entraîne une augmentation des coûts associés. La part des dépenses locales dans le PIB et les dépenses publiques totales de l’Islande est en augmentation depuis 40 ans (avec quelques interruptions de courte durée, Figure 2), mais elle reste inférieure à la moyenne de l’OCDE, qui était de 14,7 % du PIB et de 28,3 % des dépenses publiques en 2020.

Les collectivités locales islandaises sont l’un des plus grands employeurs du pays. La part des dépenses de personnel dans les dépenses des administrations infranationales est supérieure à la moyenne de l’OCDE (34,4 %) et les dépenses de personnel des administrations infranationales dans les dépenses de personnels administratifs sont inférieures à la moyenne de l’OCDE (61,2 %) et inférieures également à la moyenne des pays unitaires de l’OCDE (41,4 %). Les coûts administratifs tendent à peser davantage sur les petites communes du fait de leur prévalence. Au total, les dépenses courantes représentaient environ 89,1 % des dépenses des administrations infranationales en 2020.

Les rapporteurs concluent que la situation financière des communes et leur pouvoir discrétionnaire en matière de dépenses sont relativement asymétriques, en raison des écarts importants entre les communes en termes de capacité budgétaire. En particulier, les petites communes sont confrontées à des restrictions considérables du point de vue de leur autonomie financière effective. Par conséquent, ce paragraphe est partiellement respecté en Islande.


 

 

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


Selon le Commentaire contemporain, le principe de la diversification des sources de revenus est crucial pour permettre aux collectivités locales de conserver leur autonomie en période de fluctuations économiques. Dans le même temps, les sources de revenus doivent être diversifiées pour assurer la résilience des collectivités locales face aux facteurs économiques extérieurs. La diversification des sources de revenus constitue un aspect clé de l’autonomie financière et reflète une capacité à générer ou moduler les recettes. De cette façon, même si les différentes sources de revenus locales peuvent être déterminées par la politique économique nationale, les communes jouissent d’une certaine marge de manoeuvre pour compenser les difficultés économiques liées à une source spécifique. Le deuxième principe introduit par ce paragraphe est celui du caractère « évolutif » des ressources, ce qui signifie que les finances locales doivent pouvoir s’adapter à de nouvelles circonstances, à de nouveaux besoins et à de nouveaux scénarios macroéconomiques, et être suffisantes pour couvrir la prestation des services.

L’Association considère que les sources de revenus des communes ne sont pas suffisantes ni assez diversifiées pour assumer les tâches qui leur sont assignées par la loi.

Pour ce qui concerne le diversité, les rapporteurs notent qu’il n’existe pas, en Islande, de dispositif de partage de l’impôt et que toutes les recettes fiscales des communes sont générées par des sources fiscales propres. La principale source de revenus est l’impôt municipal sur le revenu des personnes physiques (IRPP), qui représentait 80,4 % des recettes fiscales municipales en 2020, soit 62,6 % des recettes municipales totales et 8,6 % du PIB. L’IRPP municipal, prélevé à la fois par les administrations centrales et locales, représente un pourcentage fixe du revenu imposable total, les taux variant légèrement d’une commune à l’autre. L’impôt municipal sur le revenu retenu à la source est de 14,45 %, mais le taux d’imposition final varie de 12,44 % à 14,52 %, selon les communes (article 23 de la loi 4/1995).

La deuxième source majeure de recettes fiscales locales est l’impôt foncier sur les bâtiments résidentiels et commerciaux, qui représentait 19,6 % des recettes fiscales des administrations infranationales et 15,3 % du total des recettes des administrations infranationales en 2020. Les taux de l’impôt foncier varient (jusqu’à 1,65 %) en fonction de la commune et du type de propriété (article 3 de la loi 4/1995). Le taux de l’impôt foncier municipal pour les logements résidentiels (taxe A) est plafonné à 0,5 % par le gouvernement central, et à 1,32 % pour les locaux commerciaux (taxe C). Les collectivités locales peuvent lever un impôt spécial A et C de 25 %. Les bâtiments publics tels que les écoles et les hôpitaux paient un taux de 1,32 % pour la taxe foncière (taxe B). Au total, l’impôt foncier s’élevait à 1,7 % du PIB, dépassant la moyenne de l’OCDE (1,0 % en 2020). En outre, il existe plusieurs petites taxes sur les biens et les services, qui représentent 2 % des recettes fiscales des administrations infranationales.

Les autorités locales ont toute latitude pour fixer les redevances et droits locaux sur les services publics d’eau, d’électricité et de chauffage. Elles perçoivent également des recettes provenant des redevances pour l’évacuation des eaux usées, des loyers, des droits de licence et d’une taxe de stationnement en dehors des zones urbaines nouvellement introduite. Toutefois, la part des droits et redevances des usagers est inférieure à la moyenne de l’OCDE. Les revenus de la propriété, y compris les loyers, les ventes d’actifs et les revenus des entreprises publiques locales (dividendes), représentent 3,5 % des recettes des administrations infranationales.

Les transferts proviennent principalement du Fonds de péréquation municipal, créé en 1937 et régi par la loi 4 de 1995. En 2020, le montant total des différentes subventions ne représentait que 10,1 % des recettes municipales ; 88,8 % des subventions étaient destinées aux dépenses de fonctionnement et 11,2 %, aux dépenses d’investissement. Les discussions à ce sujet ont porté sur la réforme du système de péréquation destinée à encourager les fusions et la coopération intercommunale pour une plus grande efficacité des politiques.

Les rapporteurs concluent par conséquent que les ressources des communes sont suffisamment diversifiées et évolutives et que la situation en Islande est conforme à l’article 9, paragraphe 4, de la Charte.

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


Selon le Commentaire contemporain, la coopération locale est une autre expression de l’autonomie locale, car il s’agit de l’un des nombreux moyens que les collectivités locales peuvent choisir pour surmonter leur manque de ressources ou leur petite taille. La décision de coopérer ou non, ou bien d’élaborer une stratégie distincte, est donc l’expression de l’autonomie fonctionnelle de ces collectivités. La coopération locale peut revêtir différentes formes allant de l’assistance mutuelle « de facto » ou de simples accords bilatéraux à la création d’organisations administratives communes et distinctes. Bien que la Charte mentionne uniquement l’« association », le droit spécifique de créer des structures institutionnelles communes, distinctes des collectivités locales qui les composent, peut prendre des formes diverses telles que la création de fondations et d’entreprises de droit privé, ou d’organismes de droit public tels que des agences, des groupements, des unions de fédérations ou des coopératives.

Les dispositions juridiques relatives à la coopération intercommunale sont énoncées au chapitre IX de la LCL et l’on peut dire que leur coopération peut se faire de trois manières :
1. Coopération ne comportant pas de délégation de pouvoirs pour la prise de décisions administratives. Il s’agit d’un contrat entre autorités locales qui n’est soumis à aucune condition de forme.

2. Coopération prévue ou autorisée par d’autres lois. Il existe des exemples où les autorités locales créent des sociétés, telles que des sociétés à responsabilité limitée ou des partenariats, pour effectuer des tâches spécifiques comme l’exploitation d’un port ou la distribution d’eau.
3. Coopération impliquant la délégation de pouvoirs pour la prise de décisions administratives affectant les droits et les devoirs des personnes. Cela peut notamment se produire dans le cadre de partenariats régionaux ou lorsqu’une autorité locale assume les tâches d’une autre. Des règles de forme strictes, prévues par la loi sur les collectivités locales, s’appliquent à ce type de coopération, qui doit être validée par le ministère compétent pour entrer en vigueur.

Le ministère a mené une enquête spéciale sur la coopération entre les collectivités locales en 2018-2020 et examiné quelque 200 contrats entre collectivités locales. L’enquête a révélé diverses lacunes dans les contrats entre les autorités locales et recensé des contrats qui n’avaient pas été mis à jour de manière adéquate. Depuis lors, le ministère travaille avec les collectivités locales à la mise à jour des contrats de coopération afin de les rendre conformes à la loi. La révision de la loi sur les collectivités locales est en cours, avec un accent particulier sur le chapitre relatif à la coopération. Dans le cadre de ces travaux, une attention accrue est accordée aux règles formelles applicables aux contrats de coopération des collectivités locales. Le ministère des Infrastructures n’a pas de rôle général dans la coordination des tâches, mais d’autres ministères peuvent jouer un tel rôle dans leurs domaines de compétence.

Le partage de tâches entre les communes porte principalement sur des projets menés dans le domaine du bien-être et de l’éducation. Cependant, il existe également, dans la région de la capitale, de grandes organisations de coopération municipale qui gèrent les transports publics et le traitement des déchets. D’après les informations fournies par l’Association des communes, la coopération intercommunale poursuit le plus souvent un but unique, avec de nombreux projets qui se chevauchent sur le plan territorial. La responsabilité politique des décisions et de l’exécution de ces programmes pâtit du fait que les électeurs ne savent pas clairement qui est responsable de tel ou tel domaine. En Islande, environ la moitié des communes ont moins de 1 000 habitants et bénéficient de la coopération intercommunale, ce qui est positif.

Compte tenu des possibilités offertes par le cadre juridique de la coopération intercommunale et de la pratique en la matière, les rapporteurs concluent que l’Islande respecte l’article 10, paragraphe 1.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


Selon le Commentaire contemporain, la Charte est plus catégorique sur ce point qu’elle ne l’est sur d’autres : ces droits « doivent être reconnus dans chaque État » (ayant ratifié la Charte et n’ayant pas formulé de réserve concernant ce paragraphe). Cette formulation n’est utilisée dans aucune disposition de la Charte, ce qui renforce le caractère directement exécutoire de ce paragraphe. La reconnaissance de ces droits dans une Partie donnée revêt généralement la forme d’une modification de la législation générale relative aux collectivités locales. Bien que la Charte mentionne uniquement le droit « d’appartenir » ou « d’adhérer » à une association (déjà existante), il est clair que ce paragraphe reconnaît également, de manière implicite, le droit connexe de créer une telle association. Dans le cas contraire, la possibilité même de créer de telles associations serait gravement compromise.

L’Association islandaise des pouvoirs locaux, créée en 1945, joue un rôle crucial dans la représentation des communes d’Islande en vertu de la LCL (article 98), qui dispose que « l’Association islandaise des pouvoirs locaux représente l’ensemble des communes d’Islande ». L’association défend leurs intérêts dans les négociations avec le gouvernement, tant au niveau national qu’international. Elle formule des politiques unifiées sur diverses questions et entretient une étroite collaboration avec le gouvernement et l’Alþingi. Un accord de coopération spécial existe entre l’Association et le gouvernement, contenant des dispositions formelles sur leurs relations. L’article 98.3 prévoit que le gouvernement central consulte l’Association lorsqu’il émet des directives administratives générales sur la base de la LCL. Tandis que toutes les communes ont la possibilité d’être membres de l’Association des pouvoirs locaux d’Islande, leur participation active à ses activités est facultative.

Les rapporteurs concluent que ce paragraphe est pleinement respecté en Islande.

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


Comme le souligne le Commentaire contemporain, bien que la coopération transfrontalière soit décrite comme un droit des collectivités locales, ce droit peut être assorti de deux conditions spécifiques. La première est que la législation interne sur les collectivités locales peut établir des mesures, des procédures ou des exigences concernant l’exercice de ce droit (comme l’obligation de signaler tout projet de coopération avec des organes locaux étrangers). Cette exigence peut être considérée comme légitime, à moins qu’elle n’entrave sérieusement la possibilité d’une coopération transfrontalière fructueuse. La deuxième condition vise les cas où cette activité locale pourrait éventuellement se superposer ou entrer en conflit avec la conduite des affaires étrangères, laquelle relève de la responsabilité du gouvernement central. En pareilles circonstances, l’exercice des compétences de l’État ne doit pas se traduire par une restriction arbitraire de ce droit des collectivités locales ; en outre, des mécanismes de dialogue et de négociation doivent alors être mis en place pour résoudre toute divergence éventuelle.

Comme indiqué dans l’introduction du présent rapport, l’Islande a signé, mais n’a pas encore ratifié : la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 106), le Protocole additionnel à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 159), le Protocole n° 2 à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif à la coopération interterritoriale (STE n° 169) et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du 5 novembre 1992 (STE n° 148). L’Islande n’a pas signé le Protocole n° 3 à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif aux Groupements eurorégionaux de coopération (GEC) (STCE n° 206).
Néanmoins, l’Association des pouvoirs locaux de l’Islande est légalement habilitée et active dans la coopération internationale (par exemple dans le cadre de l’EEE), et les rapporteurs concluent donc que ce paragraphe est respecté en Islande.

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


Aux termes de l’article 70 de la Constitution islandaise (qui correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme), toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui se prononcera sur ses droits et obligations. L’article 70 ne mentionne pas spécialement les communes, mais il n’y a pas de débat sur leur droit plein et entier d’avoir accès aux tribunaux islandais, et les communes, en tant que personnes morales, ont de fait accès aux tribunaux islandais en vertu de la loi n° 91/1991 sur les procédures civiles. En outre, l’article 117 de la LCL énonce le droit des communes de faire appel des décisions prises par les autorités centrales de l’État dans l’exercice du contrôle administratif ou financier et de saisir les tribunaux conformément aux règles générales.

Par ailleurs, dans les procédures judiciaires concernant leurs droits ou obligations, les communes peuvent contester la validité d’une législation qu’elles estiment contraire à l’autonomie qui leur est garantie par les dispositions de l’article 78 de la Constitution. Selon les règles établies par la Constitution, il appartient aux tribunaux d’évaluer si une loi viole la Constitution, et les tribunaux peuvent annuler les dispositions concrètes de la loi qui constituent une telle violation. Comme beaucoup de démocraties parlementaires anciennes, l’Islande applique le modèle diffus de contrôle juridictionnel de la législation ; les communes – comme toute autre personne ou entité – peuvent contester directement la constitutionnalité d’une loi devant les tribunaux.

D’après les informations fournies par la Cour suprême, plusieurs affaires ont porté sur l’indépendance des communes et sur la manière dont cette indépendance est interprétée au regard de l’article 78 de la Constitution. La Charte n’a pas été citée directement par les tribunaux ; cependant, les tribunaux prennent en compte la Charte, au même titre que d’autres obligations juridiques internationales pouvant avoir une incidence sur la résolution d’une affaire.

Par exemple, dans son arrêt du 25 octobre 2018 dans l’affaire n° 106/2017 (Arnar Helgi Lárusson et al c. Reykjanesbær), la Cour suprême a noté que la commune de Reykjanesbær avait rempli une obligation, prévue par la loi sur les questions relatives aux personnes handicapées, de concevoir une stratégie pour améliorer l’accès aux bâtiments publics et que la stratégie avait été mise en oeuvre. La responsabilité des questions relatives aux personnes handicapées a été transférée de l’État aux communes en 2010. En vertu de l’article 78 de la Constitution, les communes jouissent d’une autonomie dans les domaines qui leur sont confiés par la loi, ainsi que dans l’utilisation de leurs fonds. Les communes étaient donc les seules entités compétentes pour prendre une décision sur les types d’améliorations de l’accessibilité demandées par les plaignants et elles disposaient d’une large marge d’appréciation pour définir les priorités dans l’affectation des fonds mis à leur disposition pour réaliser leur objectif d’amélioration de l’accès.

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt le 31 mai 2022 dans l’affaire Arnar Helgi Larusson c. Islande, requête n° 23077/19, concluant que le requérant n’avait pas fait l’objet d’une discrimination dans l’exercice de son droit au respect de la vie privée. La Cour a noté les mesures considérables prises par l’État islandais et Reykjanesbær pour évaluer les besoins d’accessibilité des bâtiments publics et pour y répondre, eu égard aux contraintes budgétaires et à la protection du patrimoine culturel.

Dans un autre arrêt rendu le 14 mai 2019 dans l’affaire n° 34/2018 (Grímsnes- og Grafningshreppur contre l’État islandais), la Cour suprême a souligné que l’article 78, paragraphe 2, de la Constitution avait pour objet de placer les décisions relatives aux sources de revenus des communes entre les mains du législateur et non du pouvoir exécutif. Elle a estimé qu’il était contraire à la Constitution que le ministre décide de l’annulation de contributions et détermine le niveau de revenus qui serait considéré comme significativement supérieur à la moyenne nationale.

Compte tenu du contrôle juridictionnel de la constitutionnalité, du plein accès des communes aux tribunaux et de la jurisprudence pertinente, les rapporteurs considèrent que l’article 11 est respecté en Islande.

Article 12.1
Engagements - Non ratifié

Toute Partie s'engage à se considérer comme liée par vingt au moins des paragraphes de la partie I de la Charte dont au moins dix sont choisis parmi les paragraphes suivants:

 

– article 2,

– article 3, paragraphes 1 et 2,

– article 4, paragraphes 1, 2 et 4,

– article 5,

– article 7, paragraphe 1,

– article 8, paragraphe 2,

– article 9, paragraphes 1, 2 et 3,

– article 10, paragraphe 1,

– article 11.


195. L’Islande a ratifié la Charte sans aucune réserve.
Article 12.2
Engagements - Non ratifié

Chaque Etat contractant, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, notifie au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe les paragraphes choisis conformément à la disposition du paragraphe 1 du présent article.


195. L’Islande a ratifié la Charte sans aucune réserve.
Article 12.3
Engagements - Non ratifié

Toute Partie peut, à tout moment ultérieur, notifier au Secrétaire Général qu'elle se considère comme liée par tout autre paragraphe de la présente Charte, qu'elle n'avait pas encore accepté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article. Ces engagements ultérieurs seront réputés partie intégrante de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la Partie faisant la notification et porteront les mêmes effets dès le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.


195. L’Islande a ratifié la Charte sans aucune réserve.

ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

En cohérence avec une longue tradition d’autonomie locale, profondément ancrée dans l’histoire de l’Islande, le principe de l’autonomie locale est inclus dans le chapitre VII – sur les droits et libertés – de la Constitution islandaise, promulguée au moment même de l’indépendance vis-à-vis du Danemark, en 1944.



30Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
3 Articles non ratifiés
24Disposition(s) conforme(s)
3Articles partiellement conformes
0Article non conforme