Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.
La Charte souligne que la part des affaires publiques gérée par les collectivités locales doit être « importante » et non résiduelle. En d’autres termes, les collectivités locales ne devraient pas être cantonnées à des tâches secondaires et à des missions de routine, mais exercer un éventail de responsabilités suffisant leur permettant d’élaborer et de mettre en oeuvre des politiques publiques locales véritables et pertinentes au profit de la population locale (dans des domaines tels que la protection de l’environnement, la culture et l’éducation, les infrastructures de base, le développement urbain, le logement, la gestion des transports, etc.).
Dans les faits, cependant, les questions considérées comme relevant du domaine naturel ou intrinsèque des collectivités locales varient considérablement selon les traditions des États parties à la Charte. Il est admis que les États peuvent souhaiter réserver certaines fonctions (telles que la police ou l’enseignement supérieur) au gouvernement central. Ainsi, la Charte accorde une certaine marge d’appréciation aux États pour fixer « le cadre de la loi » et identifier le domaine d’action des collectivités locales.
Le Commentaire contemporain de la Charte souligne que le droit légal à l’autonomie locale est néanmoins pleinement protégé par la Charte (article 11). Les collectivités locales doivent aussi être en mesure d’exercer effectivement ce droit légal à l’autonomie par les moyens institutionnels et réglementaires appropriés prévus dans d’autres articles de la Charte (article 9 : Ressources financières adéquates ; article 6 : Ressources organisationnelles et humaines, etc.).
Contrairement aux autres pays nordiques, où la décentralisation des tâches au niveau local a commencé dès les années 1960, le système islandais était encore fortement centralisé au début des années 1990. Les diverses municipalités avaient évolué de manière divergente, et comme elles n’étaient pas en charge des principales responsabilités sociales telles que l’enseignement primaire, beaucoup avaient adopté des pratiques entrepreneuriales, investissant massivement dans les entreprises locales ou menant des projets volontaires tels que des équipements de loisirs et des services d’accueil préscolaire. Toutefois, cela a également entraîné une disparité importante dans les niveaux de service entre les communes rurales et urbaines. Dans une commune rurale moyenne, au début des années 1990, il n’y avait pas de gestion des déchets, de services préscolaires ou d’installations sportives ; les services offerts aux personnes âgées étaient minimes, voire inexistants, et l’approvisionnement en eau (chaude ou froide) n’était pas organisé de manière centralisée. Pour l’essentiel, chaque commune rurale/ferme fonctionnait de manière indépendante et le maire local assurait la comptabilité et une gestion quotidienne limitée de la commune. À l’inverse, les grandes agglomérations urbaines disposaient déjà de services municipaux ayant des horaires d’ouverture structurés, d’une gestion professionnelle, d’installations de loisirs, d’un approvisionnement en eau organisé, d’une gestion des déchets et d’autres services. Ainsi, les agglomérations urbaines avaient mis en place des structures administratives de base dotées de bureaux et d’heures d’ouverture, tandis que les collectivités rurales ne disposaient que rarement de telles installations.
Au début des années 1990, le gouvernement central a entrepris la décentralisation des tâches sociales. Le processus a commencé avec les services sociaux, tels que l’aide économique en 1991, puis l’enseignement primaire en 1996. Parallèlement, l’aménagement municipal obligatoire et l’aménagement local ont été mis en oeuvre pour tous les terrains ruraux et urbains. La plus haute autorité en matière d’aménagement a été décentralisée au niveau local, obligeant les autorités locales à créer des plans municipaux. Auparavant, les terres agricoles et les terres inhabitées des régions montagneuses étaient exemptées de la réglementation en matière d’aménagement et de construction.
Le dernier transfert important a eu lieu en 2011, lorsque la responsabilité des services aux personnes handicapées a été transférée au niveau local. Contrairement aux autres pays nordiques, les collectivités locales islandaises ne sont pas responsables des soins de santé primaires. Néanmoins, elles assurent diverses tâches, quoique sans obligation légale, telles que la création d’infrastructures de loisirs. Au cours des 30 dernières années, les responsabilités des collectivités locales islandaises ont connu des changements sans précédent. Elles sont devenues des acteurs majeurs de l’offre des services sociaux et du bien-être général des citoyens, représentant environ 13 à 14 % du PIB et employant environ 12 % de la main-d’oeuvre islandaise. Il ne fait aucun doute que les communes islandaises gèrent aujourd’hui une part importante des affaires publiques.
Dans le domaine de l’éducation préscolaire, les communes sont responsables des services de maternelle. La législation, en particulier la loi n° 90/2008, n’oblige pas explicitement les communes à fournir ce service, qui en théorie demeure facultatif. Dans la pratique, cependant, il est socialement inacceptable qu’une commune n’offre pas ce service. Environ 90 % des enfants islandais sont inscrits dans des écoles maternelles municipales. Il s’agit probablement du principal facteur contribuant au pourcentage exceptionnellement élevé (79 %) de femmes islandaises présentes sur le marché du travail et il a aussi potentiellement une incidence sur le taux de natalité élevé (1,95 enfant) par rapport à l’Europe continentale. Traditionnellement, les services étaient destinés aux enfants âgés de 2 à 5 ans, mais depuis peu les jardins d’enfants accueillent de plus en plus d’enfants plus jeunes, même en dessous de l’âge d’un an. Les organismes privés ou les ONG doivent obtenir l’autorisation des autorités locales pour offrir ces services, et des institutions municipales sont chargées de les superviser. Le service est financé par une combinaison de contributions des communes et des parents.
Les communes assument l’entière responsabilité de l’enseignement primaire pour les enfants de 6 à 15 ans, comme le prévoit la loi sur l’enseignement primaire (n° 91/2008 § 5). Cette responsabilité inclut la construction et l’entretien des bâtiments scolaires, ainsi que le recrutement et la rémunération des enseignants. Bien que l’enseignement secondaire relève de la compétence de l’État, les communes ont le droit de nommer des membres du conseil d’administration de ces établissements.
En ce qui concerne la protection de l’enfance, la loi pertinente (Barnaverndarlög 80/2002) charge les communes de garantir la disponibilité et l’organisation des services de première ligne, y compris leur personnel et leurs installations. Toutefois, les institutions de placement permanent/de garde relèvent de la responsabilité de l’État.
La loi sur les questions relatives aux personnes âgées (Lög um málefni aldraðra 125/1999) dispose que les communes sont responsables de l’aide à domicile et de l’organisation de rencontres sociales pour les personnes âgées. L’aide à domicile ne comprend pas l’assistance médicale, qui relève de la compétence de l’État.
Les communes sont chargées de fournir des services aux personnes handicapées et à celles qui ont besoin d’un soutien de longue durée (Lög um þjónustu við fólk með langvarandi stuðningsþarfir, n° 38/2018). Les personnes ont droit à un plan d’aide privé (article 12). Toutefois, il existe des zones grises concernant les personnes âgées handicapées et des litiges sont apparus entre l’État et les communes au sujet de la responsabilité des personnes handicapées et âgées.
La loi sur les services sociaux des communes (Lög um félagsþjónustu sveitarfélaga 40/1991) impose aux communes des obligations en matière d’aide économique aux personnes démunies, y compris l’accès à un logement abordable. Bien que le logement ne soit pas une fonction municipale importante en Islande, les communes sont tenues, en vertu de la loi n° 44/1998 relative au logement, de fournir des logements à loyer modéré aux personnes confrontées à de graves difficultés économiques ou atteintes d’un handicap.
L’intégration des réfugiés ne relève généralement pas de la responsabilité des autorités locales. Toutefois, dans le cas des réfugiés contingentés (réfugiés invités par l’État à s’installer en Islande), certaines autorités locales ont conclu un contrat avec l’État pour intégrer les réfugiés en question. Toutefois, cette mesure est volontaire et ne concerne pas toutes les communes. Par conséquent, la question des réfugiés concerne spécifiquement ce groupe de communes.
Les organes nationaux n’ont qu’une capacité très limitée à s’opposer aux plans d’occupation des sols des communes, cette capacité concernant principalement des questions de grande échelle telles que les centrales hydroélectriques et s’appuyant essentiellement sur des litiges liés à l’environnement. Les organes nationaux ne peuvent pas s’opposer aux plans d’occupation des sols des communes au motif qu’ils entrent en conflit avec des objectifs nationaux. Toutefois, ils peuvent suggérer qu’un plan municipal d’occupation des sols devrait être rejeté sur certaines bases techniques ; en pratique, cela signifie que la commune doit résoudre les problèmes posés par le plan et le soumettre à nouveau. Toutefois, l’État est de plus en plus vigilant et l’utilisation des sols par les communes fait de plus en plus l’objet d’un contrôle public approfondi.
Les transports publics ne sont pas une fonction obligatoire des communes ; cependant, en 2010, l’Agence nationale des routes a signé un contrat avec des associations régionales sur l’organisation et la fourniture de services publics d’autobus. Les associations régionales sont des associations facultatives créées par les communes et placées sous leur responsabilité exclusive. Le niveau local n’est cependant pas le seul à proposer des transports publics. En outre, en vertu de la loi sur les personnes handicapées, les communes sont tenues de fournir des services de transport aux personnes handicapées. Toutefois, en 2020, la plupart des associations régionales ont renoncé à leurs responsabilités en matière de transport public (hormis le transport des personnes handicapées), à deux exceptions près (l’association régionale de la grande zone urbaine de Reykjavík et celle de la partie orientale de l’Islande).
Parmi les responsabilités des communes, les secteurs de l’éducation, de la protection sociale, des loisirs et de la culture représentent plus de 70 % des dépenses totales des collectivités locales. Ce pourcentage souligne le rôle des communes islandaises en tant que pierre angulaire de l’action sociale.
Comme le souligne le Commentaire contemporain, aucune collectivité locale n’est en mesure de régler et gérer efficacement « une part importante des affaires publiques » dès lors qu’elle est trop petite et/ou ne dispose pas des ressources nécessaires à l’accomplissement de son mandat. En pareil cas en effet, la collectivité jouira d’un « droit » sur le plan juridique, mais n’aura pas la « capacité » réelle d’agir comme l’exige la Charte. Par conséquent, des fusions de communes/municipales peuvent s’avérer souhaitables (dans le respect des règles relatives à la modification des limites territoriales, voir l’article 5). Une autre possibilité consiste à recourir à la coopération intercommunale pour la fourniture de services communs (article 10.1, voir les commentaires correspondants du présent rapport).
En Islande, il existe des différences de taille considérables entre les communes (voir ci-dessous les commentaires relatifs à l’article 5), mais il convient de mentionner que certaines communes sont petites mais riches du fait qu’elles disposent d’installations de production d’énergie ou d’usines ou qu’elles ont un attrait touristique. En outre, la coopération intermunicipale est assez développée (voir ci-dessous les commentaires relatifs à l’article 10).
Compte tenu de ce qui précède, les rapporteurs concluent que la situation en Islande est conforme à ce paragraphe.